Auteur: Calvin, Jean (1567)
Titre: SERMONS DE M. IEAN Caluin sur le cinquieme liure de Moyse dit Deuteronome
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SERMONS DE M. IEAN
Caluin sur le cinquieme liure de Moyse
dit Deuteronome


Du Mercredi vingtieme de Mars, 1555.


SERMON PREMIER SVR LE CHAP. I.


S'Ensuyuent les parolles que Moyse dit à tout
Israel outre le Iordain au desert en la plaine cõtre
la mer rouge,entre Pharan & Tophel,& Laban,
& Hazerot, & Dizahab.
2 Onze iournees y a de Horeb par la voye du
Mont de Seir iusqu'à Cades-barné.
3 Et aduint en la quarantieme annee, au premier
iour de l'onzieme mois,que Moyse parla aux enfans d'Israel,
selon tout ce que le Seigneur luy auoit commandé de leur dire
.

QVand Dieu feit publier sa Loy en la mõtagne
d'Horeb , apres auoir retiré le peuple
de la captiuité d'Egypte,il mõstroit par cela à quelle
fin & intention il auoit eu pitié de son peuple
pour le deliurer : c'est à ce qu'il en fust glorifié:
comme aussi il nous faut rapporter toutes les graces
que Dieu nous eslargit , à ce but-la. Zacharie
pere de sainct Iean Baptiste,parlant de la grande
& souueraine deliurance qui a este faite en la personne
de nostre Seigneur Iesus Christ, dit, que
Dieu nous a retirez de la main &tyrannie de nos
Luc I.
74.
ennemis: afin que nous le seruions tout le tẽps de
nostre vie en sainctete & iustice. Et c'est vne doctrine
assez commune en toute l'Escriture saincte.
Et voila pourquoy aussi il est dit par le Prophete
Isaie , que Dieu a creé vn peuple lequel racontera
Isa.
43.31.
sa louange. Puis qu'ainsi est donc , que la
Loy fut donnee au peuple , afin de luy faire sentir
pourquoy il auoit este deliuré de la seruitude
d'Egypte, c'estoit bien raison qu'il se dediast du
tout à l'obeissance de Dieu,qui s'estoit ainsi monstre
Redempteur . Mais le peuple se fasche, & ne
se peut rendre docile pour escouter ce qu'on luy
propose au Nom de son Dieu.Neantmoins si est-
ce qu'il le deuoit bien faire , apres auoir senti vn
tel bien,& si inestimable:car Dieu auoit desployé
son bras robuste, quand le peuple fut deliuré. Il
deuoit donc cognoistre , Voici nostre Dieu qui
s'est magnifié d'vne façon admirable enuers nous,
nous auons eu comme vne presence visible de sa
maiesté : si les cieux se fussent ouuerts , & que
Dieu se fust mõstre à l'œil en personne,nous n'eussions
pas eu tesmoignage plus ample ne plus indubitable
qu'il nous estoit prochain , qu'il estoit
nostre conducteur. Or puis que Dieu est ainsi descendu
à nous,qu'il luy a pleu de nous communiquer

ainsi sa bonté : n'est ce pas raison que nous
soyons du tout siens? Et d'autant qu'il nous a tendu
la main pour nous racheter, ne faut-il pas que
nous soyons son heritage, quand il nous a acquis
par sa vertu? Le peuple donc s'il eust eu vn grain
de prudence , deuoit bien se ranger en toute humilité
pour receuoir la doctrine qui luy estoit
preschee par Moyse. Et mesme quelle authorite
meritoit la Loy , qui estoit ainsi approuuee par
tant de miracles?Car Dieu ne commande pas simplement
à Moyse de parler, apres l'auoir choisi
pour son prophete:mais il le tire en la montagne,
il le separe de la compagnie des hommes,afin que
quand il viendra mettre en auant la Loy,qu'on le
tienne comme vn Ange,& non point comme vne
creature mortelle. Il a este là quarante iours sans
boire ne sans manger : pour monstrer qu'il a este
exempté du rang commun des hommes , & que
Dieu l'auoit recueilli comme en sa gloire celeste.
Moyse vient-il? il y a en sa face vne clarté si grãde,
qu'il semble que ce soit vn soleil.Au lieu qu'on
luy attribue des cornes, il est dit,qu'il y auoit des
rayons de soleil tout à l'entour , c'est à dire , vne
telle splendeur qu'il falloit qu'il meist vn voile deuant
sa face.Et à quoy seruoit cela,sinon pour ratifier
& approuuer la Loy que Dieu luy auoit dõnee ,
& qui luy estoit cõmise & qu'on cogneust
que ce n'est pas vne doctrine forgee d'vn homme
caduque?Et au reste,voila les tõnerres & esclairs,
les trompettes qui sonnẽt:qu'il semble que tout le
le monde doiue estre comme abysmé, il n'y a lieu
ne haut ne bas qui n'en soit esmeu,& qui ne trẽble
quand il est question que Dieu prononce sa voix.
Quãd dõc la Loy est si biẽ seellee, & auec vne telle
maieste, ne faut-il pas que le peuple soit plus
que stupide , de n'escouter point son Dieu parlant