IIII. SERMON SVR CES
paroles.
Qui es és cieux.
QVand nous nous mettons à prier Dieu, il
nous faut principalemẽt considerer deux
choses, tant pour auoir accés à luy, que pour
nous reposer en luy auec vne pleine & certaine
fiãce : l'vne, son amour paternel enuers nous,
& l'autre sa puissance infinie. Et pourtant le
Nom de Pere luy est attribué, afin que ne doutions
de sa benignité, & que de soy-mesme il
est enclin à nous aider. Par ce titre de Nostre
Pere Christ nous a dõné non seulement accés
à Dieu, ains aussi assez suffisãte matiere de fiãce.
Mais pource que nous nous arrestons seulement
à demi à la bonté de Dieu, par ces paroles
Qui es és cieux, qui font la troisieme partie
de ceste preface, il accroist plainement nostre
fiance.
Par ces termes il entend autant comme s'il
Expositiõ de
ces Termes
Qui es és cieux disoit, Qui es par dessus tous les cieux, comme
l'expose l'Apostre
Ephes. 4. 10. c'est à dire par
dessus tous les cieux visibles en la gloire celeste.
Car l'Escripture comprend sous ce mot de
cieux en plurier nombre tout cest espace, qui
est entre la terre & les cieux
: en apres toutes
ces voustes celestes, qui sont l'vne sur l'autre,
où reluisent ces flambeaux, la Lune, le Soleil &
les Estoiles, iusques au firmament, qui enclost
tout l'vniuers ; finalement la demeurance des
bien-heureux, que Iesus Christ nomme la maison
Iob. 14. 2.
de son Pere, le paradis celeste, le ciel auquel
il est monté. Dont S. Paul
2. Cor. 12. 2. comprenant ces trois sortes de cieux, dit, qu'il
a esté raui iusqu'au troisieme ciel & en paradis,
qui est par dessus tout le monde ; où cest qu'il
est dit que Dieu habite, & a preparé son throne
Psa. 103. 19. comme Iesus Christ aussi
Matth.
5. 34. nomme le ciel le Throne & siege Royal
de Dieu, & la terre le marchepied de ses pieds.
Ce titre attribué
à
Dieu,
pour le
discerner
d'auec les
peres
terriens. Ce titre donc luy est ici attribué, afin que
nous discernions celuy que nous inuoquons
d'auec tous les peres terriens. Car nous tesmoignons
que par ce mot de Pere, nous n'entendons
pas quelque homme quel qui soit, mais
celuy qui les hauts cieux habite, qui est le Roy
des Rois & Seigneur des Seigneurs.
1. Tim. 6.
15. comme ayant seigneurie au ciel & en terre.
Les Superstitieux donc faillent grandement
contre la Regle de la Foy & commandement
Confutation
d'erreur. de Iesus Christ, qui es choses du salut se choisissent
des peres en terre : veu qu'il nous enseigne
de cercher & inuoquer nostre pere
Qui est Ceci n'est
pas dit
enclorre
Dieu au
ciel.
és cieux. Ce qui est dit non pas pour l'enclorre
en vn certain lieu cõme dedans les cieux, ainsi
que s'imaginent les mondains, qui abusent du
dire de Dauid
Psal. 115. 16. Les cieux des cieux
sont à l'Eternel : mais il a donné la terre aux fils
des hommes : car ce n'est pas comme si Dieu se
tenoit à recoin, & qu'il laissast aller sur terre
toutes choses pesle mesle sans s'en soucier,
mais c'est que s'estant reserué comme pour
[son] son domicile les plus hauts cieux, par sa grande
bonté il a donné l'vsage de la terre aux hõmes,
& les y entretiẽt par sa prouidence, pour estre
glorifié en iceux. Car il dit luy mesme par
Ieremie
c. 23. 24. Quelcun se pourra il cacher en
quelques cachettes que ie ne le voye point ?
dit l'Eternel : ne rempli-ie pas moy les cieux &
la terre ? Et en
Isaïe 66. 1. Ainsi dit l'Eternel :
Les cieux sont mon throne & la terre est le
marchepied de mes pieds. Où penseriez vous
contenir la Deité
? Le Seigneur n'habite point
en temples faits de mains & n'est enclos en
aucun lieu
: car il est infini & remplit toutes
choses. Et Salomon
1. Rois 8. 27. confesse que
les cieux, mesmes les cieux des cieux, c'est à
dire les plus hauts & les plus excellens ne le
peuuent comprendre. Et toutesfois nous ne
disons pas en ceste priere Nostre Pere qui es
par tout, mais
Qui es és cieux, & ce pour raisõs
bien notables.
La puissan
ce de Dieu
se mõstre
plus claire au
ciel. Premierement c'est au ciel où est le palais
de Dieu : car la puissance de Dieu se monstre
plus clairement au ciel ; comme la puissance &
Maiesté des Roys terriens se fait voir principalement
en leurs palais, qu'ils habitent auec
leurs courtisans : Ainsi la puissance, gloire, &
maiesté de Dieu se monstre plus clairement
au ciel, qu'en point d'autre creature ; & rien de
plus auguste & magnifique que le ciel ne se
presente à nos yeux, rien de plus esmerueillable
en ornement ; soit que nous contemplions
le Soleil, la Lune, & les Estoiles ; soit que nous
considerions les nues pendues en l'air, & les
mouuemens diuers, continuels & admirables
des cieux, ainsi que le recognoit Dauid
Psal. 19.
2. Les cieux racõtent la gloire du Dieu Fort &
le Firmament donne à cognoistre l'ouurage
de ces mains : car la Sapience de Dieu se fait
voir plus expressement en la composition des
cieux, & sa puissance au pourpris, estendue
presque immense, mouuement ordinaire, Lumiere
& splendeur d'iceux, & de leurs corps
celestes. Bref c'est de là que Dieu fait recognoistre
le souuerain Empire qu'il a sur le
Monde vniuersel.
La Bonté
& Ire de Dieu paroissent
de là. En apres c'est du ciel que Dieu declare ordinairement
les effects de sa bonté & de son
courroux : car c'est de là d'où distillent les pluyes
& autres influences qui rendent la terre fertile.
D'autrepart
les cieux anoncent la Iustice
de Dieu,
Ps. 50. 6. car l'ire de Dieu se descouure
tout à plein du ciel sur toute impieté & iniustice
Psal. 29. 3.
4. 5. 6. 7.
&c.
des hommes,
Rom. 1. 18. & ce par gresles,
vẽts impetueux, tonnerres, foudres, tempestes,
saisons mauuaises qui surprennent les fruicts
de la terre. Delà vient que les hommes quand
ils pensent à Dieu, ou qu'ils l'inuoquent par
vn secret enseignement de nature, esleuent
leurs mains & leurs yeux au ciel. Et c'est au
ciel aussi où ce bon Pere celeste se donne plainement
à iouir & posseder à ses enfans.
La Toute
presence. Qui plus est le ciel nous est vn tesmoignage
de la presẽce de Dieu iadis figurée par la nuée
qui estoit de iour sur le Tabernacle d'assignatiõ
[tion]
luy faisant ombrage, & par le feu qui estoit
de nuict deuant les yeux de toute la maison
d'Israel, durant tout le temps qu'ils voyagerent
par le desert.
Exo. 40. 38. Nomb. 9. 15. Car en
quelque lieu que nous soyons sur terre, le ciel
est en haut par dessus nous, il enuironne & couure
toutes choses, & n'est point pl
9 esloigné de
la terre en vn lieu qu'en autre, & mesmes
il
n'y a rien dit Dauid. Ps. 19. 7. qui se puisse cacher
arriere du Soleil, qui n'est qu'vne petite
portion du ciel. Ainsi la presence de Dieu nulle
part ne nous delaisse. Car il est present par
tout, ainsi que le mesme Dauid le recognoit
fort bien
Ps. 139. Où iray ie arriere de tõ Esprit ?
Et où fuiray-ie arriere de ta face ? Si ie pren les
ailes de l'aube du iour & ie me loge derriere la
mer ; là aussi me conduira ta main, & ta dextre
m'y empoignera. Si ie di au moins les tenebres
me couuriront & me soustrairõt de ta presence :
voila la nuit qui seruira de lumiere tout autour
de moy. Car autant te sont les tenebres
que la lumiere. Et
Iob 26. 6. Les cieux sont
nuds deuant luy, & le gouffre n'a point de couuerture.
Et cõme il est dit
Heb. 4. 13. Il n'y a creature
aucune qui soit cachée deuant luy ; ains
toutes choses sont nues & entierement ouuertes
aux yeux de celuy, auquel nous auõs affaire.
Et c'est pourquoy nous faisons icy mention La Toute
science de
Dieu.
de cest habitacle celeste, estans par ce aduertis,
que Dieu est par tout, qu'il regarde, & scait,
& cognoit, & voit, & oit tout, & singulierement
qu'il a les yeux sur les fidelles, comme
il est aussi dit
Ps. 33. 18. Voici l'oeil de l'Eternel
est sur ceux qui le craignent, sur ceux qui s'attendent
à sa gratuité.
Vsage d'icelle. Ce qui nous doit seruir non seulemẽt pour
nous faire cheminer tousiours en sa crainte,
mais pour nous asseurer qu'il nous peut tousiours
exaucer. Pourtant Salomon en sa dedicace
du temple reitere si souuent que
Dieu exaucera
les prieres de ses seruiteurs au lieu de sa
demeure à scauoir és cieux.
1. Rois. 8. 30. 39. 44. Dont S. Paul nous exhortant à prier droitement
Philip. 4. 5. 6. dit, Le Seigneur est pres :
Ne soyez en souci de rien, par chagrin & deffiance :
ains qu'en toutes choses vos requestes
soyent notifiées à Dieu par priere & par supplication
auec action de graces. Nous faisant
entendre que nous ne nous adressions pas en
vain à celuy qui nous vient au rencontre pour
auoir cure & soin de nous tout presentement,
Ce qui estant propre à vn seul Dieu, s'ensuit
Confutation
d'erreur. que nous ne deuons prier autre que Dieu, &
non les Saincts de paradis, qui ne scauent rien
de nos affaires & n'ont plus nulle part au Mõde
en tout ce qui se fait sous le Soleil, dit le Sage
en
l'Ecclesiaste 9. 5.6. Car de dire que Dieu
les leur fait voir au Miroir de la Trinité, c'est
vne inuention humaine, qui n'a aucun fondement
en la parole de Dieu.
Or puis que Dieu qui habite en haut est neantmoins
present par tout, & contemple toutes
choses, & voit les secrets des cœurs de tous
hommes, s'ensuit aussi qu'il est Toutpuissant,
[comme]
comme ces paroles
Qui es és cieux l'ẽportent
ainsi que par cest argument Dauid prouue la
Toute puissance de Dieu.
Ps. 115. 3. car voulant
monstrer la vanité des Dieux controuuez &
des Idoles, qui ne sont rien qu'or & argent &
ouurages de mains d'hommes, qui n'ont sentiment
ne mouuement aucun, declare deuant en
peu de paroles & exalte la maiesté, gloire, &
puissance du vray Dieu, disant,
Certes nostre
Dieu est és cieux : il fait tout ce qu'il luy plait :
signifiant qu'il n'y a puissance creée qui soit à
comparer à la sienne.
Ainsi ceste particule, Qui es és cieux, denote
que Dieu est le Souuerain, sublime, Treshaut,
Incomprehensible ; par dessus tout hazard La puissãce
de Dieu
libre.
de corruption & changement : qu'il comprend
& contient tout le monde ; & le gouuerne par
vne puissance infinie : & que sa puissance n'est
point attachée aux causes secondes, ni moyens
externes, ni subiette à vne necessité ou Destinee
fatale, c'est à dire à vn ordre auquel il ne
puisse rien changer, ni à fortune, comme on
dit, ou aduenture, & qu'elle ne peut estre
empeschee, arrestee ni retenue d'aucune creature :
ains qu'elle est du tout libre & infinie, non exposee
à la moquerie des meschans sinon à
leur propre ruine.
D'où nous aprenons premierement d'esleuer
en haut nos pensees pour ne rien imaginer
de luy, charnel ne terrien, puis qu'il est
hautement esleué par dessus tout le monde,
& ne le mesurer à nostre apprehension, ne l'assubiettir
à nostre volonté : mais adorer en humilité
sa maiesté glorieuse.
En apres, que sa Diuinité n'est point attachée
aux creatures, idolatres ni images, & qu'il
ne faut point que nous adressions l'adoration
que nous luy deuons, à place, statue, image, ou
chose quelconque sans, & beaucoup moins,
contre sa parolle, comme font les Idolatres.
Dauantage, qu'il nous faut en priant, oublier
les choses terriennes, & esleuer nos cœurs &
affections au ciel : où c'est que nostre Mediateur
en grande gloire assiste à la dextre de Dieu
son Pere & le nostre, & intercede continuellement
pour nous.
Nous aprenõs aussi d'où c'est qu'en nos plus
grands dangers & douleurs nous deuons demander
& attendre consolation, aide, defense
& deliurance : non du costé du monde, du bras
de la chair, de l'aide, secours, & assistance des
hõmes, des richesses, forces, ou munitions externes,
& autres choses semblables, incertaines
& fuyantes comme le vent : mais de Dieu qui
a domination & empire sur toutes choses, à
l'exemple de Dauid
Pseau. 121. 1. disant,
I'esleue
mes yeux vers les montagnes dont me viendra
le secours. Mon secours vient de l'Eternel
qui a fait les cieux & la terre : & ainsi tenons
pour certain que Dieu nous peut aider voire
alors que nous sommes abandonnez de toutes
creatures, pour dire auec les fideles.
2. Chro.
20.assailli d'vne grande multitude d'ennemis,
Seigneur,
nous ne sçauons que c'est que nous
[deuons]
deuõs faire : mais nos yeux sont sur toy : & auec
Dauid
Pseau. 123. I'esleue mes yeux à toy qui
demeure és cieux, c'est à dire qui es Tout puissant,
& en la main duquel sont toutes creatures :
voici comme les yeux des seruiteurs regardent
à la main de leurs maistres : comme les
yeux de la seruante à la main de sa maistresse,
ainsi nos yeux regardent à l'Eternel Dieu iusques
à ce qu'il ait pitié de nous.
Singulierement nous auons en ces paroles
grande matiere de nous fier en luy : c'est que
Matiere
de fiance
en Dieu. Nostre Pere lequel nous inuoquõs seigneurie
& preside és cieux, & par sa puissance & vertu
gouuerne le ciel & la terre selon son bon plaisir,
toutes choses luy sont suiettes, sa vertu est estendue
par tout, & dispose tout par sa prouidence.
Il y a donc grande difference entre ce Pere
celeste, & les peres terriens. Car ceux-ci donnent
Difference
entre
le Pere
celeste &
les Peres
terriens. volontiers secours à leurs enfans, mais le
plus souuent les moyens leur defaillent, & sont
contrains de voir auec extreme douleur leur
mort & ruine. Mais Dieu nostre Pere qui est és
cieux peut & fait tout ce qu'il veut. Il est le
Dieu des armees, auquel toutes creatures celestes
& terrestres, les Anges & les Diables, les
bons & mauuais, Bestes sauuages & priuees, les
Elemens & tout ce qui se peut nommer, rend
obeissance : & est sa puissance & Maiesté si redoutable,
que les Diables mesmes tremblent
deuant elle.* Ne doutons point d'onc qu'il ne
S. Iaques
2. 19.
nous puisse donner tout ce qu'il veut. Or veut
il tout ce qu'il nous a paternellement promis,
& qu'il enioint de luy demander. Il le fera
donc, & comme I. C. a dit au
v. 8. Vostre Pere
sçait de quoy vous auez besoin, il y pouruoirra
donc, & n'y a personne qui l'en puisse empescher.
Et puis qu'il est le dominateur de toutes
creatures, pas vne d'icelles ne nous pourra nuire,
il maintiendra son Eglise au milieu de ses
ennemis, cõme il a promis, & quoy qu'ils brassent
& machinent,
celuy qui reside és cieux
s'en rira & renuersera ses proiects, & en fin parlera
à eux en sa colere & les rendra esperdus en
l'ardeur de son ire Pseau. 2. 4. 5. Car ce n'est pas
vn Dieu qui ne se soucie de rien, & qui soit endormi
en sa sentinelle des cieux : mais c'est vn
Dieu qui a le soin des siens : C'est le Seigneur
des vengeances, qui guette & contemple fort
attentiuement toutes choses, & qui ne laisse
point impunis les torts faicts à ses enfans : car
il dit luy mesme par
Zacharie c. 2. 8. que
qui les
touche, touche la prunelle de son œil : comme
il en a monstré les exemples en Abel, aux enfans
d'Israel, en Dauid, & infinité d'autres à
l'endroit de leurs ennemis. Et en
Exode 22.
20. il se dit ouuertement le garent & vengeur
du tort qui est fait à la fefue, orphelin, au pauure,
& à l'estranger. Soucions nous donc seulement
d'estre enfans de Dieu : alors nous pourrons
dire & nous asseurer auec Dauid
Pseau.
118. 6. l'Eternel est pour moy, ie ne craindray
point. Que me feroit l'homme ? Et auec S. Paul
Rom. 8. 30. Si Dieu est pour nous qui sera contre
nous ?
[Au] Au demeurãt ceste particule
Qui es és cieux,
nous admonneste qu'il est bien raisonnable
que nous
preferious nostre Pere celeste, duquel
tout bien procede, à nos peres & meres
terriens, voire que nous les abandonnions
plustost que de luy desplaire & desobeir :
non pas qu'il nous faille pourtant mespriser
pere ou mere ; mais c'est que Dieu doit aller
deuant : car comme dit I. C.
Matth. 10. 37. Qui
aime pere ou mere, ou mari ou femme, ou fils
ou fille, ou frere ou sœur, plus que moy, n'est
pas digne de moy, il n'est pas digne que le tiẽne
pour vn de mes enfans : à quoy aussi se raporte
ce qui est dit au
Deut. 33. 9. Celuy qui dit
de sõ pere & de sa mere ie ne l'ay point veu, &
qui n'a point recogneu ses freres, & n'a plus cogneu
ses enfãs, vn tel est loué pource qu'il s'est
arresté à garder les statuts & l'alliance du Seigneur.
Et
c. 8. 22. de S. Matth. il dit pour ce regard
à vn ieune homme, Laisse enterrer tõ pere
qui est mort, afin qu'il s'estudiast plustost à
faire son deuoir enuers le Pere celeste & immortel.
Elle nous enseigne aussi, par forme d'opposition, Nostre cõditiõ
sur
terre.
quelle est nostre condition sur terre, à
sçauoir que nous y rampons comme en vne
vallée de miseres ; chassez de nostre patrie à
cause de nos pechez ; estans subiects à diuerses
calamitez ; & partant que nous auons bien
occasion de crier à Dieu nostre Pere celeste &
d'aspirer au ciel où est nostre vray pays. Car
qui est le fils voyageant en estrange pays qui
ne desire de retourner vers son pere, pour iouir
de sa presence & du patrimoine qu'il luy a
acquis ? Or puis que nostre Pere est és cieux,
nous recognoissons que là est nostre pays &
nostre heritage. Car comme dit l'Apostre aux
Hebr. 13.14. Nous n'auons point ici de cité permanente,
mais y estans comme estrangers,
nous recerchons celle qui est à venir. C'est là
où nous deuons tendre de toute nostre affection,
ne regardans point aux choses visibles, mais
aux inuisibles : d'autant que les choses visibles
sont pour vn temps, mais les inuisibles sont
eternelles. Car cõme il dit en la
2. Corinth. 5. 1. Nous scauons que si nostre habitation terrestre
de ceste loge est destruite, nous auons vn
edifice de par Dieu, à scauoir vne maison eternelle
és cieux, qui n'est point faite de main.
Or si nostre Pere, patrie, & patrimoine sont
Reprehension. au ciel, pourquoy nous est il si grief & fascheux
d'y aller ? Pourquoy sommes nous tant adõnez
aux biens, honneurs ou plaisirs de ce monde,
lesquels il nous faut laisser plustost que nous
ne pensons ? Et partant faisons beaucoup plus
d'estime de nostre Pere & pays celeste, que de
ce bannissement & prison où nous sommes.
Nous sommes citoyens des cieux, & nostre
*
Philip. 3.
20.
Bourgeoisie y est :
* conuersons donc desia ici
comme Bourgeois & heritiers du Royaume
celeste : & mesprisans les choses terriennes &
le lieu auquel nous sommes estrangers : tirons
là où est nostre Pere & nostre pays & heritage,
qui nous a esté acquis par le sang du Fils vnique
[nique]
de Dieu.
Ne craignõs point aussi le mõde qui ne peut
porter aucũ dõmage aux biens que nous auõs
au ciel. Car si Dieu garde la Lune des loups
(cõme on dit) aussi garde-il bien le thresor nõ
iamais defaillant qu'il nous a preparé és cieux,
que le larrõ ou la tigne n'en approche.
*Et les
*
Luc 12. 33
cieux sont trop hauts pour les escheler. Face le
monde, par l'instigation de Satan, du pis qu'il
pourra, si ne nous peut il rauir que les biẽs & la
vie du corps. Mais sur l'heritage celeste il n'a
aucune prinse ni puissance : ains en nous deniãt
la terre, il nous pousse iusqu'au ciel. Et ores qu'il
tourmente les fideles en leurs corps & en leurs
biens, si ne peust-il empescher qu'ils n'esleuẽt,
du milieu de leurs angoisses leurs cœurs à Dieu
leur Pere celeste, qui oit leurs gemissemens &
prieres, & qui n'a pas moins de puissance que
de volonté à les aider & secourir, & se venger
de leurs ennemis.
Voila la consolation & asseurance que nous
deuons tirer de ceste petite preface. ô heureux
& amiable cõmencemẽt de nostre priere. Ceux
qui veulent parler aux Roys, sont en peine de
trouuer titres d'honneur & de louange & paroles,
propres & conuenables, pour contenter
leur ambition ou chagrin, & s'insinuer en leur
grace : mais ce Roy des Roys se plaist au Nom
de Pere, & se contente d'vn seul titre, comprenant
sa puissance & Maiesté, & qui emporte
signification des biens qu'il nous eslargit du
ciel.
Que ceci nous incite à vn sainct exercice &
ardente affection de prier Dieu. Car puis
que la priere n'est autre chose qu'vne salutation
que nous faisons à Dieu, vne meditation
& serieux pensement de nostre pais celeste,
vne requeste des choses qui seruent à
la gloire de Dieu & à nostre profit & salut,
vsons de ce formulaire qu'il nous a apris
& c'est sans doute qu'il nous exaucera en toutes
nos necessitez par I. C. son Fils nostre Seigneur.