SERMON DE
LA NATIVITE DE Iesus
Christ, fait le iour de Noel, auquel
se celebre la saincte Cene du
Seigneur.
1. OR adueĩt en ces iours-la
qu'il se fit vn edict de par
Cesar Auguste, que tout
le monde fust mis par escrit.
2 (Ceste premiere description
fut faite lors que Cyrenius auoit le
gouuernement de Syrie.)
3 Et alloyent tous pour estre mis
en escrit,vn chacun en sa ville.
4 Ioseph aussi monta de Galilee,
de la ville de Nazareth en Iudee, en
la ville de Dauid, qui est appelee
Beth-lehem:a cause qu'il estoit de la
maison & parenté de Dauid,
5 Pour estre mis en escrit auec Marie
qui luy auoit este baillee a femme,
laquelle estoit enceinte.
6 Or adueint comme ils estoyẽt
là, que les iours d'icelle furent accõplis
pour enfanter.
7 Et enfanta son fils premier
nay,& l'enueloppa de bandelettes,&
le coucha en vne creche, a cause qu'il
n'y auoit point de lieu pour eux en
l'hostellerie.
8 Or en la mesme contree il y auoit
des Pasteurs demourans aux
champs, & gardans les veilles de la
nuit sur leur troupeau.
9 Et voyci l'Ange du Seigneur qui
s'arresta aupres d'eux, & la clarte du
Seigneur resplendit autour d'eux: &
craignirent de grand'crainte.
10 Lors l'Ange leur dit, Ne craignez
point:car voyci,ie vous annonce
grand ioye, laquelle sera a tout le
peuple:
11 C'est qu'auiourd'huy nous est
nay le Sauueur, qui est Christ le Seigneur,
en la ville de Dauid.
12 Et aurez ce signe , Vous trouuerez
l'enfant enueloppé de bandelettes,
[lettes]
& mis en vne creche.
13. Et incontinẽt auec l'Ange fut
vne multitude de cheualerie celeste,
louans Dieu, & disans,
14 Gloire soit a Dieu és lieux tres
hauts,& en terre paix aux hommes:
bonne volonte.
NOVS scauons que tout nostre
bien, nostre ioye & repos c'est
d'estre conioints auec le Fils de
Dieu, cõme il est nostre chef,
nous sommes son corps:& c'est aussi de luy
que nous tenõs nostre vie & nostre salut,&
tout biẽ. Et de faict, nous voyons cõbiẽ nostre
condition seroit miserable , sinon que
nous eussiõs nostre refuge a luy, pour estre
maintenus sous sa garde . Or cependant il
n'est pas en no9 de pouuoir paruenir si haut
(veu qu'a grand'peine pouuõs-nous rãper
sur la terre )sinon que de son costé il approchast
de no9 , & que desia il s'en fust approché
en sa naissance, quand il a vestu nostre
chair,& qu'il s'est fait nostre frere. No9 ne
pourriõs dõc maĩtenãt auoir nostre refuge
a nostre Seigneur Ies9 Christ estãt assis a la
dextre de Dieu son Pere, en la gloire des
cieux , sinõ ꝗl se fust abbaissé iusques là de
se faire hõme mortel,& auoir vne cõdition
cõmune avec no9. Et voyla pourquoy aussi
1. Tim.2.a.5.
quand il est appelé Mediateur entre Dieu
& les hommes,ce titre d'homme luy est specialement
attribué:cõme aussi par vne mesme
Isa. 7. c. 14.
raison il est appelé Emmanuel,c'est a dire
Mat.1.d.23.
Dieu auec nous. Ainsi toutes fois & quãtes
que nous auons a chercher nostre Seigneur
Iesus Christ,pour trouuer en luy allegemẽt
de toutes nos miseres, & vne protection
seure & infalible , il nous faut commẽcer
par sa naissance. Or non seulemẽt il
nous est yci recité qu'il a este fait homme
semblable a nous, mais qu'il s'est tellemẽt
aneanti, qu'a grãd'peine a-il este reputé du
rang des hõmes. Il a este cõme bãni de tout
logis & compagnie, il n'y a eu sinõ vne estable
& vne creche pour le receuoir. Puis
qu'ainsi est donc, qu'yci nous cognoissions
cõme Dieu a desployé les thresors infinis
de sa bõte,quãd il a voulu que son Fils fust
ainsi humilié pour nous.Recognoissõs aussi
cõme nostre Seigneur Iesus Christ dés sa
naissance a tellemẽt souffert pour nous,que
toutes fois & quãtes que nous le cherchõs,
il ne faut point que nous facions des longs
circuits pour le trouuer,ne pour estre vrayement
vnis a luy: car pour ceste cause il s'est
voulu assuietir a tout opprobre, en sorte
qu'il a este cõme reietté du reste des hõmes.
Mais cependant apprenons aussi d'estre petis
pour estre receus de luy:car c'est biẽ raison
pour le moins, qu'il y ait cõformité entre
[tre le]
le chef & les membres. Il ne faut point
que les hommes s'aneãtissent pour estre de
nulle valeur:car de nature desia ils trouuerõt tãt
de pouretez en eux, qu'ils aurõt biẽ
occasion d'estre du tout abbatus. Mais cognoissons-
nous tels que nous sommes, afin
de no9 offrir a nostre Seigneur Iesus Christ
en vraye humilite, & qu'il nous recognoisse
& aduoue comme siens.Cependant aussi
nous auons a noter qu'en l'histoire que recite
yci S.Luc, d'vn costé nous apprendrõs
cõme le Fils de Dieu s'est du tout aneanti
pour nostre salut:& neãtmoins que d'autre
part il n'a pas laissé d'auoir certain tesmoignage
& infalible qu'il estoit le Redempteur
du monde promis de tout temps: mesmes
que ce qu'il auoit prins nostre cõditiõ,
n'estoit pas qu'il ne peust maintenir sa maieste
celeste. Tous les deux donc nous sont
yci mõstrez:car nostre Seigneur Ies9 Christ
est là en vne creche,& il est comme reietté
du mõde,il est en pourete extreme sans aucun
honneur, sans aucune reputation,cõme
suiet a seruitude:toutesfois il est magnifié
des Anges de Paradis, lesquels luy font hõmage.
Et en premier lieu vn Ange porte le
message de sa naissance: mais puis apres cestuy
la est accompagné d'vne grande multitude,
voire d'vne armee,lesquels assistent
tous & cõparoissent comme tesmoins enuoyez
de Dieu, pour monstrer que nostre
Seigneur Ies
9 Christ estãt aĩsi abbaissé pour
le salut des hommes, ne laisse pas tousiours
d'estre le Roy de tout le monde, & d'auoir
tout sous sõ empire.Et puis le lieu de Beth-
lehem dõne approbatiõ qu'il est celuy qui
auoit este promis de tout tẽps. Car le Prophete
Mich.5. a. 2
Michee en auoit ainsi parlé :
Et toy
Beth-lehẽ cõbien que tu sois en grãd mespris,
comme vne bourgade qui n'est pas de
grãd'monstre,& qui n'est pas fort peuplee,
si est ce q͂ de toy me sortira celuy qui doit
gouuerner mon peuple: & ses issues seront
de toute eternite. Nous voyõs dõc yci d'vn
costé cõment nostre Seigneur Iesus Christ
ne s'y est poĩt espargné, afin que nous ayons
acces facile a luy,& que no
9 ne doutiõs pas
d'estre receus cõme son corps mesmes,puis
que nõ seulemẽt il a voulu estre hõme mortel,
vestu de nostre nature: mais comme vn
poure ver de terre, desnué de tout bien. Ne
doutõs point donc que tousiours, quelques
miserables que no
9 soyons, il nous tiendra
pour ses mẽbres. Mais d'autre costé nous le
voyõs yci marqué cõme de la maĩ de Dieu,
afin qu'il soit receu sans aucune difficulte,
cõme celuy duquel il nous faloit attendre
salut, & par lequel nous sommes receus au
Royaume de Dieu, dont nous estiõs au parauant
bãnis. Car nous voyõs qu'il ha en soy
vne maieste Diuine, puis que les Anges le
recognoissent comme leur superieur & leur
Roy souuerain : & ne deuons point douter
quãd no9 serons sous sa garde, qu'il n'ait de
quoy pour nous maintenir. Et cognoissons
cepẽdãt q͂ ce ꝗl s'est ainsi abbaissé, cela nee
derogue point en nulle façõ a sa vertu Diuine,
& n'empesche pas que nous ne soyõs
seurement sous sa cõduite. Or maintenant
no9 voyõs quelle est la sõme de ceste histoire:
c'est en premier lieu q͂ no9 cognoissions
que le Fils de Dieu, voire nostre Mediateur,
s'est cõioint a no9 d'vn lien tel, qu'il ne faut
pas q͂ nous doutions que tousiours nous ne
soyons participans & de sa vie & de toutes
ses richesses. Et cependãt cognoissons aussi
qu'il no9 a apporté auec soy tout ce qui estoit
requis a nostre salut. Car (cõme desia
no9 auõs dit) il n'a pas tellemẽt este aneanti,
q͂ tousiours il n'ait retenu sa maieste Diuine:
& cõbien q͂ deuãt les hõmes il ait este
tenu de nulle reputatiõ, si est-ce toutesfois
qu'il est demeuré tousiours nõ seulemẽt heritier
de ce mõde, (entãt qu'il est le chef de
l'Eglise) mais aussi tousiours vray Dieu. Au
reste, apprenõs de ceux qui no9 sont yci ordõnez
pour maistres & cõducteurs,cõme il
no9 faut venir a nostre Seigneur Ies9 Christ.
Vray est q͂ les sages de ce mõde sõt tellemẽt
enflez de fierte & de presomptiõ, qu'a grãd
peine daignerõt-ils estre escholiers de gẽs
idiots,& de poures bergers des chãps:mais
c'est toute nostre sagesse neãmoins q͂ nous
apprenions de ces bergers ( desquels il est
yci parlé) de venir a nostre Seigneur Iesus
Christ:car que nous ayons toutes les sciences
du monde fourrees en la teste, de quoy
nous seruira-il quand la vie nous defaut? asçauoir
celuy auquel les thresors de toutes
Colos. 2. a. 3
sagesse sont cachez, comme sainct Paul en
parle . Voyla donc par quel bout il nous
conuient commencer : c'est qu'il ne nous
face point mal de suyure ceux qui nous
ont monstré le chemin pour paruenir a
nostre Seigneur Iesus Christ. Or Dieu n'a
point fait cest honneur aux grans de ce
monde, ni aux sages, ni aux riches, ou aux
nobles : mais il a choisi des bergers . Puis
qu'ainsi est dõc, suyuõs cest ordre-la. Vray
Mat. 2. a. 1.
est que les Sages sont venus d'Oriẽt pour
rendre l'hommage a nostre Seigneur Iesus
Christ:mais il a fallu que les bergers commençassent,
afin que toute presomptiõ fust
1. Cor. 3. d. 18
abolie, & que celuy q͂ voudra estre reputé
Chrestien, soit cõme fol en ce mõde. Ainsi
que nous n'apportions point vne folle outrecuidance
pour iuger a nostre fãtasie des
secrets admirables de Dieu:mais que nous
les adoriõs en toute simplicite.Et au reste,
regardons la foy qui a este en ces bergers,
& alors nous ne ferons plus difficulté de
les suyure. Ils vienent adorer le Redẽpteur
du monde: & en quel estat le trouuent-ils?
Le voyla couché en vne creche, & enuelopé
de quelques petis drapeaux: & c'est le signe
[qui]
qui leur auoit este donné par l'Ange.Or il
sẽbloit bien que cela fust pour les estõner,
& mesmes pour leur faire tourner le dos,
tellement qu'ils ne recognussent plus Iesus
Christ pour leur Sauueur.Car les Scribes
& Docteurs des Iuifs pensoyent bien
que le Redempteur qui auoit este promis,
deust venir en grãd põpe, & qu'il se deust
assuietir tout le mõde,en sorte qu'il n'y auroit
que prosperite, qu'ils auroyẽt des biẽs
a force pour se souler,& amasseroyẽt toutes
les richesses du monde. Voyla donc vn scãdale
qui pouuoit faire perdre courage a ces
poures gens, tellemẽt que iamais ne fussẽt
ven9 a nostre Seigneur Ies9 Christ,mais pl9tost
s'en fussẽt du tout alienez, quãd il leur
est dit qu'ils le trouuerõt en vne estable, &
enueloppé de lambeaux. Voila le signe q͂
leur est donné du Redempteur, c'est qu'il
sera mis en vne creche comme s'il estoit retranché
du rang des hõmes. Tant y a neãtmoins
que cela ne les destourne point. Ils
vienent donc le cognoistre cõme Seigneur,
confessans comme Dieu a eu pitie d'eux,
& qu'en la fin il a voulu accomplir sa promesse
qu'il auoit donnee de tout temps, &
se conferment en vn tel spectacle. Puis que
ainsi est donc que la foy de ces bergers a este
si grande,qu'elle a combatu contre tout
ce qui les pouuoit destourner de venir a
nostre Seigneur Iesus Christ, nous serons
coulpables au double & desnuez de toute
excuse, sinõ que nous appreniõs en leur eschole:
& que la naissãce de nostre Seigneur
Iesus Christ (combiẽ qu'il n'y apparoisse
aucune dignite, ou pompe, ou noblesse de
ce monde) ne soit point vn scandale pour
nous arrester , ou pour nous faire diuertir
du bon chemin , que nous ne venions nous
rẽdre a luy comme a nostre Roy souuerain,
& a celuy auquel tout empire est donné &
au ciel & en la terre.Et de faict,nous auons
besoin d'vne telle admonition:car,comme
i'ay desia touché, la doctrine de l'Euangile
n'emporte que scãdale a ceux qui sont preoccupez
de fierte & folie, & qui se reputẽt
sages. Nous voyõs aussi comme beaucoup
de phantastiques reiettẽt tout ce qui est cõtraire
a leur cerueau. Il y en a d'autre part
beaucoup de mocqueurs, qui n'ont iamais
este touchez d'aucun sentimẽt de leurs pechez:
& pource qu'ils sõt gẽs profanes,qui
ne pensent iamais venir a cõte,& ne scauẽt
s'il y a vne vie meilleure que celle qu'ils
voyent yci bas, ils estimẽt que ce n'est que
simplesse de suyure ainsi le Fils de Dieu,&
s'accointer a luy. Voyãs donc cela,tãt plus
deuõs-nous estre munis de cest aduertissement,
c'est ascauoir que le Fils de Dieu ne
perde riẽ de sa maiesté & de sa gloire,& que
il n'est pas amoindri, en ce qu'il s'est humilié
pour nostre salut:mais plustost qu'en cela
nous deuons estre rauis, cognoissans sa
bõte inestimable & l'amour qu'il no9 a portee.
Voyla donc comme il nous faut prattiquer
ceste doctrine, que nous ne laissions
pas de venir a nostre Seigneur Iesus Christ,
combien que nous ne trouuions de prime
face en luy ce que nostre chair , c'est a dire
nostre sens naturel, appete. Mais combien
qu'il ait este enueloppé de drapeaux en sa
naissance,qu'il ait este ietté là en la creche,
scachõs& soyõs resolus qu'il n'a pas laissé
toutesfois d'estre Mediateur pour no9 attirer
a Dieu son Pere,pour nous donner ouuerture
au Royaume des cieux,duquel no9
estions du tout forclos.Et auiourd'huy encores,
combien qu'il ne regne pas en pompe,
& que son Eglise soit mesprisée,qu'il y
ait vne simplicite en sa Parolle laquelle les
grans de ce mõde reiettent:quant a nous ne
laissons pas pour cela de tousiours nous tenir
a luy, & nous assuiettir a son empire, en
vne vraye obeissance de foy.Pour exemple,
quand on preschera, ce n'est pas vne chose
pour nous attirer beaucoup selon nostre
coustume. Nous orrons vn homme parler:
& qui est-il?Il ne sera point de grãde dignite
& reputatiõ: & puis en sõme il n'y a que
la parolle: d'autre costé en ce q͂ est presché
par l'Euãgile il y a beaucoup de choses qui
nous sembleront cõtre toute raison, quand
nous en voudrõs iuger a nostre appetit. Ainsi
cognoissons que nous ne pourrions pas
nous ranger a ce que Dieu nous monstre
& declare , sinon que nous soyons abbatus
en premier lieu. Quant est de la confirmation
qu'il nous a adioustee a sa Parolle,
nous auons les Sacremens . Et vne goutte
d'eau nous suffira-elle pour nous asseurer
de la remission de nos pechez,& que Dieu
nous a adoptez pour ses enfans , & que si
nous sommes caduques & fragiles, toutesfois
nous serons reuestus de sa gloire celeste,
qui iamais ne defaudra?Pourrons-nous
prendre vn gage & seureté de choses si
grandes & si excellentes en vn peu d'eau?
En la saincte Cene vn morceau de pain, &
vne goutte de vin suffiront-ils pour nous
asseurer que Dieu nous aduouë pour ses enfans,
que nous viuons en Iesus Christ , &
qu'il n'ha riẽ de separé d'auec no9?Car plustost
il sẽble que ce soit chose de neant,que
telles ceremonies qui n'ont point de grande
pompe. Ainsi dõc nous voyons encores
mieux que ce qui est yci recité des Pasteurs
nous appartient,& que nous auons auiourd'huy
a en faire nostre profit: c'est ascauoir
que no9 ne laissiõs pas d'approcher de nostre
Seigneur Iesus Christ, & d'estre asseurez
que c'est luy auquel nous trouuerons
tout biẽ, toute resiouissãce & toute gloire,
cõbien qu'il sẽble qu'il soit encores cõme
en l'estable & en la creche ẽueloppé de drapeaux:
c'est à dire qu'il y ait beaucoup de
choses q͂ no9 pourroyẽt desbaucher,& pour
le moins esblouir les yeux pour n'apperceuoir
poĩt la gloire celeste q͂ luy a esté dõnee
de Dieu sõ Pere: ie di mesme en ceste nature
humaine qu'il a prise de nous. Car entãt
q͂ l est Dieu,il ha tout de soy mesme,( cõme
il en est parlé au
17 chap. de S. Iehan) mais
selõ son humanite il a receu de don gratuit
tout ce qu'il nous a apporté, afin que nous
puissions de sa plenitude, & que nous trouuions
Ieh.1. b.16
en luy tout ce qui est desirable, & ayons
tout nostre repos & contentement en
luy seul. Or au reste notons bien que le S.
Esprit nous a aussi voulu asseurer, qu'en ensuyuãt
les pasteurs qui nous sont yci ordõnez
pour maistres & pour guides,nous ne
deuons point craindre de faillir. Car si les
pasteurs n'eussent eu autre chose pour signe
que l'estable & la creche,no
9 pourriõs dire,
Voila des poures idiots qui se sont fait acroire
follement & sans aucune raison,que
c'estoit le Redempteur du monde:& cepẽdãt
ce seroit vne trop grãde facilite a nous.
Nous pourrions donc estre en doute: mais
les bergers ont este cõfirmez d'autre part,
pour auoir certitude que c'estoit le Fils de
Dieu, celuy qui estoit ainsi couché en la creche:
c'est a scauoir quãd l'Ange leur est apparu,
& puis qu'ils ont ouy ce cãtique que
S. Luc adiouste,là où tout le Royaume des
cieux rend tesmoignage a nostre Seigneur
Ies
9 Christ, qu'il ha toute puissance sur les
creatures tant du ciel cõme de la terre. Apprenons
donc de receuoir ( pour estre asseurez
en la foy de Iesus Christ ) tout ce qui
nous est yci proposé. Car il est certain que
Dieu a voulu conuaincre d'ingratitude
tous ceux qui auiourd'huy ne daignẽt faire
hommage a son Fils vnique, quand il a
enuoyé vne telle multitude d'Anges pour
declarer qu'il estoit le Redempteur qui auoit
este promis.Nous auõs dõc beau nous
plaire en nostre incredulite: cõme nous en
voyons beaucoup de gens stupides, qui ne
tienent conte de tout ce qui est contenu en
l'Euangile. Il y a mesme des mocqueurs de
Dieu qui s'anonchalissent tellemẽt, que ce
leur est tout vn de ce qu'on leur preschera,
il n'en tienẽt conte nõ plus que de fables.
Or il y a aussi dequoy pour cõuaĩcre d'vne
rebelliõ obstinee & diabolique, tous ceux
qui ne s'assuietissẽt a nostre Seigneur Iesus
Christ, pour luy faire hõmage. Car autant
qu'il y a d'incredules, ils auront vne multitude
infinie d'Anges de paradis , qui tesmoignera
a l'encõtre d'eux: car ce sont les
ministres de la verite de Dieu. Ainsi donc
que tous meschãs, & tous ceux qui sõt confits
en leurs vices & corruptiõs se plaisẽt&
s'endurcissẽt tãt qu'ils voudrõt en leur incredulite,
ils ont des tesmoins par trop suffisans
pour ratifier leur condamnation.Car
les Anges de paradis sont apparus afin que
il n'y ait plus d'excuse, quãd nous ne receuerons
Iesus Christ pour nostre Roy souuerain,
no9 humilians sous sa maiesté. Mais cepẽdãt
[pendant]
notõs de nostre costé que Dieu a procuré
nostre salut quand il a enuoyé vne telle
multitude d'Anges, afin q͂ nous puissiõs
venir a nostre Seigneur Iesus Christ d'vn
courage alegre,& que nous ne soyons plus
en dispute ni en scrupule:mais que no
9 soyons
plenemẽt resolus, que nous trouuerõs
en luy tout ce qui no
9 fait defaut, & qu'il aura
de quoy pour suppleer à toutes nos pouretez
& miseres: brief,que c'est celuy par lequel
Dieu s'est voulu cõmuniquer a nous.
Et voulons-nous chercher nostre vie sinon
en Dieu?Or il y a toute plenitude de Diuinite
en nostre Seigneur Iesus Christ. Quãd
Colos. 2. b.9.
dõc nous auõs vn tel tesmoignage,c'est autant
comme si Dieu estẽdoit ses deux bras
pour no
9 faire sẽtir sa bõte inestimable: &
monstrer que seulement, quand nous aurõs
la foy en Iesus Christ,( ie di vne foy sãs hypocrisie )
nous appuyãs plenement en luy,
cognoissãs que c'est de luy qu'il nous faut
tout tenir, alors nous serons participans de
tous les biẽs lesquels nous defaillẽt, & desquels
no
9 sõmes affamez. Et au reste, cõbiẽ
qu'auiourd'huy nous ne voyõs poĩt les Anges
q͂ sõt apparus pour vn coup seulemẽt,
si est-ce que ce tesmoignage est enregistré,
afin d'estre autentique. Car le sainct Esprit
a parlé par la bouche de S. Luc. Contentons-nous
donc d'auoir vn tel tesmoin de
Dieu , qui nous declare que les Anges ont
rendu tesmoignage de la naissance de nostre
Seigneur Iesus Christ, afin que cognoissans
cõme il a este fait homme, voire qu'il
s'est aneanti pour nous, nous soyons rauis
pour aspirer au Royaume des cieux,afin de
adherer a luy en vray vniõ de foy. Or il y
a puis apres a cõsiderer le lieu de sa naissance,
c'est ascauoir Beth-lehẽ.Et ceci n'est pas
vne petit cõfirmation ni legere, quãd no9
voyõs que le Fils de Dieu a este nay, cõme
si long temps au parauãt le Prophete en auoit
fait mẽtion. Si Ioseph & Marie eussẽt
eu leur domicile en Beth-lehẽ, & y eussent
fait residence, cela n'eust point esté trouué
estrãge qu'elle y fust accouchee,& que Ies9
Christ y fust nay:mais ce q͂ no9 doit auiourd'huy
seruir eust este obscurci de beaucoup:
car on n'eust poĩt cognu que nõ sans cause
le Prophete auoit dit, Toy Beth-lehẽ,combiẽ
que tu sois auiourd'huy mesprisee cõme
vne petite bourgade,si est-ce que tu produiras
celuy q͂ doit estre le chef de mon peuple.
Mais quand Ioseph & Marie sont demeurans
en Nazareth, & qu'ils vienẽt en la ville
de Beth-lehẽ sur le terme qu'elle doit accoucher,
& que Iesus Christ est là nay, qui
ne verra que Dieu a conduit le tout par sa
main?Il faut donc que les hõmes se creuent
les yeux a leur esciẽt & d'vne certaine malice,
quand ils ne voudrõt yci cognoistre l'ouurage
de Dieu,lequel a marqué son Fils vnique,
[que]
afin qu'on le peust receuoir sãs aucune
doute, comme celuy qui auoit este promis.
Vray est qu'il y a bien eu occasion de faire
venir Ioseph en Beth-lehẽ, c'est ascauoir l'edict
publié de la part de l'Empereur Romain:
mais d'amener là vne fẽme enceinte
& a son terme, il est certain que cela ne s'est
point gouuerné par l'homme, & que Dieu
y a besongné. Et mesmes nous voyons cõme
Dieu vse de façons estranges pour accomplir
sa volõte. Car cest esdict de Cesar
qu'emportoit-il sinõ vne suietion tyrãnique,
qu'il faloit q͂ le peuple des Iuifs fust
lors taillé, qu'il y eust tribut sur chacune
personne : qui estoit pour leur monstrer
qu'il ne faloit plus qu'ils attendissent aucune
liberte. Iesus Christ estoit promis
pour deliurer les Iuifs & tous fideles de la
suietion de Satan , & de toute tyrannie: il
semble q͂ cest edict soit pour clorre la porte,
que iamais Dieu n'accomplisse ce qu'il
auoit promis a son peuple:& toutesfois
c'est le moyen de l'accomplir. Car quand
Ioseph & Marie vienent comme poures
gens asseruis a vn tyran, a vn payen & incredule,
voyla comme Iesus Christ est nay
en Beth-lehem, la Prophetie se monstre
estre veritable. Et Dieu ( comme i'ay dit )
baille yci plene certitude a tous les siens,
qu'il ne faut pas qu'ils doutent de la naissãce
de nostre Seigneur Iesus Christ. Voyla
donc comme il nous faut appliquer a nostre
vsage & instructiõ les choses qui nous
sont yci recitees . Car ce n'a pas esté l'intẽtion
de sainct Luc , ou plustost du sainct
Esprit qui a parlé par sa bouche, de nous escrire
simplement vne histoire de ce qui estoit
aduenu: mais il nous a yci exprimé
d'vn costé comme le Fils de Dieu ne s'est
point espargné pour nous : puis de l'autre
commẽt il a apporté tesmoignage infalible
qu'il estoit le Redempteur, afin qu'on le
reçoyue pour tel. Or cependant auisons
de faire nostre profit de ceste histoire, tellement
que nous puissions accorder au cãtique
des Anges en glorifiant Dieu, & receuoir
aussi ce qu'il nous donne yci pour
esiouissance de nos ames. En premier lieu
l'Ange dit ( a scauoir celuy qui a porté le
message aux bergers ) NE CRAIGNEZ
POINT, IE VOVS ANNONCE
VNE GRANDE IOYE. Et puis il
y a ce tesmoignage commun de toute l'armee
que Dieu enuoye, PAIX EN
TERRE AVX HOMMES. Voyla dõc
ce que nous auõs a retenir en premier lieu,
c'est q͂ nous cherchiõs nostre ioye en Iesus
Christ.Car de fait quãd nous auriõs toutes
delices & voluptez , il ne seroit question
que de nous baigner en tous plaisirs: si est-ce
que si nous ne sõmes pas trop endormis,
voire stupides du tout,nostre cõsciẽce n'aura
iamais repos: nous serons tormẽtez sans
fin & sans cesse: ce ver (dont parle l'Escriture)
nous rongera, nous serons redarguez
de nos pechez, & nous sentirons qu'a bon
droict Dieu nous est cõtraire & ennemi.Et
ainsi malheur sur toutes les reiouissances
du monde, d'autant qu'elles seront cõverties
en grincemẽt de dẽts, iusques a ce que
les hommes soyent appointez auec Dieu.
Maudites dõc soyent toutes resiouissances,
tous honneurs,toutes choses desirables,iusques
a tant que nous sentiõs que Dieu nous
reçoit a merci: & qu'estans ainsi recõciliez
auec luy, no9 puissiõs no9 esiouir: voire nõ
pas d'vne ioye terrestre , mais de celle qui
notamment nous est promise au sainct Esprit,
afin que nous la cherchiõs en luy. Or
ce sõt choses inseparables que la paix & la
ioye. Car cõment nous voyãs enuirõnez de
tãt de miseres, auõs-nous de quoy nous esiouir?
Et puis, voyãs que nous sommes maudits
en Adã, que nous sommes enfans d'ire,
que Dieu estant nostre iuge est armé de vẽgeance
pour nous abysmer, quelle ioye
pourrons-nous conceuoir estãs en tel estat?
Certes quãd nous y pensons,non seulemẽt
il faut que nous soyons accablez d'inquietude:
mais en vne gehẽne horrible,& q͂ surmõte
toutes les angoisses de ce mõde:voire
sinõ que le diable no9 ait ensorcelez:cõme
nous en voyõs beaucoup qui ne laissẽt pas
de s'esgayer, cõbien qu'ils facent la guerre
a Dieu.Mais si nous auons vne seule goutte
de sentiment en nous, il est certain que
nous serons tousiours en torment , iusques
a ce que Dieu nous soit declaré propice.
Il faut donc que ceste paix precede, que
nous scachiõs que Dieu nous aduoue pour
ses enfans, voire d'autant qu'il ne nous impute
point nos pechez. Or sommes-nous
ainsi paisibles auec Dieu? Alors nous auons
aussi de quoy nous esiouir:voire auec
Dieu,suyuant ce que i'ay desia touché.Car
les incredules aurõt bien quelq͂ paix:( c'est
à dire, ils sont ellement eslourdis qu'il
ne leur chaut du iugement de Dieu , mesmes
ils le despitent ) mais ce n'est pas auec
Dieu.Car iamais ils n'ont paix ni repos sinon
quand ils oublient & Dieu & eux-mesmes,
& qu'ils sont abbrutis du tout. Mais
Rom 5. a. 2.
sainct Paul nous exhorte d'auoir paix auec
Dieu, c'est à dire de regarder a luy, & cercher
comme nous pourriõs estre paisibles:
c'est qu'estãs approchez de luy, nous soyõs
certains & asseurez de son amour. Et comment
cela se fera-il?par la remission de nos
pechez , par l'amour gratuite qu'il nous
porte en nostre Seigneur Iesus Christ. Or
donc notons bien que la paix que preschẽt
yci les Anges de Paradis , a apporté ceste
ioye , de laquelle le premier Ange auoit
fait mẽtion,disant, Ie vo
9 annõce vne grãde
ioye,c'est le salut que vo
9 auez en Iesus
[Christ.]
Christ.Il est appelé nostre paix:& ce titre-
la declare que nous seriõs alienez du tout
de Dieu , sinon qu'il nous receust par le
moyen de son Fils vnique. Et puis de là
nous auons aussi de quoy nous glorifier,
quand Dieu nous aduouë pour ses enfans,
qu'il nous donne liberte de le reclamer cõme
nostre Pere a plene bouche, de venir
franchement à luy , & y auoir nostre refuge.
Cependant recueillons de là, que Dieu
a tellement ordonné que l'Euãgile se presche
par la bouche des hommes,que les Anges
ont precedé neantmoins.Auiourd'huy
il est vray qu'il faut que l'Eglise soit enseignee
par le moyen des creatures mortelles:
mais quoy qu'il en soit,nous n'apportons
riẽ de nouueau, seulemẽt nous recitõs
la predication qui a este faite par les Anges
de Paradis: & non pas d'vn petit nombre,
mais d'vne multitude infinie,& d'vne grosse
armee. Au reste, il ne se peut faire que
nous ne soyons enflammez a magnifier nostre
Dieu , quand nous serons plenement
certifiez de sa bõte.Et voila pourquoy ces
deux choses sont coniointes, que les Anges
exhortent tout le monde a glorifier
Dieu,d'autant qu'il a donné vne telle paix
en terre. Nous iouissons donc du bien que
Dieu nous a eslargi par le moyen de nostre
Seigneur Iesus Christ son Fils vnique. Il
a prins la possession de ceste paix, afin que
nos louanges montent là haut , & qu'elles
percent les nues, & que tout le monde retentisse
de ce cantique, c'est a scauoir que
Dieu soit benit & magnifié par tout. Or
nous auons a recueillir de là,que tousiours
nous aurõs la bouche close, & que nous ne
pourrõs pas louer Dieu, iusques a ce qu'il
nous ait fait sentir sa bonte.Car de fait cõment
les poures pecheurs,cependant qu'ils
ont des remords & troubles en eux-mesmes,
qu'ils ne scauent si Dieu les aime ou
les hait,pourront-ils benir son nom?Mais
au contraire l'angoisse les tiendra comme
enserrez , qu'ils ne pourront pas ouurir
nullement la bouche. Il faut donc qu'en
premier lieu Dieu nous ait testifié a bon
escient l'amour qu'il nous porte,tellemẽt
que nous soyõs resolus qu'il nous sera tousiours
Pere: & alors no9 aurõs aussi de quoy
benir son nom. Mais comme nous ne pouuons
louer Dieu iusques a ce qu'il nous ait
declaré sa bonte, aussi apprenons de n'auoir
point vne foy morte ou oisiue : mais
que nous soyons incitez a benir le nom de
Dieu,quand nous voyons qu'il a ainsi desployé
les grans thresors de sa misericorde
enuers nous: & que la bouche face son
office d'vn costé, & puis que toute nostre
vie responde. Car voila le vray cantique,
c'est qu'vn chacun se dedie au seruice de
[Dieu]
Dieu , cognoissant que puis qu'il nous a
acquis si cherement , c'est bien raison que
toutes nos pensees & nos œuures soyent
appliquees a cest vsage-la, que son nom
soit benit.Et que quand nous cognoistrons
que vrayement nous sommes siens, nous
scachions que c'est d'autãt qu'il luy a pleu
de nous accepter a soy,& q͂ le tout procede
de sa bonte gratuite. Et ainsi non sans cause
ce mot est adiousté, que
LA PAIX est
donnee aux hommes : non pas pour aucun
merite , non pas qu'ils l'ayent acquise,
mais par le bon plaisir de Dieu.Car le mot
dont vse sainct Luc emporte cela , qu'il ne
faut chercher autre raison pourquoy nostre
Seigneur Iesus Christ nous est apparu,
sinon d'autant que Dieu a eu pitie & compassion
de nos miseres. Comme aussi il est
dit au
troisieme chapitre de sainct Iehan b.
16, que Dieu a tant aimé le monde , qu'il
n'a point espargné son propre Fils , mais
l'a liuré a la mort pour nous. Apprenons
doncques de venir a nostre Seigneur Iesus
Christ en telle sorte : c'est a scauoir que le
message qui nous est yci publié par les
Anges,nous soit comme vne lampe ardente
pour nous monstrer le chemin, que la
foy nous conduise, & que nous scachions
qu'il est maintenant Dieu en nous, d'autãt
qu'il est Dieu auec nous.Il s'est declaré
nostre Dieu auec nous ( comme i'ay dit)
quand il a voulu habiter en nostre nature
humaine cõme en son temple : mais maintenant
il est Dieu en nous, c'est a dire que
nous le sentons conioint a nous en plus
grande vertu que quand il s'est monstré &
declaré hõme mortel.Mesme il est & Dieu
& homme en nous.Car premierement par
la vertu de son sainct Esprit il nous viuifie:
& puis il est homme en nous,d'autant qu'il
nous fait participans du sacrifice qu'il a offert
pour nostre salut: & nous declare que
non sans cause il a prononcé que sa chair
Ieh. 6.f.55.
estoit vrayement viande, & son sang estoit
vrayement bruuage. Et voyla pourquoy
aussi la saincte table no
9 est apprestee, c'est
ascauoir afin que nous cognoissiõs que nostre
Seigneur Iesus estant descendu yci bas,
& l'estant aneanti du tout, n'est pas pourtant
separé d'auec nous, quand il est monté
en sa gloire des cieux: mais que plustost
c'est a ceste cõdition que nous soyons participãs
de son corps& de son sang.Et pourquoy?
Car nous scauõs que sa iustice & son
obeissance est la satisfaction de nos pechez,
& qu'il a appaisé l'ire de Dieu par le
sacrifice qu'il a offert de son corps& de son
sang en ceste humanite qu'il a prinse de
nous. Puis qu'ainsi est donc , que nous ne
doutions point quand Iesus Christ nous
conuie a ceste table, cõbien que nous n'aperceuiõs
[perce-]
que du pain & du vin,que vrayement
il n'habite en nous, & que nous ne
soyõs tellement conioints a luy qu'il n'ha
rien de propre qu'il ne nous vueille communiquer.
Que nous cognoissions,di-ie,
cela,afin de scauoir faire nostre profit de ce
Sacrement qui nous a este establi par luy:
& que toutes fois & quantes que nous auons
a le receuoir,nous scachiõs que Dieu
nous eust biẽ deliurez de l'abysme de condamnation
auquel nous estions, par vn autre
moyen s'il eust voulu : mais qu'il nous
a voulu dõner plus d'asseurãce de l'amour
qu'il nous porte, quand nous auons Iesus
Christ pour gage , afin que nous cerchions
tout nostre bien en luy: que nous cognoissions
que nous ne pouuons nous esiouir en
façon que ce soit , iusques a ce qu'il nous
soit donné là comme au milieu , & qu'il
soit tellement approché de nous , que par
son moyen nous soyons conduits iusques
au Royaume des cieux,duquel nous estiõs
bannis & priuez a cause de nos pechez.
Voila comme il nous faut auoir nostre Seigneur
Iesus Christ pour adresse de nostre
salut , si nous voulons approcher de Dieu,
si nous desirons d'auoir vne vraye ioye spirituelle,
vn contentement & repos: si nous
desirons aussi d'estre armez contre les tentations
que le diable nous pourra susciter.
Mais pour estre participãs de ceste saincte
table,auisons a nous,& cognoissõs en premier
lieu nos miseres,pour nous y desplaire,
& pour y estre confus du tout. Et au reste,
que nous cognoissions que Dieu a voulu
addoucir toutes nos tristesses & angoisses,
quãd il s'est ainsi eslargi en son Fils vnique,
& qu'il nous y a voulu resiouir plenement.
Et combien que nous soyons suiets
a beaucoup de pouretez en ce monde,
& assiegez d'ennemis,qui sont cõme loups
rauissans : que le diable d'vn costé ne cesse
de chercher sa proye en nous,& les incredules
abbayent comme chiens mastins: combien
( di-ie ) que nous soyons agitez de
beaucoup de troubles, & menacez de tous
costez : combien qu'il nous faille endurer
beaucoup de fascheries , tenons-nous certains
toutesfois que nous ne laisserons pas
d'auoir tousiours la paix a nostre Dieu: &
le prions qu'il nous la face sentir par son
sainct Esprit , d'autant que c'est vne chose
qui surmonte tout sens humain: ( cõme desia
Philip.4.b.7.
nous auons touché de S. Paul ) & que
nous apprenions de tellement nous contẽter
de nostre Seigneur Iesus Christ, & des
biens spirituels desquels il nous a fait participans,
que nous puissions porter patiemment
toutes les miseres & afflictions de ce
monde. Qu'il ne nous face point mal d'estre
mesprisez , d'estre molestez de toutes
parts : brief d'estre exposez a tout opprobre
[bre]
& ignominie , moyennant que Iesus
Christ soit auec nous, & qu'il benie toutes
nos miseres & afflictiõs,& que nous en rapportions
tel fruit , qu'on cognoisse qu'au
milieu de toutes nos pouretez nous ne demandons
sinon a glorifier nostre Dieu. Et
là où les mondains font leurs triomphes a
leur confusion, d'autant qu'ils ne se peuuẽt
esiouir sinon en bataillãt contre Dieu, que
nostre vraye ioye soit de le seruir en toute
crainte & humilite , & nous addonner du
tout a son obeissance. Voyla donc comme
nous auons a faire nostre profit de ceste doctrine.
OR nous nous prosternerons deuant
la maieste de nostre bon Dieu en cognoissance
de nos fautes , le prians que de plus
en plus il nous les face sentir : & que par ce
moyen nous soyons apprins de nous ranger
a nostre Seigneur Iesus Christ:cognoissans
que si nous sommes separez de luy,
toute nostre vie & tous les biens que nous
receuons de Dieu, nous serons tournez en
plus grande condamnation. Et pour sentir
que le fruit de sa mort & passion nous est
communiqué,qu'il nous adouë pour mẽbres
de son corps , afin que les afflictions
que nous pourrons endurer en ce monde
nous soyent d'autant d'aides a salut. Ainsi
nous dirons tous, Dieu tout puissant, Pere
celeste, &c.