CINQ SERMONS
DES SOVSPIRS
DES FIDELES.
SVR LE CHAPITRE
8. de l'Epistre de Sainct Paul aux
Romains, verset 22.
Et non seulement les creatures, mais
nous aussi, qui auons les premices de
l'Esprit, nous mesmes souspirons en
nous mesmes en attendant l'adoption,
la redemption de nostre corps .
SERMON PREMIER.
LES afflictions
qui accompagnent
la condition
du fidele
en ce monde, sont, pour le
plus souuent, & si grandes,
& en si grand nombre , que
si l'Esprit de Dieu ne le
soustenoit en l'attente d'vn
meilleur estat, il succomberoit
facilement,& seroit accablé
de leur pesanteur.
Mais , si les aduersitez de
ceste vie calamiteuse le trauaillent
& le contristent,
l'espoir qu'il a d'vne vie
plus souhaittable le console
& le resiouït; s'estimant infiniment
plus heureux par
l'esperance des biens qu'il
attend,que miserable par la
souffrance des maux qu'il
endure. Car , il n'y a point
de proportion entre les calamitez
sous lesquelles il
souspire , & le bon-heur auquel
[quel]
il aspire,par la possessiõ
duquel sa personne sera despouïllée
de toute infirmité,
affranchie de toute misere,
comblée de felicité , reuestue
de gloire eternelle.
Par ceste diuine consolation,
l'Apostre S. Paul nous
fortifie grandemẽt, afin que
si nous sommes exercez par
les espreuues de la croix,
nous les souffrions patiemment ,
sous l'esperance de
nostre beatitude. Es versets
precedents, nous ayant representé
l'excellẽte dignité
de laquelle Dieu nous honore ,
par nostre adoption,
nous faisans ses enfans , ses
heritiers , & coheritiers de
Iesus Christ son Fils: il nous
auoit en suitte parlé des aduersitez
que nous auons à
souffrir pendant le cours de
ceste vie , afin que lors que
nous en serons accueillis &
trauaillez , elles ne nous
semblent pas nouuelles ou
estranges , & que nous n'en
soyons pas surpris , ny estonnez:
mais que nous les
supportions constamment,
& genereusemẽt. Pour cest
effect,il nous a proposé plusieurs
raisons & arguments
de tres-grand poids, & premierement
l'exemple de
Iesus Christ , auquel nous
deuons estre conformes en
souffrances,afin que nous le
[soyons]
soyons en gloire. En second
lieu , l'excellence de nostre
beatitude celeste, à laquelle
toutes les plus grandes afflictions
& miseres de ceste
vie comparées ne sont rien.
En troisieme lieu , il auoit
mis en auant l'exemple des
creatures de cest vniuers,
lesquelles estans subiectes à
corruption & à vanité , par
le peché de l'homme,& n'en
pouuans auoir la deliurance
qu'en celle des enfans de
Dieu , desirent ardamment
le iour auquel ils seront tous
glorifiez : ce qu'attandants,
elles souspirent , & sont en
trauail ensemble iusques à
maintenant.
En suite duquel exemple,
il nous monstre,comme les
fideles (qui ont la plus grãd
part aux miseres de ce mõde )
contribuent aussi leurs
souspirs, auec leur esperãce,
à ce bien tant souhaitté de
toutes cratures. Et bien
qu'ils soyent doüez des graces
de l'Esprit de Dieu,
qu'ils ne laissent pas de gemir
en ceste attente : mais
qu'ils sont soustenus & fortifiez
par c'est Esprit , qui
leur donne les arrhes du
parfait bon-heur que Dieu
promet à ses enfans ,& de
leur glorification , non seulement
en leur ame , mais
aussi en leur corps , par vn
[resta-]
restablissement incomparablement
plus heureux , que
celuy des autres creatures.
Partant nõ seulement icelles,
mais nous aussi , qui auons les
premices de l'Esprit , nous
mesmes souspirons en nous mesmes ,
en attendant l'adoption,
la redemption de nostre corps .
Les creatures visibles dõt
ce monde est composé , les
terrestres & les celestes, les
animées & les inanimées,
souspirent & pour les diuerses
causes , que nous en auons
cy deuãt declarées,en
nos sermons sur le verset
precedent. Ces causes sont
l'empirement de leur premiere
condition,par la trãsgression
de nos premiers
parents,& par les autres pechez
qui s'en sont ensuiuis.
2. Les trauaux,les peines, &
les souffrances qu'elles endurent,
pour le seruice de
l'homme , & pour le soulagemẽt
de ses miseres, & les
dommages qu'elles en reçoiuent.
3. Les abus par
lesquels il les profane. 4. Et
l'attente de leur deliurance
d'vne condition si calamiteuse ,
deliurance qu'elles
obtiendront lors que celle
des enfans de Dieu sera
manifestée. Pour toutes ces
choses. Nous sçauons que toutes
creatures souspirent, & sont
en trauail ensemble iusques à
[ main- ]
maintenant .
Mais , auec l'vniuersité,
des creatures nous souspirons
semblablement , & à
plus forte raison qu'elles. I.
D'autãt que c'est par nostre
offense, non par la leur,que
la deterioration de l'vniuers
a esté causée:que nous sommes
coulpables du peché
duquel elles sont innocentes :
2. Que nos souffrances
surpassent de beaucoup les
leurs: 3. Que si elles souspirent
incessamment pour
nostre deliurance & bon-heur ,
nous estans doüez
d'intelligence & de l'Esprit
de Dieu, dont elles sont destituées ,
deuons auoir plus
de ressentiment de nostre
misere , & plus de desir de
nostre beatitude. 4. Et finalement ,
parce qu'en la restauration
de toutes choses
nous attendons celle qui
est la plus excellente de
toutes,assauoir le souuerain
comble de felicité. A bon
droit donc non seulement
elles souspirent , mais nous
aussi qui auons les premices de
l'Esprit,nous mesmes souspirons
en nous mesmes , en attendant
l'adoption , la redemption de
nostre corps .
Bien qu'aucuns ayent
estimé , que S.Paul entende
icy parler seulement des Apostres ,
qui ont receu les
[com-]
commencements des dons
& les premieres graces que
le Seigneur a communiqué,
sous l'Euangile,à son Eglise,
neantmoins , puis que ces
paroles conuiennent à tous
fideles , lesquels Dieu fauorise
des premices de son
Esprit , & qui souspirent en
ce val de calamitez , nous
prenons ainsi generalement
le sens de ce passage,& comme
estant plus consolatoire.
L'Apostre donc disant,
Nous aussi souspirons , ou gemissons ,
le terme ayant ces
deux significations,ne nous
commande pas vne indolence
stoique , vne morne
stupidité, vne plusque brute
insensibilité aux afflictions:
car la pieté n'esteint pas le
sentiment & & ne destruit
point la nature : mais plustost
tesmoigne elle,que c'est
à nous de souspirer & gemir
en la terre , veu les maux
que nous sommes cõtraints
d'y voir & d'y souffrir. Et par
la consideration desquels,
nous conceuons vne plus
grande horreur du peché,
vn plus grand mespris du
monde , vn plus grand desdain
de ceste vie , vne plus
viue esperance de celle qui
est à venir , pour laquelle
aussi l'Apostre dit, que nous
gemissons estans chargez.
2. Corinth. 5. [Dauant-] Dauantage,disant,
Nous
souspirons,& y comprenant
tous les saincts persõnages,
il nous exhibe vn nombre
plus que suffisãt d'exemples
de patiẽce: veu que tant de
milliers de fideles, qui nous
ont precedé par tant de siecles ,
ont souspiré pour les
mesmes causes que nous , &
que les mesmes souffrances
s'acomplissent en la compagnie
de nos freres qui est
par le monde.
I. Pierre. 5. Ceste multitude presque
infinie de tant de saincts,
dont les vns ont esté cy deuant,
& les autres sont auiourd'huy
nos compagnons
d'affliction , de patience , &
d'esperance , ne nous doit
elle pas grandement augmenter
le courage , & accroistre
la constance , au
plus fort de nos aduersitez,
puis que les exemples, sur
tout des personnes cheries
de Dieu , sont de si grande
efficace , & que nous les auons
si nombreux , & innombrables?
Mais à ces exemples est
iointe la consideration du
priuilege , duquel Dieu
nous honore , nous qui auons
les premices de l'Esprit . Ainsi
sont appelées les graces salutaires
du S. Esprit , lesquelles
Dieu nous communique
en petite mesure , &
[par]
par quelques commencements ,
pendant ceste vie,
mais qui nous sont des gages
de la pleine abondance
de laquelle il nous cõblera
dans les cieux. Ces dons
que l'Apostre nomme premices
sont la lumiere de
cognoissance, l'intelligence
des mysteres du salut, la pureté
de la volonté , la sincerité
des affections , le renouuellemẽt
de vie , la paix
auec Dieu , le repos de la
conscience , les delices spirituelles.
Le Sainct Esprit
produit plusieurs & diuers
effects , lesquels il desploye
selon la nature des suiects,
& selon la fin pour laquelle
il agit. Mais ceux que l'Escriture
appelle les premices,
assauoir des biens celestes,
sõt les plus excellẽts,&
les plus souhaittables. Le S.
Esprit agit en la nature , laquelle
il conserue , maintiẽt
& gouuerne.Il agit és hommes ,
leur communiquant
des dons pour l'vtilité publique
& particuliere , &
pour ce qui concerne ceste
vie. Mais il agit és fideles,
pour leur salut , les ornant
de vertus & graces spirituelles
& celestes.Et certes,
puis qu'ils sont enfans de
Dieu , n'est il pas conuenable
que les dons les plus
precieux de son esprit leur
[soyent]
soyent departis , veu que les
biens les plus specieux,& les
plus exquis qu'ayent les peres ,
sont pour leurs enfans?
Et les graces que Dieu communique
en ce monde aux
siens , estans les commencements
d'autres plus grandes,
qu'ils possederont dans
le Ciel , sont qualifiées premices ,
ce qui ne se peut pas
dire des dons que Dieu
confere aux autres hõmes,
pour ceste vie seulement,apres
laquelle ils perissent.
Ces graces donc sont
excellẽtes en toutes sortes.
Car si l'homme est releué
par dessus les bestes,par son
esprit , & par les facultez &
proprietez de son ame;bien
plus le fidele surpasse-il les
autres hommes,par l'Esprit
de Dieu , qui est en luy, &
par les vertus & qualitez celestes
qu'il y imprime? Ces
premices de l'Esprit nous
donnent de la conformité
auec Dieu , restablissent en
nous son image , que satan
auoit destruite par le peché,
par lequel il auoit tracé en
nous la sienne , & nous auoit
rẽdus semblables à soy:
Mais,par ces dõs de l'esprit,
ceste image du diable que
nous portions, s'efface &
s'abolit , & celle de Dieu est
repeinte en nous. Et comme
c'est vne chose glorieuse
[que]
que d'auoir de la ressẽblance
auec Dieu , l'Escriture
saincte appelle aussi ces graces
de nostre sãctificatiõ,vne
gloire , qui se rend de plus
en plus illustre par l'accroissement
des vertus , & qui
s'accomplira finalemẽt dãs
le ciel. Ainsi nous tous , qui
contemplons comme en vn
miroir la gloire du Seigneur,
à face descouuerte,sommes
transformez en la mesme image
de gloire en gloire,
cõme de par l'Esprit du Seigneur.
2. Cor. 3. Ces premices
du S. Esprit sõt si excellentes,
qu'elles nous sõt des
preparatifs & dispositions à
la vie eternelle, & des commencements
de ses perfections ,
& de son bon heur.
Car comme les meschans
sentent desia leur enfer en
eux mesmes;à l'opposite les
fideles iouïssent dés maintenant ,
par vn auant-goust,
des douceurs,& des ioyes de
la beatitude celeste. A raisõ
dequoy Iesus Christ disoit,
Qui croit en moy a vie eternelle.
La dignité de ces premices
& les consolations
qu'elles nous apportent sõt
si grandes,quelles surpassẽt
incomparablement toutes
les richesses, & les ioyes des
mondains. Ce qui faisoit
dire à Dauid.
Ps. 4. Tu as
mis plus de liesse en mon
[cœur,]
cœur, qu'ils n'ont au temps
que leur froment , & leur
meilleur vin ont foisonné.
Et à Iesus Christ.
Quicõque
aura delaissé maisons , ou
freres, ou sœurs, ou pere,ou
mere,ou femme, ou enfans,
ou champs, à cause de mon
nom, il en receura cent fois
autant ; & heritera la vie eternelle.
Matth. 19. Ces
diuines premices sont infiniment
plus que toute l'abondance
que les hommes
possedent au monde,& que
tout le monde ensemble,
que toutes les delectations
& les delices , qu'ils y pourroyẽt
ny auoir,ny cõceuoir.
Or ces graces du S.Esprit
sont dites premices, à cause
des rapports qu'elles ont auec
les premiers fruicts
qu'on offroit à Dieu sous la
Loy , lesquels on nommoit
premices, & dont il est parlé
dans les liures de Moyse,
Exode 34.v.26. Leuitique
23.v.10. Nombres. 18.v. 13. Deuteronome 26. v.2.Car
comme ce n'estoit que la
premiere portion,& le commencement
des fruicts,dõnant
vne esperance certaine
de toute la moisson: les dõs
de l'Esprit de Dieu,qui nous
sont conferez en ceste vie,
ne sont qu'vne petite partie
de l'abondance dont nous
serons remplis en la vie à
[venir] venir , & vne asseurance de
son accomplissemẽt. Maintenant
l'Esprit de Dieu ne
nous est pas eslargi en pleine mesure ,
veu que nous
sommes au temps de l'infirmité,
non de la perfectiõ.
Car nous cognoissons en
partie , & prophetizons en
partie : mais quand la perfection
sera venüe , lors ce
qui est en partie sera aboli.
Nous voyons maintenant
par vn miroir obscurement,
mais alors nous verrõs face
à face,
2. Cor.13. Ce terme
donc nous esleue à l'esperance
asseurée du comble
des biens spirituels & celestes ,
pour nostre entiere
beatitude?Car si nous auons
les premices , la plenitude
nous sera donnée : si les
commencements,nous obtiendrons
l'accomplissemẽt
en son temps.2. Les premices
deuançoyent de bien
pres la cueillette : & les premices
du S. Esprit serõt biẽ
tost suyuies de l'abondance
des dons , qui nous est promise,
laquelle ne tardera pas,
mais est tres-proche. Car
nostre vie est courte & passe
en vn moment , apres la
brieue course de laquelle,
nous serons iouïssans du
comble que nous attendons
des graces eternelles. Et de
mesme que la cueillette secondoit
[con-]
immediatemẽt les
premices : aussi sans entredeux,
& sãs interualle, apres
la fin de ceste vie,en laquelle
nous auons les premices,
nous obtiendrons la plenitude
de tous dons dans les
cieux.
3. Par la sanctification
des premices , le reste des
fruicts estoit sanctifié : dont
l'Apostre dit aux
Romains,
chap. II. Si les premices sont
sainctes,aussi est la masse : &
par les premices de l'Esprit,
tout ce que Dieu nous donne
consequemment, & nostre
ame & nostre corps,luy
sont sanctifiez. 4. Il faloit
que non seulement les premices
fussent dediées à
Dieu , mais aussi que toute
la masse , (estant sanctifiée
en elles) fust employée à
tous bons & saincts vsages,
semblablement , & les premices
que nous auons de
l'Esprit de Dieu , luy doiuẽt
estre religieusement consacrées
(sans qu'elles perissent
par nostre faute,ni qu'elles
soyent profanées , ou souïllées
par aucun abus)& tout
ce qui est en nous,& à nous,
comme sanctifié par les
premices , doit estre entierement
destiné à sa gloire,
par tous vsages legitimes.
Les Israelites offroyent à
Dieu les premices de leurs
[reuenus]
reuenus : il veut aussi que
nous luy dedions vne portion
des nostres. Ce sont
des biens terriens,corporels
& perissables , mais il donne
à ses fideles des premices
infiniment plus excellentes
des biens spirituels,
celestes & permanents. Si
nous presentons à Dieu
quelque chose de nostre auoir,
c'est des dõs qu'il nous
a eslargis : mais les premices
qu'il nous donne,& le total,
sont à luy proprement &
entierement : & c'est par sa
pure liberalité que nous en
sommes participans. Et au
lieu que les hommes estoyent
tenus de luy consacrer
les premices de leurs fruicts:
au contraire, il nous donne,
par pure gratuité , celles de
son Esprit , & l'abondance
dont elles seront suyuies.
Par les premices Dieu declaroit
qu'il se contente que
nous luy donnions quelque
chose de ce que nous auõs:
mais il nous veut donner,
auec soy mesme , tout ce
qu'il a , tous ses biens : & si à
present il ne nous en donne
que les premices , c'est vne
asseurance que nous en aurons
l'accomplissement.
Remarquons cependant,
que ce mot de premices dont
vse l'Apostre , estant tiré de
ce qui estoit vsité sous la
Loy ceremonielle , nous
monstre que la lecture du
viel Testament nous est tres-vtile ,
pour l'intelligence de
plusieurs termes , qui en
sont empruntez , & qui sont
frequens dans le Nouueau
Testament: outre les autres
doctrines que nous y trouuons ;
que celuy a esté dicté
par le mesme Esprit que celuy
cy;que celuy a esté fondé
sur celuy là , que Iesus
Christ & ses Apostres , nous
en recõmandent si soigneusement
la lecture. Et bien
que sous l'Euangile les offrandes
& les ceremonies
de la Loy ne soyent point
en vsage , ayans esté abolies
par Iesus Christ : toutesfois
l'enseignement nous en demeure.
Ainsi ce qui estoit
representé par les sacrifices,
par les lauements , par les
Sacrements du viel Testament.
De mesmes ce que la
Loy des premices ordõnoit,
nous apprend , qu'il faut
consacrer vne partie de nos
moyens à Dieu , dedier &
employer à son seruice, &
pour l'vsage du Temple,
quelque portion des biens
qu'il nous donne, & par ce
moyen luy tesmoigner nostre
recognoissance.Et dautant
plus le deuõs nous,que
les graces spirituelles qu'il
nous cõmunique sont beaucoup
plus abondantes , que
[celles]
celles qu'il departoit au
peuple d'Israel sous la Loy.
Que si neantmoins vous
considerez combiẽ de choses
il faloit qu'ils contribuassent
pour le culte diuin,
vous trouuerez qu'elles
montoyent à fort haut prix.
Que sera ce donc , si nous
sommes eschars de nos
moyens enuers Dieu , nous
qui sõmes soulagez, exemptez
de tant de despenses ,
dons, oblations, sacrifices ,
qu'il faloit faire sous la
Loy ceremonielle? Et si nonobstant
ces contributions,
ces diuerses offrandes Dieu
multiplioit si fort les facultez
des Israelites , & les rendoit
si opulents , mesmes
que plus ils donnoyent liberalement,
plus ils estoyẽt
enrichis: croirons nous que
nous soyons appauuris pour
auoir cõsacré quelque chose
de nostre au seruice de
Dieu,& au soulagement des
pauures ? Et combien peu
sera-ce de luy dedier, pour
le sacré Ministere, la valeur
de ce qui nous reuient, en
trois ou quatre iours de
l'année , de nos biens , de
nostre industrie & trauail?
Et qu'elle honte à nous , si
tenans de sa main liberale
tout ce que nous possedons
& acquerons, nous luy en
refusons , par ingratitude
[vne]
vne petite partie? Et si nous
donnant les premices de
son Esprit,nous luy denions
celles de nos facultez ? Que
s'il menaçoit les Israelites
de les priuer de ses benedictions ,
s'ils ne luy consacroyent
ce qu'il exigeoit
d'eux , & s'ils le fraudoyent
de ce qu'ils luy deuoyent,
menaces qu'il a finalement
accomplies par ses horribles
iugements , ne meriterõs
nous pas qu'il desploye
sur nous ses vengeances, si
nous ne luy rendons en cest
endroit les effects de nostre
recognoissance, & si nous le
frustrõs de ce qu'il requiert
de nous si iustement ? Qu'il
nous priue de ses benefices
& temporels , & spirituels,
qu'il retire de nous ses graces,
& nous reprouue entierement?
Et si Dieu n'agreoit
pas la brebis mince , ni la
galeuse, ni l'offrande faite à
contrecœur , penseras tu
qu'il accepte ce que tu luy
offriras du pire que tu auras,
de ce qui sera plus vil , & le
proffit que tu pourrois reçeuoir
des plus maigres
iours de l'année , ou ce que
tu bailleras forcément , ou
à regret ; Et ne voit on pas
des maisons ,qui ne voulans
contribuer pour le seruice
de Dieu , qu'escharsement
& auec plainte, ou par contrainte,
[trainte]
& apres sçais-tu,
lais , & ne daignans chez de
sacrer quelque peu par
moyens , & par vne partie
sanctifier le tout, se rendent
indignes de ses benedictiõs,
attirent sur elles son courroux
& sa malediction , qui
s'y fait recognoistre , & sur
les biens, & sur les corps , &
sur les ames? Ces exemples,
& ces raisons nous doiuent
inciter à nos deuoirs enuers
Dieu,& si son Esprit est
en nous , il nous y poussera,
pour luy tesmoigner les ressentiments
que nous auons
de ses faueurs , & pour luy
offrir auec nos personnes,
nos biens,qui sont tiens.
nous deuons luy
les premices de
, ne dirons nous
pas le mesme de celles de
nostre vie , du temps de
nostre ieunesse ? en sorte
qu'elle ne soit point souïllée
par les vices , deprauée par
la licence, corrõpuë par les
desbauches, mais sãctifiée:
par innocence , modestie,
humilité , par toutes bonnes
inclinations , & vertus
loüables. Car les mauuaises
mœurs de la ieunesse infectent
ordinairement toute
la vie , passent en habitudes
ou longues,ou perpetuelles,
& qu'il est ou tres-difficile
de corriger , ou impossible
[d'arracher]
d'arracher. Et que sçais-tu,
si Dieu, pour les pechez de
ta ieunesse , tu liurera par
son iuste iugement , & tes
passions : & si apres que tu
auras donné tes premiers
iours à la volupté , à la sensualité ,
il t'abandonnera par
apres , & ne te fera point
grace en tes derniers iours?
Dauantage, les premices
que Dieu demandoit , ne
nous sont elles pas vn enseignement
des premices du
iour que nous luy deuons
dedier , par prieres, par
actions de graces, par recognoissance
de ses benefices,
par saintes pensées & meditations:
afin qu'ayans bien
commencé la iournée,nous
la paracheuions de mesme,
que nous la passions en sa
crainte , & en sa grace , &
attirons sur nous ses benedictions.
Apprenons aussi , par ce
terme de premices de l'Esprit ,
que comme les premices
estoyent fort peu en
comparaison du total des
fruicts qu'on auoit à cueillir,
que nous sommes dans vne
condition defectueuse , &
bien esloignée de la perfection :
afin que nous ne
presumions point de l'auoir
atteinte,mais que nous soyons
desireux d'y paruenir,
& de l'obtenir au Royaume
[des]
des cieux. Car les premices
de cest esprit nous estans
données en petite mesure
( bien qu'aux vns plus
qu'aux autres ) ne nous exemptẽt
pas des infirmités,
ni du peché : lequel est voirement
affoibli en nous,
mais non pas aboli,mortifié,
mais non pas mort : tant est
grande nostre corruption
naturelle , laquelle nous ne
pouuons entierement despouïller
qu'auec ce corps
de mort.
Or l'Apostre disant , que
nous auons les premices de
l'Esprit , n'entend pas que
nous soyons seulement participans
de ses dons , mais
aussi de sa personne , estant
le propre des fideles de l'auoir
habitant en eux , comme
en vn temple
1. Corinth.
3. & 6. Et les temples n'appartiennent
pas à des
simples qualités & dons,
mais à vne personne diuine,
telle qu'est celle du S.Esprit,
à laquelle nos corps sont
consacrés,comme à celle du
Pere & du Fils. Et certes de
mesme que nous auons cõmunion
à Iesus Christ,& par
luy à ses benefices : ainsi en
est-il du S.Esprit. Et comme
les peres communiquent
à leurs enfans le corps , par
la generation charnelle:
Dieu communique son Esprit
[prit] à ceux qu'il fait ses enfans
par la generation spirituelle.
C'est l'Esprit d'adoption,
qui nous fait crier
Abba,
Pere,& qui tesmoigne
ensemble auec nostre esprit,
que nous sommes enfans de
Dieu.
Rom. 8. Combien donc est merueilleuse
la faueur que Dieu
nous fait , nous donnant
non seulement les graces
de son esprit,mais son esprit
mesme,qui est d'vne mesme
essence & nature que le Pere,
& le Fils,eternelle & ineffable?
Et qu y a il de plus excellent ,
ou de plus digne
que cest Esprit tout parfaict,
& autheur de toute saincteté,
de toute vertu,& toute
bonne operation?Quel plus
grand tesmoignage de l'amour
de Dieu, que quand il
nous donne, auec le Fils de
son amour,son S. Esprit , qui
est l'amour & du Pere & du
Fils? voulant que son Esprit
nous tienne fidelle & perpetuelle
compagnie , que
nous ayons communion &
vnion inseparable auec luy,
luy auec nous,& en suite de
ceste communion & vnion,
la participation à ses graces,
les premices de ses thresors
indicibles.
Si nous desirons auoir
l'Esprit, le sens, le iugement
de ceux qui excellent en
[cognois-]
cognoissance, addresse , &
prudence pour les choses
du monde & de ceste
vie ; combien plus deuons
nous souhaitter d'auoir l'Esprit
de Dieu ,qui nous donne
l'intelligence & la sagesse
pour les choses du ciel
& de la vie eternelle ? Et si
vous estimez vn homme,
qui a vn rare esprit ,par lequel
il cognoit & fait plusieurs
choses admirables, &
se rend fameux & illustre,
acquiert des moyens , des
richesses , des honneurs , &
la faueur des Grands;combien
plus est à priser celuy
qui a l'Esprit de Dieu habitant
en soy , l'Esprit de sapience
& de saincteté , l'esprit
de conseil & de force,
qui surpasse infiniment tous
les esprits des hommes, qui
transforme l'homme & le
change de creature charnelle
en spirituelle , qui luy
donne de la cõformité auec
les Anges, qui le fait conuerser
familierement auec
Dieu , duquel il l'asseure
qu'il est adopté,qui le rẽd
son imitateur , orné de vertus
celestes & diuines,victorieux
sur soy mesme , sur le
monde, sur Satan , & sur les
enfers , qui l'enrichit de
thresors spirituels, & qui finalement
l'esleue à la beatitude
permanente & glorieuse :
& sans lequel Esprit
l'homme demeure dans l'ignorance
& priuation de sõ
salut, en sa corruption naturelle,
en perdition eternelle,
& du l'ame & du corps.
Si Dieu vous donnoit vn
de ses Anges plus excellẽts,
pour vous accompagner &
assister continuellement &
visiblement au cours de ceste vie ,
comme l'histoire de
Tobie dit qu'vn Ange luy
fut enuoyé de Dieu , pour
sõ voyage,ne vous seroit-ce
pas vn benefice & honneur
bien grand?Mais Dieu vous
en confere vn beaucoup
plus esmerueillable , vous
donnant son S. Esprit,qui est
infiniment plus que tous les
Anges,& que toutes les Archanges
ensemble, qui sont
esprits administrateurs, auquel
ils obeïssent ? Et cest
Esprit est non seulement auec
vous , mais dans vous,
pour vous illuminer , adresser ,
sanctifier , fortifier,
consoler , pour vous esloigner
du mal , vous encliner
au bien,pour vous conduire
& conseruer au cours de ceste
peregrination terrienne,
pour vous introduire en la
partie celeste , & pour vous
amener au comble de felicité.
& si plein de prudence
pour les choses
du monde , que ses conseils
estoyent comme
des oracles. Mais ayant
veu que celuy qu'il auoit
donné contre Dauid estoit
dissipé , il s'en alla de
sa ville,& apres auoir disposé
de sa maison , s'estrangla
malheureusement. Ainsi
plusieurs ont vn esprit fort
adroit pour les choses de la
terre , mais incapable de
celles du ciel. Ainsi plusieurs
par leur esprit se rendent
ingenieux à se procurer
des maux & des malheurs
extremes,& se perdẽt
nonobstant leur bel esprit
& par leur esprit propre.
Mais l'Esprit de Dieu nous
rend heureux , si nous nous
soubmettons à sa cõduite, il
nous cõseille, il nous cõsole,
nous addresse au bien, nous
preserue de mal, & si nous y
tombons par nostre propre
faute,il nous en retire. Il soulage
nos foiblesses,tempere
nos tristesses , appaise nos
douleurs , allege nos trauaux,
addoucit nos miseres,
& fait que nous nous glorifions
mesmes en nos tribulations ,
il nous garantit de
la mort eternelle , & nous
rend possesseurs de l'immortalité
glorieuse.
Dieu donne par fois des
[impulsions]
impulsions par son Esprit
aux hommes , afin de faire
par leur moyen des œuures
grandes , excellentes &
merueilleuses. Tels sont les
mouuements heroïques en
ceux par lesquels Dieu veut
fonder les Empires, conseruer
les Estats , restaurer les
Monarchies, cõquester des
païs , accroistre les Royaumes
ou les Republiques,
vaincre les ennemis , surmonter
les armées. Les effects
de cest Esprit se sont
veus en la personne de plusieurs
que l'histoire saincte
& profane mentionne , en
des grands Capitaines,Empereurs,
Monarques, Legislateurs,
politiques, & hommes
ornez de qualitez sureminentes.
Mais les Fideles
qui sont doüez de l'Esprit
de Dieu,reçoyuent bien vn
plus grand aduãtage. Car il
reside en eux , & pour tousiours ,
& comme il a plusieurs
& diuerses operatiõs,
aussi agit il en eux par
des effects bien plus nobles,
& plus importants, que tout
ce qui peut concerner ceste
vie , & ce monde. Car c'est
pour la plus grande gloire
de Dieu,pour l'aduancemẽt
de son regne , pour la destruction
de celuy de Satan,
pour des victoires spirituelles,
pour les vertus Chrestiennes ,
[stiennes]
pour le salut &
pour la glorification bienheureuse.
Et dequoy seruira
il à vn homme de vaincre
les autres , s'il est surmonté
par la chair?de dompter les
peuples , s'il est captiué
par Satan ? d'acquerir des
Empires s'il est assuietti à la
tyrannie des enfers?de gouuerner
vn Estat , s'il est
gourmandé par ses passions?
de gagner tout le monde,
s'il fait perte de son ame?
Dieu , par son Esprit a
donné des mouuements
extraordinaires, & surnaturels
à quelques vns d'entre
les hommes , pour des operations
miraculeuses, cõme
aux Apostres,& à quelques
autres desquels il s'est
serui pour estre les instruments
de ses merueilles.
Mais ; les premices de l'Esprit,
dont parle S. Paul , ces
dons qui sont propres aux
enfans de Dieu , bien qu'ils
n'ayent pas tel esclat , &
n'excitent pas l'admiration
du monde , sont bien plus
excellents & plus à priser,
puis qu'ils nous sont conferez
pour le salut,qu'ils nous
y disposẽt,nous en asseurẽt,
& nous en rendent possesseurs :
qu'ils forment en
nous la sanctification , &
nous sont des gages de nostre
beatitude glorieuse. Et
[certes]
certes , que proffitent il à
quelqu'vn d'auoir la foy
miraculeuse , s'il n'a la foy
iustifiante ? de transporter
les montagnes , s'il n'a le
mouuement pour les choses
spirituelles ? de commander
aux elements , s'il
demeure en la seruitude du
peché ? de ressusciter les
morts , s'il est mort en ses
offenses ? de chasser les demons
hors des corps des
autres , si son ame est maistrisée
par le diable au moyen
de ses vices ?& de dire au
dernier iour,Seigneur , Seigneur,
n'auons nous pas ietté
hors les diables en ton
nom , & n'auons nous pas
fait plusieurs vertus en ton
nom ? s'il est respondu à luy
& à ses sẽblables, ie ne vous
cognu onques , departez
vous de moy , ouuriers d'iniquité.
O combien est excellẽte
ceste prerogatiue,combien
douce ceste consolation d'auoir
les premices de l'Esprit
de Dieu , ses dons precieux
pour le salut , ses graces
spirituelles, pour la vie
eternelle, & qui nous en sõt
les arrhes , les gages , les
commencements , & les auantgouts!
O combien sont
à priser , à cherir ces benefices
& thresors celestes , la
lumiere de l'entendement,
[la]
la droicture de la volonté,
la sanctification de nos personnes ,
la paix de nos consciences ,
les vertus Chrestiennes ,
& les biens & le
bonheur qui ses suiuent! La
foy en la parole de Dieu,
l'esperance en sa grace , la
patience és souffrances , le
conseil és perplexitez , la
consolation és aduersitez,la
resolution és dangers , la
victoire és tentations. Le
sentiment intime de l'amour
& faueur de Dieu , la
confiance en sa continuelle
& paternelle protection,
l'asseurance de son secours
à nostre besoin , de son assistance
en nos necessitez,
de sa conduite en tout le
cours de nostre vie , la perpersuasion
de nostre adoption,
de nostre iustification,
de nostre redemption , de
nostre glorification eternelle!
O que les premices de
cest Esprit nous sont vn
grand suiet d'accouragement
& de constance en
nostre vocation spirituelle,
& parmi nos trauaux &
souspirs! Car si les autres
creatures , qui n'ont point
de part à ce priuilege , persistent
neantmoins en leurs
fonctions , & patientent en
leurs peines , souspirans apres
le temps de l'vniuerselle
[selle]
restauration , qui nous
est promise; ne deuons nous
pas perseuerer inuariablement
en nos deuoirs, estans
assistez de cest Esprit celeste ,
diuin & tout puissant,
qui vient au secours de nos
foiblesses , pour consoler
nos ennuis, fortifier nos
cœurs, affermir nostre courage ,
rauiuer nostre foy,
renflammer nostre esperance,
nous munir de toutes
vertus , & nous donner l'asseurance
de nostre parfaicte
felicité : selon qu'il est appellé
par l'Apostre le seau
de la promesse,& l'arrhe de
nostre heritage.
Ephes.I.
Ne serons-nous pas donc
perseuerans en la patience
de nos maux , & en l'esperance
de nos biens , estans
munis de cest Esprit & de
ses premices,propres à ceux
auquel appartient la beatitude
eternelle? Par la force
de cest Esprit nous surmontons
les efforts des ennemis
de nostre salut, par sa vertu,
nos infirmitez, par ses consolations
nos afflictions,par
ses persuasions nos doutes,
par sa certitude nos perplexitez.
Et quelle force plus
puissante , quelle vertu plus
diuine , quelle consolation
plus efficacieuse,quelle persuasion ,
plus authentique,
quelle certitude plus asseurée
[rée]
pouuons nous desirer
que celle du Sainct Esprit?
Cest Esprit n'est point suiet
à ignorance,à erreur,ou deception ,
comme celuy des
hommes , mais est tres-parfait
en cognoissance,en verité,
en infaillibilité. L'assistance
donc, & l'asseurance
qu'il nous donne , nous
maintiennẽt en ferme perseuerance:
& ses consolatiõs
surabondantes à toutes nos
afflictions , font que c'est auec
paisible patience , que
nous souspirons en nous mesmes .
Sainct Paul comprend
en ces paroles tous Fidelles
en general,& specialement
soy mesme & les autres Apostres :
afin que nous n'estimons
pas que leurs personnes
si cheres à Dieu , si
aduantagées en dons spirituels,
en toutes graces extraordinaires ,
ayent eu
moins que nous d'occasion
de souspirer.Et afin que par
de si notables exemples de
patience , & par la conformité
de nostre condition à
la leur,nous soyons capables
de plus de consolation &
de constance , estans leurs
compagnons en la souffrance
de leurs afflictions,
& en l'esperance de leur
gloire. Que s'il y a de la
disparité entr'eux & nous,
[en]
en quoy se trouuera-elle, sinon
en ce qu'autant qu'ils
ont excellé par dessus nous
en vertus, autãt nous ont ils
surpassés en souffrances , &
par cõsequẽt, ayãs peu auec
plus de suiet que nous, prononcer
ces paroles, Nous qui
auons les premices de l'Esprit,
nous mesmes souspirons en nous
mesmes, en attẽdant l'adoptiõ,
la redemption de nostre corps.
La prouidence de Dieu,
admirable en toutes sortes,
pour le salut de ses enfans, a
voulu, des le cõmencement
de la predication de l'Euangile ,
pouruoir à leur
pleine instruction, non seulement
par preceptes, mais
aussi par exemples.Et d'autant
qu'ils sont exercez par
diuerses afflictions , qu'ils
ont à porter chasque iour
leur croix, que c'est par
plusieurs oppressions qu'il
nous faut entrer au Royaume
des cieux , il nous a
donné ses Apostres , pour
patron de patience , les
rendant signalés en toutes
sortes d'espreuues,& les faisant
passer par tant d'aduersitez ,
que leur vie n'en
a esté qu'vne suite
contitinuelle.
Dequoy nous auons
vn tesmoignage au
liure de leurs actes,& au denombrement
que S. Paul
nous fait des siennes,
2.Corinth.
II.Et qu'est-ce que les
[Chrestiens]
Chrestiens n'ont pas souffert
durant les trois premiers
siecles? quelles persecutions ,
quels tourments,
quelles sortes de supplices
estrãgers & horribles n'ont
ils pas enduré? Si dõc les Apostres,
& les plus saincts qui
furent sur la terre, ont senti
tant d'afflictions , en voudrions
nous estre exempts?
aurions nous à cõtre cœur
d'estre conformes à leur
condition , comme ils l'ont
esté à celle du Fils de Dieu?
Si nous refusõs d'estre leurs
compagnons és combats,
le pouuons nous estre en
leur triomphe? si nous desdaignons
la croix de Christ,
oserons-nous pretendre à
à sa gloire? Et le mesme Esprit
qui a soustenu les Apostres,
les Fideles,les Martyrs ,
au milieu de leurs tribulations ,
des persecutions
& morts les plus cruelles,
dans les feux & dans les
flammes : ce mesme Esprit
qui nous est donné , ne
nous fortifiera-il pas , pour
nous rendre victorieux és
angoisses les plus extremes,
és extremitez les plus angoisseuses,
contre toutes aduersitez ,
& contre tous aduersaires?
deffit vn lion; & si cest Esprit
est en nous , & non par
passades,ou saillies,mais par
vne residence perpetuelle,
ne vaincrons nous pas le lion
infernal , qui est Satan , &
tous les ennemis de nostre
salut? Et qu'y aura il d'impossible
à cest Esprit,par la vertu
duquel Dieu a creé le
monde, le conserue, & fait
toutes ses œuures? Par cest
Esprit donc ne serons-nous
pas affermis en courage, en
resolutiõ, en constance cõtre
toutes trauerses & calamités?
Et serions nous si lasches
de nous laisser intimider estonner ,
par l'apprehensiõ
des afflictions, & des
souffrances, ou de ceder, de
succomber à leur effort, lors
que Dieu voudra nous y
exercer, pour tirer des preuues
de nostre foy, patience,
obeïssance , & pour manifester
en nous la grace , le
secours,& la force de sõ Esprit?
car ne seroit-ce pas &
se deffier de sa vertu, à mõstrer
qu'elle n'habite point
en nous,& que si nous en auons
la cognoissance, nous
n'ẽ auons pas le sentiment?
Et à qui appartient il mieux
d'estre courageux,ferme,inuincible,
inesbrãlable qu'au
Fidelle ; qui a l'assistance &
vertu diuine auec soy & dãs
soy,par les premices de l'Esprit,
les consolations ineffables,
& les asseurances de sa
glorification eternelle.
Or cest Esprit estant en
nous , qu'elle doit estre nostre
vie,sinõ saĩcte & celeste,
& par maniere de dire,diuine,
cõme cest Esprit est faict,
celeste,& diuin?Selon qu'est
l'Esprit des creatures , aussi
sont elles mesmes; plus leur
esprit est excellẽt, plus elles
sont excellentes , agissans
selon la vertu & les proprietez
de leur Esprit. Ainsi les
bestes excellent par dessus
les plantes,les hommes par
dessus les bestes , & entre
les hommes les vns par
dessus les autres, & de mesme
en est-il de leurs operations ,
procedantes de
l'Esprit qui les anime.Quelles
donc doiuent estre nos
personnes,nos vertus,& nos
œuures,estans doüez de cest
Esprit si saint & si parfaict?
Samuel disoit à Saul.
Tu
viendras au costau de
Dieu,& tu rencontreras vne
compagnie de Prophetes:adonc
l'Esprit de l'Eternel
te saisira , & tu propherizeras
auec eux,& seras chãgé
en vn autre homme ,
I.
Samuel 10. Et nous qui som-
mes venus au mõt de Dieu,
qui est l'Eglise, & la saincte
congregation où nous oyons
les Prophetes & les
Apostres parlans à nous, &
où le S. Esprit nous est donné,
[né,]
né,ne deuons nous pas cõme
prophetizans,parler les
choses magnifiques de
Dieu, estre changez en autres
hommes, estre nouuelles
creatures , & auoir vne
conuersation comme de
bourgeois des cieux? Si Elizée,
apres que le Prophete
Elie eust ietté sõ mãteau sur
luy , quitta son labourage,
son mesnage, & sa forme de
viure precedente, pour suiure
& seruir Elie ; nous qui
sommes reuestus de l'Esprit
de Dieu, ne laisserons nous
pas le train du monde , ne
renoncerons nous pas aux
affections charnelles , pour
obeir à nostre vocation celeste ,
pour adherer à Dieu,
luy dedier nos personnes,
luy consacrer nos seruices?
Et que sera-ce si nous sommes
refractaires à cest Esprit ,
si nous resistons à ses
mouuements , si nous repoussons
ses impulsions, si
nous estouffons ses inspirations ?
Et que dirons-nous
de tant de gents de parmi
nous,qui voulans estre creus
auoir les premices de cest
Esprit, tesmoignẽt par leurs
deportements estre possedez
d'vn esprit du tout contraire?
qui preferans leur esprit charnel ,
& mondain à
cest Esprit de Dieu,le combattẽt,
luy font la guerre, &
[ausquels]
ausquels on peut dire ce que
S. Estienne reprochoit aux
Iuifs,
Actes 7. vous vous ahurtez
tousiours contre le
S. Esprit.
Apprenez à vous y submettre ;
à l'appeller par vos
vœux, à le demãder à Dieu,
qui le vous ottroyera,selon
la promesse de son Fils ? Car
si vous , qui estes mauuais
sçauez donner à vos enfans
choses bonnes :
combien
plus vostre Pere celeste
donnera-il son Esprit à
ceux qui le luy demandent?
Luc.II.13 . Apprenez à priser
ses dons , à rechercher ses
graces , à cherir ses benefices ,
à gouster ses delices, à
sauourer ses douceurs ineffables.
Priez le Seigneur
qu'il ne vous abãdõne point
à vostre propre sens , qu'il
ne vous liure point à vos affectiõs
sensuelles: mais qu'il
sanctifie vostre esprit par le
sien,le guide,l'assiste,le gouuerne,
le fortifie. Que vous
ayant donné son Esprit , il
ne le retire point de vous,
& ne permette point qu'il
s'y esteigne: mais qu'il vous
en continuë, perpetue , &
augmente les premices , les
vertus , & les operations,
pour soustenir constammẽt,
infatigablement toutes aduersitez ,
toutes calamitez,
pour vaincre toutes tentations,
[tions]
toutes mauuaises suggestions ,
& pour viure religieusement,
& sainctemẽt,
en l'esperance , en l'asseurance
de la vie eternelle.
Et souuenons-nous , que
c'est ici le temps & le lieu
de nos souspirs , & non de
l'accomplissement de nos
desirs: de nos gemissemẽts,
non de nos contentements,
de nostre misere , non de
nostre beatitude ; que nous
y auons nos maux en effect,
& nostre bon-heur en esperance.
Et si toutes creatures
souspirent, & si leurs souspirs
tendent à ceste fin, que
les enfans de Dieu soyent
pleinement glorifiez, (dautant
qu'estans faits pour
l'homme , elles luy sont cõme
coniointes , par vne
merueilleuse sympatie, tesmoignans
du ressentiment
de ses maux, ausquels elles
compatissent. Et dautant
qu'elles ne peuuent obtenir
leur restauration , qu'au
temps de celle des eleus:)
Nous, qui sommes logez au
milieu de toutes creatures,
qui deuõs auoir continuellement
nos oreilles remplies
de leurs souspirs , qui
sçauons quelles souspirent
pour l'amour de nous , ne
serons-nous pas touchez en
nos cœurs de leurs souspirs ,
& des causes qui les
[pro]
produisent? Les creatures
irraisonnables , insensibles,
inanimées, auront elles de
la passion, de la compassion
pour nous, & n'en aurions
nous point pour nous mesmes ?
Auront elles de la
compassion de nostre misere ,
de la passion pour nostre
beatitude;& nous point
de sentiment pour celle là,
ni d'affection pour celle ci?
Les creatures destituées de
raison semblent la vestir
pour l'homme, & l'homme
qui en est doüé , s'en despouïllera
il, pour ne point
souspirer ses maux , & pour
ne point aspirer à sa felicité?
L'homme qui est le Maistre
des creatures,seul entr'elles
orné d'intelligence : sera il
inferieur à elles , incapable
d'estre leur disciple, de suiure
la leçon qu'elles luy
monstrent, de tenir sa partie
en ceste triste & vniuerselle
harmonie de complaintes ,
de doleances, de
souspirs,& gemissements de
toutes creatures de cest vniuers,
desplorans leur misere
& la sienne, & souhaittãs
leur restauration,& sa beatitude?
L'homme sera il plus
brute enuers soy mesme,
que les creatures brutes enuers
luy? Car elles surmontent
leur nature brute,souspirans
pour nous & pour
[elles]
elles.Et nous, ne souspirans
ni pour elles , ni pour nous,
ne tesmoignerons-nous pas
vn naturel plus que brute ,
& plus stupide enuers
nous mesmes , que celuy
des creatures brutes enuers
nous ? Serions nous seuls à
ne souspirer point , nous
pour qui toutes creatures
souspirent , & qui seuls en
auons plus de suiet,que toutes
elles ensemble ? Souspirons
donc , & que nos
souspirs surmontent ceux
de toutes les creatures , cõme
nos miseres surpassent
les leurs , & nostre future
restauration celle qu'elles
attendent. Mais , que nos
souspirs soyent formez par
le S. Esprit , & rendus par
son efficace si ardans, si
vehements , qu'ils tesmoignent
vne affection ineffable,
& que montans iusques
à Dieu,ils penetrent & remplissent
son oreille.
Consolons nous aussi par
les premices de cest Esprit,
qui nous sont données en
tesmoignage,en seau,en asseurance
de l'accomplissement
de ses dons,de la plenitude
de ses graces , & du
comble de nostre bõ-heur.
Et si les creatures destituées
des premices de cest Esprit,
persistent neantmoins sans
defaillance , sans interruption,
[tion,]
sans relasche, en leurs
offices, vigueur, trauaux, operations :
& comme s'encourageãs
entr'elles,& pour
l'amour de nous , & pour
l'attente de la derniere restauration ;
quelle force,
quel courage , quelle constance,
& perseuerance ne
deuons nous monstrer , estans
animez, armez, fortifiez
par cest esprit habitant
en nous, qui est la vertu, &
la puissance de Dieu ? Ces
premices de l'Esprit nous
estans des arrhes de nostre
salut , & bon-heur eternel,
douterons nous de la certitude
de son accomplissement?
Croirons nous aux
promesses des hommes, nõ
à elles du Dieu viuant? Les
premices que la terre nous
presente , nous feront elles
foy de l'entiere moisson : &
les premices que nous auõs
de l'Esprit de Dieu,ne nous
rẽdront elles pas persuadés
de la pleine reception de ses
dons , de laquelle ces premices
nous sont les gages
asseurez & indubitables?
Aurons nous plus de creãce
à la terre,qu'à Dieu mesme?
Au tesmoignage de nos sẽs,
qu'à celuy du S. Esprit?
Si donc nous auons desia
les commencements, ils seront
suyuis de leur accomplissement;
les premices de
[l'abon]
l'abondance , la partie du
total. Et si l'Esprit de Dieu,
(auteur des premices de la
grace , & des arrhes de la
gloire) est resident en nous,
quel instructeur plus veritable,
quel consolateur plus
doux , quel conseiller plus
sage,quel conseruateur plus
puissant pouuons nous souhaitter?
Quelle ignorance
ne surmonterons-nous par
son instruction? quelles tristesses
par ses consolatiõs?
quelles perplexités par ses
conseils?quels dãgers par sa
conseruation ? Et si Iesus
Christ a pris nostre chair,&
nous a donné son esprit,
vnissant nostre chair à soy
& son Esprit à nous : quelle
asseurãce plus grande voulons
nous de nostre beatitude ,
puis que nous auons
desia nostre chair au ciel,en
la personne de Iesus Christ,
& l'Esprit de Christ en nostre
personne,& resident en
nostre chair , nostre corps
estans le Temple & le sanctuaire
de son Esprit;Quels
gages plus certains, que celuy
de nostre chair habitãte
& regnante és cieux , en Iesus
Christ nostre Chef,& de
l'Esprit de Christ habitant
& regnant en nos cœurs?
Ayãs cest Esprit auec nous,
& dans nous , pour hoste,
pour hostage,combien precieuse
[cieuse]
nous doit estre sa demeure
en nous ? Combien
soigneusement le deuons
nous retenir,entretenir , sãs
le desdaigner par nos pechez,
sans le chasser par nos
vices? Car cest Esprit de pureté
se plairoit il auec vne
ame impure? Cest esprit de
sanctification agreeroit-il
de loger en vn esprit assuietti
à la souïllure , plongé
dans l'ordure?Ne contristez
point donc le S. Esprit de
Dieu , par lequel vous auez
esté seellez pour le iour de
la redemption.
Et si les premices ne deuoyent
estre employées à
des vsages profanes , ni demeurer
inutiles , mais estoyent
demandées de Dieu
pour son seruice:voudrions
nous profaner les sacrées
premices du S. Esprit,ou les
laisser perir par nostre nonchalance,
sans les employer
religieusement à l'honneur
de celuy de qui nous les auons
receuës : comme si
nous n'auions nul regret de
les perdre, ni d'estre priuez
de la felicité glorieuse
qu'elles nous promettent?
voudrions-nous enfouïr ce
talent celeste, sans le faire
valoir à la gloire de Dieu, à
la consolation & au salut de
nos ames , & à l'edification
de l'Eglise, pour estre iettez
[aux]
aux tenebres de dehors, où
il y a pleur & grincement
de dents?
Dieu promettoit accroissement
de benedictions,
lors que les premices luy
estoyent deuëmẽt offertes,
selon la Loi:soyons asseurez
aussi , que si nous employõs
sainctement les premices
que nous auons de l'Esprit,
Dieu nous en augmentera
les dons en ceste vie , selon
ses richesses ineffables , &
ses thresors inespuisables,
accõplissant en nous ce que
le Sauueur disoit , A celuy
qui a,il luy sera donné , & il
en aura tant & plus,& finalement,
qu'il nous remplira
des benefices,de sa grace,&
de sa gloire , dans les cieux.
Et puis que Dieu nous
donne les premices celestes
de son esprit, luy refuserons
nous les premices terriẽnes
de nostre auoir,veu mesmes
qu'elles sont des biens qu'il
nous eslargit:que plus nous
serons liberaux enuers luy ,
plus le sera-il enuers nous:
que les choses qu'il nous
donne sont infiniment plus
que celles que nous luy dõnons,
& qu'en luy donnant,
nous acquerons,& nous enrichissons ?
Les premices
estoyent des meilleurs &
des plus beaux fruicts , que
de mesmes nous offrirons à
[Dieu]
Dieu du meilleur & du plus
beau de ce que nous auons,
auec vne franche volonté,
prattiquans le commandement
du sage ,
Honore l'Eternel
de ton auoir , & des
premices de tout ton retenu.
Prouerb.3.9.
Donnons luy semblablement
les premices de chaque
iour , par vne saincte
deuotion, par vne ardante
esleuation de nos cœurs à
luy, par des intimes actions
de graces à sa bonté, des faueurs
continuelles que sa
misericorde espand sur
nous , & qu'il nous renouuelle
tous les iours.
Et vous , ieunes gens,
donnez à Dieu les premices
de vos ans & de vostre vie,
laquelle estant sanctifiée en
ses commencements,le sera
dauantage en son progrez
& en sa fin,& remunerée de
benedictions & spirituelles
& temporelles.
Et comme ceux qui auoyent
cueilli les premiers
fruicts se resiouïssoyent par
l'asseurance de la prochaine
& entiere cueillette ,laquelle
ils attendoyent auec vn
grand desir; nous qui auons
les premices de l'Esprit, cõsolons
nous par la certitude
de la pleine abondance,dõt
nous serons bien tost iouïssans;
& la souhaittons ardãment
[ment]
l'attendans auec vne
affection & passion vehemente,
aspirans de tout nostre
cœur au ciel , où elle
nous est reseruée.
Si lors que les enfans
d'Israel estoyent au desert,
& que leur furent apportés,
pour monstre,des fruicts de
la terre de Chanaan, beaux
à merueille , capables de
donner courage à chascun
d'eux,pour aller conquester
& posseder ce riche païs:
combien plus les premices
que nous auons du ciel &
de ses graces excellentes,&
qui nous en promettent
de plus grandes infiniment,
nous doiuent inciter & enflammer
à tendre à l'acquisition
& possession de la
Chanaan celeste , où leur
entiere plenitude nous attend?
Que si pour y paruenir
nous rencontrons des
difficultez , des trauerses,
des obstacles, par la malice,
puissance,& nombre de nos
ennemis & corporels & spirituels,
par les infirmitez de
nos personnes , par les diuerses
souffrances & tribulations
par lesquelles il nous
faut entrer au Royaume de
Dieu; nous voudrions nous
relascher, intimider,par les
apprehensions , comme les
enfans d'Israel au desert?
Plutost,plutost faut il nous
[affer-]
affermir en courage, en cõstance,
en esperance,en toute
vertu,par la consideratiõ
des promesses de Dieu,des
premices de son Esprit , &
par l'asseurãce de sõ secours.
Car celuy qui est en nous est
plus grand que celuy qui est
au monde, que le Prince de
ce mõde,que le mõde,& que
tout ce qui est au monde, &
qui nous en rendra vainqueurs ,
& plus que vainqueurs.
Partant, mes freres,
animez de cest Esprit,armez,
de ceste vertu, cõbattõs,perseuerõs
auec toute vigueur,
& ardeur, & aspirõs auec allegresse
à l'heritage celeste.
Où nous aurons nos
biens , non en partie , mais
pleinement , nous & demi,
mais entierement : non en
petite mesure,mais en comble:
non en premices , mais
en total?non successiuemẽt,
mais ensemblement;non auec
defaut, mais parfaitement ?
non meslangez de
maux,mais purs;non en degré
mediocre , mais supreme;
non pour quelque tẽps,
mais pour tousiours.
Là , nous serons riches
sans auarice,possedans tout
sans inquietude , regnans
sans sollicitude,heureux sãs
orgueil,ioyeux sãs insolẽce,
aimans sans ialousie, agissãs
sans trauail, nous reposant
[sans]
sans oisiueté.
Là , nostre vie sera seure
sans danger , paisible sans
trouble, pure sans souïllure,
saincte sans corruption,
parfaite sans manquement,
contente sans desplaisir,delectable
sans ennui,glorieuse
sans infirmité , asseurée
sans changement, ferme sãs
mutation, permanente sans
fin , par Iesus Christ nostre
Seigneur. Amen.