TEXTE DES SERMONS
SVIVANTS, TIRE´ DES TROIS
Euangelistes, & mis en parallele.
V.1. Alors Iesus fut emmené
par l'Esprit au desert,
pour estre tenté par le diable.
2. Et quand il eut iusné
quarante iours & quarante
nuicts,finalement il
eut faim.
3. Et le tentateur s'approchant
de lui, dit, Si tu
es Fils de Dieu, di que ces
pierres deuiennent pains.
4. Mais il respondit,&
dit, L'hõme ne viura point
de pain seulement : mais de
toute parole qui procede de
la bouche de Dieu.
S. Lvc, ch. 4.
V.1. Or Iesus plein du S.
Esprit s'en retourna de deuers
le Iordain, & fut mené
par la vertu de l'Esprit
au desert.
2. Et là fut tenté du diable
par quarante iours, &
ne mangea riẽ du tout durant
ces iours-la : mais apres
qu'ils furent passez,finalement
il eut faim.
3. Et le diable lui dit, Si
tu es Fils de Dieu,di à ceste
pierre-ci qu'elle deuienne
pain.
4. Et Iesus lui respondit,
disant , Il est escrit que
5. Adonc le diable le
transporte en la Saincte
ville, & le met sur les creneaux
du temple:
6. Et lui dit,Si tu es Fils
de Dieu,iette toi en bas:car
il est escrit, Qu'il donnera
charge de toi à ses Anges,
& ils te porteront en leurs
mains , de peur que tu ne
heurtes de ton pied à quelque
pierre.
7. Iesus lui dit , Derechef
il est escrit, Tu ne tenteras
point le Seigneur ton
Dieu.
8. Derechef le Diable le
trãsporte sur vne fort haute
mõtagne,& lui monstre
tous les royaumes du monde,
& leur gloire:
9. Et lui dit, Ie te donnerai
toutes ces choses , si,
en te prosternant en terre,
tu m'adores.
10. Adonc Iesus lui dit,
va Satan:car il est escrit,
Tu adoreras le Seigneur
ton Dieu , & à lui seul tu
seruiras.
[ 11. Alors ]
l'homme ne viura point de
seul pain,mais de toute parole
de Dieu.
5. Adonc le Diable l'emmena
en vne haute montagne,
& lui monstra en vn
moment de temps tous les
royaumes du monde.
6. Et le Diable lui dit,Ie
te dõnerai toute ceste puissance
des royaumes,& leur
gloire:car elle m'est baillee,
& ie la dõne à qui ie vueil.
7. Parquoi si tu te veux
prosterner deuant moi,tout
sera tien.
8. Mais Iesus respõdant,
lui dit, Va arriere de moi,
Satã,car il est escrit, Tu adoreras
le Seigneur tõ Dieu,
& à lui seul tu seruiras.
9. Il le mena aussi en
Ierusalem , & le mit sur
les creneaux du temple, &
lui dit , Si tu es fils de
Dieu,iette toi d'ici en bas.
10. Car il est escrit qu'il
donneras charge de toi à ses
Anges, pour te contregarder.
11. Alors le Diable le laisse,
& voici les Anges s'aprocherent,
& le seruoyent.
V. 12. Et incontinẽt l'Esprit
le poussa au desert.
13. Et fut là au desert
quarante iours, estant tenté
de Satan, & estoit auec
les bestes sauuages , & les
Anges le seruoyent.
11. Et qu'ils te porteront
en leurs mains , de
peur que tu ne heurtes de
ton pied à quelque pierre.
12. Mais Iesus respondant
lui dit , Il a esté dit,
Tu ne tenteras point le Seigneur
ton Dieu.
13. Et quand toute la
tentation fut finie,le Diable
se partit de devers lui
iusqu'à vn temps.
PREMIER SERMON
sur l'Histoire de la Tentation
de nostre Seigneur.
les villes d'Israel, pour chanter , & qu'ensemble
sortirent des danses pour aller au deuant
du Roi Saul auec tabours, auec ioye, & auec
rebecs. Et les femmes qui iouoyent s'entrerespondoyent
& disoient,Saul en a frappé ses
mille,& Dauid ses dix mille.
Le peuple de Dieu,les Chrestiens,n'ont-ils
point , sans comparaison , plus de suiet de s'éiouïr ,
lisans & meditans attentiuement l'Histoire
que nous venons de lire ? En icelle S.
Matthieu nous descrit & le duel & la victoire
que Iesus Christ a euë sur le Diable, vrai Goliath,
vrai geant infernal. En ceste histoire il
n'y a trait aucun qui ne soit capable de nous
instruire,de nous consoler,de nous apporter vne
ioye inenarrable & incomprehensible. Goliath
estoit vn homme mortel: & Satan vn esprit
rusé & puissant, serpent ancien, lion rugissant.
Goliath assuiettissoit aux Philisthins
seulement les corps des Israëlites: mais le Diable
enchaisnoit en ses pieges & les corps & les
ames de tous hommes pecheurs. Goliath n'a
esté redouté que peu de temps, il estoit incognu
es aages precedens: mais Satan auoit subiugué
& le premier homme, & auec lui toute
sa posterité pour iamais. Goliath desfioit les
Israëlites au combat d'vn à vn : Car quelque
puissant qu'il fust, vne compagnie des Israëlites
n'en fust-elle pas bien venue à bout ? Mais
le Diable au premier combat contre Adam
[l'a-]
l'auoit tellement vaincu , & tellement rendu
esclaue toute sa posterité , que tous les hommes
ensemble n'eussent iamais peu secouër le
ioug de sa tyrannie. Les Philisthins,ayans veu
que leur fort homme estoit mort, s'enfuirent:
Aussi nostre principal accusateur estant vaincu,
n'est-ce point pour mettre en route tous
nos ennemis? Les Israëlites qui durant le deffi
de Goliath eurent fort grand peur , apres la
mort d'icelui se rallient, poursuiuent les Philisthins,
les battent, pillent leurs camps. Aussi
la frayeur que nous donnoit la tyrannie du
Diable sous le peché,n'est-elle point conuertie
en asseurance sous la grace de Iesus Christ?
Maintenant nous poursuiuons Satan. Nous
menons battans, & mettons en desroute tous
ses supposts,tous nos ennemis , voire la mort
mesme. Nous sommes chargés de leurs despouilles.
Puis que ces choses sont telles , ne ietterions-
nous point aussi cris d'esiouissance: Dauid
fils d'Isai en a tué dix mille : mais Christ
Fils de Dieu a tué plusieurs millions. Ains nostre
resiouissance est bien mieux fondee. Car
la mort de Goliath & de quelques Philisthins
n'a point exterminé tous les Geans, n'a point
empesché qu'à diuers temps apres les Israëlites
n'ayent eu sur les bras plusieurs puissantes
armees. Mais Christ vne fois pour toutes a
vaincu Satan , & auec lui tous nos ennemis.
Car nostre Seigneur
au seiziesme de S. Iean nous dit,
Ayez bon courage , i'ai vaincu le monde .
Si le monde,aussi le Prince du monde,lequel
au mesme chapitre il dit estre desia iugé. Il est
vrai que Satan nous liure encor plusieurs assauts :
que iour & nuict il chemine à l'entour
de nous, cerchãt qui il pourra engloutir. Mais
tous cela, comme à sa plus grande confusion,
aussi à la confirmation de nostre salut. Il en est
aux convulsions, il iette les derniers sanglots,
tandis que le bruit qu'il fait nous resveille du
dormir de peché , excerce nostre foi , & nous
retient es bornes d'vne vraye humilité, attendant
que Christ ait aboli tout empire, & notamment
la mort, ennemi qui sera destruit le
dernier,comme l'enseigne l'Apostre au
15. de
la premiere aux Corinthiens.
Or nous est l'histoire presente vne preuue
asseuree de la victoire que Christ a obtenue
contre le Diable. Histoire grandement digne
de nostre attention. Car elle nous represente
le combat de deux puissans ennemis , du Fils
de Dieu createur & cõducteur de toutes choses
contre le Diable qui est ce fort armé dont
il est parlé en
l'Euangile. Et pour considerer
sommairement ce qui nous est ici proposé,on
le peut rapporter à deux poincts. Car
au premier
l'Euangeliste nous recite comment Satan
a tenté Iesus Christ,& en ce combat s'est
efforcé de le renuerser. Que fust deuenu nostre
[stre]
salut, si Satan fust venu à bout de son entreprise ?
Mais il auoit à faire à trop forte partie.
Or le second point de l'Histoire monstrera
en quelle façõ & auec quelles armes Christ
esteignant tous les dards enflammés de ce Malin,
l'a vaincu & chassé au loin.
Dés l'entree le mot
Tenter dont vse l'Euangeliste
nous donne à entendre que Satan
a dressé des embusches à Iesus Christ. Car se
sentant trop foible pour combattre ouuertement
contre le Fils de Dieu il en vient aux ruses ,
il tasche de le circonuenir,il essaye de lui
faire commettre quelque peché. Car il estoit
asseuré que si nostre respondant eust peché,
pour nous eust esté nulle la satisfaction,& il se
fust trouué par trop, voire eternellement,empesché
de satisfaire pour soi-mesme. Mais l'issue
du combat monstre euidẽment que Christ
a participé ouy bien à nos infirmités,mais non
à nos iniquités : qu'
il a esté tenté de mesme
comme nous,ouy en toutes choses mais horsmis
peché , comme il est dit au
4. de l'Epistre
aux Hebrieux.
Or en ceste tentation du costé du Diable
il faut remarquer tant les auantages qu'il a
creu auoir de s'engager au combat , que les
traits qu'il a descochés contre Iesus Christ.
Son premier auantage il l'a pris du lieu où
estoit Iesus Christ. Pour lors il estoit au desert ,
esloigné des hommes , & parmi les bestes
sauuages.Satan a creu ceste occasion lui estre fauorable.
Et de fait il n'y a nulle doute que la
solitude ne soit beaucoup plus propre aux embusches
qu'vn lieu fort frequẽté. A quoi peut
estre rapporté ce qui est dit au
4. de l'Ecclesiaste:
Malheur à celui qui est seul:d'autant qu'estant
tombé il n'y aura personne d'autre pour
le releuer. Ceci peut receuoir éclaircissement
par exemples.Car il est tres-certain que la solitude
souuent donne occasion à plusieurs personnes
de commettre ce dont ils s'abstiendroyent
s'ils estoyent en compagnie. Au milieu
de Sodome Loth a vescu chastement en sa
maison , mais retiré en vne cauerne ses deux
filles commettent inceste auec lui. En la maison
de leur pere les freres de Ioseph n'eussent
iamais osé mettre la main sur lui : mais le voyans
tout seulet aux champs ils machinent de
le mettre à mort. Nous dirons qu'vne mauuaise
beste la deuoré; Et la solitude fut l'occasion
du mauuais traitement que Ioseph receut
d'eux.
Amnon fils de Dauid n'vsa point de force
contre Thamar sa sœur , qu'il n'eust fait retirer
vn chacun arriere de soi.Cain frappa Abel,
non en la maison de leur pere, mais comme ils
estoyent aux champs. Tant est propre la solitude
à l'execution des meschantes conuoitises.
Le Diable donc selon sa coustume a assailli
Iesus Christ,non au milieu de Ierusalem,mais
[dans]
dans le desert, & a estimé que Christ estant là
tout seul pourroit estre plus facilement seduit.
Mais il s'addressoit à celui qui ne seduit personne,
qui aussi ne peut estre seduit. Il s'adressoit
à celui qui n'est iamais seul. Christ n'estoit
point en la compagnie des hommes. Non.
Mais n'estoit-il pas enuironné de plusieurs legions
d'
Anges, lesquels, comme il est dit en ce
texte s'approcherent, & le seruoyent. Et quand il
n'eust-eu aucun Ange auec lui eust-il pourtant
esté tout seul ? Il ne l'a iamais esté, puis
qu'il a tousiours esté au sein du Pere,puis que
dés le commencement ceste parole estoit auec
Dieu, puis qu'en lui de toute eternité le Pere a
pris son bon plaisir. Mais Christ lui mesme en
termes formels & à son auantage sould ceste
question , au
8. de S. Iean ,
Ie ne suis point
seul , mais il y a moi & le Pere qui m'a enuoyé.
Cependant, puis que pour nous seduire le
Diable espie la solitude. C'est à nous non à
cercher les deserts, mais à euiter la tentation,
& à demeurer vn chacun és bornes de la vocation
à laquelle Dieu nous a appelés. Christ
s'y est retiré pour les raisons à lui particulieres,
& qui seront marquees en leur lieu. La persecution
y a souuent chassé les fideles obligés à
la conseruation de leur vie. Mais qu'vn homme,
mesme au temps de la prosperité,quitte sa
vocation,fuye toute societé, viue tout seul au
desert , c'est ce que le Diable demande ,
pour plus aisément le seduire. Mais à ceste
solitude ont dés long temps remedié les
Moines. Ils en retienent bien le nom. Car
Moine veut autant à dire que solitaire. Et cependant
ils ne viuent rien moins que solitaires ,
rien moins que parmi les deserts. Que
s'il aduient quelquefois que nous-nous trouuions
seuls au regard des hommes : souuenons-
nous que Dieu nous void & qu'il est auec
nous. S'il nous void, s'il contemple nos actions,
mais nos cœurs, ne seroit-il point vengeur
de nos iniquitez ? Viuons donc retenus:
viuons autant & plus en crainte deuant lui,
que si tous les hommes nous voyoyent. Si aussi
Dieu est auec nous , qui sera contre nous ?
Quand nos plus proches nous auroyent abandonné ,
le Seigneur nous recueillira. Si les
hommes nous reiettent , Dieu nous receura,
& ne permettra point que le Diable nous tente
outre nostre portee.
L'autre auantage , que Satan a creu auoir
sur Iesus Christ, c'est que Christ ayant iusné 40.
iours & 40. nuicts finalement eut faim. Le Diable
a estimé que la faim auroit affoibli Iesus Christ
& rendu moins habile au combat contre lui.
Et certes des soldats alangouris & affamez ne
rendront pas beaucoup de combat, ne feront
pas grand' resistance. Et la faim n'affoiblit
[pas]
pas seulement le corps,mais aussi le courage:
voire la faim est vne rage qui porte l'homme
au desespoir. Il n'y a aucun mal qu'vn homme
affamé ne face, aucun mal qu'il ne souffre.
Ainsi est le Diable vn fort grand naturaliste. Il
remarque soigneusement la nature & les inclinations
de chaque chose: & selon qu'il croid
en estre bien informé, il assaut vn chacun par
la partie la plus foible , proposant à vn chacun
tels allechemens au mal, qu'il croira propres
pour chatouiller & émouuoir la conuoitise.
Il sçait ce qui peut émouuoir vn larron. Il sçait
ce qui a force sur vn voluptueux. Par artifices
il pousse le meurtrier iusqu'à l'execution. A
ceux qui ont quelque horreur de l'iniquité, il
s'efforcera de pallier le vice, d'extenuer le peché.
A ceux qui apprehendent la vengeance
ou de Dieu ou du Magistrat, il trouue & propose
des apparences de seureté. Que s'il y en a
qui sentent desia le bourreau de la conscience:
il n'oublie rien de tout ce qui les peut pousser
au desespoir. Il noircit leurs taches , il aggraue
leur peché, il amoindrit la misericorde
de Dieu.S'il pouuoit, il leur fermeroit le ciel:il
leur ouuriroit les abysmes.
De mesme il a iugé,que puis que Christ auoit
faim,il viendroit plus aisément à bout de
lui pour le porter bon gré mal gré lui à quelque
moyen illegitime , éloigné de son deuoir
& proche de la desfiance. Mais nous verrons
qu'il s'est fort mesconté de son calcul : que
Christ a eu faim au desert, non pour succomber
en ce combat : mais pour faire voir combien
est foible,voire nulle la force des sollicitations
du Diable contre le Fils de Dieu,lors
mesme qu'au iugement d'vn chacun il estoit
en lieu & en estat desavantageux, puis qu'au
desert,puis qu'ayant faim. Car aussi comment
la faim estonneroit-elle celui qui rassasie les
affamez , qui donne à boire aux alterés , qui
nous abruue du fleuue de ses delices, qui est
nostre viande, qui est nostre breuuage? Celui
pecheroit-il par la faim, duquel la principale
viande est de faire la volonté de celui qui l'a
enuoyé & de parfaire son œuure, comme il le
tesmoigne au
4. de S. Iean?
A ces deux auantages adioustons la circonstance
du temps qui est marquee en nostre
texte par ce mot
Alors. Quand alors ? Incontinent
apres le Baptesme de Iesus Christ. De
Iesus Christ auquel peu auparauant Iean Baptiste
auoit rendu ce tesmoignage,
Voila l'Agneau
de Dieu, au
premier de S. Iean : De Iesus
Christ, duquel le Pere venoit de dire au
3.
de S. Matthieu,
Cettui-ci est mon Fils bien-aimé ,
en qui i'ai pris mon bon plaisir. Bref de
Iesus Christ qui commençoit à exercer publiquement
la charge qui lui auoit esté commise.
Nous ne lisons pas que Satan ait tenté Iesus
[Christ,]
Christ,tandis qu'il a vescu comme particulier
en la maison de Ioseph & de Marie : mais
maintenant qu'il le void instalé en sa charge,
voire dés le commencement, mesmes en quelque
sorte auant qu'il la commence, le Diable
s'auance pour le faire chopper dés l'entree,afin
que tout le reste de son ministere demeure
infructueux. Ennemi caut & rusé. Il veut obuier
aux commencemens. Il sçait combien
nuist le retardement , que le remede à vn mal
ne peut estre trop tost apporté : que s'il n'étouffe
le regne de Iesus Christ dés sa naissance,
il faudra necessairement que le sien diminue,
qu'à la fin il soit renuersé. Ainsi l'ennemi
de nostre salut n'a rien omis, non pas mesmes
es formalités & circonstances. Ayant à combattre
Iesus Christ il a pris son temps:Croyant
plus facile de le renuerser, que s'il eust attendu
son plein establissement. Mais aussi en ce
poinct s'est abusé le Tentateur. Car le regne
de Iesus Christ n'a point de fin , point aussi de
commencement. Les fondemens de sa domination
sont non en la terre,mais au ciel : ils
n'ont point de temps , ils sont eternels. Et la
nature de ce regne est qu'il croist & s'augmente
par l'opposition de ses ennemis , par leur
contradiction. Plus le Diable machine, plus
il dresse d'embusches à Iesus Christ,plus aussi
paroist la lumiere de l'Euangile,& ce par la sagesse
admirable de celui qui conuertit les tenebres
en lumiere, & qui change les maledictions
des aduersaires en benedictions sur son
peuple. Et de fait ceste circonstance regarde
aussi l'Eglise de Dieu, voire chaque fidele. Vn
Ancien escriuant sur ce passage dit, qu'alors
le Diable fait ses plus grands efforts contre
nous lors que nous sommes sanctifiez. Comme
s'il disoit , qu'alors auec plus d'animosité
il se bande contre nous , quand il void que
Dieu nous a choisis pour ses enfans. Et l'experience
parle pour nous en cet endroit. Auant
que Dieu t'eust appelé à sa cognoissance,
tu iouissois , ce diras-tu, de repos en ta conscience.
Rien ne te molestoit. Tout le monde
t'estoit ami. Mais maintenant que tu as embrassé
la profession de l'Euangile,tu es trauaillé
de tous costez, tu as des tentations à droite
& à gauche, hors de chés toi, en ta maison.
Pren bon courage, & que cela te soit vne marque
de ta vocation & de ta sanctification. Le
Diable tente Iesus Christ lors qu'il te void
commencer ton ministere. Aussi trouuant
mauuais que tu te vouës au seruice de Dieu,
il s'efforce de troubler ton repos , comme il
n'auoit garde de te resveiller pendant que tu
estois endormi en tes vices. Car tel repos, tel
dormir lui est agreable. La mesme consolation
doit estre donnee à plusieurs poures Eglises
qui dés leur naissance experimentent contre
leur establissement la rage & la ruse du diable.
[ble.]
Tels efforts doiuent estre pris pour vn
tesmoignage asseuré que le Soleil de iustice
luit au milieu de nous. Au fort de l'hyuer ne
paroissent point sur la terre les bestes venimeuses.
Au lieu qu'au printemps lors que
le Soleil a plus de vigueur sortent les serpens
& autres insectes. De mesme on remarque
ceste difference entre les pays esquels
la parole de Dieu est preschee , d'auec ceux
où elle ne l'est point.En ceux où elle est preschee
le Diable écume son ire , & suscite diuerses
tentations contre les auditeurs d'icelle.
Au lieu qu'il laisse les autres qui n'ont
point ouy parler de Iesus Christ ni de sa parole ,
il les laisse di-ie sans assaut se plonger
es tenebres de leur erreur & dissolution.
Or Iesus Christ lui a resisté , afin qu'il nous
soustienne aussi & au commencement de nostre
course,& iusques à la fin d'icelle.
Et voila les auantages que Satan a pretendu
prendre contre Iesus Christ.
Suiuent maintenant au texte les traits
qu'il a decochés contre icelui , que nous ne
toucherons que sommairement en l'heure
presente. Satan donc ayant pris son temps,
commence sa tentation. Tentation qui n'est
point d'vne sorte : car il s'efforce ou de corrompre
sa foi, ou de lui faire changer d'obiect.
Pour corrompre la foi de Iesus Christ,
il entreprend de le faire ou tomber en defaut,
ou monter à l'excés. Il tasche de le porter au
defaut, c'est à dire à la desfiance par sa premiere
tentation, quant il lui dit s'approchant de
lui, Si tu es Fils de Dieu, di que ces pierres deuienent
pains , Comme s'il disoit, Ne vois-tu pas bien
que tu es abandonné de Dieu, & desnué de
tout secours? sans doute si tu estois Fils de Dieu
tu ne mourrois pas de faim : plustost, pour te
soustenir, seroyent ces pierres ici conuertis en
pain.Et puis que tel changement n'arriue pas,
tu n'es point Fils de Dieu,& tu periras de faim.
L'intention de Satan est de faire conclurre à
Iesus Christ , que Dieu l'a abandonné puis
que les moyens exterieurs lui defaillent.Donc
rien plus ne lui reste que d'auoir recours à
toutes sortes de moyens, quoi que non legitimes ,
comme de commander à des pierres
qu'elles deuienent pain. Ainsi le Diable
prend a tasche d'arracher à l'homme la confiance
qu'il doit auoir en Dieu , pour le conduire
à des pierres , c'est à dire à des moyens
defendus de Dieu.Stratageme & artifice merueilleusement
pernicieux. Ainsi,pour ce que
l'Eternel n'auoit point respondu à Saul ni par
songes, ni par Vrim, ni par les Prophetes, le
Diable,duquel dés long temps il estoit possedé,
l'incite à s'adresser à vne femme qui auoit
l'esprit de Python. Ainsi plusieurs impatiens
en leurs maladies & langueurs se desfient du
[se-]
secours de Dieu , ont recours aux deuins &
arts magiques. C'est sans, c'est contre le commandement
de Dieu, commander aux pierres
qu'elles deuienent pain. Ainsi le Diable pousse
plusieurs poures au larcin, plusieurs offensez
à la vengeance, plusieurs affligez au desespoir :
sur tout ceux qui sont à l'article de la
mort, si Dieu par sa misericorde ne nous soustient
au milieu des tentations que le malin
nous liure.
Ceste premiere tentation n'ayant point
reussi,il passe à la seconde,& n'ayant peu mener
Iesus Christ au defaut,il essaye de le mener
à l'excés. Ainsi Satan extrauague aux extremitez ,
à la seule vertu obtient le milieu. Elle
garde mesure tandis que le malin ou défaut à
Dieu,ou excede contre lui. Or le diable transporte
Iesus Christ en la saincte ville & le met
sur les crencaux du temple, & lui dit, Si tu es
Fils de Dieu iette toi en bas, car il est escrit, Qu'il donnera
charge de toi à ses anges, & ils te porteront en
leurs mains, de peur que tu ne heurtes de ton pied à quelque
pierre. Comme s'il disoit, Puis que tu te fies
tant en Dieu , donne-nous vn peu quelque
preuue & tesmoignage extraordinaire. Car si
tu te fies en lui, feras-tu difficulté de te ietter
en bas ? & si tu es son Fils , manquera-il à te
conseruer?Or pour donner couleur à sa tentation
il produit vn passage de l'Escriture , afin
de contrequarrer celui que Christ auoit allegué
en sa premiere responce. Passage fort excellent
pris du
Pseaume 91. Mais en la citation
duquel il commet deux omissions notables.
Il dit vrai en citant le
verset onziéme:
mais pourquoi au mesme verset omet-il ce
qui est de principal ,
en toutes tes voyes . Il dit
en tes voyes. Non donc hors d'icelles. Or
estoyent-ce les voyes de Christ que le Diable
lui proposoit ? Dieu n'assiste point : il n'ottroye
point aussi la garde de ses Anges à celui
qui se precipite : mais à celui qui chemine
par degrés en sa vocation. L'autre omission
est du
verset treiziesme du mesme Pseaume.
Il taist subtilement cela , pource qu'il
faisoit contre lui. Car c'est de lui proprement
qu'il faut entendre ces paroles ,
Tu
marcheras sur le lion, & sur l'aspic, & fouleras le
lionceau & le dragon. Ainsi le Diable , pour
plus aisément persuader aux hommes ce que
bon lui semble , quelques meschans qu'ils
soyent , il les endort par l'Escriture mesme:
soit sur la misericorde de Dieu , soit sur la
legereté de leur peché. Quant aux dissolus
& desbordés , il les enchante par ce que Iesus
Christ dit au
vingt-vniesme de Sainct
Matthieu. En verité ie vous di que les peagers
& les paillardes vous deuancent au royaume
de Dieu. Il leur propose cela nuement ,
sans y ioindre ce qui est escrit au
33.
[d'E-]
d'Ezechiel ,
Ie suis viuant , dit le Seigneur
l'Eternel , que ie ne pren point plaisir à la
mort du meschant , ains plustost que le meschant
se destourne de son train & qu'il viue.
Destournez-vous , destournez-vous de
vostre meschant train, & pourquoi mouriez-
vous ô maison d'Israel ? Ainsi aux auaricieux
il propose ce qui est escrit au
cinquiesme
de la premiere à Timothee , asçavoir ,
Que si quelcun n'a soin des siens, &
principalement de ceux de sa famille , il a
renié la foi , & est pire qu'vn infidele. Passage
proposé par l'Apostre , non en faveur
des auaricieux, mais contre les prodigues &
faineans. Ainsi il entretiendra les gourmands
& yurongnes sur ce que
Sainct Paul
dit à Timothee au cinquiesme de sa premiere ,
qu'il ne boiue plus d'eau , mais qu'il vse
de vin. Comme si cela fauorisoit leur dissolution ,
puis qu'il dit ,
Vse d'vn peu de
vin. Adioustant la raison , à cause de ton estomach ,
& à cause des maladies que tu as
souuent. En ceste façon le Diable a accoustumé
d'abuser de l'Escriture. Que s'il
l'alleguoit entiere il lui seroit impossible d'induire
par icelle l'homme au mal. Comme
en cet endroit , qui ne void que ce seroit vne
temerité enragee de se ietter en bas d'vne
haute tour, puisque Dieu ne promet de
garentir que ceux qui cheminent en leurs
voyes, c'est à dire en vne vocation legitime &
reglee par la parole de Dieu.
Ceste seconde tentation s'estant trouuee de
nul effect, le Diable adiouste vn troisiéme &
dernier assaut, pour induire Iesus Christ à lui
rendre l'honneur qu'il deuoit à Dieu seul. Iesus
auoit Dieu seul pour object de son adoration,
& de son inuocation. Et le Diable lui dit
apres l'auoir transporté sur vne fort haute mõtagne,
& lui auoir monstré tous les royaumes
du monde,& leur gloire, Ie te donnerai toutes ces
choses, si en te prosternant en terre tu m'adores. Tentation
composee d'imprudence, de mensonge,
& de sacrilege. D'imprudence : Il auoit esté reietté,
repoussé es deux assauts precedens, & il
entreprend encor ce troisiesme. C'est là le naturel
de ce malin esprit.Et il en vse de mesme à
l'endroit des fideles. Il ne se rebute point au
premier refus.Il nous assaut par plusieurs fois,
par plusieurs endroits, par tous endroits. Ses
ruses sont enchaisnees,elles s'entresuiuent. La
fin de la premiere est l'entree à la deuxiéme:
Ceste-ci suiuie d'vne troisiéme, ains d'vn nõbre
infini. Car qui pourroit suffisamment &
sans se lasser reciter les tentations de celui qui
ne se lasse point de tenter,qui à tous momens,
qui à toutes occasions attente au repos de nos
consciences, au salut de nos ames. Celui qu'il
n'a peu seduire en sa ieunesse, il ne tient point
à lui qu'il ne le face trebuscher en la vieillesse.
[Ce]
Ce qu'il ne peut gagner par la volupté, il l'obtient
par l'ambition. Si l'vne & l'autre est inutile,
il employe l'auarice.Apres cette-ci quelqu'autre.
Auec cette-ci plusieurs autres.Car le
Diable pretend d'enlacer chacun homme,par
tant de pieges & en tant de sortes de liens,que
iamais pas vn ne lui puisse eschapper. Ainsi
veut-il pousser Iesus Christ à la desfiance, à vne
trop grande confiance, à l'auarice, & à l'idolatrie.
Il y a aussi du mensonge tout euident
en ceste tentation. Il promet de donner les
Royaumes du monde & leur gloire. Lui, qui
n'a par droict que du mal, du bien que par vsurpation,
promet ici les Royaumes à celui
qui seul de droit est Roi & iuste possesseur de
toutes choses. Il est vrai qu'au
12. de S. Iean le
Diable est appellé Prince de ce monde. Mais
par le monde il faut entendre les iniques,qui
par leur iniquité volontaire,aussi bien que par
le iuste iugement de Dieu , sont asseruis à la
tyrannie du Diable , lequel ne possede chose
aucune que par perfidie & desloyale vsurpation.
Ce qu'il promet donc ici,c'est ce qu'il ne
veut, ni ne peut tenir. Il ne le veut : car s'en
dessaisiroit-il si cela dependoit de sa puissance.
A-il l'esprit enclin à faire du biẽ à autrui. Ains
lui qui pousse & le corps & l'ame des hommes
en la gehenne, te donneroit-il ses biens?
mais espargneroit-il les tiens ? Est-il veritable
en ses promesses? Ains menteur. Car à qui appartienent
les Royaumes? Et qui les distribue?
Par moi regnent les Rois, dit le Sage au 8. des
Prouerbes , & les Princes decernent iustice.
Et Iosaphat au
19. du 2. liure des Chroniques,
dit aux Iuges ,
Regardez que vous ferez :
car vous n'exercez pas la iudicature de
par vn homme , mais de par l'Eternel, lequel
est parmi vous en iugement.
Daniel au 2. chapitre dit à Nebucadnezar ,
C'est Dieu qui
change les temps & les saisons , qui oste les
rois,& qui establit les rois: qui donne la sagesse
aux sages,& la congnoissance à ceux qui scauent
que c'est de prudence. Au
19. de S. Iean,
nous voyons comme Iesus respondit à Pilate.
Tu n'aurois puissance quelconque sur moi,
s'il ne t'estoit donné d'enhaut:pour ceste cause
celui qui m'a liuré à toi a plus grand peché.
Et
S. Paul au 13. de l'Epistre aux Romains,
Que
toute personne, dit-il , soit suiette aux puissances
superieures : car il n'y a point de puissance
sinon de par Dieu, & les puissances qui
sont en estat , sont ordonnees de Dieu. Le
Prince est seruiteur de Dieu pour ton bien:
mais si tu fais mal,crain:d'autant qu'il ne porte
point l'espee sans cause : car il est seruiteur
de Dieu, ordonné pour faire iustice en ire, de
celui qui fait mal. Il adiouste finalement:
Car pour ceste cause aussi payez-vous les tributs ,
d'autant qu'iceux sont ministres de
Dieu,s'employans à cela. Bref, il y a ici du sacrilege
[cri] tout euidemment, de vouloir rauir à
soi l'adoration deuë à Dieu seul.
Si en te prosternant
en terre tu m'adores. Aussi Iesus Christ
comme nous le verrons, ne le peut plus ouyr,
ains le chassa. Car aussi que pouuoit-il dire
de plus abominable ? Et que pouuoit requerir
le Diable de plus excellent, & qui lui soit
moins deu , sous vne condition specieuse en
apparence, fausse en effect. Et quand elle seroit
vraye , & que le Diable la pourroit accomplir,
y a-il quelque proportion entre ce
qu'il demande , & ce qu'il offre. Cependant
de tout temps, par ses offres il a fait fleschir
deuant soi le genou à plusieurs sortes de
personnes. C'est ce grand dragon roux duquel
il est dit au
12. de l'Apocalypse ,
Il apparut
aussi vn autre signe au ciel , & voici vn
grand dragon roux , ayant sept testes & dix
cornes, & sur les testes sept diademes , Et la
queuë d'icelui trainoit la tierce partie des estoiles
du ciel,lesquelles il iette en terre : puis
le dragon s'arresta deuant la femme qui deuoit
enfanter : afin que quand elle auroit enfanté
il deuorast l'enfant d'icelle. Il enchaisne
les hommes de liens d'or & d'argent. Les
autres il les accable iusqu'aux enfers sous le
fardeau de quelque Royaume , domination,
& possession. O qu'il est difficile
qu'vn riche entre au Royaume des cieux !
Mais il est impossible à vn auaricieux. Ici a
lieu ce que dit
S. Paul au 6. de la premiere à
Timothee,
Ceux qui veulent deuenir riches,
tombent en tentation & au piege, & en plusieurs
desirs fols & nuisibles, qui plongent les
hommes en destruction & perdition. Car la
racine de tous maux c'est la conuoitise des richesses:
de laquelle quelques vns ayans enuie
se sont desvoyés de la foi, & se sont eux mesmes
enserrez en plusieurs douleurs. Ananias
& Sapphira comme nous le voyons au 5. des
Actes pour auoir par auarice & en mentant à
L'Esprit de Dieu,voulu posseder quelque chose
plus que les autres , perdent la vie , conseruee
aux autres.Iudas l'vn des douze Apostres
par auarice trahit à mort le Sauueur de vie,
puis se precipita soi-mesme. Ainsi fut deserte
son habitation : & sa portion fut auec les iniques.
Voila au regard des hommes des tentations
bien fortes, bien pressantes : Mais que Iesus
Christ a iugees fort legeres , qu'il a fort aisément
surmontees. Et voyons-le sommairement.
Car moyennant la grace de Dieu nous
esperons es exhortations suiuãtes exposer ces
choses plus au long, & par le menu. Et ceci
n'est dit que comme vne exposition generale
de toute l'histoire qu'il faudra puis apres examiner
selon toutes ses circonstances & doctrines.
[Donc] Donc à la premiere Tentation, qui le sommoit ,
s'il estoit Fils de Dieu,de changer les
pierres en pain, Il respond par vn passage pris
du
8. du Deuteronome, Il est escrit,
L'homme
ne viura point de pain seulement,mais de toute parole
qui sort de la bouche de Dieu. Comme
s'il disoit, Encor que ces pierres se soyent
pas chãgees en pain, si ne mourrai-ie pas pourtant.
La Raison. Pource que ce n'est pas seulement
le pain qui a efficace de nourrir l'homme :
mais c'est principalement de la benediction
de Dieu que dépend nostre entretien:
Autrement il s'ensuiuroit que celui ou qui
mange le plus,ou qui a chés soi meilleure prouision,
seroit le plus vigoureux. Et ordinairement
tout le contraire arriue. Et voulons-
nous quelque chose de plus clair que ce que
dit nostre Sauueur au
12. de S. Luc,
Voyez &
vous gardez d'auarice : car encore que les biẽs
abondent à quelcun , si n'a-il pas vie par ses
biens. Ezechias n'attribue ce qu'il subsiste, ce
qu'il a vie & vigueur, qu'à la parole de Dieu.
Car au
38. d'Esaie, apres auoir dit que l'Eternel
a parlé à lui il adiouste ,
Seigneur par ces
choses là on a la vie , & en tout ce qui est en
ces choses là gist la vie de mon esprit : ainsi tu
me remettras en bon poinct & me feras reuiure.
En quelles choses ? En la parole de Dieu
qui lui auoit redonné sa force. Dauid au
Pseaume
4. donne vn excellent commandement sur
ceste matiere. Il introduit les mondains,ou le
commun,demandãt à Dieu les choses temporelles.
Et lui il demande à Dieu la clarté de sa
face. Plusieurs disent, Qui nous fera iouyr de
biẽs ? leue sur nous la clarté de ta face,Eternel,
Tu as mis plus de liesse en mon cœur , qu'ils
n'ont au temps que leur froment & leur meilleur
vin ont foisonné.Cõme s'il disoit. Ta seule
faueur & benediction me suffit. Auec icelle,
ie suis plus riche que les plus riches: voire sans
icelle toutes choses nous sont inutiles,mesmes
preiudiciables.A ceste occasion Dieu veut que
les plus riches,au milieu de leur plus grande abondance,
demandent à Dieu leur pain quotidien:
pour monstrer,que les moyens & causes
secondes n'ont aucune efficace , sinon entant
que Dieu d'enhaut la leur cõmunique.Quand
donc au milieu de nostre poureté le Diable
nous sollicite à desfiance,respondons,L'homme
ne viura point de pain seulement, mais de
toute parole qui sort de la bouche de Dieu.Disons,
que si Dieu nous afflige pour vn temps,
sa gratuité ne se retirera point pourtant de dessus
nous. Disons, que nous sommes asseurez
qu'en cerchant premieremẽt le regne de Dieu
& sa iustice,toutes choses vous seront baillees
par dessus. Disons, que si Dieu nous a donné le
principal, il ne nous refusera point l'accessoire.
Il nous a donné la vie eternelle:pourquoi non
ce qui nous est necessaire pour nous y conduire ?
[re?]
si la vie,pourquoi non la nourriture ? si le
corps,pourquoi non le vestemẽt? Iesus Christ
a nourri Moyse & Elie au desert;Ionas au ventre
du poisson : de deux pains plusieurs milliers
de personnes : Il a multiplié la farine du
cophin,& l'huile de la phiole.C'est lui mesme
qui espandra sa benediction sur nostre peu,
voire sur nostre rien , moyennant que nous
nous confiyons en lui. Ainsi faut-il auec Iesus
Christ fermer & la bouche au Diable,
& la porte à la desfiance , comme par exemples
& tesmoignages exprés de l'Escriture.
Le mesme en toute autre tentation. Car
il n'y a que la parole de Dieu , qui puisse esteindre
les dards enflammez du malin. S'il
te dit, Il appert bien que tu n'es pas des enfants
de Dieu,puis qu'il ne t'exauce pas. Respon,
qu'il est dit au
cinquiéme de l'Epistre
aux Hebrieux, que Christ
es iours de sa chair
ayant offert auec grand cri & larmes prieres
& supplications à celui qui le pouuoit sauuer
de mort , & ayant esté exaucé de ce
qu'il craignoit, iaçoit qu'il fust Fils , toutesfois
si a-il appris obeyssance , par les choses
qu'il a souffertes : A plus forte raison
dois-tu ployer par obeyssance : afin qu'aussi
tu sois exaucé en temps opportun , & par sa
misericorde.
S'il te dit , Les autres sont en prosperité,
Toi seul, tu es affligé. Respon par les paroles
de l'Apostre au
12. De l'Epistre aux Hebrieux,
que
le Seigneur chastie celui qu'il aime , &
Fouëtte tout enfant qu'il avouë.
S'il te dit, Ton affliction dure : Le secours
retarde par trop. Respon ce que nous lisons au
deuxiéme d'Habacuc ;
S'il tarde,atten-le : car
Il ne faudra point de venir , & ne tardera
Point.
S'il te dit, Es-tu des enfants de Dieu , puis
qu'il est courroucé contre toi : Respon, qu'il
y a bien difference entre la haine & le courroux.
Or Dieu ne nous hait point. Car, comme
dit l'Apostre au
5. de l'Epistre aux Rommains ,
Dieu recommande du tout sa dilection
enuers nous , en ce que lors que nous
n'estions que pecheurs , Christ est mort pour
nous.
S'il te dit , Comment Dieu t'aimeroit-il,
puis que tu es si grand pecheur ? Respon, Puis
que ie suis desplaisant de mes fautes,à moi appartient
ce qui est escrit au
5. de l'Epistre aux
Rommains ,
Là où le peché a abondé,grace y a
abondé par dessus.
S'il te dit , Puis que tu es attristé , tu n'as
point de part au Royaume de Dieu. Car il est
escrit au
14. de l'Epistre aux Rommains, que le
Royaume de Dieu est
iustice, paix & ioye par
Le Sainct Esprit:Respon, Il est escrit au
Pseaume
97. La lumiere est semee pour le iuste, & la
[liesse]
liesse pour ceux qui sont droits de cœur.
Si elle
est fermee; Donc aussi en mon cœur. Elle y germera:
Elle y croistra. Et finalement le dueil de
ma repentance sera englouti par la ioye de ma
foi.
S'il te dit , La mort te panche sur la teste:
Respon, ce qui est escrit au
14. de l'Apocalypse;
Bien-heureux sont les morts , qui d'oresenauant
meurent au Seigneur. Ouy,pour certain,
dit l'Esprit: car ils se reposent de leurs trauaux,
& leurs œuvres les suiuent.
S'il te dit, Mais peut-etre tu seras condamné:
Alors respon, Va arriere de moi Satan.Car
il est escrit au
3. de S. Iean , que,
qui croid au
Fils,ne sera point condamné. Ie croi : Donc ie
ne serai point condamné. Donc i'aurai la vie
eternelle. Ainsi, auec Christ, il ne faut rien
opposer au Diable , que la seule Escriture
Saincte.
Iesus Christ prattique le mesme en se desueloppant
de la seconde tentation. Le Diable
veut qu'il se iette en bas de dessus les creneaux
du temple. Christ respond, par vn passage pris
du
6. du Deuteronome,
Tu ne tenteras point
le Seigneur ton Dieu. Or est-ce le tenter,que
d'entreprendre quelque chose contre & outre
le commandement de Dieu. Et se precipiter
soi-mesme, n'est-ce point desobeyr à celui qui
a dit,
Tu ne tueras point ? Dieu nous donne
la vie , & il nous la conserue par les moyens
qu'il a lui mesme ordonnez. Outrepasser tels
moyens , c'est se priuer volontairement des
benedictions Diuines. Suivant cela, nous appellons
homicide celui qui ne voudroit ni
manger ni boire. Combien plus celui qui se
precipiteroit en vn abysme? C'est donc tẽter
Dieu que ne conseruer point, que de perdre la
vie qu'il nous a donnee.Il a voulu sauuer Noë
du deluge, à la charge, non qu'il se iettast dans
les eaux, mais qu'il entrast dans l'Arche. Il a
voulu sauuer S.Paul du naufrage , & auec lui
les gens d'armes, mais non à condition qu'ils
s'enfuissent , mais qu'ils demeurassent aussi
dans le nauire. Dieu promet nourriture,non à
l'oisiueté, mais à nostre trauail. Dieu promet
la foi, non aux contempteurs & profanes,mais
aux auditeurs , mais aux facteurs de sa parole.
Mespriser donc les moyens ordonnez de
Dieu, c'est le tenter. Se ietter en bas c'est negliger
les moyẽs de nostre conseruation. Donc
se ietter en bas c'estoit tenter Dieu, c'estoit sortir
de ses voyes.Fort à propos dõc Iesus Christ
au commandement du Diable oppose la defense
de l'Eternel, Tu ne tenteras point le Seigneur
ton Dieu. Le mesme faut-il faire contre toute
aultre sollicitation à mal.
Si le Diable t'incite à la volupté:respon que
Dieu a dit, Tu ne paillarderas point. Si à l'auarice :
Respon qu'il a dit, Ne vous amassez point
de thresors en la terre,où la tigne & la rouillure
[re]
gastent tout : & là où les larrons percent &
desrobent : mais amassez-vous des thresors au
ciel , là où la tigne & la rouillure ne gastera
rien,& là où les larrons ne percent ni ne desrobent.
S'il t'incite à la gourmandise, Respon, qu'il
ne faut point tenter Dieu, qui nous dit au
21.
de S. Luc,
Prenez donc garde à vous-mesmes
que d'auenture vos cœurs ne soyent greuez
de gourmandise & d'yurongnerie,& des soucis
de ceste vie ; & que ce iour-la soudain ne
vous surprene. En vn mot donc,aux allechemens
de Satan oppose les defenses de Dieu,
qui seul a autorité & pouuoir tant de nous
commander, que de nous defendre.
Reste la response à la troisiéme tentation.
Le Diable promet à nostre Seigneur Iesus
Christ de lui bailler tous les royaumes du
Monde & leur gloire ; si en se prosternant en
terre il l'adore. A cela Christ respond deux
choses. Premierement , il lui dit , Va Satan.
Comme s'il disoit, Tu ne merites plus de response.
Tu me prouoques à indignation. T'adoreroi-
Ie , toi qui n'es rien moins que Dieu ?
toi qui ne peus produire des poux en Egypte ?
toi qui es maudit eternellement ?
Et toi , me donnerois-tu ce que tu me
promets ? toi , qui es de toutes les creatures
la plus miserable ? toi , qui par ci apres
sans permission ne pourras entrer au
ventre des pourceaux, tu promets ici les Royaumes,
que Dieu seul peut donner & oster.
Par là tu monstres que tu es menteur dés le
commencement, voire le pere de tout mensonge.
L'autre response est derechef vn passage de
l'Escriture pris du
6. & 10. du Deuteronome,
& du
7. du I. liure de Samuel.
Tu adoreras le
Seigneur ton Dieu, & à lui seul tu seruiras. Comme
si en vn mot il disoit , L'honneur que tu me
demandes est deu à Dieu seul. Et ainsi Christ
chasse le Diable. Mais auec raison , couchee
formellement en l'Escriture. Et par là il monstre
puis que Dieu seul doit estre adoré, puis
que mesme deuant lui seul on se doit prosterner;
(car c'est ce que le Diable demande à Iesus
Christ) par là di-ie il monstre combien est
abominable l'idolatrie de ceux qui auiourd'hui
inuoquent les Saincts,ou qui baisent la
pantouffle d'vn homme mortel. Ils espargnent
la verité , s'ils disent que ce n'est qu'vn honneur
politique. Car ils ne lui rendent cet honneur
qu'entant qu'il se dit vicaire de Iesus
Christ,lequel a protesté que son regne n'estoit
point de ce monde. Et dans Rome on purgeroit
par feu le crime de ceux qui se vanteroient
de baiser les pieds de sa Saincteté,sans le considerer
vicaire de Iesus Christ. Mais ceste
matiere sera traittee plus au long à l'autre
temps.
[L'issue] L'issue de ce combat a esté honteuse au
Diable,& auantageuse pour la gloire de Iesus
Christ. Le Diable quitte le champ de bataille
contraint d'obeïr à la voix du Fils de Dieu, de
le laisser, de se retirer. Christ demeure victorieux :
en tesmoignage dequoi les Anges s'approchent
de lui, & le seruent. Telle aussi sera
nostre issue en toutes nos tentations, comme
S. Iaques l'enseigne au premier chap. de son
Epistre ,
Bien-heureux est l'homme qui endure
tentation : car quand il aura esté rendu
esprouué , il receura la couronne de vie que
Dieu a promise à ceux qui l'aiment.
O histoire, ô combat , plein d'instruction
pour nous, & de consolation ! Mais le temps
nous arreste : autrement nous aurions à satisfaire
à quelques questions qui se presentent,&
à en recueillir les doctrines ou generales ou
particulieres. Car quant aux questions,on peut
demander ici raison de la diuersité qui est entre
S.Matthieu & S.Luc,sur l'ordre des tentations.
Aussi se peut-on enquerir du nombre
des tentations. Bref, on peut demander si ces
choses sont aduenues reellement, ou simplement
en vision, que le Diable ait transporté
Iesus Christ,& lui ait monstré tous les Royaumes
de la terre. Pour les doctrines, en general
nous verrons que puis que Christ a vaincu
le Diable en ceste tentation, c'est pour nostre
salut & vtilité. Item que les seules armes, par
lesquelles il le faut combattre, c'est l'Escriture
Saincte. Specialement il nous sera monstré
que nulle tentation ne nous arriue que par la
volonté & conduite de Dieu. Nous verrons
quel est l'vsage & l'abus du iusne. Que Dieu
pour nous nourrir & sustanter n'est nullement
attaché aux moyens & causes secondes: Nous
verrons quel est le naturel du Diable:de quels
artifices il vuse pour nous seduire. Combien
soigneusement nous deuons veiller & prier
de peur que nous ne tombions en ses pieges:
Combien Iesus Christ s'est humilié à nostre
occasion : Qu'il ne se faut iamais esloigner
des moyens legitimes ordonnez de Dieu , ni
des bornes de nostre vocation. Que son secours
ne nous est point promis si nous sortons
hors des bornes qu'il nous a prescrites.
Que l'idolatrie est vn crime abominable.Que
l'issue de la tentation est touiours fauorable
aux enfans de Dieu. Que Dieu, pour nostre
conseruation,campe ses Saincts Anges à l'entour
de nous.
Voila quelques vnes des principales doctrines
& consolations qui nous naissent de ce
texte. Afin que desia chacun iuge combien
nous peut estre vtile l'exacte meditation de
ceste histoire.
Mais finissons par les auantages que Satan
a pretendu auoir sur Iesus Christ. Pour
le Lieu, il est dit que le Diable a trouué Iesus
[Christ]
Christ au desert.Et plusieurs d'entre nous cerchent
auiourd'hui le Diable dans les villes ,
dans les lieux les plus desbordez & dissolus.
En viuant comme vous faites , vous n'auez
garde que vous ne le trouuiez. Nous ne disons
pas qu'vn fidele doiue renoncer à toute societé
humaine : ains nous sçauons qu'il faut seruir
à Dieu quelque part qu'il nous appelle. Et
seroit à desirer qu'au milieu de la plus grande
corruption du monde se trouuast bon nombre
de fideles desquels reluisist la pieté,la modestie,
la reformation. Mais où viuons-nous
auiourd'hui ? Non au desert : non en nostre
cabinet , pour inuoquer le nom de l'Eternel,
pour lui demander son Esprit à l'encontre des
tentations du Diable. Nous viuons en continuelles
desbauches,& es compagnies les plus
desbordees, & deprauees. Car qu'on change
les choses, & nous changerons les noms. On
void non la foi de ceux qui se disent de la Religion,
car elle est inuisible : se de sa nature, aussi
en leurs œuures. Mais on y void l'impudicité
escrite sur le front, representee par gestes, par
paroles , par habits qui offensent mesme nos
aduersaires. De Chrestiens nous sommes deuenus
baladins. Mais il est à craindre que par
nos balets nous ne baliyons nostre maison d'vne
façon extraordinaire, & que le Diable trouuant
nostre maison si bien baliee & ornee, il
ne viene auec sept esprits pires que lui,comme
il est dit en
l'onziéme de S.Luc.Si l'on dit,que
nous parlons bien haut,pour choses indifferẽtes:
Nous respondons, qu'aussi tost nous quitterions
la chaire de verité, que de vous accorder
que ce soit chose indifferente que les Reformez
viuent auiourd'hui indifferemment auec
les difformez & dissolus. Ia n'auiene que
nous disions chose indifferente les cõpagnies
qui se font , non pour l'instruction de l'ame,
mais pour la corruption du corps:Cõpagnies,
desquelles sont bannies la simplicité es habits,
la modestie es gestes , la pudicité es paroles:
Compagnies, esquelles vous offensez par paroles
& actions non Dieu Seulement, non seulement
les vrais fideles, mais ceux d'entre nos
aduersaires,qui ont encor tant soit peu de chasteté
es yeux,es oreilles, au cœur.
Si vous dites, Vous en parlez comme mal
informez, & seulement par ouy dire. Et vous,
vous n'en voyez plus l'enormité : pource que
vous y estes trop accoustumez. Ne vous prendroit-
il point enuie de nous y conuier,pour en
estre spectateurs? Si Iesus Christ,si quelcun des
Apostres se trouuoit au milieu d'vn de vos balets,
vous iugeroit-il disposez ou à escouter la
parole, ou à vous distribuer les Sacremens?
plustost viure tous seuls au desert auec Iesus
Christ, que dans le monde participer à la corruption
qui y regne.
Le Diable a trouué Iesus Christ ayant
[faim]
faim. En tel estat n'a-il garde de nous trouuer
pour la pluspart. Mais bien greués & creués
de gourmandise, de viande, & de breuuage.
Nos aduersaires sont rauis en admiration,
quand ils oyent dire que nous auons iusné en
public. Mais ils ne le seroyent pas moins si
souuent , si quelquefois ils te voyoyent retiré
en ton particulier,pour vaquer à iusne & oraison.
Au lieu de cela nostre prodigalité & despense
Superflue paroit à vn chacun. Nous dependons
Plus en vn seul festin , que nous ne
Donnons toute nostre vie aux poures. Nous
ne defendons point l'vsage legitime des biens
que le Seigneur nous communique. Mais
quelle pitié est-ce, que nous soyons saouls,&
que les membres de Iesus Christ meurent de
faim ? Où sont ceux qui en leurs festins appellent
non les riches,non ceux qui leur peuuent
rendre la pareille: mais les poures,impotens,
boiteux, aueugles?
Si tu dis que cela ne s'entend pas absolument
à la lettre , Ie le veux : mais accorde moi
aussi , que le sens est,que ta substance , & les
biens que tu possedes, doiuent estre administré
au profit de ceux qui sont vrayement necessiteux.
Si auiourd'hui pour exemple on
porte le bouquet à quelcun, comme on parle,
il l'acceptera, & gayement il s'engagera en vne
despense prodigieusement excessiue & superflue.
Car il dira, n'ai-ie pas aussi bien à despendre
que les autres? Suis-ie moindre maison ?
Ne Paroistrai-ie point autant qu'eux ?
D'auantage ne le faire point, c'est perdre sa reputation,
& peut-estre ruiner ses affaires. Par
là tu vois que ce que tu en fais,c'est afin qu'on
te rende la pareille. Mais si au nom de Dieu &
sous esperance de receuoir la pareille en la resurrection
des morts, on te somme de subuenir
aux necessitez des poures en donnant la diziéme
partie de ce qu'vn seul festin consume,
Plusieurs respondront que le terme vaut bien
l'argent, que nous auons à pouruoir aux nostres,
qu'il y en a de plus riches que nous. Alors
donc ne nous manquent point les excuses.
Et il n'y a pas beaucoup de presse à qui paroistra,
mais à qui sera par effect le plus charitable
en l'Eglise de Dieu. O si souuent comme
Iesus Christ nous-nous assuiettissions au
iusne & à la priere , le Diable n'auroit point
tant de prise de nous ! Et nous-nous rendrions
non proprietaires & vsurpateurs des biens,
de l'administration desquels le Seigneur nous
redemandera vn iour compte.
Bref le Diable a assailli Iesus Christ dés
qu'il l'a veu baptizé & instalé en sa charge.
Et nous auons en quelque sorte experimenté
le mesme en nos Eglises. Dés qu'il a pleu à
Dieu par sa misericorde les faire renaistre : Satan
ne s'est point tenu coy , il a suscité au dehors
[hors]
plusieurs ennemis : au dedans beaucoup
de deuisions. Et ce n'est point sans beaucoup
de tentations que nous en sommes venus iusqu'ici,
qu'encor auiourd'hui nous subsistons.
Et pleust à ce grand Dieu , que nous y prissions
garde de plus pres. Car plusieurs n'apperçoiuent
point la tentation, qu'ils n'en ayent
esté renuersez. Et nous ne comprenons point
assés combien le Diable nous en veut. Quelle
rage lui apporte & à ses supposts,de voir que
Dieu nous a sanctifiez par sa parole , & qu'il
nous a par tout si paisiblement establis. Satan
ne s'y opposeroit-il point ? Il le fait, & auec
autant d'artifice que iamais: voire auec autant
& plus de danger, que plusieurs ne le sentent
point. Ne lui ouurons point la porte. Resistons-
lui & il s'enfuira de nous. Inuoquons le
nom de Dieu. Ayons sa parole en nostre bouche
& en nostre cœur. Et il aduiendra qu'apres
auoir obtenu victoire ici bas, là haut nous
regnerons eternellement. Dieu nous
en face la grace.