SERMON DEVXIEME.
Matth. 28. 1. Or [estant venu] le soir du Sabbat, (c'est
à dire, estant acheué le Sabbat) cõme il se faisoit
iour pour le premier de la sepmaine, Marie
Magdaleine s'achemina, & l'autre Marie,
pour considerer le sepulchre.
2. Et voici il se fit un grand tremblement de
terre. Car l'Ange du Seigneur descendu du ciel,
s'estant approché, roula la pierre arriere de
l'huis du sepulchre, & s'aßit dessus.
3. Et son regard estoit comme un esclair, &
son habillement comme neige.
4. Et les gardes pour la peur qu'ils eurent
furent effrayés, & deuindrent comme morts.
Marc. 16. 9. Or estant Iesus ressuscité au matin au
premier iour de la sepmaine, il apparut premierement
à Marie Magdeleine.
Ieh. 20. 1. Or le premier iour de la sepmaine Marie
Magdeleine vint le matin au sepulchre comme
il faisoit encores obscur.
[ICI]
ICI nous est recité, premierement
Le Seigneur
est ressuscité
sur la fin de
la nuict,
qui auoit cõmencé
à la
façon des
Hebrieux,
le premier
iour de la
sepmaine
suiuante la
mort d'icelui,
& que
nous appellons
le Dimanche.
par S. Marc, à quelle
heure ressuscita le Seigneur, à
sauoir le matin du troisieme
iour : ce qui nous est encores
plus expressément specifié par S. Iehan, à sauoir,
que ce fut des la premiere poincte de
ce iour-là. Car puis que Marie Magdeleine,
estant arriuee au sepulchre quand il faisoit
encores obscur, trouua desia le sepulchre
ouuert, qui estoit signe que le corps de Iesus
Christ n'y estoit plus, il s'ensuit ce que i'ay
dit, sauoir est, qu'il ressuscita des la premiere
apparẽce de la fin de la nuict, qui cõmençoit
le troisieme iour, à sauoir le Dimãche,
que nous appellons, par le soir precedent,
à la façon des Iuifs, & lors que les autres femmes
estoyent en chemin. A cest instant dõc,
qui finissoit le dernier & septieme iour de
la sepmaine precedente, & qui commençoit
la sepmaine suiuante, comme parle S.
Matthieu, (ne specifiant pas la Resurrection
du Seigneur, n'y le temps d'icelle, comme
S. Marc, mais la presupposant, par ce qu'il
recite de ce tremblement de terre, auec le
roulement de la pierre par l'Ange, & le
grand effroy des Gardes du sepulchre) le
Seigneur ressuscita, hors la presence de tous
hommes.
Et n'est pas sans tresiuste cause, que ce tẽps
La prouidence
de
Dieu ne
peut estre
empeschee
ni mesmes
retardee, ni
quant à l'euenement,
ni quant
au temps et
moyens, doctrine
dont
l'vsage est
tresgrãd, &
l'ignorance
trespernicieuse.
nous est specifié. Car premierement le Seigneur
a verifié ce qu'il auoit souuentesfois
predit, à sauoir, qu'il ressusciteroit au troisieme
iour : ce qu'il pouuoit bien faire aussi
à midi, ou au soir du mesme iour : mais il a
voulu choisir le tẽps auquel les Gardes pouuoyent
estre moins endormies, ou moins lassés
de la Garde, ayans peu reposer par interualles
de la nuict, distinguee ordinairemẽt,
sur tout entre ce peuple, en plusieurs veilles,
Luc. 12. 38. pour monstrer tant mieux sa
puissance : contre laquelle, tant s'en faut que
la subtilité ou la force de ses ennemis ait
eu pouuoir d'empescher l'effect de sa parole,
par eux tresbien entẽdue,
Matt. 27. 63. que
mesmes ils ne l'ont peu reculer d'vn seul
poinct. Qui plus est, leurs gardes & leurs
seaux ont grandement serui à les conuaincre
de la verité de la Resurrection du Seigneur.
Et d'ici nous faut il recueillir vne
tresexcellente & tresnecessaire doctrine,
pour combattre, voire surmõter, toute desfiance,
en luy opposant ce bouclier de la
foy, duquel, auant toutes autres armes, l'Apostre
equippe le cheualier Chrestien,
1.
Thess. 5. 8. &
Ephes. 6. 16. Car la vraye foy ne
croit pas seulement, & comme de gros en
gros, que Dieu peut & veut executer ce que
il a promis : mais croit aussi que ce sera au
temps infalliblement prefix, & par tels
[moyens] moyens qu'il luy plaira, nonobstant toutes
les difficultés & les empeschemẽs qui se presentent,
pour l'empescher ou retarder. C'est
ainsi que les Israelites sortirent d'Egypte la
mesme nuict que les quatre cent & trente
ans acheuerent,
Exod. 12. 41. desquels Abraham
auoit esté expressément aduerti,
Gen.
15. 13. estant à presumer, que si Moyse eust
bien entendu ou calculé ce temps, il ne se
fust pas tant auancé, comme en parle sainct
Estienne,
Act. 7. 25. Et, peut estre, qu'il en
porta la peine de quarante ans de bannissement
en Madian : pouruoyant cependant le
Seigneur, par cest interualle, tant à Moyse,
qui deuoit estre preparé & façonné par vn
tel exercice à toute patience (dont il a eu tãt
de besoin puis apres en la conduicte du peuple)
qu'au peuple mesmes, encores trop aise
& trop gras : & pour rendre aussi tant plus
apperceuables ses iustes iugemens sur l'ingratitude
des Egyptiens, ayans si tost oublié
Ioseph. C'est ainsi aussi qu'il a falu que les
septante ans de la captiuité, ayent esté iustement
accomplis : ce que Daniel a patiemment
attendu, deuant que faire ceste belle
& expresse priere, contenue au 9. chapitre
de son histoire. Et si les Scribes, qui ont bien
sceu respondre à Herodes, que le Messias
deuoit naistre en Bethlehem,
Matth. 2. 5. eussent
aussi bien calculé les septante sepmaines
reuelees à Daniel, ils eussent recognu à
salut celuy qu'ils ont reietté, à leur destruction.
Mais encores est plus recommandable
la foy & perseuerance de ceux qui se
contentans de la simple promesse du Seigneur,
sans que le temps de l'issue leur fust
declaré, ont perseueré iusques au bout, au
trauers de toutes tentations. Et nous auons
de cela vn singulier exemple en Dauid, lequel
ne dit pas à fausses enseignes,
Pseau. 40.
1. I'ay attendu en attendant, & Dieu s'est
tourné de mon costé : Ce qui ne se fait pas
sans vn merueilleux combat, non seulemẽt
contre les difficultés qui se presentent pour
nous persuader l'impossibilité de voir l'effect
de ce qui nous est promis, mais aussi
contre nostre impatiente curiosité, tesmoin
l'exemple des Apostres, lesquels ne doutans
point de la venue du Messias & de la restauration
du peuple de Dieu : desiroyent cependant,
de sauoir si cela se feroit tout incontinent :
& au mesme instãt qu'ils le voyoyent
ressuscité,
Act. 1. 6. Mais le Maistre leur baille
la response, laquelle seule nous doit resoudre
contre toute impatience, à sauoir,
qu'il faut remettre tout cela, à celui lequel
seul a les temps & les momens en sa propre
puissance. C'est aussi ceste impatience, qui
rend les hommes d'impatiens incredules, &
d'incredules, finalement les rend moqueurs,
[des-] Et sur cela, nous auons à nous garder de
C'est une
chose tres-
dangereuse
de vouloir
s'enquerir
des tẽps &
des moyens
qu'il nous a
cachés.
vne autre ruse de Satan, lequel, s'il ne peut
nous amener à ceste incredulité du premier
coup, prend vn autre chemin tẽdant à mesme
but. Car sous couleur que le Seigneur
souuentesfois, s'accommodant à l'infirmité
de l'ancien peuple, l'a consolé par ses Prophetes,
luy specifiant par eux les temps &
les moyens de leurs deliurances, il suscite
des faux Prophetes, pour contrefaire les veritables,
comme vn Sedechias du temps de
Iosaphat,
1. Rois, 22. 24. & Ananias du temps
de Ieremie,
Ierem. 28. & comme il en print
à ce miserable peuple, apres auoir reietté le
vray Messias, comme les histoires le tesmoignent,
& comme il en est parlé mesmes,
Act. 5. 36. & 21. 38. combien que le Seigneur
les en eust si soigneusement aduertis,
Matt.
24. 23. Marc. 3. 17. Luc. 17. 23. dont l'issue est
telle finalement, que les hommes experimentans
telles predictions estre fausses, adioustent
puis apres aussi peu de foy à la parole
mesme de Dieu. C'est ainsi que Satan
a besongné pieça en l'Eglise Chrestiene,
touchant le second aduenement du Seigneur
dés le temps des Apostres,
1. Thess. 5. 1. &
2. Thess. 2. 2. s'estant mesmes serui Satan
long temps y a, de quelques bons & sauans
personnages au demourant, mais qui se sont
laissés trop aisément tromper en cest endroict,
au calcul des temps que le Seigneur
nous a cachés, ou nous a tellement declarés
en l'Apocalypse de son fidele seruiteur, que
l'experience a suffisamment monstré, que la
seule issue en donnera certaine cognoissance :
s'abstenans les plus sages d'en parler si
auant, mais plustost se preparans à n'estre
trouués endormis en ce iour du Seigneur,
qui viendra quand il sera le moins attendu,
qu'à calculer les temps de son second aduenement,
que le Seigneur a caché mesmes
aux Anges,
Matth. 24. 36. voire à son Fils,
estant consideré distinctement en son humanité,
& à ce qu'elle peut sauoir de soy-
mesmes, & sans reuelation. Et que sera-ce
donc de ces abuseurs, tant pronostiqueurs,
que bastisseurs de supputations de temps à
leur appetit, dont le monde est auiourd'huy
farci ? Au lieu dõc de s'arrester à ces resueurs
& calculeurs des temps, que Dieu nous a cachés,
contentons nous d'embrasser les promesses
du Seigneur, nous asseurans de la verité,
tant de ses menaces sur les incredules
& meschans, (quoy que selon nostre temps
elles tardent,) que de ses promesses faictes
aux croyans & repentans, nonobstant les
difficultés ou l'apparẽce des impossibilités,
qui se presentent pour nous esbranler. Et
quant aux temps & aux moyens, il est bien
[vray]
vray, que plus nous voyons que le monde
est au comble de toute desesperee rebellion,
& plus nous apperceuons de ces signes
comme palpables au ciel & en terre, que le
Seigneur a predit : plus s'approche sa derniere
venue, nous auons à nous garder de
faire comme ceux du temps de Noé, qui ont
esté surpris du deluge : mais d'autre part laissans
à Dieu ce qu'il nous a caché, leuons nos
cœurs à luy, possedans nos ames en silence
& patience, & veillons, pour n'estre point
surpris endormis.
Pour reuenir à nostre histoire, de laquelle
Admirable
conuenance
entre
la creation
de la lumiere,
lors que
ce mõde fut
creé, & la
Resurrectiõ
du Seigneur, la
vraye lumiere
du
siecle à venir.
me suis vn peu destourné, pour la necessité
que nous auons auiourd'huy de ceste
doctrine, en ceste si longue & dure espreuue,
en laquelle nous sommes auec toute l'Eglise
du Seigneur : ie di qu'il ne faut legerement
passer ceste circonstance du temps auquel
le Seigneur a voulu ressusciter, à sauoir
des la premiere poincte de la clarté de ce
iour, qui est ici appellé le premier, nõ point
particulieremẽt de ceste sepmaine-là, comme
si les Iuifs eussent forgé quelque nouueau
calcul des sepmaines : mais d'autant
que la creation du monde en sept iours cõmença
par pareil iour, reuenant tousiours à
son tour. Car ceste circonstance nous represente
vne tresbelle & admirable conuenance
qu'il y a entre la creation de ce present
monde, assuietti à corruption par le peché
du premier Adam, & le renouuellement
d'icelui en perpetuelle eternité, par la vertu
du second Adam : n'estant pas sans tresiuste
raison, que les Prophetes font mention de
nouueaux cieux & de nouuelle terre, à la
venue de ce Sauueur : estant aussi appellé par
l'Apostre
le mõde à venir,
Heb. 2. 5. Ie di dõc
qu'ainsi que la creation de ceste lumiere corporelle
cõmença le premier iour de ce monde
corruptible, esclairant ceste grosse masse
de la terre & du gouffre des eaux, qui la couuroit
de toutes parts, de laquelle lumiere le
gouuernemẽt fut baillé puis apres aux deux
luminaires : ainsi la Resurrection du Seigneur,
commençant la premiere aube du
premier iour de ce nouueau monde spirituel
& eternel, a esté le premier rayon de
ceste vraye lumiere spirituelle, dechassant
ces tant espesses tenebres des entendemens
& des cœurs : tant de ce poure peuple,
gisant en l'ombre de la mort,
Esa. 9. vers. 1. que de toutes les autres nations,
Esa. 49. 6. que le Seigneur par tãt de siecles auoit laissees
cheminer comme poures aueugles en
leurs voyes,
Act. 14. 16. Car combien que le
Seigneur, sous l'ancienne alliance, eust enuoyé
la lumiere de sa cognoissance à ses esleus,
à sauoir premierement aux Patriarches,
puis à ce peuple issu d'Abraham, n'ayãt
[pas] pas fait ainsi à toute nation,
Deut. 4. 6. Pse.
76. 2. si est-ce que ceste clarté estoit plustost
vne splendeur de Lune, esclaircissant aucunement
la nuict en croissant & diminuant,
qu'vne splendeur du Soleil, vray porte-lumiere :
& combien que ceste vraye lumiere,
qui est nostre Seigneur Iesus,
Ieh. 1. 9. & 11. se
fust desia manifestee aux siens par sa presence
en chair, & par la predication de salut,
Ieh. 8. 12. &
12. 35. si est-ce que le voile de sa
chair, en son infirmité, obscurcissoit merueilleusement
ceste manifestation, tesmoin
l'incredulité de ses plus chers & familiers
disciples, ne leur ayant pas dit sans cause,
qu'il estoit expedient qu'il montast en haut
à Dieu son Pere, pour se faire mieux cognoistre
par son Esprit,
Ieh. 16. 7. Et quant à
nous poures Gentils, combien que Dieu ne
se fust iamais laissé sans tesmoignage de sa
diuinité, engraués au ciel & en la terre, & au
gouuernement de ce monde visible,
Act. 14.
17. toutesfois ceste lumiere n'estoit qu'vn esclair,
s'esuanouissant tantost, & se tournant
en plus espaisses tenebres,
Rom. 1. 19. 20. &
21. Et pourtant n'ay-ie pas dit sans cause,
que la Resurrection du Seigneur, en la premiere
poincte de ce premier iour de la sepmaine,
ayant commencé à mettre fin tant à
ceste ombrageuse cognoissance donnee à
l'ancien peuple, sous les figures de la Loy,
qu'aux tresespesses tenebres du reste du
monde : & mesmes à ceste manifestation, encores
obscure de sa personne, voilee de l'infirmité
de sa chair, a esté vrayement comme
le premier, trespur & clair poinct du
iour, commençant ce nouueau monde spirituel
& eternel. Mais comme le premier
poinct du iour ne chasse les tenebres de la
nuict que peu à peu, & par succession de tẽps
en ce monde visible : ainsi la leuee de ce
vray Soleil a peu à peu esclairé le monde,
qui ne pouuant autrement estre rẽdu capable
à receuoir vne si grande clarté : de laquelle
fut premierement illuminee Ierusalem,
au iour de la Pentecoste, & finalement
les nations prophanes, quand ce Soleil commença
de ietter ses rayons, par la dispersion
de l'Eglise, apres la mort de S. Estienne,
Act.
8. 4. suyuant ce qui auoit esté promis,
Esa. au
60. chapitre, & comme, apres Zacharie comparãt
Iesus Christ à l'Orient d'enhaut,
Luc.
1. 78. Simeon en auoit declaré l'accomplissement,
Luc. 2. 32.
Autre admirable
rapport
qui se
trouue entre
la creation
du premier
Adã
à deux fois,
& les deux
diuerses &
succeßiues
Voila donc le rapport admirable & plein
de consolation, qui se trouue entre ceste
circonstance du premier poinct du iour,
par lequel le Seigneur ressuscita, commençant
le nouueau monde eternel, & entre la
creation de la lumiere, qui commença le
premier iour du premier monde corruptible.
[ble]
A cela aussi peut estre adioustee vne autre
conditions
du second
Adam, qui
est Iesus
Christ selon
la chair,
tant en luy
qu'en ses
membres.
conuenance non moins admirable en
ce qu'ainsi que le premier homme, source
du genre humain en ce monde, par generation
charnelle & animale,
Genes. 1. 28. a esté
fait comme à deux fois,
Genes. 2. 7. à sauoir
premierement, quant à son corps materiel,
formé du limon de la terre, & subiect à ceste
vie animale, & tantost apres par le peché, à
tant d'infirmités, & finalement à retourner
en poudre : & secondement en son ame, de
nature spirituelle & immortelle en son essence,
tost apres aussi assuiettie à peché & à
la mort seconde : ainsi le second Adam, source
de tous les hommes, qui par generation
spirituelle ont esté, sont, & seront habitans
du nouueau monde perpetuel, a esté aussi
creé comme à deux fois, non pas quant à
l'essence de son ame, ni de son corps, mais à
l'esgard de ces deux diuerses, voire contraires
qualités : à sauoir, premierement en son
estat d'infirmité en tout & partout semblable
à nous, horsmis peché, commençant ceste
condition par sa conception au ventre
de la Vierge, & finissant par sa sepulture : &
secondement en cest estat de gloire, commençant
par sa Resurrection, quoy qu'il
ait encores tenue ceste maiesté comme à
demi cachee par l'espace de quarante iours,
à sauoir, iusques à son ascension, & assiete à
la dextre du Pere, laquelle gloire est, & sera
permanente à iamais. Telle est aussi la generation
spirituelle des enfans de Dieu, qui
se conforment à leur Chef, à deux fois : à sauoir,
premierement par cest estat tant infirme,
appellé par l'Apostre le corps de mort,
à l'esgard duquel il s'appelle miserable, &
desire d'en estre plenement deliuré,
Rom. 7.
24. 2. Cor. 5. 4. &
Philip. 1. 23. & secondement
en cest estat de gloire & d'incorruption, laquelle
derechef, ainsi que Iesus Christ a encores
seiourné quarante iours ici bas, deuãt
qu'entrer plenement en la pleine iouissance
de son regne, ne se paracheue aussi es enfans
de Dieu qu'à deux fois, à sauoir, premierement
en l'ame receue auec Iesus Christ,
quand elle est separee de son corps,
Luc. 23.
43. Act. 7. 59. & secondement en corps & en
ame au dernier iour, en ceste immortalité
tresglorieuse. Mais en cela se retrouue encores
vne admirable correspondance, mais
bien fort inegale, entre le premier & le second
Adam, en ce que le premier Adam fut
colloqué en ce beau parc de plaisance, dont
il se bannit puis apres par son peché, pour
estre logé en ceste poure & infecte demeure
terriene : mais ce second Adam s'estant logé
en ce mesme monde terrien, en y estant mesmes
entré par vne estable, & couché dans
vne creche,
Luc. 2. 7. sans estre toutesfois aucunement
[cune-] pollué des infections d'icelle,
quoy qu'il fust chargé de toutes nos miseres,
horsmis peché, est puis apres monté par
dessus tous les cieux,
Eph. 4. 10. pour y attirer
les siens,
Cant. 1. 4. &
Ieh. 12. 32. en felicité eternelle,
& y viure du vray arbre de vie,
Apoc.
2. 7. estant pour ceste cause, l'vn de ces
deux lieux comme figure de l'autre, à
sauoir ce parc terrestre, & qui a esté degasté
auec le reste de la terre au deluge, & cest
autre seiour celeste & perpetuel, appellés
du mesme nom de Paradis, à sauoir le premier,
Gen. 2. 8. & le second,
Luc. 23. 43. 2. Cor.
12. 4. &
Apoc. 2. 7. lesquelles similitudes sont
amplement declarees,
Rom. 5. chapitre, &
1.
Cor. 15.
Finalement il nous faut encores noter,
Le premier
monde a esté
creé, &
se maintiẽt
par nombre
& cõtinuatiõ
de iours :
mais le second
mõde
est vn iour
perpetuel,
qui a commencé
par
la Resurrectiõ
du Seigneur, combien
qu'il
ne luise par
tout en mesme mesure
de lumiere.
qu'il est bien vray que ce premier iour de la
sepmaine, au premier poinct de la clarté
du iour auquel il pleut au Seigneur de ressusciter,
nous represente le cõmencemẽt de la
lumiere du siecle à venir, comme il a esté
dit : mais sachons cepẽdant qu'il n'en prend
pas de la creation de l'vn, comme de l'autre,
d'autant que le premier monde a esté creé
par l'espace de six iours naturels de vingt
quatre heures, composés des tenebres de la
nuict, & de la clarté du iour ciuil, qu'on appelle,
s'entresuyuans & gouuernés en vne
continuelle reuolution de sepmaines, moys
& annees, par le circuit du Soleil & de la
Lune, se leuans & se couchans, auec infinis
changemens en ce monde inferieur. Mais en
ce nouueau monde spirituel, il n'y a qu'vn
iour de perpetuelle duree, n'ayant besoin
de luminaires corporels, & où il n'y a rien
de caduc & transitoire, comme les Prophetes
le nous figurent,
Esa. 19. Dan. 12. 3. Matth.
13. 43. Apocal. 21. 23. &
22. 5. C'est aussi à quoy
regarde ce beau tiltre d'enfans de lumiere,
par laquelle ceux qui dormoyent sont resueillés,
pour ne communiquer plus aux
œuures de tenebres,
Ephes. 5. 14. mais aller à
la rencontre de l'espoux auec leurs lampes
ardentes, à fin d'entrer auec luy aux
nopces,
Matth. 25. 10. & y demeurer à iamais,
1. Thessal. 4. 17. Il est bien vray, toutesfois,
que ceste continuelle clarté de ce beau
iour perpetuel, commençant par ceste resurrection
du Seigneur, comme nous auons
dit, ne s'apperçoit es enfans de lumiere que
peu à peu, tant qu'ils sont en ce monde : &
que mesmes au gouuernement de l'Eglise
conduite par ceste lumiere, il se trouue d'estranges
reuolutions, voire comme des eclipses
bien tenebreuses en la plus grand part
de ceste Eglise, comme il se voit mesmes de
nostre temps : de sorte, qu'il semble que ceste
clarté se soit cõme du tout enfuye du mõde,
suiuant ce que le Seigneur en a aduerti expressément
[pressé-] son Eglise, disant, qu'à son dernier
aduenement, à grand peine trouuera-il
quelque foy en terre,
Luc. 18. 8. mais cõme,
nonobstant que les brouillars plus espés, &
s'esleuans plus haut, & s'espẽdans plus loin
vne fois que l'autre, rendẽt la clarté du iour
obscure à nos yeux : si est-ce, que la clarté du
Soleil n'en est en soy diminuee en rien, iettant
sa clarté es regions d'enhaut : & mesmes
il y a tousiours difference entre les tenebres
de la nuict, & le iour, quelque obscurci
qu'il soit, par telles vapeurs : ainsi ce
iour spirituel & perpetuel du Seigneur est
tousiours de mesmes en soy, & en haut, en
ceux, les esprits desquels y sont desia recueillis :
& quant à ceux qui restent encor ici bas,
combien que ces brouillars facent que ce
iour n'est tousiours apperceu en mesme mesure,
si est-ce que ceste clarté spirituelle &
eternelle y luit tousjours és cœurs des enfans
de lumiere, sans iamais les en destituer
du tout. Qui plus est, quand ces brouillars
semblent à ceux n'ont que les yeux de la
chair, auoir du tout dechassé ceste clarté,
comme du temps des plus cruelles
persecutions : c'est à lors que les enfans
de lumiere, esclairés de ce Soleil, en plus
grande force & vertu, reluisent plus clairement,
redarguant les enfans du monde
de leurs tenebres, ainsi que la terre de
Gosen resplendissoit lors que tout le reste
de l'Egypte estoit en tenebres plus espesses.
Mais, quoy qu'il en soit, finalement
viendra ce beau iour tant resplendissant
pour les enfans de lumiere, & fera
esuanouir pour vn coup, & à iamais,
tous ces brouillars, renuoyant aux tenebres
infernales & perpetuelles le Prince de tenebres,
auec ceux qui auront opiniastrement
refusé la clarté.
La terre
tremblante
sous les
pieds de Iesus
Christ
ressuscitant,
luy fait foy
& hommage
comme à
son createur
et Seigneur,
conuiant les hõmes
à faire
de mesmes.
Venons maintenant à ce qui s'est fait extraordinairement
& supernaturellement en
ceste Resurrection, pour la rendre tant plus
glorieuse, & pleine de Maiesté diuine. Il est
donc dit, qu'ainsi que ces femmes s'estoyent
mises en chemin, il se fit vn grand tremblement
de terre, vers le sepulchre. Voila donc
desia vn tesmoignage, que ce ressuscité n'auoit
rien perdu par la mort, mais qu'au contraire,
au lieu qu'au parauant il n'auoit pas
en terre pour reposer son chef,
Luc. 9. 58. il
entroit en sortant du sepulchre en l'empire
& domination de toute la terre, pour la remuer
mesmes à son plaisir : comme de faict,
par le tonnerre de la predication de l'Euangile,
tout le monde a esté esmeu, comme si
ses fondemens eussent esté esbranlés, selon
qu'il auoit esté predit,
Aggee 2. 7. Ainsi donc
que la terre, tandis que son Seigneur estoit
ainsi abbaissé en la croix, auoit tremblé de
[l'hor-] l'horreur d'vne telle ingratitude, ou plustost
de l'impieté des hommes si detestables, &
par maniere de dire, s'estoit monstree d'estre
preste de fondre es abysme, au lieu de
supporter plus long temps ce fardeau de la
croix, ou pendoit son Createur & Seigneur :
aussi maintenant elle luy fait foy & hommage
en la Resurrection d'icelui, la Mort
aduoüant, par mesme moyen, qu'elle n'auoit
aucune force pour retenir ce mort, ni
mesmes les autres, desquels les sepulchres furent
ouuerts, & qui se sentirent de ceste resurrection :
pour monstrer deslors, que ressuscitãt
le Chef, ouuroit la porte à ses membres,
Matth. 27. 52. se confessant la Mort estre
vaincue, pour ne l'auoir peu mesmes entamer
d'aucune corruption. Or si la terre, qui
est vne creature insensible, a toutesfois recognu
la gloire & la maiesté de ce Ressuscité,
en tremblant deuant icelle, que doyuent
faire ceux pour le salut desquels il est ressuscité ?
Et si celui en qui nous esperons a le
pouuoir d'esbranler ainsi la terre mesmes,
comment se trouueront debout ceux qui
s'adressent contre luy ? soit directement contre
le Chef mesmes, soit qu'ils assaillent ses
membres esquels il se dit estre persecuté,
Act. 9. 4. ? C'est donc ici ce Fils qu'il nous faut
baiser : c'est celui qu'il faut seruir en toute
reuerence deüe à sa maiesté, & asseurance
despendente de sa bonté, comme nous sommes
enseignés,
Psal. 2 11.
Les Anges
seruans de
messagers
de ceste Resurrection,
tesmoignẽt
que l'empire
d'icelui s'estend
iusques par
dessus les
cieux : en
quoy außi
ses membres
ont
leur part.
L'histoire adiouste qu'vn Ange au mesme
instant, monstrant ce qu'il estoit par son
regard flamboyant, & par la splendeur de
son vestement, descendit du ciel visiblemẽt,
& roula ceste grosse pierre arriere de l'huis
du sepulchre : ce qui nous enseigne, que la
domination de ce Ressuscité n'est pas mesmes
bornee du pourpris de la terre, mais s'estend
iusques outre & par-dessus les cieux,
voire mesmes selon la chair d'icelui : ayant
mesmes les Anges recognu ceste domination
en luy, des lors mesmes qu'il estoit petit
enfant, & couché dans vne creche, pour
estre ses postes & messagers,
Luc. 2. 9. Mais
adioustons à cela, que ce Souuerain est si liberal
& amateur des siens, qu'ainsi qu'il est
assis à la dextre du Pere, il veut aussi que ses
esleus soyent assis à la siene,
Matth. 25. 14. disant,
Ie vous dispose le Royaume comme
mon Pere me l'a disposé,
Luc. 22. 29. comme
à ses coheritiers,
Rom. 8. 17. ce qui apparoistra
plenemẽt, lors qu'il prononcera ce dernier
arrest,
Venez les benis de mon Pere,
posseder le Royaume, qui vous a esté appresté
des la fondation du monde. O combien
donc est grand & precieux ce surnom de
Chrestien, par lequel ce grand Seigneur &
maistre des armees celestes nous aduouë
[pour] pour ses freres, quoy que le monde abruti
n'estime rien plus contemptible & ignominieux ?
Et quoy que soyons assaillis de tant
de parts, & par tant de sortes d'ennemis, dirons
nous pas toutesfois auec Dauid, au lieu
d'estre espouuantés,
Ie ne craindray point
plusieurs milliers de peuples se rengeans
contre moy tout à l'entour ?
Pseaum. 3. 7. Et
derechef,
l'Eternel est ma lumiere (voire l'Eternel
mort & ressuscité pour moy) de qui
auray-ie peur ? l'Eternel est la force de ma
vie, de qui auray-ie frayeur ? Car si vn seul
Ange a frappé tous les premiers nés d'Egypte
en vne nuict,
Exod. 12. 29. & si vn autre
Ange tua cent quatre vingt & cinq mille
hõmes au camp des Assyriens, en vne nuict :
& celuy qui est nostre Roy & protecteur a
tant de millions d'Anges, tous arrẽgés pour
la protection des siens, pour les porter en
leurs mains, de peur que leur pied ne heurte
contre la pierre,
Pse. 91. 11. qui deuons nous
craindre en haut ni en bas, si ce ressuscité est
pour nous,
Rom. 8. 30 ? Seulement donc portons
nous comme ses vrais & loyaux subiects :
& s'il est question de se renger du costé
des plus forts, que cestui-ci, qui a vrayemẽt
toute puissance souueraine au ciel & en terre,
Matth. 28. 18 seigneuriant mesmes au milieu
de ses ennemis,
Ps. 110 2. & sous les pieds
duquel il faut que toutes choses, sans exception,
soyent assuiettis,
1. Corin. 15. 27. soit
nostre seul refuge & adresse, quittãt le monde
insensé, & plus vain que la vanité mesmes :
& ce faisant, ne craignons aucun ennemi
en haut ni en bas, puis qu'outre ce que
ce Ressuscité, est vray Dieu auec son Pere,
Ieh. 5. ver. 20. il faut mesmes, entant qu'il est
nostre frere aisné,
Rom. 8. 29. que toute creature
haute, moyenne, & basse, luy face hommage,
Comme les Anges roulãs
la pierre
arriere
du sepulchre
ont
rompu les
desseins de
ceux, qui
vouloyent
tenir Iesus
Christ enserré :
ainsi en
a fait de nostre
temps
le Seigneur
par les messagers
de
sa verité.
Philip. 2. 10. Bref, pour cognoistre la
vraye vertu de ce Crucifié en ceste circonstance
de ceste histoire, n'est-ce pas de nostre
temps, que ceux qui sont assis au siege du
gouuernement de l'Eglise Chrestiene, en
aussi bonne cõscience que Caiphe & sa suite,
apres auoir condamné & crucifié derechef
Iesus Christ en ses poures membres, &
comme rengé la verité de Dieu dans vn sepulchre,
pour n'apparoir iamais au monde,
ont empesché & empeschent, tant par leurs
bulles fulminatoires, qui representent les
seaux, dont il est ici parlé, que par toutes les
forces qu'ils ont obtenues & obtienent de
leurs Herodes & Pilates, que ceste verité
n'apparoisse ? Mais au poinct du iour ordonné
de Dieu, n'est-il point venu plustost des
Anges du ciel, que des hommes, manians ce
glaiue flamboyãt de la parole du Seigneur,
& reuestus de la pure splendeur de la verité
de l'Euangile, qui ont roulé tous ces empeschemens
[pesche-]
d'idolatrie & sophisterie, pour
la faire derechef apparoir au monde, illuminant
les enfans de Dieu, & redoublant
les tenebres des aueugles ? Que ceux-là dõc,
quoy qu'ils resistent tant qu'ils peuuẽt, succedans
les vns aux autres, sachent qu'il leur
en prendra comme à ceux qu'ils ensuyuent
en telle desesperee rebellion : & que ceste verité,
en despit d'eux, esclairera de plus en
plus la maison de Dieu, iusques à ce que la
pleine clarté perpetuelle apparoisse au retour
de ce Ressuscité, pour les enfans de lumiere
perpetuelle, a la confusion du Prince
de tenebres, & des siens.
Il ne se
peut recueillir
de ceste
histoire, que
Iesus Christ
soit sorti du
sepulchre deuant
que la
pierre fust
roulee. Et
quãd ainsi
seroit, cela
n'aideroit
en rien la
fausse doctrine
de la presence essencielle
du
corps du
Seigneur en
la Cene, ni
pour l'vbiquité
d'icelui.
Au reste, on demande sur ce texte si Iesus
Christ ressuscita le sepulchre estant encores
clos, passant au trauers de la pierre : ou s'il
sortit en se faisant ouuerture par le ministere
de son Ange. Et la premiere de ces deux
opinions est receuë de long temps par plusieurs
Anciens, ce que font sonner auiourd'huy
tant qu'ils peuuent, ceux qui se persuadent,
& aux autres tant qu'ils peuuent, la
presence corporelle & reelle du corps & du
sang de Iesus Christ, soit en leur Messe,
& Sacrement de l'autel, comme parlent
ceux qui s'appellent auiourd'huy Catholiques
Romains, soit au pain & au vin de la
saincte Cene du Seigneur, soit par tout au
ciel & en terre, comme enseignent auiourd'huy
les nouueaux Eutychiens Vbiquitaires,
ausquels quand on oppose, qu'outre ce
que ceste maniere de presence non seulement
n'est nullement correspondante à la
maniere spirituelle de la conionction de
Iesus Christ & de ses membres, de laquelle
ce Sacrement est le seau : mais aussi que cela
est directement contradictoire aux articles
de la vraye incarnation, resurrection, & ascension
du Seigneur de la terre aux cieux, &
du retour d'icelui, que nous esperons : ils repliquẽt
sur cela que Iesus Christ n'a pas laissé
d'auoir vn vray corps en naissant de la
Vierge sans ouuerture de la matrice : & ressuscitant,
quoy que le sepulchre demourast
clos & seellé : & apres sa resurrection, estant
entré vers ses disciples, les portes estans fermees :
Mais quand tout cela leur auroit esté
accordé, si ne concluroit-il rien toutesfois
de ce qu'ils pretendent. Car il y
a grande difference
entre ce qui est par dessus l'ordre de
nature, & ce qui renuerse l'essence d'vne
chose, c'est à dire, ce par quoy elle est ce que
elle est, & non pas quelque autre chose.
Comme pour exemple, les eaux qui de leur
nature sont liquides, & coulent contre bas,
se sont arrestees supernaturellement par la
vertu diuine & extraordinaire, au passage
de la mer rouge,
Exod. 14. 22. & du Iordain,
Ios. 3. 16. se tenans debout comme vne muraille
[raille] Elles demeurerent aussi fermes & solides
sous les pieds de Iesus Christ, & mesmes
de S. Pierre marchãt sur les eaux,
Matth.
14. 25. & 29. Si est-ce que pour cela elles ne
perdirent ni chãgerent pas l'essencielle proprieté
de l'element de l'eau, comme quand
elles furent tournees en vray sang,
Exod. 7.
19. & en vin,
Ieh. 2. 9. & ce d'autant qu'estre
de nature liquide & coulante n'est pas l'essence
de l'eau, tesmoin qu'elle ne laisse pas
d'estre eau, encores qu'elles soit glacee &
si dure, qu'il la faut quelque fois rompre
auec tresgrande force. Semblablement la
coignee des Prophetes reuenant sur l'eau,
2. Rois, 6. 6. par vne façon supernaturelle, demoura
en son essence vray fer, d'autant que
la pesanteur n'est pas l'essence du fer. Estant
donc question de la verité essencielle d'vn
corps, Estre petit ou grand, dur ou mol, pesant
ou leger, gros ou menu, d'vne telle ou
telle couleur, & de tels ou tels lineaments, &
autres telles choses, ne sont pas de l'essence
du corps. Mais Estre materiel, & borné de
trois dimensions, à sauoir, hauteur, largeur,
& longeur, selon sa definition essencielle, &
par consequent estre visible, & en quelque
lieu qu'il soit, estre contenu & compris en
certains espaces, sont proprietés accompagnans
necessairement vn vray corps. Ayant
donc le Seigneur pris à soy vn vray corps
humain, pourtant ne peut il estre en
plus d'vn lieu en vne fois, ni estre dit inuisible
& non palpable en soy, qu'il ne soit
quand & quand despouillé de la verité de
son corps, ce qui renuerseroit tout nostre
salut. Et ne faut point ici auoir recours à
cest eschapatoire d'vn glorifié. Car si
la glorification s'estendoit iusques-là, elle
ne seroit pas vn ornement, mais au contraire,
vne abolition & destruction de ce corps.
Ioinct que le Seigneur luy
mesmes en
propre termes , apparoissant apres sa resurrection
à ses disciples, & leur disant, venez,
voyez, & tastez, pour monstrer que la resurrection
n'auoit despouillé son corps que
des infirmités de ceste vie animale, & non
pas de la verité essencielle d'icelui : monstre
que ceste distinction entre le corps de Iesus
Christ, non glorifié & glorifié, est du tout
vaine & friuole en cest endroit. Quoy plus ?
ce qu'il est visiblement departi & monté de
la terre par dessus tous les cieux, cõme l'histoire
de l'ascension le porte tout clairemẽt :
& ce que S. Pierre tesmoigne, qu'
il faut que
les cieux, par dessus lesquels il est monté, le
contienent, iusques au temps de restablissement
de toutes choses,
Act. 3. 21. & ce que les
Anges declarent qu'on le contemplera reuenant
pour iuger les viuans & les morts,
comme on l'a veu allant au ciel, ne nous
[laissent]
laissent aucunement douter, ni de la verité,
ni de la demeure de son corps, maintenant
par dessus tous les cieux, & nõ point en terre :
non plus que nous ne doutons point que
son humanité, estant en terre auec ses disciples,
n'estoit point au ciel : l'Ange aussi ne
ayant point menti, quand il a dit haut &
clair, qu'estãt sorti du sepulchre, il n'y estoit
plus : non plus qu'estãt en la croix, il n'estoit
pas au sepulchre : ni en Ierusalem, quand il
estoit en Capernaum. Autrement que sera-
ce de l'ascension du Seigneur qu'vne disparition ?
& de son retour qu'vne apparition ?
ce qui n'a iamais esté enseigné ni creu en
l'Eglise Chrestiene, mais bien entre les Marcionites
detestables. Voire quand tout cela
n'auroit point de lieu, à quel propos peut-
on mettre en auant ceste glorification, veu
que la saincte Cene a esté instituee par le
Seigneur, au temps de sa plus grande infirmité :
et qu'il faut, que tant les Catholiques
Romains, que les Vbiquitaires, Transsubstantiateurs,
& Consubstantiateurs, recognoissent
que ces paroles, Ceci est mon
corps, & ceci est mon sang, ne sont autrement
veritables en l'administration & celebration,
soit de la Messe, telle qu'ils l'imaginent,
soit de la saincte Cene, qu'elles ont
esté au temps de la premiere institution de
ce Sacrement ? Et ceste absence reelle & essencielle
du corps de Iesus Christ en terre,
iusques à son dernier retour, que nous attendons,
ne repugne en rien à la verité & à
l'effect de la presence sacramentelle, par laquelle
non seulement l'humanité de Iesus
Christ, (qui est maintenant essenciellement
au ciel & non ailleurs) mais aussi sa mort &
passion, voire tout ce qu'il a fait & enduré
pour nous (quoy que ce soyent choses passees
quant à elles) nous sont representees,
non point comme estans reellement ici bas
ou nous sommes, & non ailleurs, ni aussi par
resuerie ou quelque vaine imaginatiõ, mais
en nostre entendement illuminé par la foy,
contemplant & receuant spirituellement
toutes ces choses à salut : entant qu'il les
voit et contẽple en ce qui est signifié & presenté
à la foy des croyans, tant en la parole
Sacramentelle, qu'aux signes qui y sont adioustés.
Voila donc ce que la parole de Dieu
a tousiours enseigné & enseigne en la vraye
Eglise, contre les erreurs susdits. Et si on demande
plus outre, comment donc est aduenue
ceste penetration reelle du corps du
Seigneur, sans aucune ouuerture, ni en la
Vierge, ni de la pierre du sepulchre, ni des
portes fermees, ie remettray cela au lieu où
il est parlé de ces portes, & diray seulemẽt en
cest endroit (quoy qu'ayent estimé plusieurs
anciens) qu'on ne sauroit aucunement tirer
[de]
de ce passage, ni d'autre quelcõque des sainctes
Escritures, que Iesus Christ soit sorti du
sepulchre deuant que la pierre en fust roulee :
estant plustost vray semblable, que le
Seigneur s'est serui du ministere de l'Ange
en ce faict, non pas qu'il ne peust faire cela
luy-mesmes, & de soy-mesmes (comme il a
bien fait choses plus grandes) soit par sa diuinité
toute puissante, soit par l'instrument
& commandement mesmes de son humanité :
mais pour monstrer sa gloire, comme de
celuy auquel les Anges mesmes seruent par
tout deuoir.
Reste maintenant à exposer en nostre histoire
Pourquoy
le Seigneur
a voulu que
la pierre
fust roulee,
et les seaux
brisés par
vn Ange,
au veu &
au sceu des
Gardes.
ce qui aduint à ces gensdarmes, qui
estoyent là campés, pour faire trouuer Dieu
& Iesus Christ menteurs. Car encores que
leur intention ne passast pas si auant, entant
que ne tenãs Iesus Christ que pour vn homme
mort, ils ne pensoyent auoir à faire qu'à
ses disciples,
Matth. 27. 64. ce neantmoins,
s'ils fussent venus à bout de leur dessein, il
eust falu que Dieu, ayant predit par ses Prophetes
ceste resurrection, & ce que Iesus
Christ en auoit si souuent & si expressément
declaré, fust trouué mensonger. Mais il faut
au contraire, que Dieu se trouue tousiours
veritable, & les hommes trompés en leur
vanité. Qui a donc fait perdre cœur à ses
vaillans gensdarmes ? qui leur a engourdi les
mains ? qui les a renuersés par terre comme
morts ? Ce n'a pas esté les disciples, qui ne
pensoyent à rien moins qu'à cela. Pierre aussi
ayant esté si estonné de la voix d'vne
chambriere, n'auoit garde alors de mettre
la main à l'espee, estant plustost larmoyant
pour sa grande faute. Ce n'a point esté aussi
ni Ioseph, ni Nicodeme : mais ç'a esté celuy
contre lequel ne peut rien ni cautelle ni
violence, & qui s'est serui en cest endroict
tant du tremblement de terre, que de la descente
d'vn Ange venant du ciel, auec ses
yeux flamboyans, & roulant la pierre auec
vn impetueux brisement des seaux apposés
par les bons maistres de ces gensdarmes. Ce
faict donc a bien esté plus admirable, que si
Dieu y eust employé les hommes : & toutesfois
le Seigneur en pouuoit bien faire autant,
voire les abysmer du tout, par sa seule
voix, comme il auoit fait lors qu'ils l'estoyent
venu saisir,
Ieh. 18. 6. (mais ils estoyẽt
indignés de le voir ni de l'ouir parler ressuscité :)
ou bien par tel moyen non apperceuable
qu'il luy eust pleu. Mais le Seigneur
par sa prouidence tresadmirable a voulu
que ces malheureux demourassent cõuaincus
par tesmoignages sensibles & irrefragables,
& eussent dequoy faire vn rapport à
leurs maistres, qui rendist & les maistres &
les valets du tout conueincus de l'innocence
[ce &]
& de la puissance de celuy qu'ils auoyent
crucifié : & inexcusables en ce complot duquel
il sera parlé ci apres.
Apprenons donc ici en premier lieu, que
Conformité
entre la
mort, sepulture,
& resurrection du
Seigneur, et
tant de diuerses
oppreßions et
deliurances
de son
Eglise, par
des moyens
plus que
humains et
vrayement
celestes.
si le Seigneur trouuant, par maniere de dire,
si souuent sa poure Eglise, cõme desia enseuelie,
ne besongne à nostre appetit pour sa
deliurance, ce n'est par faute ni de pouuoir
ni de vouloir, mais d'autant qu'il veut rendre
son assistence tant plus remarquable,
quand il luy plaist choisir & employer des
moyens ni preueus ni attendus, comme non
seulement ceste histoire, mais vne infinité
d'autres le nous tesmoignent. Et sans aller
plus loin, ce que nous en auõs veu, & voyõs
encores de nostre tẽps, le nous doit bien apprendre.
Dieu donc nous face la grace d'estre
bons disciples en ceste escole, & de posseder
nos ames en tout silence & patience.
Car, quoy qu'il en soit, (comme nous l'auõs
dit ci dessus, meritant bien ce poinct d'estre
dit & medité plus d'vne fois) aussi peu ont
profité & profiterõt tous ceux qui ont voulu,
veulent ou voudront empescher, soit par
force, soit par artifice, que la deliurance de
l'Eglise du Seigneur, hors de ce sepulchre &
cauerne de l'idolatrie & superstition où elle
a esté gisante si long temps, ne se paracheue
trespuissamment & tresmagnifiquement,
que ceux-ci ont profité auec leurs seaux, &
& leur grosse pierre, & leurs gardes, pour
empescher ou retarder la resurrection du
corps du Seigneur, à poinct nommé.
Les ennemis
de Iesus Christ,
sont ceux
qui ont à
craindre
toutes choses,
& sont
ruinés par eux-mesmes.
Finalement, comme ce tremblement de
terre, & ce ministere de l'Ange nous doiuent
appuyer en tous perils & dangers sur
la force de ce Ressuscité pour nous, ainsi
que nous l'auons monstré ci dessus : aussi auons
nous ici à considerer tout au rebours, à
qui c'est à craindre, estant tresueritable ce
dire d'vn bõ Ancien, Veux-tu ne rien craindre,
crain le Seigneur, & te voila tout asseuré :
mais si tu ne le crains, crain hardiment
toutes choses, voire iusques aux plus petites,
tesmoins les grenouilles, les mousches,
& les poux, vangeresses de l'Eglise de Dieu
contre Pharaon : & ces grandes armees des
sauterelles, des chenilles & des hanetons,
dont il est parlé
Ioel, 2. 25. & ailleurs. Car
qui ne tremblera quand le lyon de la forest
rugira ?
Amos, 3. 8. Apprenons donc de reuerer
nostre Dieu & Sauueur, nous tenans clos
sous l'ombre de ses ailes : & le supplions que
formant nos cœurs à ceste obeissance qui
luy est deüe, il nous enuironne de plus en
plus de sa saincte protection, confondant
tous les ennemis de sa verité par leurs propres
entreprises, à son honneur & gloire, &
à tel repos de ses poures enfans, qu'il sait
leur estre expedient.