LE SECOND
sermon.
Du dimanche quatriesme iour
de Nouembre, 1554 apres
midy.
Car il y a vn Dieu, & vn Moyenneur
de Dieu, & des hommes
assauoir Iesus Christ homme,
qui s'est donné soy-mesme rançon
pour tous : dont le tesmoignage
en fut en son temps, &c.
COmme nous auons veu
ce matin, au moins nous
auons entamé ce propos,
le Fils de Dieu n'est
pas auiour-d'huy tellement
Moyẽneur pour nous faire trouuer
grace deuant Dieu son Pere, que
ce tiltre & dignité ne luy soit tousiours
reseruée, c'est assauoir, qu'il a espãdu
son sang pour nous. Car nous ne deuõs
point separer ces deux choses, selon
qu'il a esté desia traitté. Et mesme, les
Payens ont bien cogneu cela, comme
tastonnãt en tenebres, quand ils ont offert
leurs sacrifices, en voulant obtenir
grace de Dieu. Mais ce que ces poures
aueugles ont fait sans sauoir pour
quoy, Dieu l'a monstré aux Iuifs auec
certain iugement. C'est en la figure
qui leur en a esté donnée du temps de
la Loy. Car le grand sacrificateur ne
pouuoit approcher de Dieu, sinon ayant
fait sacrifice solennel. Ainsi donc
notons bien que nostre Seigneur Iesus
intercede maintenant pour nous,
d'autant qu'vne fois il nous a reconciliez
à Dieu, en payant toutes noz detez.
Car ce-pendant que nous sommes
redeuables à Dieu, nous ne pouuons
nullement nous tenir deuant luy. Et il
n'est point question d'or ou d'argent :
nous sommes coulpables de la mort :
l'ire & la malediction de Dieu est sur
noz testes. Ainsi donc, il faut que nous
soyons acquitez de noz iniquitez, ou
iamais nous ne pourrons ouurir la bouche
pour prier Dieu. Or cela a esté fait
en la mort & passion de nostre Seigneur
Iesus Christ. Saĩct Paul dõc nous
voulant confermer en ceste doctrine,
que nous auons vn Aduocat qui nous
donne vn accez facile & priué à Dieu,
dit, Que cestuy-la mesme s'est donné en
rançon. Enquoy il signifie, que maintenant
nous ne sommes plus coulpables
deuãt Dieu à cause de noz pechez :
non pas que Dieu à bon droit ne nous
puisse reiecter : mais par sa pure misericorde
& gratuite il accepte le payemẽt
qui en a esté fait en la personne de son
Fils. Voila donc ce que nous auons à
retenir en ce passage. Et ainsi, toutesfois
& quantes que les fideles se disposent
à prier Dieu, qu'il cognoissent
qu'il faut que leurs oraisons soyent sanctifiées,
& consacrées par le sang de nostre
Seigneur Iesus Christ : il ne faut
point icy d'asperges d'eaue benite
papale : mais il faut que le prix, duquel
[par]
parle sainct Paul, responde : & qu'il satisface
pour nous deuant Dieu. Ayans
cela, nous sommes tous asseurez & resoluz,
sachãs bien que Dieu ne reiettera
point ce sacrifice qu'il a declairé luy
estre agreable, & par lequel il s'est reconcilié
auec nous, & appointé, voire à
perpetuité. Mais si nous ne sommes
fondez en la mort & passion de nostre
Seigneur Iesus Christ, en priant il
faut que nous soyons en doute & en
perplexité. Et par ainsi, toutes noz oraisons
serõt friuoles & inutiles, comme
l'Escriture aussi le mõstre : Que si nous
ne prions en foy & certitude, iamais
nous ne profiterons rien. Et en cela
voit on cõme les Papistes sont miserables,
lesquels ne se peuuẽt tenir à ceste
doctrine qui est tant claire, & tant infalible :
& cependant ils extrauaguent
en leurs imaginatiõs. Et quand ils ont
bien traquassé, au lieu d'approcher de
Dieu, ils en reculent tousiours. Et pour
quoy ? Car quand ils prient, & qu'ils s'auancent
ainsi à leur poste, quelle certitude
ont ils que Dieu receura cela,
quand ils viennent à l'inuoquer. Qui y
a il sinon vne vaine presomption qu'ils
ont conceuë, de se faire accroire ce
que Dieu ne leur a iamais promis ? il
faut donc qu'ils soyent tousiours en
brãsle. Et au reste, quand ils priuent Iesus
Christ de l'honneur & dignité sacerdotale
qui luy a esté donnée de
Dieu son Pere, cõment pourroyent ils
rien obtenir auec tels sacrileges ? c'est
despiter pleinement Dieu. Or s'ils disent,
que leur intention n'est pas telle,
d'attribuer à leurs saincts qu'ils ont forgez,
ce qui appartient au Fils de Dieu :
si est ce qu'ils le font : Car puis qu'ils
attribuent la louange de Iesus Christ,
à ceux qu'ils appellent leurs aduocats,
il faut quant & quant que la sacrificature
leur appartienne, tellement
qu'ils soyent appellez redempteurs
du monde. Or donc voila comme
les Papistes se ferment du tout la
porte quand ils viennent par circuiz
à Dieu, & ne peuuent tenir le chemin
qui nous est icy monstré. Finalement
leur souuient il iamais de la mort &
[pas]
passion de Iesus Christ, quand il est
question de se presenter deuant la face
de Dieu ? sans cela (comme i'ay dit)
toutes noz oraisons sont pollues. Il n'y
a autre moyen de sanctifier noz prieres,
& les faire trouuer bonnes, ou leur
donner fermeté deuant Dieu, sinon
qu'elles soyent arrousées du sang de
Iesus Christ. Or de nostre coté, prisons
ce bien inestimable que Dieu nous a
fait, quand il nous a declairé quelle est
la façon de prier pour estre exaucez, &
pour impetrer noz requestes. Voila
donc quant à ce mot que sainct Paul
touche icy, que Iesus Christ s'est donné
pour nous en rançon. Au reste, notons
bien qu'en attribuant cela à nostre
Seigneur Iesus Christ, il met bas
tout ce que les hommes peuuent presumer
de leurs satisfactiõs, qu'on appelle.
Et c'est encores vn point bien notable :
pource que de tout temps le mõde
s'est abusé à des menuz fattras pour
appaiser Dieu, comme si on vouloit
appaiser la colere d'vn petit enfant
auec quelques hochetes. Voila les Payens
qui ont biẽ cogneu qu'ils ne pouuoyent
pas inuoquer Dieu, sinon qu'ils
eussent quelque moyenneur, ainsi qu'il
en a esté touché ce matin. Là dessus
qu'ont-ils fait ? Outre leurs intercesseurs,
ils ont imaginé mille moyens,
pour trouuer grace deuant Dieu, comme
les Papistes les ont ensuiuy : c'est
qu'ils se sont lauez & purifiez : qui n'a
esté qu'vne singerie de ce que Dieu auoit
ordõné aux peres. Non pas les voulant
amuser en ces elemens corruptibles :
mais pour les attirer plus haut,
assauoir à Iesus Christ. Quand on venoit
au temple de Ierusalem, il y auoit
à l'entrée l'eauë toute preste, afin qu'vn
chacun se purifiast pour approcher de
la maiesté de Dieu. Et les hommes par
cela cognoissoyẽt qu'ils estoyẽt pleins
d'ordures & d'infections : mais ce n'estoit
assez de cognoistre cela : il
faut aussi auoir le remede : & ce remede
n'estoit pas en l'eau, qui est vn element
corruptible, ainsi que nous sauons :
mais c'estoit desia vne figure du
sang de Iesus Christ. Or donc maintenant
[nant]
cognoissons qu'il faut que Iesus
Christ se mette auec le prix de sa mort
& passion pour nous appoincter auec
Dieu son Pere, & que par ce moyen
noz pechez soyent aboliz, & qu'ils
ne viennent point en conte. Il ne
faut plus nous abuser comme si nous
pouuions acquerir grace deuant Dieu
par quelque ceremonie ou quelque
fanfare : mais il n'y a que ceste rançon
dont parle icy sainct Paul, qui nous
monstre que nous sommes tous redeuables
à Dieu : & que cependant que
nous n'apportons point le prix pour
nous acquiter, qu'il faut qu'il nous reiecte,
qu'il nous maudise : bref, qu'il
nous ait comme execrables : mais pour
l'appoincter, que nous auons le sang
de Iesus Christ, & le sacrifice qu'il a offert
pour nous de son corps & de son
ame. Voila où git toute nostre fiance,
voila comme nous sommes asseurez
que noz pechez sont enseueliz, & qu'il
n'est plus question de conter auec
Dieu, d'autant que nous sommes absouz
par ce moyẽ. Quant aux Papistes,
il est vray qu'ils confesseront bien en
partie que nostre remission nous est
donnée par le sang de Iesus Christ :
mais ils restreignent cela en sorte,
que c'est pleinement se moquer de la
grace qui nous a esté acquise. Et comment ?
Car voila la doctrine papalle,
c'est qu'au baptesme le peché originel
nous est remis. Et quãd il y auroit quelque
Iuif ou Payen baptisé en l'aage
de vingt ans, ou trente, ou quarãte ans,
que là les offenses qu'il auroit cõmises
en sa vie, luy seroyent pardõnées. Mais
despuis que nous sõmes baptisez, quãd
nous aurons failly, nous ne deuons pas
penser d'obtenir grace & pardon, si ce
n'est en apportant quelque recompense.
Vray est, qu'ils n'osent pas nier que
Dieu n'vse tousiours de misericorde,
& que nous n'ayons besoing aussi qu'il
nous tende la main, & que Iesus Christ
ne besoigne en cest endroit : mais tant
y a, qu'ils disent qu'il nous faut satisfaire
quant & quant de nostre costé à Dieu
pour noz pechez : & que nous ne pouuons
pas l'auoir propice, si ce n'est que
[nous]
nous satisfaisions : & quãd nous aurons
failly en cecy & en cela, qu'l y ait quelque
eschange. Or pource que nous ne
pouuõs pas satisfaire à Dieu de ce que
desia no9 luy deuõs, cõme vn hõme qui
deura cent escuz à quelqu'vn, & luy deura
d'autre costé cẽt florĩs en payãt les
cẽt florĩs, ce n'est pas à dire qu'il ne soit
tousiours obligé à la principale somme.
Ainsi les Papistes voyans qu'ils ne peuuent
satisfaire à Dieu en faisant tout ce
qu'il a commandé, ils inuentent vne
satisfaction nouuelle, disant que nous
pouuons faire du superabondant : &
combien que Dieu soit corroucé contre
nous à cause de noz pechez, que
nous auons les moyens de l'appaiser,
en luy apportant telle recõpense, comme
sont les œuures de supererogation
qu'ils appellent : mais d'autant qu'auec
tout cela les Papistes sont encores contraincts
de confesser que nous ne pouuons
pas venir à bout de recompenser
Dieu en tout & par tout, & qu'il est impossible
aux hõmes d'entrer en payement
auec luy, il y a vn autre suppléement
qu'ils adioustent, c'est assauoir le
sang des martyrs, & puis les clefs de
l'Eglise, la puissance qui est donnée
aux prestres, en ce qu'il leur semblera
bon d'imposer en leurs confesses. Voila
donc comme les Papistes deschirent
le prix & rançon que nostre Seigneur
Iesus a payé pour nous en sa mort, c'est
que nous sommes acquitez par icelle
du peché originel. Mais pource que de
nostre costé, apres le baptesme nous
sommes redeuables à Dieu, sinon que
trouuions façon de nous acquiter par
recompense, ils mettent en auant leurs
satisfactions, & ce qu'ils appellent œuures
de supererogation. Et au reste, s'il
y a encores quelque defaut, il y a le
sang des martyrs & les clefs de l'Eglise
qui suppléẽt. Voila des blasphemes
horribles qui sont pour deschirer Iesus
Christ par pieces, entant qu'en eux
est. Or sainct Paul parle-il icy d'vne rançon
qui serue aux petiz enfans tant seulement,
& à ceux qui ne sont point encores
baptisez ? mais au contraire, il
comprend icy toutes les fautes par lesquelles
[quelles]
nous sommes coulpables deuant
Dieu. Car il est question de prier,
& d'auoir telle entrée, & telle ouuerture
à Dieu, que nous le trouuions propice.
Sainct Paul dit que cela est d'autant
que nous auõs vn Aduocat. Et en quelle
vertu est ce que Iesus Christ intercede
pour nous ? d'autant qu'il est nostre
rançon (dit il) c'est à dire, le prix qui
estoit deu pour noz fautes, pource que
cependant que nous sommes redeuables
à Dieu, la porte nous est close, tellement
que nous ne pouuons pas venir
pour le prier. Or n'auons nous pas
besoing de le prier tout le temps de nostre
vie ? Il s'ensuit donc que la rançon
dont parle icy sainct Paul, s'estend à
toutes noz offenses, & que de iour en
en iour il nous faut recourir là, & y auoir
toute nostre fiance. Et ce n'est
point seulement en ce passage que
l'Escriture saincte nous renuoye à la
mort de nostre Seigneur Iesus Christ,
& à l'effusion de son sang pour estre
absouz de noz fautes : mais par tout il
nous est monstré, que s'il estoit question
que les hõmes s'acquitassent auec
Dieu, q̃ rien ne se trouuera en eux qui
soit digne d'vne telle reconciliation,
ne qui en approche. Apprenons donc
de cercher en Iesus Christ ce qui nous
defaut : c'est assauoir, que par le prix de
son sang nous soyons recõciliez à son
Pere, & que l'accez nous soit donné,
que nous puissions prier en pleine confiance.
Voila quant au second point
qui doit estre obserué sur ce mot. Or
pource que sainct Paul a declairé, que
la grace qui nous a esté acquise par le
Fils de Dieu estoit commune à tout le
monde, & qu'elle n'estoit point seulement
propre pour les Iuifs, mesme aussi
qu'elle appartenoit à tous estats, on
pouuoit reppliquer à l'encõtre, Et comment
donc ? Pourquoy Dieu a il esleu
vn certain peuple comme son heritage ?
Pourquoy est ce qu'il a voulu estre
inuoqué seulemẽt des Iuifs ? Pourquoy
a il là encloz ses promesses ? Pourquoy
a il donné à ce peuple ses figures, & l'a
exercé luy seul en l'attẽte de ce grand
Redempteur qui estoit promis ? cela n'a
[pas]
pas esté sinon pour les enfans d'Abraham.
Il semble donc que Iesus Christ
ne soit pas venu pour tout le monde,
& que les Payens & incredules ne doiuent
point estre participans d'vn tel
benefice, mais seulement les Iuifs qui
sont domestiques de Dieu, comme il
les a appellez. Or pour ceste cause saĩct
Paul adiouste. Que le tesmoignage de
cecy a esté reserué en son temps : comme
s'il disoit, que bien est vray, que dés
la creatiõ du monde Dieu s'estoit tousiours
reserué quelque peuple : & mesmes,
quand il auoit fait son alliance auec
Abraham, qu'il auoit exclu tous les
Payens de l'esperance de salut : mais cela
(dit il) n'empesche point que maintenant
il n'appelle à soy tous hommes,
combien qu'il ait pour vn temps voulu
vser enuers les Iuifs d'vne grace
speciale. Il veut dõques qu'auiourd'huy
les Payens en soyent participans, &
qu'il y ait vne Eglise qui s'estende par
tout le mõde, & que ceux qui estoyent
esloignez auparauant, soyent maintenant
recueilliez au troupeau. Voila en
somme ce que sainct Paul a icy entendu.
Or pour auoir plus ample declaration
& plus familiere de ce propos, notons
qu'il ne nous seruiroit de rien q̃ Iesus
Christ no9 eust rachetez de la mort
eternelle, qu'il eust respandu son sang
pour nous reconcilier à Dieu, sinon que
nous fussions certifiez d'vn tel bien,
& qu'il nous fust declairé, & qu'il nous
appellast pour entrer en possession de
ce salut, & auoir iouyssance de ce prix
qui a esté ainsi payé pour nous. Comme
voila les Turcs qui reiettent la
grace qui a esté acquise à tout le monde
par Iesus Christ. Les Iuifs font le
semblable : les Papistes, combien qu'ils
ne le dient pas ouuertemẽt, ils le monstrent
par effect. Or tous ceux-la sont
aussi bien forcloz & banniz de la redẽption
qui nous a esté acquise, comme si
iamais Iesus Christ n'estoit descendu
en ce mõde. Et pourquoy ? car ils n'ont
poĩt ce tesmoignage, que Iesus Christ
leur soit Redẽpteur. Et encores qu'ils
en ayent quelque goust, si est-ce qu'ils
demeurent tousiours affamez. Et s'ils
[oy]
oyent seulement ce mot de Redempteur,
il ne leur emporte quasi nulle
substance, ou bien ils ne font nul profit
de ce qui est contenu en l'Euangile.
Voila donc comme maintenant les
hommes ne sont point participans du
bien qui leur a esté acquis par nostre
Seigneur Iesus Christ. Et pourquoy ?
Car ils n'en reçoiuent point de tesmoignage.
Or deuant que Iesus Christ fust
apparu au monde, non seulement les
Payens estans incredules, n'auoyent
nul accez à Dieu : mais Dieu auoit mis
comme vne muraille pour les separer
de son peuple. Et mesme du commencement,
les Apostres auoyent les yeux
bendez, en sorte qu'ils cuidoyent que
Iesus Christ ne fust venu que pour vn
certain peuple, voire pource qu'ils imaginoyẽt
que Dieu cõtinuast tousiours
ce train, de bannir, ou forclorre les Payens
de son Eglise : comme du temps
de la Loy il n'auoit pas espandu la cognoissãce
de sa verité par tout le monde :
mais l'auoit communiquée seulement
à vn peuple, qu'il tenoit pour son
troupeau. Pour ceste cause sainct Paul
dit : Mes amis, vray est que par cy-deuãt
Dieu a donné sa Loy à noz peres : & a
voulu les separer du reste du monde,
il a testifié de sa bonne volonté en Israel,
& n'a point fait ainsi aux autres nations,
comme il est dit au pseaume. Et
c'est ce que dit Moyse en son cantique,
quand Dieu a voulu faire les partages
du monde, il a estendu ses cordeaux, &
a choisy vn peuple à soy, separãt les autres
comme estranges. Et ceste dignité
appartient seulemẽt à la lignée d'Abraham.
Cela (dit saĩct Paul) a esté vray
iusque icy. Mais maintenant il y a ceste
cognoissance qui doit estre espandue
par tout le monde, que Dieu est Pere
& Sauueur des Payens aussi bien que
des Iuifs. Ainsi donc, notons bien que
en ceste doctrine de sainct Paul, il nous
est monstré que la mort & passion de
nostre Seigneur Iesus Christ nous seroit
inutile, sinon d'autant que le tesmoignage
nous en soit rendu par l'Euangile :
car c'est la Foy qui nous en
mect en possession, combien que ce
[thre]
thresor ne soit trouué qu'en la personne
de Iesus Christ, & qu'il nous falle
venir là : neantmoins si nous n'auons
ceste clef de foy, Iesus Christ nous sera
comme estrange, & tout ce qu'il a enduré
ne nous seruira rien, comme il ne
nous appartient pas de fait. C'est vne
doctrine bien vtile que ceste-cy : car il
n'y a celuy qui ne confesse, que c'est le
bien le plus desirable qui soit au monde,
d'estre participant du salut que Iesus
Christ nous a apporté : mais il y en
a bien petit nombre qui tienne le chemin.
Car nous voyons comme l'Euangile
est mesprisé, nous voyons que
tous sont sourds, ou bien estouppent
les aureilles à ceste voix que Dieu veut
estre publiée par tout le monde. D'autant
plus donc nous faut il bien poiser
ce que dit icy sainct Paul, c'est que alors
nous iouyssons de la redemption
qui a esté faicte en la mort de Iesus
Christ, quand Dieu testifie qu'il est auec
nous, quand vn tel bien nous est
presenté, & que nous le pouuons receuoir
par Foy. Voila comme nous en
auons la iouyssance. Et c'est aussi pour
quoy auiourd'huy il y en a tant peu qui
soyent reconciliez auec Dieu par la
mort & passion de nostre Seigneur Iesus
Christ. Car nous voyons cõme vne
grande partie du monde est priuée de
ce tesmoignage, comme les autres le
reiectent, ou bien qu'ils n'en font pas
tellement leur profit, que Iesus Christ
habite en eux par foy, afin de les faire
communiquer à tous ses biens. Au reste,
toutesfois & quantes que l'Euangile
se presche, cognoissons aussi (comme
sainct Paul en parle en la premiere
aux Corinthiens) que c'est afin que
nous communiquions à Iesus Christ, &
que estans entez en luy, nous ayons
part & portion en toutes ses richesses,
que tout ce qu'il a nous soit commun.
Puis qu'ainsi est qu'vne fois il a voulu
auoir fraternité auec nous, ne doutons
point qu'en receuant noz pouretez, il
ait fait vn tel eschange que nous soyons
richez en luy. Voila donc ce que
nous auons à noter quant à ce mot de
tesmoignage. Or vray est, que Dieu a
[bien]
bien tousiours testifié de soy, ie dy mesmes
aux Payens : & cõbien qu'ils n'eussent
ne Loy ne Prophetes, Dieu s'est
declairé à eux, entant que besoing estoit
pour les rendre inexcusables.
Quand il n'y auroit que la pluye & le
soleil, qu'il n'y auroit que l'ordre de
nature, comme sainct Paul en parle au
quatorsieme de Actes, ces tesmoignages-
là sont assez suffisans pour rendre
les infideles conuaincuz qu'ils ont esté
ingrats à Dieu lequel les a formez, &
lequel les à nourris en ce monde. Et
c'est ce que nous auons dit au Pseaume
que nous auons chanté, Que le ciel
& le soleil, & les estoilles (combien
qu'ils ne parlent point) ont vne telle
resonance, qu'il ne nous faut point
auoir d'autres docteurs, voila vn liure
escrit en assez grosses lettres, pour
nous mõstrer que Dieu doit estre glorifié
de nous. Mais ce tesmoignage là
estoit trop obscur pour la rudesse & infirmité
des hommes : tellement qu'il
falloit que Dieu se reuelast d'vne autre
façon plus ample : ce qu'il a fait
par le moyen de l'Euangile. Or il est
vray que la Loy, & les Prophetes ont
esté comme vne lampe pour esclairer
les Iuifs : mais cela n'appartenoit
qu'à vn seul peuple. Maintenant ceste
grace est faite en general à toutes nations
du monde. Et ainsi ce n'est point
sans cause que sainct Paul dit, Que ce
tesmoignage a esté reserué en son
temps : comme aussi il en parle tant au
dernier chapitre des Romains, que aux
Ephesiens second & troisiesme, aux
Collossiens premier, & desia nous en
auons veu vn autre passage, quand il
magnifie tant & plus ce grand secret
que Dieu auoit caché dés le commencement
du monde, & lequel il a desployé,
quand l'Euangile se presche : tellement
que les Anges (dit il) ont cela
en admiration, voyant ceste nouueauté
qui n'eust iamais esté entẽdue : c'est,
que ceux qui estoyent ainsi separez de
Dieu, qui estoyẽt retranchez & banniz
de salut, que ceux-la maintenãt soyent
tenuz & aduouez pour ses enfãs, qu'ils
soyent membres de Iesus Christ, du
[reng]
reng & de la compagnie des Anges.
Voila vn secret admirable, & qui doit
estonner toutes creatures. Or cela (dit
sainct Paul) auoit esté caché dés la creation
du mõde : mais voicy le temps opportun,
le temps de plenitude, cõme il
dit aux Galates, auquel Dieu a voulu
manifester ce qui estoit auparauãt incogneu
à noz peres. Voila quãt à ce mot
de Tẽps propre, dõt parle sainct Paul.
Et ainsi nous voyõs en somme ce qu'il
dit aux Ephesiens, c'est que nostre Seigneur
Iesus nous estant enuoyé pour
nous pacifier auec Dieu son Pere, a publié
ceste paix à ceux qui estoyẽt loin,
& à ceux qui estoyent pres : la paroit
a esté rompue, tellement que tous ont
esté mis ensemble, & ce discord qui estoit
entre les Iuifs & les Payens a esté
aboly. Là sainct Paul comprend ces
deux poincts que nous auons touché,
c'est assauoir, que Iesus Christ a esté nostre
paix, quand il a espandu son sang
pour effacer noz macules, pour nous
acquiter de noz detes, quand il s'est exposé
à toute malediction pour nous,
qu'il a esté mis en opprobre pour couurir
toutes les fautes que nous auons
cõmises, alors (dit il) il y a eu paix : que
au lieu que Dieu nous estoit ennemy
(comme aussi de nostre costé nous luy
estiõs aduersaires) voila nostre accord,
voila nostre appointement qui a esté
fait & accomply : mais ce n'est point assez
encores de cela. Qu'y a il donc ?
c'est que Iesus Christ (dit il) est venu,
non point seulement en sa personne,
mais en la personne de ses Apostres,
& de tous ses ministres, lequel a publié
& annoncé la paix. Et comment ? afin
d'assembler du tout les Iuifs qui estoyent
prochains à cause de l'alliance, &
de ceste paction solennelle que Dieu
auoit faite auec leurs peres : mais si falloit
il qu'ils fussent reconciliez à Dieu
par le moyen de ce Redempteur Iesus
Christ. Et cela s'est demonstré quand
son Euãgile a esté presché pour cõfermer
mieux les Iuifs en Dieu. Et puis
ce message en second lieu s'est aussi
adressé à ceux qui estoyent loin, c'est à
dire, aux poures Payens qui n'auoyent
[nulle]
nulle approche. Car ceux-là pareillement
ont esté informez de ce message
de salut & de ceste paix de Dieu, &
ont esté certifiez, que maintenãt Dieu
leur porte vne telle amour, qu'il a mis
en oubly toutes leurs fautes. Et voila
comme la paroit a esté rompue, toutes
ces ceremonies par lesquelles Dieu
auoit mis vne diuersité entre les Iuifs
& les Payens ont esté abattues. Et pour
quoy ? Par ce que le tesmoignage de
salut & de grace est commun sans exception
à tout le monde. Voila donc
ceste doctrine qui est maintenant assez
esclaircie, c'est assauoir, qu'ẽ premier
lieu il a fallu que nostre Seigneur
Iesus respondit deuant Dieu son Pere,
de toutes noz detes, & qu'en sa mort
nous auons le prix de nostre redemption.
Et puis pour le secõd, qu'il nous
faut venir au tesmoignage qui nous
en est rendu en l'Euangile, & que la
paix que Dieu feit alors, no9 est maintenãt
annoncée, afin que nous en iouissions.
Or on pourroit icy demander,
pourquoy sainct Paul appelle ce temps
Propre : car les hommes pourroyent
icy disputer, quelle raison il y a eu plus
opportune, que ce tesmoignage de la
bõté de Dieu fust publiée en ce temps
là, plustost qu'auparauant, ou plustost,
ou plus tard. Or sainct Paul, pour coupper
broche à toutes telles curiositez,
nous rameine à la seule prouidẽce de
Dieu & à son conseil. Ainsi donc, contentons
nous qu'il a semblé bon à
Dieu, & que ne voyans point la raison
pourquoy il l'a fait, neantmoins nous
nous abaissions, confessans que rien
ne procede de luy qui ne soit cõpassé
en toute sagesse & droicture. En somme,
sainct Paul a voulu icy humilier l'arrogance
des hommes, & abbattre leur
quaquet : pour ce qu'ils sont tousiours
par trop hatifs à s'enquerir des choses
qui ne leur appartiẽnẽt point : & monstre
que nostre sagesse est, d'acquiescer
à ce qui aura semblé bon à Dieu de faire,
& qu'il nous doit suffire de cela. Si
on replique, qu'il n'est point conuenable
qu'il y ait changement en Dieu : la
responce est facile, c'est assauoir, Quãd
[Dieu]
Dieu enuoye l'hyuer & l'esté, qu'il ne
change point de propos : & ne pouuons
pas dire pour cela qu'il soit muable :
car les choses pourroyent bien estre
diuerses icy bas, & Dieu demeurera
tousiours en son entier. Ainsi donc
cõme il y a les saisons de l'année que
Dieu dispose par telle raison qu'il faut
qu'il soit glorifié : cognoissons semblablement
quand il a voulu cacher le tesmoignage
de son Euangile pour vn
temps à tous les Payens, & puis quand
il a voulu qu'on le publiast par tout le
monde, & que ce temps-la opportun a
esté chosy de luy, tel qu'il l'auoit decretté
en son conseil, qu'il ne nous faut
point dire qu'il soit muable pourtant :
mais que nous l'adorions en toute humilité.
Car voila toute nostre droite
sagesse, comme j'ay desia dit. Or nous
auons icy un bon aduertissement, pour
n'estre point par trop chatouilleux en
questions vaines & inutiles : car Dieu
qui cognoit bien nostre mesure, nous
a declairé ce qui nous estoit propre. Il
faut donc que nous apprenions en son
escolle, & non plus. Et au reste, quand
nous trouuerons quelque chose estrange,
& que la raison ne nous sera point
reuelée : recourons à ce qui nous est
dit, Que les iugemẽs de Dieu sont vn
abysme trop profond, pour dire, que
nous les conceurons maintenant. Plus
tost que nous ayons donc ceste modestie
de dire, Seigneur il n'y a que redire
en tout ce que tu fais, puisqu'il a
esté decretté en ton conseil. Voila
comme nous receurons le temps opportun,
& c'est aussi ce qu'a entendu le
Prophete Isaye disant, Voicy les iours
agreables. Or quand il parle des iours
agreables, tout ainsi que Dieu les a à
gré, aussi faut-il qu'ils soyent trouuez
tels de nostre part. Il appelle les iours
agreables quand le messages de salut
est porté par tout le monde. Ainsi
donc, puis que Dieu desploye sa bonté,
& qu'il mõstre qu'il a choisy ce temps
là pour nous appeler à salut, de nostre
costé que nous ne soyons point reuesches,
que nous ne soyons point despiteux
pour dire, De moy, ie ne trouue
[point]
point bon cela. Car ceste chagrinerie
nous empesche de venir à Dieu : mais
acquiessons simplement à ceste grace
qui nous est offerte, & qu'il y ait vn accord
& cõme vne melodie entre Dieu
& nous : c'est quand il nous declaire q̃
ce tẽps luy vient à gré de nous appeller
à soy, nous respondiõs de nostre costé,
Et biẽ Seigneur, puis que tu parles,
nous venons à toy, sachant que c'est le
temps opportun quãd tu l'as ainsi choisy.
Voila ce que nous auons à noter
en ce passage : & mesmes nous pouuons
le tirer plus loing pour en faire
vne doctrine qui appartienne à toute
nostre vie : c'est assauoir, que nous ne
soyons point adonnez par trop à noz
appetis, comme nostre nature nous y
solicite : mais que nous attendions tousiours,
pour veoir quel sera le bon plaisir
de Dieu, & que nous soyons patiens
& quois à ceste attente là. Et encores
que les choses ne nous viennent
point à propos, & qu'il nous semble
par nostre raison que Dieu doiue faire
tout autremẽt : que nous tenions la bride
courte à noz esprits, & que nous soyons
tellemẽt suiects à Dieu, que son cõseil
nous soit pour reigle : & qu'il nous
souuienne de ce qui est icy dit, Que
Dieu a son temps opportun : & qu'il ne
faut point que nous luy assignions terme
pour faire sõ œuure : ceste maistrise
n'est point par deuers nous, & ne nous
est licite de nous enquerir de cela par
trop : comme il est monstré au premier
des Actes. Or il y a puis apres souz
ce mot de Tesmoignage, encores vn
poinct à obseruer, c'est que nous ne deuons
pas decliner ne douter aucunement
de la doctrine qui nous est preschée,
quand elle sera prise de l'Euangile.
Et pourquoy ? Car nous ferions vne
iniure trop grande à Dieu, lequel ne
nous enuoye pas seulement les hõmes
pour tesmoings : mais luy en sa personne
& en sa maiesté nous testifie de
sa grace paternelle. Ainsi donc notons
bien quand l'Euangile est intitulé Tesmoignage,
q̃ c'est afin de nous mieux
certifier, & que nous cognoissions que
nostre Seigneur veut que nous soyons
[reso]
resoluz en sa bonté. Et au contraire,
quand nous doutons apres que Dieu
nous a ainsi declairé son bon vouloir,
& nous sommes encores en bransle,
qu'en vsant de telle rebellion contre
luy, nous ne luy sauons faire plus grãd
deshonneur, que celuy-la, d'autant que
c'est le despouiller de sa verité, & il n'a
rien plus propre. Et ainsi, cognoissons
que Dieu nous est tesmoing de sa bonté
toutesfois & quãtes que son Euangile
nous est presché. Au reste, combien
que nous oyons parler des hommes
mortels, toutesfois ne les prenons pas
en qualité humaine : mais cognoissons
en quel degré Dieu les a constituez,
c'est qu'il les a créez ses tesmoings.
Quand vn homme sera notaire iuré
en vn lieu, il faudra que les instrumens
qu'il receura, soyent tenuz pour vrais
& autentiques. Si les magistrats, qui
n'ont qu'vne petite estincele de l'authorité
de Dieu peuuent cela, & que ce
soit vn ordre bon & approuué pour la
police, & ie vous prie, quand Dieu enuoye
des homme en ceste qualité,
qu'il veut qu'ils soyent tenus pour ses
tesmoings, si nous reiectons le message
qu'ils nous apportent, ceste iniure
la se fait-elle aux creatures ? Ne voyons
nous pas que l'honneur de Dieu y est
par trop villeinemẽt blessé ? Ainsi donc
apprenõs de nous renger en plus grande
obeyssance que nous n'auons point
fait par cy-deuant, & que la doctrine
de l'Euangile auec ce mot de Tesmoignage
soit mieux prisée, & qu'elle ait
plus d'importance enuers nous qu'elle
n'a pas eu iusques icy. Finallemẽt, sainct
Paul pour cõfirmation de ceste doctrine
aiouste. Qu'il a esté constitué heraut
& Apostre à cela, & qu'il en parle en
verité sans mentir, qu'il est docteur des
Payens en foy, & en verité. Par cecy
sainct Paul signifie que son tesmoignage
seroit du tout sans cela aboly, &
mesmes son apostolat : & ainsi tous
ceux qui le tenoyent & aduouoyent
pour Apostre, il falloit qu'ils cogneussent
q̃ Dieu auoit espandu sa grace par
tout le monde : & qu'il vouloit auoir
vne Eglise recueillie tãt des Iuifs, que
[des]
des Payens : & que ceux qui auoyent
esté auparauant bannis, fussent comme
d'vne maison. Nous voyõs donc maintenant
comme sainct Paul allegue icy
son office : afin de monstrer que Dieu
n'estoit point seulement Sauueur des
Iuifs, mais de tous peuples en general.
Et qu'ainsi soit, notons ce qu'il dit
en l'epistre aux Galates, c'est que la grace
qui auoit esté donnée à Pierre quãt
aux Iuifs, luy est donnée enuers les
Payens : comme aussi sainct Luc le declaire,
Separez moy Paul & Barnabas
pour l'ouurage auquel ie les ay choisis.
Et les passages que nous auons desia
alleguez tant du premier chapitre des
Romains que par tout ailleurs, tendent
à vne mesme fin toutesfois &
quantes que notamment il se nomme
Apostre des Gentils. Or combien que
sainct Paul voulust faire seruir c'est argument,
à ceux ausquels ceste epistre
s'adressoit, toutesfois notons que ce
nous est vn article qui nous est plus
que vtile. Car si sainct Paul n'auoit esté
ordonné pour les Gentils, que seroit ce
quand nous aurions de luy ceste doctrine ?
Bien : nous la pourrions approuuer
comme bonne & saincte : mais cependant
elle ne seroit que pour les
Iuifs, nous en serions comme priuez. Il
faut donc que sainct Paul ait esté constitué
Apostre pour les Payẽs, afin que
nous soyons enseignez par luy, pour
estre amenez à l'esperance de salut, &
estre participãs des biens qui nous ont
esté acquis par nostre Seigneur Iesus
Christ. Ce n'est point donc seulement
pour vn peuple que sainct Paul a parlé,
ce n'est pas pour vn aage : mais le sainct
Esprit par sa bouche a voulu prouuoir
que nous fussions bien appuyez, & fermement
sur ceste doctrine : sachant
que c'est à nous qu'elle s'adresse : & que
ce n'est point à fausses enseignes que
nous croyons que Dieu est nostre
Pere & sauueur, quand il se declairé tel
par la bouche de ceux, desquels il veut
que nous soyõs enseignez. Voila donc
comme nous deuons applicquer ce
qui est contenu en ce passage. Et cependant
aussi notons, qu'il n'a point magnifié
[gnifié]
sans cause l'office où il estoit
constitué : mais pour l'ingratitude des
hommes, lesquels ne reçoiuent point
la Parole de Dieu comme ils doiuent,
& en telle authorité qu'elle merite,
comme nous auons veu par cy-deuãt,
il est besoing que ceux qui sont appellez
à cest estat, monstrent à quel maistre
ils seruẽt, & qu'ils ne se sont point
ingerez d'eux-mesmes, & que la doctrine
qu'ils portent sera en salut ou
en condamnation, qu'elle ne tombera
point en terre sans vertu : mais que
ceux qui y adiousterõt foy, par le moyen
d'icelle seront faits heritiers du
Royaume de Dieu, que les autres en
serõt forcloz, & qu'il y a vne horrible
vengeance qui leur est apprestée, d'autant
qu'ils ont mesprisé ceste doctrine
en laquelle Dieu veut estre hõnoré &
qu'on luy face hommage. Voila donc
comme icy sainct Paul magnifie l'estat
de sa vocation où Dieu l'auoit ordonnée,
afin que sa predication fut tant
mieux receuë. Et par son exemple il
nous monstre ce que nous auons à faire,
c'est assauoir que nous ne declairions
pas seulement la Parole de Dieu,
mais que nous ayons ceste vertu de
son Esprit pour menacer tous incredules
& tous rebelles. En somme, que
nous soyons tellement tesmoings de
Dieu, que nous monstrions que si sa Parole
est mesprisée en noz personnes,
qu'il monstrera que c'est à luy qu'on
s'adresse, d'autãt que c'est luy qui nous
a ordonné, & que c'est luy qui a parlé
par nostre bouche. Voila donc ce que
nous auons à retenir de ce passage. Or
si sainct Paul a eu besoing de combatre
contre l'orgueil & la malice des
hommes qui ont vescu de son temps :
Auiour-d'huy qu'est-ce ? Car nous voyons
l'impieté qui se desborde plus
que iamais. Et quãt aux Papistes, nous
voyõs de quelle rage ils sont transportez
pour effacer la memoire de la
verité de Dieu s'il leur estoit possible.
Mais n'allons pas si loing : Regardons
entre nous combien la plus
part est prophane, ie dy pour se mocquer
pleinement de Dieu, & pour fouler
[ler]
au pied sa parole, voire pour crascher
à l'encontre : nous verrons (dy-ie)
de ceux qui dirõt bien en vn mot qu'ils
sont Chrestiens, & veulent estre tenuz
pour tels : mais cependãt on void
qu'ils ne peuuent porter que Dieu
parle en telle superiorité comme il
doit, & non seulement voudroyent estre
comme par à compagnon, ainsi
qu'on dit : mais ils voudroyent auoir
licence de se mocquer de toute doctrine,
qu'on l'aschast la bride à chacun,
tellement qu'il n'y eust plus de religion.
On void cela à l'œil. Et pleust à
Dieu que les choses ne fussent point si
communes. Il est vray, que nous en deurions
auoir grand hõte : mais si est-ce
qu'il faut bien qu'vne telle turpitude
quand elle est notoire aux petits enfans,
nous soit reprochée. Car il y aura
de ces gaudisseurs quand ils viendront
icy au sermon vne fois le mois,
ou en six sepmaines, ce sera pour espier
si on ne parle à leur gré, & cõme
ils voudroyent. Sinon, incõtinent c'est
à murmurer, comme si tout estoit perdu.
Pour exemple, qu'est-ce que ie dy,
Pour m'acquiter de mon office ? Helas,
non point la centiesme partie de ce
qu'on voit. Mais encores, si ie touche
les choses seulemẽt cõme en passant, &
sans m'y arrester cõme ie deuroye. On
repliquera aux banquets : Et cõment ? Il
semble que nous ne facions point nostre
deuoir : c'est bien à propos ? Et n'y a
il pas bonne iustice sans tant crier ? Or
si tout estoit conduit en bon ordre de
iustice, cõme il appartient, ceux qui se
maintiennẽt ainsi, ne dresseroyent pas
si hardimẽt leurs ergots. Neantmoins
il voudroyẽt estre tenuz pour Chrestiens.
Ainsi donc notons bien ces mots
de sainct Paul : Il proteste qu'il est tesmoing
de Dieu : monstrant que tous
ceux qui sont rebelles à l'Euangile, &
ne s'y peuuẽt assuiectir, il ne faut point
qu'ils cuydent s'adresser aux hommes
mortels : mais que Dieu declaire que
c'est sa cause, & sa querelle, & qu'il en
sera le garant, cõme aussi Ieremie l'appelle
à cela. Et ainsi, aduisons de nous assuiectir
volontairement à nostre Dieu
[pour]
pour ployer le col souz son obeissance,
& luy faire l'honneur & l'hommage
que nous luy deuõs, & le magnifier en
telle sorte qu'il nous recognoisse &
aduouë pour ses enfans, & que tout le
temps de nostre vie nous le puissions
reclamer comme nostre Pere & sauueur.
Or nous nous prosternerons deuant
la face de nostre bon Dieu, en cognoissance
de noz fautes, le priãt qu'il
luy plaise nous toucher d'vne telle repentance,
que estans du tout abattus en
nousmesmes, nous ayons nostre refuge
à celuy qui nous est presenté, assauoir,
à nostre Seigneur Iesus Christ, cõme
iournelement encores il se presente
à nous par l'Euangile, que nous le receuions
en telle sorte qu'il habite à iamais
en nous, que nous soyons confermez
de plus en plus en luy. Et d'autant
que vne fois il nous a conioincts & vniz
à Dieu son Pere, que nous ayons
vn tel goust de son amour, que nous
ne demandions sinon d'aspirer à ceste
vie eternelle iusques à ce que nous venions
à la pleine possession & parfaicte
d'icelle, quand nous aurons acheué
ce pelerinage terrien. Que non seulement
il nous face ceste grace,
mais aussi à tous
peuples & nations
de la terre,
&c.
*
FIN.