PREMIER SERMON
TOVCHANT LA PREPARATION
reqvise povr
communiquer deuëment &
dignement à la Cene
de nostre Seigneur.
Fait en l'Eglise de Metz pour la preparation
à la Cene de Pasques en
l'an 1594.
1. Corinth. 11. 28. &c. Que chascun donc s'esprouue soy-mesme, &
ainsi mange de ce pain, & boiue de ceste
coupe .
Car qui en mange & qui en boit indignemẽt,
mange & boit son iugemement , ne discernant
point le corps du Seigneur .
LA cause pourquoy ie vous ay
faict lecture de ce texte , c'est
d'autant que comme vous fustes
aduertis Dimanche dernier,
nous deuons celebrer
la saincte Cene en ceste Eglise Dimanche
prochain (moyennant la grace de Dieu.) A
laquelle il nous importe beaucoup que nous
nous preparions deuëment, si nous y voulons
communiquer à nostre salut , comme
il n'y a personne qui desire d'y communiquer
autremẽt. Toutesfois ce n'est pas mon
intention de m'arrester sur l'exposition des
mots. Mais ce texte ici comme estãt le plus
formel & le plus expres de toute l'Escriture
saincte à c'este fin, me seruira seulement de
subiect ou argument pour parler en general
de la preparation requise en ceux qui
veulent s'approcher dignement de la table
du Seigneur.
Car combiẽ qu'il y ait à profiter par tout
en la parole de Dieu , si est-ce qu'il y a des
temps esquels vne matiere est plus necessaire
ou plus vtile à traicter qu'vne autre. Et
que d'autant , que nous sommes souuentesfois
escouteurs oublieux, ou que si nous auons
bien retenu la substance des sainctes
exhortations, nous defaillons cependant en
beaucoup de sortes à la pratique d'icelles,il
est besoing que les choses bõnes nous soyẽt
rememorees plus d'vne fois:& que la tardiueté
qui est en nous en matiere de bien faire
soit aiguillonnee, & resueillee souuent par
diuerses exhortations.
Et particulierement en ce qui concerne la
reception de la Saincte Cene,comme c'est
vostre deuoir de vous y preparer, aussi
[c'est]
c'est nostre deuoir de vous exorter à ce
faire suiuant l'enseignement que nous donne
icy l'Apostre : & nous le faisons aussi
toutes & quantes-fois que nous vous annonceons
la Saincte Cene : Mais d'autant
que cela se faict brieuement & en peu de
paroles , il est bien à craindre que plusieurs
n'entendent pas bien en quoy gist ceste
preparation,principalement ceux qui n'ont
point encore ouy l'exposition du Cathechisme,
soyent ieunes ou vieux, & plusieurs
de ceux qui ne sçauent pas lire, & tous ceux
en general qui ne sont pas assez diligens à
escouter,quand on parle de ces matieres. Il
y en aura qui penseront que pour bien communiquer
à la Saincte Cene , c'est assez d'estre
en paix auec les hommes,& ne considereront
pas qu'il faut aussi estre en telle disposition
que nous ayons asseurance d'estre
en paix auec Dieu. Bref les vns ne sçauent
gueres bien comment il se faut disposer:les
autres ne le considerent pas bien, ou n'y
pensent point assez à bon escient: comme
on voit à l' œil en ce qu'apres qu'ils ont cõmuniqué
à la saincte Cene , on voit en eux
aussi peu d'amendement de vie qu'au parauãt.
Et est bien à craindre qu'vne des causes
de la demonstration de l'ire de Dieu à l'encontre
de nous , qui se fait par diuerses afflictiõs
qu'il nous enuoye,ne soit, que nous
ne venons pas tous à la Cene du Seigneur,
auec telle disposition qu'il est requis.
Le but donc de ceste presente exhortation,
sera que ceux qui ont bien faict leur
deuoir de se preparer à la saincte Cene,cõtinuent
& facent de bien en mieux;que ceux
qui ne l'ont pas faict soyent induits à le faire,
que ceux qui n'ont pas eu toutes les addresses
& instructions à ce requises en entendent
maintenant ce que le temps pourra
permettre de leur en proposer , afin que
la practique s'en ensuiue en nous tous, &
que personne n'apporte vn cœur prophane
à ce banquet sacré : mais que nous y veniõs
tous ayans les cœurs bien purifiez : Que s'il
y en a, qui foulans orgueilleusement aux
pieds les remonstrãces qui leur sont faictes
pour leur bien & salut facent le contraire
de ce à quoy ils sont exhortez, ie ne soye
point enueloppé , faute d'auoir faict deuoir
de les aduertir,en la condemnation laquelle
ils attirent sur eux.
Pour venir dignement à la Table du Seigneur
l'Apostre dit,qu'vn chacun se doit
esprouuer soy-mesme,& ainsi,c'est à dire apres
s'estre esprouué, & auoir trouué par
l'espreuue de soy-mesme qu'il y peut venir
en bonne conscience , mange de ce pain &
boiue de ceste coupe. Sur ceci , il nous faut
en premier lieu briefuement remarquer
quelques poincts en general: & puis apres,
nous declarerons en quoy vn chacun se doit
[esprouuer]
esprouuer , ou en quoy consiste l'espreuue
qu'vn chacun doit faire de soy-mesme.
Quant au premier poinct , notons premierement ,
que l'Apostre dit que chacun
se doit esprouuer soy-mesme: par ce que
l'homme ne cognoissant pas le cœur de son
prochain ne le peut aussi esprouuer de
c'este espreuue
d'ont il est ici question. Il y a
vne autre espreuue qui se faict par ceux qui
reçoiuent les autres à la Cene, de laquelle
l'homme peust biẽ esprouuer son prochain:
comme quant à l'instructiõ,quand on range
quelqu'vn à l'Eglise on esprouue, on sonde,
on examine,par les interrogations qu'on
luy faict , s'il a quelque intelligence mediocre
des poincts de la doctrine Chrestienne,
pour sçauoir que c'est qu'il fait quand il
communique à la Cene : Et aussi quand à
la conuersation , si quelqu'vn s'est mal conduit ,
& qu'on soit quelque temps sans le
vouloir admettre à la saincte Cene , & que
puis apres on l'y reçoiue voyant sa bonne
conduite : ou quand on a veu long temps
la bonne vie de quelqu'vn qui n'a point eu
de mauuais bruit , on juge qu'il y peut bien
estre admis : mais l'Apostre ne parle pas ici
de l'espreuue que doiuent faire ceux qui distribuent
la Cene , pour ne point ietter les
Matth. 6. 7.
perles deuant les pourceaux, ni donner la
chose saincte aux chiẽs: mais il parle de l'espreuue
que doiuent faire ceux qui veulent
receuoir la Cene:Car il ne dit pas que l'hõme
espreuue son prochain, & ainsi qu'il luy
baille ce pain , mais qu'ils s'espreuue soy-
mesme, & ainsi qu'il mange de ce pain. Si
vous demandez à quelqu'vn,as tu vraye foy
en Dieu ? As tu vraye desplaisance de tes
fautes? as tu desir de t'amender ? il respondra
qu'ouy : Car il pensera quand il respondroit
que non qu'il seroit estimé prophane:
mais cependãt il n'y a que Dieu,& luy-mesme
qui puisse sçauoir au vray s'il est ainsi:
Car comme le cœur de l'homme est peruers
Ierem. 17.9.
& deceuable, il s'en trouuera qui vous
accorderõt tout ce que vous voudrez, pour
estre receus au mariage , ou pour d'autres
considerations:& cependant en disant d'vn,
Pseau. 12.
leur cœur pense autremẽt. Nous vous pouuons
donc bien enseigner comment vous
vous deuez esprouuer,mais de vous esprouuer
& de crocheter le cabinet de vos consciences,
nous ne pouuõs:il faut que ce soyez
vous vous-mesmes qui vous esprouuiez,
combien que cependant l'vne des espreuues
ne doit pas oster l'autre : Notamment
pour le regard de ceux qui n'ont point encor
communiqué, & de ceux qui se sont rẽdus
indignes d'estre receus à la communion
par leurs comportemens scandaleux.
En second lieu il faut noter cy-dessus,
que nous nous deuons esprouuer auant que
receuoir la Cene , & non pas seulement
[apres :]
apres : Car l'Apostre dit que l'homme s'espreuue,
& ainsi qu'il mange. Il ne dit pas
que l'homme mange, & puis qu'il s'esprouue.
L'espreuue donc doit aller deuant , & la
reception de la saincte Cene doit suiure apres.
En 3. lieu ce n'est pas assez de nous esprouuer
vne fois en nostre vie : mais toutes
les fois que nous voulons communiquer il
nous faut esprouuer de nouueau : tout ainsi
que toutes les fois que nous communiquons
nous sommes tenus d'annoncer la mort du
Seigneur , toutes les fois que nous disnons
ou soupons, ou prenons quelque autre repas,
il faut prier Dieu qu'il nous sanctifie la
viande & le breuuage , afin que nous en vsions
en bonne conscience:A plus forte raison
1. Tim.4.
nous faut il preparer & estudier à la sanctification
de nous mesmes , toutes les fois
qu'il faut receuoir
c'este viande & ce breuuage ,
qui sont sanctifiez par l'institution du
Seigneur. Ce n'est pas tout vn de se ranger
à l'Eglise, & de s'esprouuer soy-mesme: car
si on demeure en l'Eglise,où on s'est rangé,
on ne s'y rangera qu'vne fois : mais ce n'est
point assez de s'esprouuer vne fois: tout
ainsi que ce n'est point assez de prendre vne
seule medecine pour se descharger de
toutes les mauuaises humeurs qui sont en
nos corps, & y pourront estre ius-qu'à la fin
de nos jours : ny de prier Dieu vne fois
pour la sanctification de toutes les viandes
que nous deuons prendre en tout le cours
de nostre vie.
En 4. lieu notons qu'il n'est pas temps
de commencer à nous esprouuer , quand
nous sommes au presche qui se fait deuant
qu'on administre la saincte Cene , ou quand
nous oyons lire le formulaire de la celebration
d'icelle. Vray est que la memoire
de l'examen que nous deuons faire de nous
mesmes nous estant rafreschie au formulaire
& au presche du iour de la Cene , nous
pouuons bien estre exhortez à y penser de
pres: Mais tant y a que pour nous bien esprouuer,
qu'il ne faut pas attendre ius-qu'à
ce temps là,il faut prendre du temps pour ce
faire au parauant : Car tandis que l'homme
feroit vne recherche exacte de sa vie passee,
& penseroit particulierement à ses pechez,
faisant comme vne anatomie de son ame,
il pourroit laisser eschapper vne grande partie
de ce qui se diroit au presche. Il faut
donc, pour bien faire,commencer plustost,
soit qu'on y employe vne partie du iour qui
precede la Cene, ou quelqu'autre iour de
deuant : comme ce ne seroit point assez de
se preparer à bien mourir , quand il faudroit
rendre l'esprit : Mais il y faut penser
de bonne heure , notamment des qu'on se
sent malade : & comme il ne seroit point
temps de s'esprouuer si on pourroit prescher
[cher]
quand il faudroit monter en chaire,
mais il s'y faut preparer & esprouuer de lõgue
main : ainsi ne faut il point venir à la
Cene de nostre Seigneur à l'estourdie, mais
prendre le loisir d'y bien penser au parauãt.
Pour ceste cause aussi n'auons nous pas voulu
attendre iusqu'à vn iour de Cene à vous
exhorter à ceste espreuue, de peur que vous
ne dissiez à bon droict qu'il seroit bien tard
d'en parler.
Mais quelqu'vn dira la dessus,i'entẽ bien
qu'il faut que ie m'esprouue moy mesme:
car le Ministre ne me peut pas esprouuer de
l'espreuue dont parle ici l'Apostre , comme
les Prestres penseront esprouuer par leur
confession auriculaires ceux qui veulent venir
à leur communion, s'accommodans aux
aages des personnes , & leur faisans des interrogations
selon qu'ils cognoissent qu'vn
tel ou vn tel aage est subiect à vn tel ou à vn
tel vice. Mais en quoy faut-il que ie m'esprouue?
à quelle chose faut il que ie pense
pour sçauoir si elles sont en moy où si elles
ni sont pas?
C'est le deuxiesme poinct que nous auons
à traicter.Pour respondre donc à cela , tu te
dois esprouuer quant à la science,& quant à
la conscience:quant à la doctrine, & quant à
la vie. Vray est que quand le Ministre t'a receu
la premiere fois , il t'a esprouué quant à
la doctrine : mais il faut que tu t'esprouues si
tu n'as point oublié ce que tu sçauois alors.
Car si tu l'auois oublié , il le faudroit r'apprendre.
Si on t'a esprouué quant à la vie, &
qu'on t'ait trouué receuable , tu te dois esprouuer
toy-mesme , si depuis que tu as esté
estimé digne,tu ne tes point rendu indigne:
c'est à dire, que quand nous voulons communiquer ,
il nous faut interroguer nous
mesmes , pour sçauoir, as tu assez d'intelligence
& sçais tu biẽ ce que tu vas faire, quãd
tu vas te presẽter à la table du Fils de Dieu?
as tu assez bonne cõscience pour y aller sans
offenser Dieu ? ne te sens tu point entaché
de quelque enorme peché, que tu n'ayes pas
encore recogneu deuant Dieu, s'il est caché
aux hommes,ou deuãt les hommes, s'il leur
est notoire,qui te rende indigne de t'en approcher?
Ce n'est pas assez qu'vn chacun demande
à soy-mesme,és tu assez bien instruit
pour venir à la Cene , mais aussi il doit demander
à soy-mesme és tu assez homme de
bien pour y communiquer?
L'Apostre qui dit ici que nous nous deuons
esprouuer n'exprime pas en quoy:mais
il l'exprime
2. Cor.13. Examinez vous vous
mesmes, si vous estes en la foy. Esprouuez
vous vous mesmes:ne recognoissez vous
point vous mesmes assauoir que Iesus Christ
est en vous? Il monstre par cela que nous
nous deuons fonder & examiner , pour sçauoir
si nous auons la vraye foy par laquelle
[Iesus] Iesus Christ habite en nos cœurs,
Ephes. 3. Comme aussi Iesus Christ est en nous,quãd
nous auons l'esprit de sanctification:car nostre
Seigneur n'habite point en nous,quãt à
la substãce de son corps, mais il y habite par
l'efficace de son sainct Esprit. Pour exposer
cela vn peu familierement, il est dit en
nostre Catechisme,que l'homme se doit esprouuer
s'il a vraye foy & repentance , s'il
aime ses prochains en vraye charité,& n'est
point entaché de haine,ne rancune,ne diuision.
Et au formulaire de la saincte Cene,
qu'vn chacun esprouue & examine sa conscience,
pour sçauoir s'il a vraye repentance
de ses fautes, & s'y
d'esplaist, desirant de viure
d'oresnauant sainctement & selon Dieu:
& sur tout s'il a sa fiance en la misericorde
de Dieu, & cerche entierement son salut en
Iesus Christ : & renonçant à toute inimitié
& rancune,a bonne intention & courage de
viure en concorde & charité fraternelle auec
ses prochains. Et cest cela mesme que
nous disons assez souuent qu'il faut que
nous nous esprouuions pour sçauoir si nous
auons vraye foy,repentance, & charité. Au
formulaire des Eglises du Palatinat il est dit,
que l'espreuue consiste en ces trois poincts,
1. Que nous pensions à nos pechez , & à la
malediction que nous meritons par iceux,
pour nous desplaire en nous mesmes, &
nous humilier deuant Dieu. 2. Que nous
nous examinions si nous croyons fermemẽt
que nos pechez nous soyent pardonnez en
vertu de la seule mort & passion de Iesus
Christ , & que sa parfaite iustice nous soit
imputee,comme si nous mesmes auiõs faict
tout ce qu'il a faict pour nous. 3. Que nous
nous examinions assauoir si nous auons vne
ferme intention de nous monstrer recongnoissans
enuers Dieu tout le temps de nostre
vie, & de cheminer droictement deuãt
sa face, si nous renonçons à toute inimitié,
haine,rancune,& auons ferme intention de
viure en vraye charité & vnion auec nostre
prochain.
Tout cela reuient à vn,& n'y à difference
sinon quant aux mots , & se rapporte tousiours
à ces 3.poincts,foy,repentance,charité.
Or nous ne disputerons pas pour le present,
si la foy va deuant la repentance, où la
repentance deuant la foy. Il est plus vtile de
regarder si nous les auons toutes deux , que
de disputer laquelle doit aller deuant.Cepẽdant
d'autant qu'il faut que l'homme soit abbatu
par la repentance , deuant que d'estre
releué par la foy, nous parlerons en premier
lieu de la repentance: veu mesme que nostre
Seigneur suit
c'est ordre,
Marc 1. disant,
amendez vous & croyez à l'Euangile. Et si
nous parlons puis apres de la foy, & de la
charité , ce ne sera qu'en deux mots. Et ne
ferons point de difficulté d'en parler maintenant
[tenant]
tenant encore que nous y soyons souuent
exhortez. Car on ne nous y peut exhorter
trop souuent,veu le peu de fruicts de repentance
qui se voyent en plusieurs , & veu que
si les plus parfaicts se veulent examiner sans
se flater, & mettre bien auant le doigt dans
leur playes pour en faire sortir l'ordure,
il faudra que nous confessiõs tous que nous
n'y sommes point tant aduancez que nous
deurions, veu le temps qu'il y a que nous
auons la cognoissance de Dieu,& que le viel
Adam a encore trop de vigueur en nous.
Pour donc nous bien esprouuer nous mesmes ,
il ne nous faut point flater , n'y faire
comme les mauuais Chirurgiens , qui laisseront
plustost l'ordure en l'apostume que
de la presser , de peur de faire mal au patient,
mais il faut penser à bon escient à
nous , & nous faire nostre proces , afin que
Dieu ne le nous face pas : car ce qui suffira
deuant les hommes , ne suffira pas deuant
Dieu.Deuant les hommes plusieurs se pourront
glorifier & dire , quant à moy ie suis
homme de bien, ie n'ay iamais esté repris
de iustice,on ne me sçauroit que reprocher:
ouy par ce que leurs iniquitez ne seront
pas congneues aux hommes, ou il n'y aura
point eu assez de tesmoignages pour les en
conuaincre:mais ceux la mesmes qui se glorifieront
deuant les hommes, s'ils se veulent
bien esprouuer, il faudra qu'ils soyent confus
deuant Dieu , & qu'ils recognoissent
qu'ils sont tellement reprehensibles deuant
lui,estans considerez en eux mesmes , que si
Dieu n'a pitié deux en faueur de Iesus
Christ,ils ont merité la mort eternelle.
Pour auoir vraye repentẽce, il faut,1. Que
nous cognoissions nos pechez, 2. Que nous
les confessions à Dieu, 3. Que nous delaissions,
Prouerb.28. Celui qui cache ses
meffaicts ne prosperera point: mais celui
qui les confesse & delaisse obtiendra misericorde:
& comment delaisserõs nous nos
pechez ? en nous destournant du mal & faisant
bien.
Pseau.34.&37.
Nous auons dit en premier lieu qu'il faut
cognoistre nos pechez: car si nous ne cognoissons
la grandeur & grieueté d'iceux,
ils ne nous pourrons desplaire assez à bon
escient,& nous ne seront point assez esmeus
à implorer la misericorde de Dieu , & à
no9 abstenir à l'aduenir de tels pechez. Cõme
celui la ne se souciera pas beaucoup des
medecines qui ne pensera point estre malade,
où qui ne le pensera guere estre , ne sentant
pas la grieueté de son mal : ainsi nous
n'aspirerons pas à la misericorde de Dieu, si
premierement nous ne sentons combien
grieuement nous auons peché , & combien
quand besoin nous auõs de sa grace.Et comme
celui la qui ne sçaura pas qu'vn chemin
est dangereux ne tiendra compte de s'en
[destourner]
destourner,ainsi nous ne nous destournerõs
pas de nos pechez , si nous ne sçauons en
quel danger nous nous mettrõs si nous continuons
en iceux.
Et comment cognoistrons nous nos pechez?
par la Loy de Dieu.
Car par la Loy est
donnée cognoissance du peché,
Rom. 3. la
Loy de Dieu c'est le miroir de nos Ames,
auquel nous pouuons veoir combien nous
sommes ords & sales deuant Dieu : comme
on cognoistra en vn miroir combien
on est laid de visage , on verra en vn miroir
si on est barbouillé au visage, si on est noirci,
si on est gasté de terre ou de bourbier, &
par cela on sera incité à s'aller lauer pour oster
l'ordure qu'on aura veuë : ainsi aussi par
la Loy de Dieu nous verrons que nos ames
sont tachées d'vne infinité de pechez: &
cela nous induira à en aller cercher le lauement
au sang precieux de nostre Seigneur
Iesus-Christ. Alors tel pensoit estre bien
I. Iean 1.
beau deuant que de se contempler en vn tel
Apoc. 1.
miroir , qui se trouuera bien laid: tel pensoit
n'auoir qu'vne petite tache , qui trouuera
qu'il en a des bien grandes: tel haussoit
la teste deuant les hommes, qui trouuera
qu'il a occasion de la baisser deuant Dieu.
Or tout ainsi que celuy qui se veut bien
contempler en vn miroir , il faut qu'il l'ait
pres de soy, ou qu'il s'en approche biẽ pres,
& qu'il y a vne toille ou vne couuerture sur le
miroir,il faut qu'il l'oste, autrement il ne se
verra pas:Ainsi aussi celui qui veut bien cognoistre
ses pechez par la Loy de Dieu , il
ne faut pas qu'il s'arreste à la lettre,comme
si vn chacun Commandement ne contenoit
non plus qu'il exprime: mais il faut penetrer
ius-qu'à la moëlle,c'est à dire, il en faut
auoir la vraye intelligence. Autrement plusieurs
penseront qu'ils sont innocẽs en plusieurs
des commandemens de Dieu si seulement
ils regardent à la lettre,qui serõt contraints
de se recognoistre coulpables , s'ils
penetrent iusques à la vraye intelligence
d'iceux. Plusieurs diront en general, ie sçay
bien que ie suis vn pauure pecheur : mais
s'ils ne pensent particulierement à leurs pechez,
Luc 18.
ils diront auec le Pharisien : vray est
que ie suis pecheur:mais ie ne suis pas semblable
à tels & à tels, & ainsi se flateront en
eux mesmes,& n'estimerõt point que la repentence
leur soit si necessaire
quelle est.
Mais si nous contemplons bien & diligemment
nos pechez au miroir spirituel de la
Loy de Dieu , nous trouuerons que nous auons
peché, & plus souuent & plus grieuement
beaucoup que nous ne pensions.
Afin donc de bien cognoistre nos pechez,
mettons nous au deuant le sommaire
de la Loy de Dieu: Tu aimeras le Seigneur
ton Dieu. &c. Et nous cognoistrons que
nous sommes fort eslongnez de ceste obeissance
[sance]
parfaite qui est là requise de nous. Car
qui est celui qui puisse dire auec verité,qu'il
aime Dieu de tout son cœur, c'est à dire, si
parfaictement & sincerement qu'il n'y ait
en son esprit nulle pensée qui contreuienne
à ceste amour?S'il n'y a personne entre nous
qui puisse dire que iamais il n'a eu aucune
pensee en son esprit, qui l'ait destourné de
l'amour de Dieu , il n'y aura aussi personne
qui puisse dire qu'il aime Dieu de tout son
cœur , si tu aimes tellement ton argent &
ton or,tes biens,ton pays,tes parens,tes enfans,
que tu preferes ces choses là au seruice
de Dieu, & aimes mieux laisser là le seruice
de Dieu,que d'abandonner ces choses là,tu
ne peux dire que tu aimes Dieu de tout ton
cœur: mais il faut que tu recognoisses qu'il
y a quelque chose que tu aimes plus que
Dieu. Voire quãd tu aurois tout quitté pour
le seruice de Dieu , si ne peux tu dire que tu
l'aimes de tout ton cœur:car celui qui aime
Exod.20.
Dieu,il garde ses commandemens, il obserue
Iean 14.
sa parole , celui qui aime grandement vn
homme, il se donne de garde de l'offenser
en tout ce qu'il peut , & tasche de faire ce
qui lui est agreable. Veu donc qu'à nostre
escient nous offençons Dieu tant de fois,
comment pourrions nous dire que nous
l'aimerions de tout nostre cœur? Car si
ainsi estoit, nous ne l'offenserions iamais
à notre escient. D'aimer nostre prochain
comme nous mesmes, qui est ce qui
le peut faire? Qui est-ce qui n'aime mieux
s'il y a du mal,que ce soit pour son prochain
que pour luy, & s'il y a du bien que ce soit
pour lui que pour son prochain? qui ne soit
plus resiouy de son propre bien que du bien
de son prochain, & moins triste du mal de
son prochain que du sien? Or si nous l'aimons
comme nous mesmes,nous aimerions
autant qu'il eust du bien que nous, & serions
autãt marri de ses aduersitez que des nostres
1.Sam.18.1.
propres.Que si quelqu'vn dit que Ionatham
a aimé Dauid comme son ame, & qu'il y a
quelques vns de nos prochains , ausquels
nous souhaitons autant de bien qu'à nous,
il ne s'ensuit pas que nous aimons nostre
prochain comme nous mesmes:car ce n'est
pas assez de porter telle amour à vn où à
deux,mais il faut aimer tous nos prochains,
Matth. 5. 43. 44.
c'est à dire , indifferemment tous hommes
Rom. 12. 20.
comme nous mesmes, si nous voulons bien
obseruer le sommaire de la Loy de Dieu.
Puis apres quand nous faisons tort à nostre
prochain,ou que nous lui disons iniures, ne
monstrons nous pas que nous ne l'aimons
pas tant que nous? Car qui est ce qui se voudroit
faire du tort à soy-mesme , veu que
nous n'endurerons pas aisément que d'autres
nous en facent?
Toutes les choses que
vous voulez que les hommes vous facent
Matth.7.12.
faictes les leur aussi semblablement dit nostre
Seigneur , d'ont s'ensuit à l'opposite, ce
que vous ne voulez pas qu'on vous face ne
le faites aussi à personne , qui est ce qui obserue
cela ? Si donc nous nous proposons
le sommaire de la Loy , nous trouuerons
que nous auons grieuement peché contre
Dieu & le prochain une vne infinité de sortes.
Mais si nous mettons deuant nos yeux
les dix commandemens de Dieu,nous pourrons
encores bien mieux cognoistre nos
pechez qu'au parauant , pourueu que nous
retenions bien ceci prealablement.En premier
lieu qu'en vn chacun commandement
le contraire de ce qui est defendu est commandé,
& le contraire de ce qui est commandé
est defendu. 2. Que l'on peche contre
les commandemens de Dieu , non seulement
par transgression,mais aussi par obmission,
c'est à dire,quand on ne fait pas le
bien que Dieu commande,& quand on fait
le mal qu'il defend. 3. Que non seulement
nous pechons contre les commandemens
de Dieu par œuvres, mais aussi par pensees
& paroles.
Ne trouuez donc pas estrange si nous requerons
de ceux que nous receuons en l'Eglise,
qu'ils sachent les commandemens de
Dieu. Car puis qu'il faut sçauoir si on a repentance
pour bien communiquer à la Cene,
& que pour auoir vraye repentance,il
faut cognoistre nos pechez, & que nous ne
les pouuons cognoistre sinon par la Loy,
il s'ensuit necessairement que pour dignement
participer à la S.Cene, il faut sçauoir
les commandemens de Dieu, & les faut
bien entendre.Car si nous ne les entendons
bien,nous penserons en auoir accompli vne
grande partie , au lieu que si nous les entendons
bien, nous trouuerons que nous
les auons tous transgressez. Vn qui ne sçaura
que le texte d'iceux dira, moi, ie n'adore
qu'vn seul Dieu, ie ne suis point idolatre, ie
ne suis point blasphemateur,ie vai aux presches
le dimanche : Ie je fai point de deshonneur
à mon pere ni à ma mere , ie n'ai
iamais tué personne , ie n'ai iamais violé ni
seduit femme ni fille, ie n'ai point percé de
maisõ,ni coupé de bourse,ie n'ai point rẽdu
de faux tesmoignage en iugement contre
mon prochain, & par consequent il ne s'en
faut guere que i'e n'aye obserué tous les
commandemens de Dieu: mais si nous les
entendons bien , nous dirons tout le contraire:
sur tout quand nous viendrons au dixieme,
Tu ne conuoiteras point,qui est la
conclusion des autres.
Prenons donc les commandemens l'vn
apres l'autre,& disons: au premier commandement,
Dieu defend l'idolatrie des Payens,
l'inuocation des saincts, la confiance sur les
creatures,mortes ou viuantes:il defend aussi
[l'aua-]
l'auarice, car S.Paul appelle l'auarice idolatrie
Eph.5.&
Colos.3. par ce que l'auaricieux
fait son Dieu de son or & de son argent, il
pense que sa vie est la dedans:& s'il n'en a,
il ne pense point qu'il y ait de Dieu pour lui:
il commande que le recognoissant pour le
seul & vray Dieu , nous ayons toute nostre
fiance en lui;que nous l'inuoquions ardemment
en toutes nos necessitez , que nous
soyons zelez , affectionnez & diligens à le
seruir & honnorer, que nous recognoissiõs
que c'est de lui que vient tout le bien que
nous auons. Or interrogue ta conscience
cõment tu pratiques cela,tu diras ie n'ai rien
de commun auec l'idolatrie des Payens , ie
n'inuoque point les saincts: mais aduise si tu
n'as iamais eu trop de confiance sur le bras
de la chair , si tu es pur & net du vice d'auarice,
si tu n'es point agité de desfiance, quãd
les moyens humains te defaillent,si tu pries
Dieu auec vn tel zele que tu dois, & auec
vne telle foy comme il est requis , si tu lui
sers aussi diligemment que tu deurois & auec
telle affection , si tu n'atribues point
quelques-fois à ton industrie ce que tu deurois
attribuer à sa bonté: si tu as d'autres
choses sur quoi tu te confies,autant qu'il y a
d'hommes sur qui tu te fies au lieu de te fier
en Dieu , autant que tu as de pieces d'or &
d'argent en tes coffres,autant as-tu d'autres
dieux. Si tu pers courage en aduersité, comme
si Dieu ne te pouuoit ou ne te vouloit
pas aider , tu peches contre ce commandemẽt.
Veu donc qu'il n'y a celui qui en l'vne
ou l'autre de ces sortes ne transgresse le premier
Commandement , nous deuons tous
passer condemnation, & dire, Dieu defend
telle chose, & commande telle chose: mais
helas! ie ne l'ai pas obserué, ains i'ai fait le
contraire en plusieurs manieres.
Au 2. Commandement l'Idolatrie exterieure
est defendue : Comme de leuer nos
yeux vers les Idoles,de descouurir nos testes
deuant icelles, nous agenouiller ou leur faire
quelque telle reuerence que les Payens
faisoyent à leurs marmousets, & que ceux
de l'Eglise Romaine font aux leurs, soit en
leurs temples , ou en leurs processions : Au
contraire nous est commandé le seruice exterieur
qui est deu à vn seul Dieu : Comme
l'adoration religieuse, que nous le seruions
non seulement par fiance interieure, mais
aussi par profession exterieure.Si tu dis, i'ay
en horreur toute Idolatrie, regarde si tu
rends à Dieu le seruice exterieur tel que tu
Lam.3.
dois: Si tes yeux & tes mains sont eleuez
vers Dieu, & tes genoux ployez pour l'inuoquer
aussi souuent & soigneusement qu'il
seroit requis:Si tu n'as iamais porté de Croix
ou fait
qu'elque autre signe pour faire acroire
que tu n'estois pas de la religion : Si
tu ne
tes iamais trouué es festes
consacreés [aux] aux Idoles, ou és banquets qui en dependent:
Si tu offres ton corps en sacrifice viuant
à Dieu comme il nous est recommandé
Rom.12.Si tu n'as point esté si diligent
au seruice exterieur de Dieu que tu
dois: Recognoy aussi que tu n'as pas accompli
le 2.Commandement non plus que
le premier.
Au 3. Commandement Dieu defend l'abus
de son nom , qui se commet non seulement
en iurant faussement, mais aussi en iurant
sans necessité , en vsant de maudissons,
ou imprecations , en se mocquant de la Parole
de Dieu ou des Sacremens: & au contraire
il commande que nous sanctifions
son nom de cœur,de bouche,& par œuures,
viuans tellement que sa Saincte doctrine
soit honoree à nostre occasion,&non point
1. Tim. 61.
blasmee.Qu'vn chacun s'examine comment
Tit. 2. 5. & 10.
il s'en est acquité. Il y à 30. ou 40. ans que
quand quelqu'vn ne iuroit point , on disoit,
qu'il estoit de la religion : maintenant si on
disoit, vn tel iure, il n'est donc pas de la religion,
il n'y en auroit gueres qui en fussent.
Combien y en à il d'entre nous qui ont
plus de foy en leur bouche , que de loyauté
en leur cœur? Qui ont incessammẽt le nõ de
Dieu en leur bouche pour iurer , qui le deuroyent
plustost auoir en leur cœur pour le
crainde? On iurera entre nous la mort & le
sang, n'est ce pas chose deplorable? Et puis
on dira qu'on estoit en cholere.Dieu a bien
à faire de nos choleres. Mais il y en aura
qui diront,quand à moi ie ne iure point,si ie
ne suis deuant le magistrat , ou si la chose
n'est de tresgrande importance: mais considere
si tu sanctifies le nom de Dieu par œuures
comme tu deurois , en sorte que le
nom de Dieu soit honnoré à cause de ta
bonne vie. Examine toy si tu n'as iamais oui
iurer , sans que tu ayes repris les iureurs.
Car c'est mal faict non seulement de iurer
temerairement , mais aussi de ne point reprendre
ceux qu'on oit iurer , comme il est
monstré
Leuit. 5. là où il est commandé à
telles personnes qui ont ouy le iurement,&
n'ont dit mot , d'offrir vn certain sacrifice,
ce qui monstre qu'ils ont participé par leur
silence au peché de celuy qui iuroit : pense
donc si iamais la crainte des hommes ne t'a
gardé de faire vn tel deuoir, ou de defendre
& maintenir la verité quand tu l'as oui blasphemer
Au 4.commandement, Dieu commande
de sanctifier,c'est à dire, applicquer à saincts
vsages le iour du repos. Interrogue ta conscience,
comment tu t'en es acquité : fort
bien,diront quelqu'vns:car ie me suis trouué
aux presches les Dimanches: mais examine
toy si tu as esté si attentif à escouter comme
[tu]
tu deuois, si en priant Dieu,ou oyant sa parole,
ou chantant ses louanges,ton esprit n'a
point pensé ailleurs , s'il n'a point extrauagué:
si tu n'as point eu le cœur à ta trafique,
tandis que le corps estoit en l'assemblee
des fideles, si tu as bien retenu la substance
de ce que tu as oui, & bien pratiqué ce que
tu as retenu. Si tu n'as point abusé du reste du
iour du repos, à iouer pour ruiner ta famille,
ou à boire, ou à folastrer, si tu n'as point
eu plus de soin de te parer le dimanche, que
de seruir à Dieu, & t'occuper à choses sainctes,
à l'ouye , lecture, & meditation de sa
parole, à l'instruction de tes enfans, & domestiques.
Au 5. Dieu commande de rendre honneur
& obeissance aux peres & meres & à
tous ceux qui sont par dessus nous, tant pour
le regard du gouuernement Politicque, que
du gouuernement Ecclesiastique : & defend
la rebelliõ & le mespris d'iceux.Examine toi
comment tu t'es comporté en cest endroict:
si tu n'as pas faict beaucoup de fascheries à
ceux qui t'ont eleué, non seulement deuant
que tu eusses iugement pour cognoistre ton
deuoir enuers eux, mais aussi depuis que tu
l'as,si tu n'as iamais dit de mauuais propos à
ton pere, ou à ta mere, si tu ne les as point
contristé en faisant mauuais mesnage , en
mal traictant ta femme, en desobeissant à
ton mari , en commettant des grands scandales,
quel respect & reuerence tu as porté
aux admonitions de tes Pasteurs.
Au 6. Dieu ne defend pas seulement le
meurtre,mais il passe bien plus auant , cõme
nostre Seigneur, qui est le meilleur expositeur
que nous sçaurions auoir, le monstre
Matth.5. vous auez entendu qu'il a esté dit
aux anciens, Tu ne tueras point:& qui tuera
sera digne d'estre puni par iugement : Mais
moy ie vous dy,que quiconque se courrouce
sans cause à son frere,il sera digne d'estre puni
par iugement:& qui dira à son frere,Raca,
sera digne d'estre puni par conseil:& qui luy
dira fol, sera digne d'estre puni de la gehenne
du feu. Qui est-ce qui pourra dire qu'il ne
se soit iamais courroucé sans cause, qu'il n'ait
point monstré de gestes de cholere, qu'il
1. Iean 3. 15.
n'ait point dit d'iniures à son prochain?sainct
Ieã dit que
celuy qui hait son frere est meurtrier.
Qui est-ce qui pourra dire qu'il n'ait
point hay son
procain? Et ceux qui disent
des iniures atroces à leurs prochains,& mesmes
à leurs enfans,qui souhaitent à leur prochains
à leurs enfans,qui souhaitent à leur prochains
que le diable les emporte,que la peste
les greue, que la mal mort les happe,
ou que la fieure quarte leur vienne , doiuent
ils pas recognoistre selon
c'este exposition
de nostre Seigneur Iesus Christ
qu'ils sont trãsgresseurs de ce cõmandemẽt?
Que s'ils disent , encore que i'vse de telles
maudissons, elles n'aduiennent pas pourtant,
[tant,]
tant, ce n'est pas à ceux qui les disent qu'il
en faut sçauoir gré, mais à la misericorde &
bonté de Dieu : car si tu pouuois faire à tes
prochains le mal que tu leur souhaites estant
en cholere, ne le ferois tu pas?Si ta puissance
estoit aussi grande que ta volõté est mauuaise,
ne ferois tu pas ce que tu souhaites?
ne pense donc pas estre excusé de ce que ta
malediction n'arriue pas : car elle retombera
sur toy , si tu ne te repens de bonne heure,
& en demandes pardon à Dieu.
Au 7. Dieu ne defend pas seulement la
paillardise mais tout ce qui y peut attirer, &
commande la pureté es pensées, es gestes,es
paroles, & es faicts. Celuy qui regarde vne
femme pour la conuoiter il a desia commis
adultere auec elle en son cœur : entendez le
Matth. 5
mesme de la femme qui regarde l'hõme d'vn
mauuais œil, d'vn œil impudique,du fils qui
regarde la vierge pour la cõuoiter hors mariage.
Qu'vn chacun s'esprouue soy-mesme
comment il s'est comporté en
c'est endroit,
s'il n'a point esté addonné à vains regards.
Mesmes les petis enfans ont des propos si
Psea. 119.
vilains & impudiques en la bouche, que
c'est vne chose à deplorer, & puis il y a les
danses, les chansons d'amours qui sont autant
d'acheminemens à la transgression actuelle
de ce commandement, ausquels cependant
plusieurs ne sont que trop addonnez.
Au 8. Commandement Dieu defend
beaucoup de choses qui ne seront pas appellees
larrecin entre les hommes, & le seront
cependant deuant Dieu , assauoir tous
les moyens illicites par lesquels l'homme
attire à soy le bien de son prochain. Si tu
mãges le pain d'autrui en oisiueté,si tu veux
estre bien payé;& sers desloyaument,ou ne
fais pas bien la besongne:si tu est vsurier, &
succes le sang & la moëlle du pauure peuple ,
si tu fais durer les proces pour ta commodité,
&pour en tirer plus de gain , si tu
es marchand,& que tu ayes faux poids,fausse
mesure,tu transgresses ce commandemẽt:
& ta consçience mesme t'enseigne commẽt
tu le dois appeller. Examine toy aussi si tu
n'as iamais rançonné ton hoste durant la
guerre, lors que pour prendre seulement à
manger & à boire tu eusses esté excusable,
si tu n'as iamais raui le biẽ d'autrui par violẽce,
ou attiré à toy sous apparẽce de droit.
Sur le 9. Commandement considere si tu
n'as iamais menti contre ton prochain,si tu
n'as iamais vsé de calõnies, si tu n'as iamais
esté rapporteur , si la conseruation de la renommee
de ton prochain t'a touiours esté
en telle recommandation que la conseruation
de la tienne,si tu n'as iamais presté l'oreille
aux calomniateurs & mesdisans.
Sur le 10. Commandement considere si
tu n'as iamais conuoité le bien de ton prochain.
Si iamais tu n'as desbauché seruiteur
ou seruante du seruice de son maistre, pour
l'attirer en ta maison. Quand nous serions
innocens en tous les autres commandemens,
si serons nous coulpables en
c'estui cy. Car la concupiscence est vn vice tellement
né auec nous, que nous ne sçaurions
pas mesmes que ce fust peché si la Loy ne
disoit,
Tu ne conuoiteras point.
Rom. 7. Parquoi la conuoitise s'estend à tous les autres
commandemens,quand on a eu desir ou
en la pensee de faire ou dire ce que Dieu
defend.
Quand nous aurons faict ainsi vn examen
general de nous , prenans les commandemens
l'vn apres l'autre, il nous conuient encore
faire vn examen particulier selõ la vocation
à quoi Dieu nous a appellé : si nous
sommes Magistrats,Pasteur,Anciẽs,Peres,
Meres,fils, ou filles de famille , il nous faut
cõsiderer ce que la parole de Dieu requiert
de nous , & combien pauurement en beaucoup
de choses nous nous en sommes acquitez
( dequoi nous parlerõs vne autre fois
s'il plaist à Dieu.) Alors nous ne dirons pas
seulement ,ie sçai bien que ie ne suis pas iuste:
mais nous dirons,
ie sçai qu'en ma chair
il n'abite point de bien, & que i'ay vne infinité
Rom. 7.
de fois merité deuant Dieu les peines
des Enfers.
C'este cognoissance de nos pechez nous
amenera à les confesser deuant Dieu,au lieu
que ceux de l'Eglise Romaine les confessent
deuant vn Prestre,& à lui en demãder l'absolution ,
mais nous ferons comme Dauid
au
Pseaume 51. O Dieu aye mercy de moy
selon ta clemence, & selon tes grãdes compassions
efface mes transgressions. Et si ce
sont des pechez qui soyent directemẽt contre
nostre prochain , nous lui en demanderons
aussi pardon, suiuant ce que nostre Seigneur
enseigne
Matth. 5. Si tu apportes ton
oblation à l'autel,& là il te souuient que ton
frere a quelque chose à l'encontre de toy:
laisse là ton oblation deuant l'autel , & t'en
va premierement,& appointe à ton frere,&
lors vien & offre ton oblation. Et prierons
Dieu aussi qu'il nous pardonne nos fautes
cachées.
Pseaume 19.
Les ayans ainsi confessé à Dieu nous les
delaisserons aussi : nous aurons vn ferme
propos de viure mieux à l'aduenir , & le
monstrerons par effect, faisans le bien contraire
au mal que nous auons faict , si nous
avons esté chiches, nous deuiendrons liberaux:
si nous auons esté addonnez à l'yurongnerie
nous deuiendrons sobres, si nous
auons abusé de nos langues pour blasphemer
Dieu,nous les employerons à le glorifier.
Car le propos n'est pas ferme, si l'effect
ne s'en ensuit. Si nous retournons incontinent
à nos pechez, ce n'est pas vne vraye
[repen-]
repẽtãce,mais vne hypocrisie,laquelle Dieu
punira,si nous continuons en icelle.
Voila donc les choses requises à vne vraye
repentance. 1. Cognoistre nos pechez. 2.
les confesser. 3. les delaisser, c'est à dire nous
amender & viure mieux.
Nous auons dict puis apres qu'il nous
faut esprouuer si nous auons la foy , c'est à
dire, vne certaine & ferme asseureurance de
la misericorde de Dieu enuers nous par Iesus
Christ. Si nous auons ceste asseurance,
que croyans en Iesus-Christ nous obtenons
de Dieu remission de tous nos pechez : &
que la misericorde de Dieu en Iesus Christ
est plus grãde & a plus d'efficace pour nous
sauuer, que nos pechez pour nous damner:
& si nous sentons que Iesus Christ qui nous
a transferé du royaume de tenebres en son
royaume de lumiere, vit en nous & nous en
luy. En 3. lieu il nous faut esprouuer si nous
auons vraye charité, s'il nous desplaist de
n'auoir pas monstré telle amour euers Dieu
que nous deuions par l'obseruation de sa
parole, d'auoir eu des querelles auec nos
prochains; si nous voulons pardonner de
bon cœur à ceux qui nous ont offensez, &
demandons pardon à ceux que nous auons
interessez: desquels deux poincts s'il plaist
à Dieu nous parlerons vne autre fois plus
amplement.
Faisons nostre profit de ces choses. Vous
auez entendu deux poincts : le 1. a esté touchant
quelques obseruatiõs generales, qu'il
faut que nous nous esprouuions nous mesmes:
qu'il faut que cela se face auant que
communiquer , & toutes les fois que nous
communiquons , & aussi que nous ne tardions
point trop à nous esprouuer. Le 2. a
esté en quoy consiste l'espreuue de nous
mesmes , assauoir en ce que nous nous esprouuions
si nous auons vraye repentance,
Foy, & Charité enuers Dieu & le prochain.
Que à la repentance sont requis 3.
poincts. 1. Que nous cognoissions nos pechez:
ce que nous ferons si nous nous examinons
1. selon le sommaire de la Loy, 2.
selon vn chacun des Commandemens d'icelle,
3. Selon les enseignemens qui concernent
la vocation d'vn chacun de nous.
2. Que nous les confessions à Dieu, 3. Que
nous les delaissions. Et pour conclusion si
Iesus Christ vit en nous par l'efficace de
son S.Esprit, tellement que la Loy de Dieu
nous soit agreable.
Le Seigneur nostre Dieu nous vueille
donner son sainct Esprit, & nous vueille
par iceluy tellement gouuerner & conduire,
que nous puissions profiter de plus en plus
au renoncement de nous-mesmes, &
en toutes vertus Chrestiennes, en attendant
que nous ayons la pleine & entiere iouyssance
des biens qu'il nous a promis.
AMEN.