LA
MANNE
MYSTIQUE
DU DESERT,
OU
SERMONS
Prononcez en France dans les Déserts & dans
les Cavernes durant les ténébres de la nuit
& de l'affliction, les années
1689, 1690, 1691, 1692, & 1693.
PREMIERE PARTIE.
Par CLAUDE BROUSSON, autrefois
Avocat au Parlement de Toulouse, & maintenant
par la grace du Seigneur Ministre du S. Evangile.
.Ie suis comme un lion à Ephraïm,;
& comme un lionceau à la Maison de
Iuda : c'est moi, c'est moi, qui déchirerai,
& je m'en iraij'emporterai, &
il n'y aura personne qui m'ôte la proye
.Ie m'en irai, & je retournerai en mon
lieu, jusques à ce qu'ils se reconnoissent
coupables, & qu'ils cherchent ma face
MES FRERES BIEN-AIMEZ EN I. C. N. S.
troisiéme Chapitre de
l'Exode, que Moyse ayant
demandé à Dieu, qu'il lui
plût de lui faire voir sa gloire, Dieu
lui dit qu'il feroit passer toute sa Bonté
devant lui ; mais qu'il ne pouvoit pas
voir sa face : car, dit-il, l'homme ne
sauroit me voir, & vivre. Il lui dit
aussi ; Voici un lieu auprés de moi ;
tu t'arrêteras sur ce rocher : & quand
ma gloire passera, je te mettrai au trou
du rocher, & je te couvrirai de ma
main, jusques à ce que je sois passé.
Puis je retirerai ma main, & tu me
verras par derriére : mais ma face ne te
verra point. Lors donc que Dieu
passa devant Moyse ; Dieu cria ;
.
L'Eternel,
l'Eternel, le Dieu Fort, pitoyable,
misericordieux, tardif à la colére,
abondant en gratuité & en verité ;
gardant la gratuité en mille generations,
ôtant l'iniquité, le forfait &
le peché, & qui ne tient nullement le
coupable incoupable, punissant l'iniquité
des Peres sur les Enfans &
sur les Enfans des Enfans, jusques à la
troisiéme & quatriéme generation
Par-là Dieu voulut faire comprendre
à Moyse, qu'il est un Dieu invisible,
un Dieu qui ne sauroit étre vû
des yeux de la chair : mais qu'il se fait
connoitre par ses œuvres : que ce seroit
en Jesus Christ, le
, qu'il manifesteroit sa gloire ;
Rocher des
Siecles
.Ie suis comme un lion;
à Ephraïm, & comme un lionceau à
la Maison de Iuda. C'est moi, c'est
moi qui déchirerai, & je m'en irai
j'emporterai, & il n'y aura personne qui
m'ôte la proye. Ie m'en irai, & je retournerai
en mon lieu, jusques à ce
qu'ils se reconnoissent coupables, & qu'ils
cherchent ma face
Dans les paroles précédentes le Prophéte
parle des grands péchez, dont le
Peuple d'Israel & de Juda s'étoit rendu
coupable devant Dieu. Ce miserable
Peuple s'étoit corrompu dans
la prospérité, dont Dieu l'avoit fait
jouïr depuis qu'il l'eut délivré de la
Servitude d'Egypte, qu'il l'eut introduit
dans la Terre de Canaan, & qu'il
eut abaissé ses ennemis. Dieu lui avoit
envoyé ses Prophétes, pour l'exorter
à la repentance : mais il avoit toûjours
persevéré dans ses vices & dans
ses déréglemens. Dieu l'avoit souvent
châtié ; & pendant que ce miserable
Peuple avoit senti la main de
Dieu, il s'étoit humilié, il avoit baissé
la tête comme le jonc ; il avoit pleuré,
il avoit jeûné. Mais toutes les fois
que Dieu avoit retiré sa main, il étoit
incontinent retourné dans sa mauvaise
voye.
C'est pourquoi Dieu prédit maintenant
à ce miserable Peuple qu'il le détruira ;
& en effet il envoya contre
lui les Assyriens & les Babyloniens,
qui détruisirent entiérement les Royaumes
d'Israel & de Juda, qui brûlerent
le Temple, qui ruïnérent Jérusalem,
qui firent périr une infinité de ces pécheurs
impénitens & rebelles, & qui
disperserent les autres par toute la
Terre.
.
Ie suis,
comme un lion à Ephraïm, & comme
un lionceau à la Maison de Iuda.
C'est moi, c'est moi qui déchirerai, &
je m'en irai ;
Pécheurs, qui avez imité la corruption
de l'Israel selon la chair, & qui
comme lui avez été accablez des plus
terribles jugemens de Dieu, venez
apprendre ici quelle est la sevérité de
ce Grand Dieu contre les pécheurs
endurcis, & quel est le moyen de
l'appaiser, lors que sa colére est embrazée :
afin que retournans à lui de
tout vôtre cœur, il retourne à vous
en ses grandes misericordes, & qu'il
fasse luire sur vous la lumiére de sa
délivrance & de ses consolations.
Dans les paroles de nôtre Texte,
avec l'assistance du Saint Esprit,
que nous avons implorée, & que
nous implorons encore de tout nôtre
cœur, nous verrons I. le terrible
Jugement, dont Dieu menace ici son
Peuple rebelle, & qui est exprimé
en ces termes ;
. Et II. Nous verrons, s'il
Ie suis comme un
lion à Ephraïm, & comme un lionceau
à la Maison de Iuda. C'est
moi, c'est moi qui déchirerai ; & je
m'en irai ; j'emporterai, & il n'y aura
personne qui m'ôte la proye. Ie
.jusques à ce,dit-il, qu'ils se
reconnoissent coupables, & qu'ils cherchent
ma face
Dieu veüille, mes chers Fréres,
que nous méditions soigneusement ces
paroles, afin que nous en tirions les
fruits, que l'Esprit de Dieu nous y
présente, pour nôtre conversion & nôtre
consolation.
.
Ie suis, comme
un lion à Ephraim, & comme un
lionceau à la Maison de Iuda. C'est moi,
c'est moi qui déchirerai, & je m'en irai ;
j'emporterai, & il n'y aura personne
qui m'ôte la proye. Ie m'en irai, &
je retournerai en mon lieu
Par Ephraim, l'Esprit de Dieu entend
ici tout le Royaume d'Israel,
qui étoit composé de dix Tribus.
Mais parce que celle d'Ephraïm en
étoit la principale, & que d'ailleurs
ce même Royaume avoit été fondé
par Iéroboam, qui étoit de la Tribu
d'Ephraïm ; tout le Royaume d'Israel
est souvent nommé Ephraïm.
Par Iuda, il faut aussi entendre
tout le Royaume de Juda qui étoit
composé des deux Tribus de Juda & de
Benjamin. Mais parce que celle de
Juda étoit la plus considérable, &
que d'ailleurs le Royaume étoit entre
les mains des Descendans de David,
qui étoit de la Tribu de Juda ;
tout le Royaume porte aussi le nom
de Juda.
De sorte que par Ephraïm & par
Juda il faut ici entendre toute la postérité
d'Abraham, laquelle avoit oublié
la Loi de son Dieu, & avoit suivi
les déréglemens & l'idolatrie des
Gentils. C'est pourquoi Dieu prédit
ici à ce Peuple corrompu, qu'il
l'accablera de ses jugemens.
.
Ie suis,
comme un lion à Ephraim ; &
comme un lionceau à la maison de Iuda
Mais quelle terrible parole ? Dieu est
comme un lion
&
comme un lionceau
à son Peuple, pour le mettre en piéces !
Où est donc cét amour immense,
que l'Ecriture nous dit que Dieu a
pour tous ses Enfans ;
.
De telle compassion,
Pseaume 103.qu'un Pere est émû envers
ses Enfans, de telle compassion
. Ecoutez,Quand mon Pere & ma,
Mere m'auroient abandonnédit ce
Saint Homme dans le Pseaume 27.
l'Eternel me recueillira
.Mais Sion,dit-il,
a dit;l'Eternel m'a abandonné, & le;
Seigneur m'a oubliée. La femme peut-
elle oublier son enfant qu'elle allaitede?
sorte qu'elle n'ait pas pitié du fils de son
ventreOr quand même les femmes les
auroient oubliez, encore ne t'oublierai-
je pas, moi
.Dans toute leur angoisse,nous dit encore l'Esprit de Dieu au
Chap. 63. des mêmes Révélations,il;
a été dans l'angoisse, & l'Ange de sa
face les a delivrez. Lui-même les a rachettez
par son amour & par sa grace
& il les a portez & les a élevez en tout
tems
. Aussi nous voyons dansQui vous touche,nous dit ce
bon Dieu dans le Chap. 2. des Révélations
de Zacharie,touche la prunelle
de mon œil
Saul, Saul,
pourquoi me persecutes-tu
D'où vient donc que Dieu se représente
ici comme un lion & comme
un jeune lion, qui ne songe qu'à déchirer
.Que vôtre lumiere,nous dit Jesus Christ dans son
Evangile,luise devant les hommes, afin
que les hommes voyans vos bonnes œuvres,
donnent gloire à vôtre Pere qui
est aux Cieux
C'est pourquoi, lors qu'au lieu de
glorifier nôtre Dieu par nos pensées,
par nos paroles, & par toutes nos actions,
nous venons à violer ses Commandemens,
& à le des-honorer, en
faisant paroitre par nôtre mauvaise conduite,
que nous n'avons pas sa crainte
& son amour ; sa colére s'emflamme
contre nous, à cause de nôtre rebellion
& de nôtre ingratitude.
Alors plus sont grandes les graces
que nous avons receu de sa bonté, plus
sont sévéres les châtimens qu'il nous
fait soufrir. C'est pour cela que dans
l'Evangile Jesus Christ nous dit que
le Serviteur, qui aura connu la volonté
du Maître, & qui ne l'aura pas faite,
sera puni plus sévérement que celui
qui ne l'aura pas connuë. C'est pour
cela que dans la 1. Epitre de Saint
Pierre Chap. 4. ce Saint Apôtre nous
dit que
le jugement commence par la
Maison de Dieu
,Passez par le milieu de la
Ville, & frappez ; que vôtre œil n'épargne
personne, & n'en ayez point de pitié.
Tuez entierement les vieillards, les jeunes
gens, les vierges, les petits enfans,
& les femmes ; mais n'approchez d'aucun
de ceux sur lesquels sera la lettre
Thau : & commencez par mon Sanctuaire
.Mal-heur sur toi,,
Corazindit aussi Jesus Christ dans le
Chap. 11 de Saint Matthieu ;malheur;
sur toi, Bethsaïdacar si les vertus
qui ont été faites au milieu de
vous, eussent été faites à Tyr & à Sidon,
elles se fussent depuis long-tems repenties
avec le sac & la cendre. C'est pourquoi
je vous dis que Tyr & Sidon seront plus
tolerablement traitées au jour du jugement
que vous. Et toi, Capernaüm,
qui as été élevée jusques au Ciel, tu seras
abaißée jusqu'à l'Enfer : car si les vertus
qui ont été faites au milieu de toi, eussent
été faites à Sodome, elle fut demeurée
jusqu'à ce jourd'hui. C'est pourquoije
je vous dis que ceux de Sodome seront
plus tolerablement traitez au jour du jugement
que toi
Dieu attend long-tems les pécheurs
à la repentance ; mais lors que sa patience
s'est épuisée, plus elle a été
longue, plus sont terribles les fleaux,
dont il accable les impénitens.
.
O
homme,
Alors Dieu n'est plus un Dieu de
misericorde pour les pécheurs endurcis ;
mais un feu consumant pour les
dévorer. Alors c'est une chose
terrible que de tomber entre ses mains.
Alors toutes ses bénédictions se changent
en malédictions. Alors il verse
sur les pécheurs toutes les phioles de
sa colére.
C'est moi, c'est
moi qui déchirerai
? C'étoit pour cela queQui est celui,dit le Prophéte
Jerémie dans le Chapitre 3. de
ses Lamentations ;qui dit que cela a
été fait, & que le Seigneur ne l'a pas
commandé ? Les maux & les biens ne
procedent-ils pas du mandement du
Trés-haut
. JobSon,
courrouxdit-il, m'a déchiré;il s'est;
declaré mon ennemi, il grince les dents
sur moi& êtant devenu mon ennemi,
il étincelle des yeux contre moi
.
Ie m'en irai, ajoûte ce Grand Dieu,
& je retournerai en mon lieu
Dieu,
mes chers Fréres, remplit les Cieux
& la Terre ; c'est pourquoi il ne va pas
d'un lieu à un autre ; car il est par tout.
Mais l'Ecriture dit qu'il s'en va, lors
qu'il abandonne les pécheurs à leurs
propres ténébres, à leur propre corruption,
& à leur propre foiblesse ;
lors qu'il les livre entre les mains de
leurs ennemis, & qu'il les prive de ses
Graces & de son secours.
Dieu est nôtre Soleil ; dés qu'il s'éloigne
de nous, nous tombons dans
les ténébres. Il est la source de tous
les biens ; dés qu'il s'éloigne de nous,
nous tombons dans un abîme de maux.
Il est nôtre Consolateur ; dés qu'il s'éloigne
de nous, nous nous trouvons
dans une afliction extréme. Il est nôtre
force, nôtre Défenseur & nôtre Libérateur ;
dés qu'il s'éloigne de nous,
nous sommes accablez par nos ennemis.
Il est nôtre vie ; dés qu'il s'éloigne
de nous, nous tombons dans
la mort spirituelle, qui est suivie de
la mort & de la malédiction éternelle,
à l'égard de ceux qui perseverent
dans leurs péchez. Voilà, mes chers
Fréres, ce que c'est que ce funeste
éloignement de nôtre Dieu.
Nous lisons dans le Livre des Nombres
Chap. 14. qu'aprés que les Israélites
eurent long-tems irrité ce Grand
Dieu par leur incredulité & par leurs
rebellions, Dieu se retira du milieu
d'eux. Alors ils voulurent aller combattre
leurs ennemis : Mais Moyse leur
dit ;
. Ils ne laissérent pourtant
N'y montez point, car l'Eternel
n'est point au milieu de vous ;
Nous voyons encore dans le premier
Livre de Samuel Chap. 16. qu'aprés
que le Roi Saul eut plusieurs fois
violé les Commandemens de l'Eternel,
l'Eternel l'abandonna ; & qu'alors le
Malin Esprit le saisit de la part de l'Eternel,
& remplit son cœur de trouble
& d'amertume.
Nous lisons aussi dans les Révélations
du Prophéte Ezéchiel Chap. 10.
& 11. que lors que Dieu voulut faire
détruire Jérusalem par les Caldéens, à
cause de la corruption où elle étoit
tombée,
.
Alors ce Grand
la Gloire de l'Eternel sortit du
Temple & de la Ville
Enfin nous lisons dans l'Histoire
Ecclésiastique, que lors que Dieu voulut
de nouveau faire détruire Iérusalem
par les Romains, à cause qu'elle
avoit crucifié le Seigneur de gloire,
& qu'elle avoit long-tems perseveré
dans son péché ; on entendit dans le
Temple une voix, qui cria ;
. Ce fut alors encore que ce
Sortons
d'ici
.Voici,leur avoit-il dit, vôtre Maison
s'en va vous être laißée déserte
. Mais qu'emporte-t-il,
me direz-
I'emporterai,
Dieu,& il n'y aura personne qui m'ôte
la proye
?S'il ravit,dit Job dans le Chap. 9 du Livre de
sa Patience,qui le lui fera rendre?
Qui est-ce qui lui dira;Que fais-tu
Ha ! que la condition d'un Peuple
est mal-heureuse, lors que Dieu le prive
ainsi de ses graces & de son secours !
L'Eglise d'Israel se trouvoit en ce déplorable
état, lors qu'elle disoit dans
les Lamentations du Prophéte Jerémie :
.
Vous tous passans, contemplez, & voyez
s'il y a douleur comme ma douleur, qui
m'a êté faite, à moi que l'Eternel a
renduë dolente au jour de l'ardeur de
sa colere. Il a envoyé d'enhaut au dedans
de mes os le feu, qui les a tous
gagnez. Il a étendu le filé devant mes
piez, & il m'a renversée en arriere.
Il m'a rendüe désolée & languissante
tout le long du jour. C'est pour cela
que je pleure ;
Mais enfin jusques à quand Dieu
afflige-t-il ainsi son Peuple ? C'est,
mes chers Fréres, jusques à ce que son
Peuple se convertisse.
,
Ie suis,
comme un lion à Ephraim, & comme
un lionceau à la Maison de Iuda. C'est
moi, c'est moi qui déchirerai, & je
, comme dit le ProphéteIl n'y
a point de paix pour les méchans, a dit
mon Dieu
C'est ce que Jesus Christ veut
nous enseigner dans la Similitude de
l'Enfant prodigue, dont il est parlé
dans Saint Luc Chap. 15. Cét Enfant
rebelle avoit receu sa portion des
biens de son Pére : aprés quoi il s'étoit
éloigné de lui, & pendant cét
éloignement il étoit tombé dans une
misére & dans une affliction extréme.
Il souhaittoit de remplir son
ventre des racines que les pourceaux
mangeoient ; mais personne ne lui en
donnoit. Alors revenant à soi-même,
il dit ; Combien y a-t-il dans la
maison de mon Pére de mercenaires,
qui ont du pain en abondance ; &
moi, je meurs de faim ? Je me leverai,
je m'en irai vers mon Pére, &
je lui dirai ; Mon Pére, j'ai péché
contre le Ciel & devant toi ; & je ne
suis pas digne d'être appellé ton fils.
Fai-moi comme à l'un de tes mercenaires.
Il partit donc, & vint
vers son Pére. Or comme il étoit
encore loin, son Pére le vit, & fut émû
de compassion ; de sorte qu'il courut,
& se jettant sur son cou, il le baisa.
Mais son fils lui dit ; Mon Pére,
j'ai péché contre le Ciel & devant toi,
& je ne suis pas digne d'être appellé
ton fils. Alors son Pére le vêtit de
précieux vêtemens, & fit un grand
festin pour témoigner la joye qu'il recevoit
d'avoir recouvré cét Enfant,
qui étoit perdu.
Lors que par nos péchez nous nous
éloignons de nôtre Pére Céleste, &
que nous dissipons les biens spirituels,
dont il nous avoit comblez ; nôtre ame
tombe dans la faim spirituelle,
dans la misére & dans la désolation.
Mais alors si nous renonçons à nous-
mêmes, si nous retournons à nôtre
Dieu, si nous nous humilions sous ses
yeux, si nous gémissons en sa présence,
& que nous implorons sa Miséricorde
& sa Grace ; ce bon Dieu se
laisse toucher à nôtre misere, à nos
pleurs & à nos gémissemens. Il nous
reçoit entre les bras de ses miséricordes,
il nous baise d'un baiser de son
amour, il nous revêt des habits mystiques
de nôtre Sauveur, c'est à-dire,
de sa justice & de son innocence, & il
nous remplit des Graces & des consolations
de son Esprit.
. C'est
Ie suis Vivant, dit ce Grand Dieu
dans le Chap. 33. d'Ezéchiel, que je
ne prens pas plaisir à la mort du pécheur ;
.Ie t'ai fait connoitre:
mon peché, & je n'ai point caché
mon iniquité. I'ai dit, ie ferai
confession de mes transgressions à l'Eternel
& tu as ôté la peine de mon peché.;
C'est pourquoi tout bien aimé de
toi te suppliera au tems qu'on te trouve
de sorte que dans un deluge de
grosses eaux, elles ne parviendront point
à lui
.Celui qui cache ses transgressions,dit le Sage dans le Chapitre 28.
des Proverbes,ne prosperera point;
mais celui qui les confesse & les delaisse,
obtiendra misericorde
Il ne suffit pas que nous confessions
à Dieu nos péchez, si nous n'y renonçons
entiérement. Il ne suffit pas que
ayons de la douleur d'avoir offensé
Dieu, si nous continuons encore à
l'offenser. Il n'y a point de reprouvé,
qui faisant réfléxion sur les peines éternelles
que Dieu lui prépare, qui n'en
soit épouvanté & affligé. Les Démons
mêmes, considérant qu'il y a un Dieu,
& que ce Dieu Grand & Terrible leur
prépare des supplices éternels ; en ont
de l'horreur & en tremblent. Mais
cela ne leur sert de rien. La Grace
& la Miséricorde de Dieu n'est pas
pour ceux qui perséverent dans leurs
péchez, mais pour ceux qui se corrigent
de leurs défauts, qui se défont
de leurs mauvaises habitudes, qui deviennent
de nouvelles créatures, &
qui desormais glorifient Dieu par toutes
leurs œuvres, par toutes leurs paroles,
& par toutes leurs pensées.
.
Ie
suis,
Ce que nous venons de dire suffit
pour l'intelligence de ces paroles.
Maintenant il faut que nous appliquions
à nôtre usage les choses que
vous venez d'entendre.
Nous voyons ici dans le mal-heur
de l'Eglise d'Israel & de Juda, une
image de nôtre condition. Nous avons
imité la corruption de cét ancien
Peuple ; & Dieu nous a punis
comme lui. Dieu nous avoit délivrez
de la tyrannie du Pharaon mystique,
qui est le Diable. Il nous avoit fait
sortir des ténébres de l'Eglise Anti-
chrétienne, qui est la nouvelle Egypte.
Il nous avoit choisi pour son Peuple.
Il nous avoit donné la connoissance
de sa Vérité, pendant qu'il avoit
laissé dans l'erreur & l'égarement une
infinité d'autres personnes qui n'étoient
pas plus indignes que nous de ses graces.
Il nous avoit même fait naître
dans un Païs abondant en lait & en
miel, comme la Terre de Canaan. Il
nous y avoit protégez, il nous y avoit
fait joüir d'un long repos & d'une
grande prospérité.
Il ne nous avoit accordé tant de
bienfaits, qu'afin d'étre glorifié par
nous,
.
Vous êtes,
dans sa premiére Epitre Catholique,
Chap. 2.la Genération élüe, la Sacrificature
Royale, la Nation Sainte, le
Peuple acquis ;
Nous étions la Nation hypocrite
dont parle l'Esprit de Dieu dans le
Chapitre 10. d'Esaïe, & contre laquelle
Dieu a envoyé l'Assur mystique.
.
Mal-heur, sur Assur,
verge de ma colére, quoi que le bâton
qui est en leur main, soit mon indignation.
Ie l'envoyerai contre la Nation
hypocrite, & je le dépecherai
contre le Peuple, sur lequel je veux déployer
ma fureur ;
Dieu n'avoit rien oublié pour nous
ramener de nôtre égarement. Mais
nous avions toûjours rejetté les exhortations,
qui nous étoient faites de
sa part. Il nous avoit souvent châtiez :
mais nous n'avions pas profité
de ses châtimens. C'est pourquoi sa
patience s'est enfin changée en fureur.
Il nous a déchirez ; il nous a mis en
piéces ; il s'en est allé ; il nous a abandonnez.
Il a privé son Peuple
de sa Parole, de son Esprit, de ses
bénédictions, de ses consolations, de
son Chandelier, & de son secours. Il
nous a livrez à la merci de nos ennemis,
qui nous accablent de maux,
qui nous soulent d'amertume, qui
disposent comme bon leur semble,
& de nos biens, & de nos Enfans,
& de nos vies. Maintenant nous
crions vers nôtre Dieu ; mais il ne
nous répond point. Nous le cherchons
de bon matin ; mais nous ne
le trouvons point.
Quoi donc ; n'y a-t-il plus de baume
en Galaad ? Les Miséricordes de
nôtre Dieu sont-elles défaillies ? A-t-
il oublié d'avoir pitié ? A-t-il resserré
pour jamais ses compassions ? Ha !
mes chers Fréres, ce sont nos péchez
qui ont fait la séparation entre nous
& nôtre Dieu. C'est pourquoi il faut
que nous nous reconnoissions coupables,
& que nous cherchions sa face.
Il faut que chacun de nous se détourne
de sa mauvaise voye, que nous
nous humilions sous les yeux de nôtre
Dieu, & que nous implorions sa
Miséricorde, si nous voulons qu'il ait
pitié de nous. Il faut que nous renoncions
à tous nos péchez, que nous
réformions nos moeurs, comme nous
avons reformé nôtre Doctrine ; autrement
il achevera de nous détruire,
comme un Peuple profane, hypocrite,
infidéle,
, & par ses paroles. Il faut
qui fait profession de
le connoitre, mais qui le renie par ses
œuvres
C'est vôtre infidélité, qui a rompu
l'Alliance que vous aviez avec vôtre
Dieu. Il faut donc que vous retourniez
à lui, que vous vous abattiez
au pié de son trône, que vous lui témoigniez
l'horreur que vous avez pour
tous vos péchez, & principalement
pour vôtre revolte détestable. Il faut
que vous ayez tout vôtre recours à
sa grace ; que vous lui demandiez
qu'il lui plaise de vous laver dans le
précieux Sang de vôtre Sauveur, &
de vous revêtir de sa justice & de son
innocence ; que vous lui promettiez
de lui étre désormais fidéles jusqu'au
dernier moment de vôtre vie ; & que
vous imploriez continuellement le secours
de son Saint Esprit, afin que
vous puissiez combattre le bon combat,
garder la foi, achever vôtre course,
& obtenir la couronne de justice,
qu'il prépare dans le Ciel à tous ceux
qui lui auront été fidéles, & qui auront
persevéré jusqu'à la fin.
.
Maintenant
donc,
.Que le méchant,
delaisse son train, & l'homme outrageux
ses penséesvous dit-il encore dans
le Chap. 55. d'Esaye,& qu'il retourne;
à l'Eternel, & il aura pitié de lui
& à nôtre Dieu, car il pardonne tant
& plus
.Venez,dit le Prophéte Osée
aprés les paroles de nôtre Texte,
& retournons à l'Eternel:car c'est lui;
qui a déchirémais il nous medecinera:
Il nous a frapez, mais il nous
bandera nos playes. Il nous aura remis
en vie dans deux jours, & au troisieme
jour il nous aura rétablis, & nous
vivrons en sa presence
.
Mon Peuple,
Grand Dieu dans le Chap. 6. de Michée,
Que t'ai-je fait ? En quoi t'ai-
je travaillé ? Répon-moi
, c'est-à-dire,O si mon,
Peuple m'eût écouténous dit-il dans
le Pseaume 81.si Israel eût marchédans
dans mes voyes!I'eusse en un moment
abattu leurs ennemis, & j'eusse tourné
ma main contre leurs adversaires. Ie
l'eusse repû,dit-il, de la moüele du,
froment& je l'eusse rassasié du miel
qui découle de la roche
Ha ! chére Eglise du Seigneur, que
ta désolation est grande & lamentable !
Retourne à l'Eternel ton Dieu, & il
aura pitié de toi. Il t'a frapée en sa
colére à cause de tes péchez ; mais
ses entrailles s'émeuvent au dedans de
lui. Il te tend maintenant les bras
pour te recevoir à merci. Ecoute,
Eglise désolée, en quels termes l'Esprit
de Dieu te parle dans le Chap. 54.
des Révelations d'Esaye :
L'Eternel,
t'a appellée comme une femme
delaissée & travaillée d'esprit ;
Venez donc, pauvres pécheurs, enfans
prodigues, qui reconnoissez vôtre
égarement ; retournez à vôtre Pére
céleste. Vous avez dissipé les biens
spirituels que vous aviez reçû de sa
bonté ; vous étes tombez dans la faim
spirituelle, dans la misere, & dans l'affliction.
Humiliez-vous profondément
en la présence de vôtre Dieu.
Que chacun de vous lui dise ; Mon
Pére, j'ay péché contre le Ciel & devant
toi, & je ne suis plus digne d'étre
appellé ton Enfant : fai-moi comme
à l'un de tes mercenaires. Venez,
mes chers Fréres, retournons
tous à l'Eternel nôtre Dieu ; car nous
avons tous péché contre lui. Renouvellons
l'Alliance avec ce Grand
Dieu : promettons-lui solennellement
que nous serons son Peuple, que nous
lui serons fidéles, que nous aurons
toûjours sa crainte devant nos yeux,
que nous obéïrons toüjours à ses saints
Commandemens, & que nous le glorifierons
par toute nôtre conduite.
Alors ce Grand Dieu aura compassion
de nous. Il nous tiendra chers
comme la prunelle de l'œil. Il nous
délivrera de cette dure Servitude, dans
laquelle nous gémissons depuis si longtems.
Il nous mettra dans un état renommé
sur la Terre ; il nous fera voir
des jours de paix, de repos, & de
prospérité ; il nous comblera de ses
graces & de ses bénédictions ; & un
jour il nous rendra participans de la
gloire & de la félicité Céleste. Ce
bon Dieu nous en fasse la grace. Or
à ce Grand Dieu Pére, Fils & Saint
Esprit, un seul Dieu béni éternellement,
soit honneur & gloire aux Siécles
des Siécles ; Amen.
Prononcé en divers lieux, les 10.
Février,
7. & 30. Mars, 11. & 19. May, 1. Aoust,
17. Septembre, & 8. Octobre
1690.