O Eternel, ie t'inuoque des lieux 
profonds. 
  Seigneur, escoute ma voix, que 
tes oreilles soient attentiues à 
la voix de mes supplications.  
  
  O Eternel, si tu prens garde aux 
iniquitez, Seigneur, qui est ce 
qui subsistera ?  
  
   Mais il y a pardon par deuers toy, 
afin que tu sois craint.  
  
 NOstre Seigneur 
Iesus, apres son Ascension 
à la d'extre de 
Dieu son Pere, regardant 
  
l'estat des Eglises d'Asie plantées 
par le ministere des 
Apostres, dit à celle d'Ephese, 
  Ie viendray à toy bien-tost, 
& osteray ton chandelier de 
son lieu, si tu ne te repens. Et  
vous sçauez, mes Freres, 
que le chandelier qu'il l'a menace 
d'oster, est le ministere 
de l'Euangile, par lequel elle 
jouïssoit de la lumiere de vie 
& estoit retirée des tenebres 
des vices & des erreurs & idolatries 
du monde, & qu'en ce 
chandelier consiste tout ce 
qu'vne assemblée Chrestienne 
a d'estre selon Dieu : Et 
par consequent sa priuation 
est le plus grãd des mal heurs 
& des témoignages de l'ire de 
Dieu, qui nous puisse aduenir. 
Or cette menace n'estoit pas 
particuliere à l'Eglise d'Ephese, 
mais commune à toutes 
 les Eglises Chrestiennes : 
comme l'Apostre le monstre  
Rom. 11. là où representãt que 
Dieu auoit retranché l'Eglise 
Iudaïque à cause de son endurcissement, 
bien qu'elle 
fust descenduë des Patriarches, 
& que les oracles de 
Dieu luy eussẽt esté commis : 
& parlant au corps des Eglises 
Chrestiennes dressées entre 
les Gentils, il leur dit,  
 Regarde la benignité & la seuerité 
de Dieu : à sçauoir la seuerité 
sur ceux qui sont tresbuchez ; & 
la benignité enuers toy, si tu 
perseueres en sa benignité, autrement 
tu seras außi coupé.  
Dieu auoit pratiqué cette seuerité 
en l'ancien Testament 
enuers ceux de Silo, chez lesquels 
il auoit logé son tabernacle 
& l'arche de son alliance, 
selon qu'il dit à ceux de 
  Iuda, 
Ierem. ch. 7.  Ne vous 
fiez point sur des paroles trompeuses, 
disans, C'est icy le temple 
de l'Eternel, le temple de l'Eternel, 
le temple de l'Eternel, mais 
allez en mon lieu qui estoit en 
Silo, là où i'auois colloqué mon 
nom du commencement, & regardez 
ce que ie luy ait fait, à cause 
de la malice de mon peuple Israel ; 
maintenant donc pour ce 
que vous faites les mesmes choses 
qu'eux, dit l'Eternel, ie feray à 
cette maison, sur laquelle mon 
nom est reclamé, & en laquelle 
vous vous fiez, & à ce lieu que 
i'ay donné à vous & à vos Peres, 
comme i'ay fait à Silo. 
   
Cette menace, mes Freres, 
est ce qui nous conuie à nous 
humilier maintenant deuant 
Dieu, voyans les vices & les 
pechez, par lesquels nous 
auons prouoqué & prouoquons 
 tous les iours son courroux. 
Car cheminans dans 
les tenebres des vices & iniquitez 
du monde, nous sommes 
du tout stupides si nous 
ne craignons que Dieu vienne 
nous oster le chandelier duquel 
nous abusons, & nous 
oster la predication de sa verité 
laquelle nous detenons 
en injustice. Or esperons nous 
de sa bonté que si nous nous 
iugeons nous mesmes, c'est 
à dire preuenons son courroux 
par repentance, nous ne 
serons pas iugez. Car Dieu est 
benin, & fait, quand il punit, 
vne œuure non sienne, & 
ce n'est pas volontiers quand 
il afflige & contriste les fils 
des hommes (ainsi qu'en parle 
 
                                 
                                    Isa. 8. 
                                    21. Lament. Ier. 3 33. 
                             l'Escriture) Et pour ce qu'il 
preaduertit son Eglise de ses  
iugemens, afin qu'elle les preuienne 
  par humiliation & 
amendement. Iadis donnant  
 
                                 
                                    Deuter. 20. 21 
                             les loix politiques à son Israël, 
il auoit ordonné que 
quand il s'approcheroit d'vne 
ville pour la combattre il luy 
presentast la paix ; conduitte 
qui est l'image de la sienne, 
comme les commandemens 
de Dieu sont formez sur le 
modele de ses actions. Car il 
presẽte tousiours la paix aux 
pecheurs par des richesses de 
benignité, auant que de les 
destruire : Sur tout il vse enuers 
son Eglise de support & 
de delay, en attendant qu'elle 
s'amende ; mais finalement, 
apres que sa parole a esté long 
temps mesprisée & ses exhortatiõs 
à repentãce negligées, 
il vse de sa seuerité : ainsi que  
 
                                 
                                    Luc. 13. 
                             Iesus Christ le represente en 
la parabole du figuier, lequel 
  
ne portant point de fruict, le 
maistre voulut le couper, mais 
à l'exhortation du vigneron 
il attendit encore quelque année 
le deschaussant & y mettant 
du fumier, pour en suite 
s'il ne portoit du fruit le couper. 
Nous sommes, mes Freres, 
ce figuier, lequel le Seigneur 
a des ja diuerses fois 
menacé de couper ; Nous 
auons veu ce lieu mesme, qui 
a esté rebasti par la misericorde 
du Seigneur & la clemence 
de nos Roys, auoir esté 
embrasé & demoli : Et depuis 
nous nous sommes trouuez 
en diuers dangers, desquels la 
prouidence & bonté diuine 
nous a deliurez. Dieu nous a 
monstré son bras esleué pour 
frapper, & l'a tousiours retiré.
  
Or maintenant que nous 
 auons tout sujet de luy rendre 
graces des inclinations 
fauorables qu'il a mises dans 
le cœur des Puissances superieures 
à la paix de nos Eglises 
& à leur subsistance sous 
l'authorité des Edits du Roy, 
& que nous en auons receu 
diuers & tres-euidens témoignages 
pendãt que la Regence 
de cét Estat est dignement 
entre les mains de la Reine 
mere de nostre Roy : ce que 
nous sommes humiliez deuãt 
Dieu est à ce que nos pechez 
ne viẽnent deuant Dieu pour 
troubler nostre paix & 
changet cette tranquilité en affliction 
& aduersité. Car Dieu 
qui tient les cœurs en sa main 
les encline où il luy plaist. Il 
y met la hayne quand il veut 
chastier : comme il est dit 
Ps. 
105.  il changea leur cœur tellement   
 qu'ils eurent son peuple en 
hayne   : Et à l'opposite aussi il 
y met la bien veillance & la 
paix quand il est appaisé enuers 
nous, selon que dit Salomon  
Prou. 16.  quand les voyes 
de l'homme plairõt au Seigneur, 
il appaisera außi ses ennemis enuers 
luy. Outre cela, mes 
Freres, nous auons à obtenir 
par nostre humiliation la benediction 
de Dieu sur le Roy 
& la Reine, & sur l'Estat : à ce 
que rien n'interrompe ny le 
fauorable succez des armes 
du Roy contre ses ennemis 
au dehors, iusques à vne heureuse 
paix, ny la tranquilité 
du dedans au bien de tous ses 
sujets. Nous auons aussi à 
prier Dieu en general pour 
toute la Chrestienté que nous 
voyons deschirée de guerres, 
à ce qu'il plaise à Dieu arrester 
  
par vne bonne paix le 
cours de tant de miseres & de 
maux qui la desolent & ouurẽt 
le chemin & la porte aux ennemis 
du nom Chrestien.
  A cette humiliation & à nos 
supplications nous auons iugé 
conuenable ce que nous 
auons leu du 
Ps. 130. là où le 
Prophete dans les afflictions 
de l'Israël de Dieu espand son 
ame deuant le Seigneur par 
des mouuemens d'vne profonde 
tristesse & repentance, 
voyant que leurs pechez 
auoient allumé à l'encontre 
d'eux le courroux de Dieu ; 
Là où aussi il se releue par vne 
sainte confiance & vn ardant 
recours à la bonté de Dieu & 
aux promesses de sa grace enuers 
les pecheurs repentans : 
qui seront les deux poincts 
que nous aurons pour matiere 
  
de nostre propos, moyennant 
l'assistance de Dieu :
  
A sçauoir, 1. l'humiliation, 
par laquelle le Prophete crie 
à Dieu des lieux profonds.
  
2. Le recours à Dieu par esperance 
en sa misericorde, & 
par resolution d'amendemẽt.
  
Vueille le Pere celeste, deuant 
la Majesté duquel nous 
sommes humiliez, disposer 
par son esprit nos cœurs à luy 
presenter les sacrifices d'vn 
cœur froissé : afin que comme 
il a promis de faire grace aux 
humbles & viuifier les cœurs 
froissez qui recourent à sa 
bonté, il nous donne de 
nous presenter au throne de 
sa grace, pour y trouuer grace 
& misericorde, afin d'estre 
aydez en temps opportun.
     
 Premier Poinct. 
   NOvs ne nous arresterons 
pas à rechercher 
quelle a esté l'occasion particuliere 
de ce Pseaume, ny qui 
en a esté l'autheur, puisque 
ni l'vn ni l'autre n'est declaré. 
Il nous suffit que l'autheur a 
esté vn S. Prophete de Dieu, 
& qu'il semble l'auoir composé 
pendant que le peuple 
estoit dans la captiuité de Babylone, 
comme dans vn gouffre 
de maux. Partant le Prophete 
disant qu'il crie à Dieu 
des lieux profonds, nous considerons 
deux choses en general 
par les lieux profonds : La 
profondeur des maux, & celle 
du ressentiment qu'on en a. 
Celle des maux, cõme 
 Zach. 
9. la captiuité du peuple en 
   Babylone est representée par 
vne fosse sans eau, dãs laquelle 
le peuple eust esté deualé : 
aussi Ieremie en ses lamentations 
pendãt cette captiuité, 
disoit au nom de l'Eglise d'Israël  
ch. 3.  Seigneur i'inuoque 
ton nom d'vne des plus basses fosses   :
  façon de parler qui venoit 
de ce que jadis on deualoit 
les prisonniers en des fosses ; 
Mesmes l'Escriture employe 
la comparaison des abysmes, 
ou de la profondeur des sepulchres, 
pour exprimer la 
grandeur des afflictions ou 
des dangers : Celle des abysmes, 
comme 
Ps. 71.  ô Dieu, qui 
est semblable à toy, qui m'as fait 
voir plusieurs destresses & maux, 
& derechef tu m'as rendu la vie, 
& m'as fait remonter hors des 
abysmes de la terre ? Celle des 
sepulchres, comme 
Ps. 88.     ma vie est paruenuë iusques au 
sepulchre, tu m'as mis en vne 
fosse des plus basses, ez lieux tenebreux, 
ez lieux profonds, ta 
fureur s'est jettée sur moy, & tu 
m'as accablé de tous tes flots. Et 
l'Escriture nous donne deux 
tableaux de cette dispensation 
& conduite de Dieu : l'vn 
est le peuple d'Israël passant 
par les profondeurs & les 
gouffres de la mer rouge, entre 
des montagnes d'eau esleuées 
de deux costez : selon 
qu'il est dit 
Ps. 106.  Il assecha 
la mer rouge, & les conduisit par 
les abysmes. L'autre est Ionas 
jetté en la mer & englouti 
d'vne Baleine, selon que luy- 
mesme dit, 
 Tu m'as jetté au profond, 
au cœur de la mer, & le courant 
m'a enuironné, tous les flots  
& les vagues ont paßé sur moy, 
l'abysme m'a enclos tout à l'entour,    
 ie suis descendu iusques aux 
racines des montagnes. Or cette  
profondeur de miseres est 
dispensée de Dieu pour diuerses 
raisons : Il veut par la 
grandeur de nos maux nous 
faire sentir la grandeur de nos 
offenses & de son courroux, 
afin que nous soyons d'autant 
plus touchez de repentance. 
2. Il veut exercer nostre 
foy & la mettre à l'espreuue 
par le defaut de tous moyens 
de deliurance. 3. Il veut par 
la grandeur des maux faire 
voir la grandeur de sa puissance 
& de sa bonté, en deliurant 
ses enfans. Il nous faut 
donc considerer les profondes 
miseres dans lesquelles 
nos pechez meritẽt que nous 
soyons jettez, & lors mesmes 
que Dieu nous fait subsister, 
les considerer comme presentes, 
 puis que nous sommes 
dignes d'y tomber. Ces profondes 
miseres sont descrites 
par 
S. Paul Rom. 8. oppression, 
angoisse, persequution, 
famine, nudité, perils, espée. 
Et si nous voulons nous bien 
humilier, nous passerons encor 
plus outre que les afflictions 
temporelles, & regarderons 
la profondeur des Enfers, 
où nostre corruption naturelle 
nous auoit mis : puis 
que (comme dit l'Apostre  
Ephes. 2.) nous sommes 
 de 
nature enfans d'ire . Et certes 
Iesus Christ (ainsi que le dit 
l'Apostre 
Gal. 3.) ayant esté 
fait maledictiõ pour nous : & 
la parole de foy, disant, Ne di 
plus, 
 qui descendra en l'abysme ?  cela est rappeller Iesus-Christ 
des morts, nous sommes bien 
obligez de considerer ce gouffre 
  comme y estans de nostre 
nature, & crier à Dieu de ces 
lieux profonds. Mesmes les 
pechez que nous commettons 
tous les iours, si vous 
considerez ce qu'ils meritent 
selon la rigueur de la iustice 
de Dieu, nous mettent là dedans, 
puisque Dieu dit en la 
loy, 
 maudit est quiconque n'est 
permanent en toutes les choses de 
cette loy. Il y a encor vne profondeur 
du fonds de laquelle 
il nous faut crier à Dieu : à 
sçauoir celle de la malice naturelle 
de nostre cœur. Car la 
chair est vn gouffre d'inimitié 
cõtre Dieu, veu qu'elle n'est 
point sujette à la loy de Dieu, 
& mesme ne le peut, dit l'Apostre  
Rom. 8. & le Seigneur 
en parlant 
Ierem. ch. 17. dit,  
 le cœur de l'homme est cauteleux 
& desesperement malin par dessus    
 toutes choses, qui le cognoistra ? 
Ie suis l'Eternel qui sonde 
le cœur & esprouue les reins. Car 
ce mot de sonder est relatif à 
vne profondeur, & le Seigneur 
la dit estre telle qu'il 
n'y a que luy qui en puisse cognoistre 
le fonds ; Aussi quãd 
Iean Baptiste recommande la 
repentance, il veut que les 
costaux soiẽt abbaissez & que 
les vallées soient comblées, 
à sçauoir les costaux d'orgueil, 
de fierté & de rebellion 
contre Dieu : & les vallées de 
malice, de fraude & d'hypocrisie. 
Et ne recõnoissez vous 
pas, mes Freres, que la corruption 
de la chair est vn gouffre 
inépuisable de vices & 
pechez, puis qu'apres que 
vous aurez tasché de l'espuiser 
par repentance, vous y 
sentirez encore sourdre des 
 
nouuelles pensées & inclinations 
à mal ? Ces choses ainsi 
considerées, iugez si esleuans 
nos yeux au Ciel & voyans la 
distance & separation immense 
que nos pechez ont 
fait entre Dieu & nous, nous 
ne sõmes pas obligez de crier 
à Dieu de lieux profonds ?
  
Car nos maux estans profonds, 
telle aussi doit estre 
nostre tristesse & humiliation : 
non legere & superficielle ; 
mais qui occupe toutes les dimensions 
du cœur. Aussi jadis  
en Israël pour tesmoigner 
la grandeur de la tristesse on 
se iettoit en terre & se couchoit 
sur la poudre & sur la 
cendre : pour dire qu'on n'auoit 
comme plus de vie & de 
vigueur : ou plustost pour dire 
qu'on meritoit d'estre reduit 
en poudre & cendre. Aussi on 
 
deschiroit ses vestemens, on 
se couuroit de sacs : pour 
monstrer qu'on ne pouuoit 
prendre plaisir en aucun ornement, 
& qu'on meritoit d'estre 
despoüillé de tous biens. 
Et mesmes ce qu'on jeusnoit 
& s'abstenoit de viande 
& de breuuage, monstroit 
qu'on se jugeoit indigne de viure, 
& qu'on estoit tellement 
affligé, qu'on ne prenoit plus de 
plaisir és choses de la chair, 
& n'y auoit point d'esgard. 
Ailleurs l'Escriture represente 
la profondeur de la tristesse 
en parlant d'espandre son 
ame deuant Dieu comme de 
l'eau, de rompre son cœur, & 
briser son esprit, comme si nostre 
ame n'auoit plus de force 
& de subsistence en nous pour 
la grandeur de la douleur.
  
Que si vous demandez pourquoy 
 
Dieu prend plaisir en 
vne si profonde tristesse ? Il y a 
de cela trois raisons ; L'vne, 
que le peché est vn acte d'amour 
de nous mesmes, & vne 
production du contentement 
& plaisir que nous 
prenons en la chair ; secondement 
que le peché est vn 
acte de force & de rebellion 
contre Dieu. Il faut donc à 
l'opposite du plaisir que nous 
y auons pris, la tristesse & la 
douleur, à ce que toute la douceur 
du peché nous soit deuenuë 
aluine & fiel, & à l'opposite 
de la vigeur qu'il auoit 
contre Dieu, il faut vn aneantissement, 
à ce qu'il n'ait plus 
de force dedans nous. L'autre 
raison est, que Dieu estant 
vne Maiesté souueranne, c'est 
de son droict d'estre souuerainement 
exalté, & du deuoir 
 
de la creature d'estre dans vne 
profonde humilité à son esgard : 
c'est pourquoy il ne se 
peut qu'il ne se plaise en l'humilité 
par laquelle la creature 
s'abbaisse en sa presence, & 
recognoisse son neant deuant 
luy. Car, si mesmes les Anges 
& Seraphins qui sont exempts 
de peché couurent leurs 
faces en sa presence, par le 
sentiment de la bassesse & 
chetiueté de leur estre à l'esgard 
du sien, & de la souueraine 
saincteté à laquelle la 
leur est infiniment inferieure : 
combien plus la creature 
qui à peché & qui tombe 
tous les iours en faute, doit 
elle estre humiliée deuant luy, 
& combien doit elle auoir de 
tristesse & de confusion en sa 
presẽce ? Et c'est en quoy dieu 
prend plaisir, entant que par 
 
cela la creature se remet & 
restablit dans l'ordre & le deuoir 
duquel elle s'estoit departie 
par negligẽce ou fierté. 
Aussi pour expier le peché 
il a falu vne humiliation extreme, 
pource que le peché 
auoit esté vn acte de rebellion 
& de mespris contre vne 
Majesté souuerainemẽt esleuée. 
La nature donc de la 
chose requeroit que la satisfaction 
consistast en vn extreme 
abbaissement : Et que le 
propre Fils de Dieu, duquel 
la grandeur & hautesse naturelle 
rendoit son abbaissement 
d'autant plus grand, 
prist forme de seruiteur & 
s'aneantist, se rendant obeïssant 
iusques à la mort, voire 
la mort de la Croix.
  
La troisiesme raison est, 
qu'vne grieue & profonde 
 tristesse pour le peché, est 
celle qui produit des bons 
effets d'amendement & de 
renoncement à nous-mesmes. 
C'est elle qui nous donne la crainte de retomber au 
peché & le soin d'en éuiter 
les occasions, & laquelle 
nous fait comme prendre vne 
saincte vengeance contre 
nous-mesmes, pour nous sevrer 
de nos plaisirs, & reduire 
nostre corps en seruitude ; 
selon que l'Apostre disoit, 
2. 
Cor. 7.  Ce que vous auez esté 
contristez selon Dieu, quel soin 
a-il produit en vous ? voire quelle 
satisfaction ? voire indignation, 
voire crainte, voire grand 
desir, voire zele, voire vengeance ?  Au lieu qu'vne tristesse 
legere & superficielle,  
estant bien-tost éuanoüie de 
l'esprit, nous laisse bien-tost 
  
retourner à nos fautes & retomber 
en nos pechez.
  
Or la profonde tristesse que 
nous requerons ne demeure 
pas absoluëment dans l'aneantissement 
(cela seroit 
vne tristesse selon le monde) 
mais elle regarde à Dieu & 
esleue l'ame à luy, selon que 
nostre Prophete dit,  Eternel, 
ie t'inuoque des lieux profonds, 
Seigneur escoute ma voix, que 
tes aureilles soient attentiues à 
la voix de mes supplications. 
Le peché nous ayant separez 
de Dieu, & nous ayant plongez 
comme dans l'abysme, il 
faut que la repentance & tristesse 
selon Dieu fasse des 
efforts pour nous esleuer à 
Dieu. Celle qui est selon le 
monde ne regarde que l'abysme 
où elle est, & s'y plonge 
par desespoir : car elle n'a 
 
point de foy pour s'esleuer à 
Dieu. Ainsi Caïn ayant peché 
ne regarde que la grandeur 
de la peine, & y termine 
sa repentance, disant  ma punition 
est plus grande que ie ne 
puis porter. Et Iudas dans la 
profondeur de son anxieté, 
s'alla precipiter. Mais le fidele 
prend courage de regarder 
à son Dieu & l'inuoquer, 
par la cognoissance & persuasion 
qu'il a de sa bonté : outre 
qu'il sẽt parmy sa tristesse des 
émotions d'amour enuers 
Dieu, & que le déplaisir qu'il 
a de l'auoir offencé est joint 
au desir de se conuertir à luy, 
& à l'esperance & dessein de 
s'amender. Partant le Prophete 
dit icy,  Seigneur ie t'inuoque 
des lieux profonds, que 
ton aureille soit attentiue à mes 
supplications.  
   
Il parle d'inuocation & de 
supplications, & neantmoins 
nous ne trouuons en ce 
Pseaume aucune demande 
expresse, mais seulement vne 
recognoissance de ses pechés, 
& vn recit que le Prophete 
fait de son attente & esperance 
en Dieu. C'est que la 
priere se prend en general 
pour toute la communication 
de l'ame auec Dieu, & 
pour le discours par lequel 
elle s'addresse à luy, ne deust- 
elle que  presence 
& luy confesser ses offences, 
ou que reciter ce qu'elle conçoit 
des vertus de Dieu à sa 
loüange & gloire. Secondement, 
c'est que tout cela contient 
implicitement des demandes 
& des prieres. Si 
nous confessons nos pechez 
à Dieu, c'est que nous luy en 
  
demandons pardon : & si nous 
recitons sa puissance, sa bonté, 
& la verité de ses promesses, 
c'est que nous luy en 
demandons l'effet à nostre 
deliurance & consolation. 
Car l'homme, pendant qu'il 
est icy bas, est tousiours pauure 
& disetteux, & tousiours 
en quelque danger ou en 
quelque misere, c'est pourquoy 
tout ce qu'il represente 
à Dieu tend tousiours à luy 
demander. 
Or remarquez l'ardeur & 
vehemence dont le Prophete 
s'esleue à Dieu, quand il parle 
de cri, de voix, & de supplications, 
& quand il demande 
à Dieu  qu'il escoute , & que ses 
  aureilles soient attentiues. Cette 
varieté de termes monstrãt 
la grandeur de son émotion. 
Aussi, certes, la profondeur 
 
dont le Prophete a parlé requiert 
cela. Car il faut de la 
force & de la vehemẽce pour 
se faire oüir du dedans d'vne 
grande profondeur : Il ne faut 
pas vne voix basse, mais des 
cris. Comme Ionas exprime 
par des cris, l'ardeur de sa 
priere dans le ventre du poisson : 
car ils ne consistoient 
point en des paroles qu'il 
proferast, mais en des vehementes 
conceptions de son 
ame.  I'ay, dit il, crié à l'Eternel, 
 à cause de ma detresse, & il 
m'a exaucé : Ie me suis escrié du 
ventre du sepulchre, & tu as oüy  
ma voix. Dieu prend plaisir 
en cette ardeur, il veut qu'on 
bataille & qu'on luitte contre 
luy pour le vaincre par l'effort 
de nos prieres ; Il veut 
que son Royaume soit forcé, 
& que les violens le rauissent, 
 & la priere du juste faite auec 
vehemence (dit S. Iacques) 
est de grande efficace. Adjoustez 
à cela, que nos ames ont 
vne pesanteur terrestre qui 
les empesche de s'esleuer à 
Dieu : semblables aux mains 
de Moyse qu'il auoit peine de 
tenir esleuées à Dieu : Il nous 
faut donc combattre cette 
pesanteur, & faire des efforts 
pour de la terre nous esleuer 
vers le Ciel, & dire auec Dauid,  
Ps. 25.  Eternel i'esleue mon 
ame à toy. Et comme les gruës, 
Austruches & Cigognes & 
semblables oyseaux sentans 
la pesanteur de leurs corps, 
battent des aisles afin de s'esmouuoir 
& prendre leur vol 
en haut par ce battement ; 
Ainsi il faut que le fidele par 
diuers efforts de son ame, les 
vns sur les autres, s'esleue en 
  
haut à son Dieu. Hommes qui 
vous portez auec tant d'ardeur 
au peché, donnez à vostre 
repentance des pareils 
mouuemens : ne soyez point 
lasches & lents à vous esleuer 
à Dieu & vous conuertir à 
luy ; cõme vous n'auez point 
esté lents à l'offencer & transgresser 
ses commandemens : 
surmontez par vostre zele ce 
que vous auez eu d'ardeur & 
de vehemence pour le peché 
& pour les choses de la chair.
  
Mais comme le Prophete 
demande à Dieu qu'il escoute 
sa voix, & ait ses aureilles 
attentiues à ses supplicatiõs : 
Voicy vne objection & comme 
vne réponce ou repartie 
que son esprit se fait de la part 
de Dieu ; Tu veux que i'escoute 
ta voix, & tu n'as point 
la mienne : tu veux que mes 
 
aureilles soient attentiues à 
tes supplications, & les tiennes 
ont esté sourdes à mes 
commandemens, & à mes exhortations ; 
Tu as escouté la 
voix du monde, & de ses conuoitises : 
tu as dõné ton cœur 
aux choses de la chair & de sa 
corruption ; tu n'as donc rien 
à attendre de moy. Sur cette 
objection que la conscience 
du Prophete luy faisoit interieurement, 
que replique-t'il ? 
denie-il son peché, ou le couure, 
& l'extenuë-il comme 
Adam ? Non. Il passe condamnation, 
& dit,  Eternel si 
tu prens garde aux iniquitez, 
Seigneur qui est-ce qui subsistera ? 
Le moyen, mes Freres, 
de nous bien excuser deuant 
Dieu est de nous accuser, & 
le moyen de nous justifier est 
de nous condamner & d'aduoüer 
 la grandeur & le grand 
nombre de nos pechez. C'est 
ce que le Prophete Dauid 
pratique, 
Ps. 143. quand il dit,  
 Seigneur n'entre point en Iugement 
auec ton seruiteur : Car 
nul viuant ne sera justifié en ta 
presence. Et 
Ps. 51.  ie recognois 
mes transgreßions, & mon peché 
est continuellement deuant moy, 
j'ay peché contre toy, & fait ce 
qui est desplaisant deuant tes 
yeux, de sorte que tu seras trouué 
juste quand tu me condamneras, 
& pur quand tu me iugeras. Et  
Ps. 25.  n'aye point souuenance de 
mes pechez ny de mes transgressions : 
Mais pour l'amour de ton 
nom pardonne moy mon iniquité, 
encor qu'elle soit grande. 
Dauid, mes Freres, auoit experimenté 
autrefois combien 
luy auoit esté prejudiciable 
sa fraude à couurir extenuer 
  & desguiser son peché ; 
Il auoit senti que la main de 
l'Eternel s'estoit appesantie 
sur luy & sa vigueur s'estoit 
changée en secheresse d'esté, 
pendant qu'il s'estoit teu d'vn 
silence d'impenitence & d'assopissement. 
Aussi alors il 
fut contraint de proceder 
tout autrement & de dire,   
 
                             
                                Ps. 32. 
                          Ie feray confeßion de mes pechez 
à l'Eternel   : Et alors Dieu osta 
la peine de son peché : dont 
en suite il dit aux pecheurs, 
qu'il leur donnera intelligence 
& leur monstrera le chemin 
par lequel ils doiuent 
cheminer, afin qu'en vn deluge 
de grandes eaux, elles 
ne paruiennent pas iusqu'à 
eux : à sçauoir qu'ils ne soient 
pas comme le cheual & le 
mulet, qui sont sans intelligence, 
enuers lesquels on 
  
employe le frein & le mords 
pour les dompter : que maux 
sans nombre aduiendront au 
meschãt, c'est à Dire à l'homme 
qui s'endurcit contre 
Dieu : mais que gratuité enuironnera 
celuy qui recourt 
à Dieu, & qui se conuertit à 
luy. 
Icy donc nostre Prophete 
met deuant ses yeux ses pechez. 
Il ne s'arreste pas aux afflictions 
temporelles, dans lesquelles 
il se trouuoit, mais il 
regarde aux offences faites à 
Dieu comme aux causes de 
tous maux : pratiquant ce que 
disoit Ieremie en ses lamentations, 
  Recherchons nos voyes 
& les sondons, & montons iusques 
à l'Eternel, disan, nous 
auons peché, nous auons commis 
iniquité   : C'est là, mes Freres, 
c'est là le vray gemissement ; 
 
non celuy que la nature extorque 
du sentiment des 
peines : mais que la conscience 
tire du sentiment des iniquitez 
& des égards que nous 
auons à Dieu, lequel nous 
auons offencé. Si tu t'affliges 
de tes incommoditez, c'est 
toy que tu aymes, & non le 
Seigneur ; c'est à ta chair & à 
ses interests que tu regardes, 
& non à la loy de ton Dieu, 
n'atten pas doncques que ces 
gemissemens obtiennent rien 
de Dieu. Car quand Dieu te 
deliureroit en cét estat là de 
ton ame, tu demeurerois en 
tes vices & en tes soüillures : 
Or Dieu veut que tu te conuertisses 
à luy & que tu sois 
participant de sa saincteté ; 
Partant icy remarquons l'vsage 
des afflictions selon la 
sage dispensation de nostre 
 Pere celeste. Pendant la prosperité 
vn assopissement saisit 
facilement nos consciences 
pour ne point considerer 
nos pechez & nos manquemens, 
mais l'affliction nous 
reueille & nous fait connoistre 
que nous auons offencé 
le Seigneur : alors les pechez 
que nous mettions comme 
derriere nostre dos pour ne 
les pas voir, viennent deuant 
nos yeux. Tandis que les enfans 
de Iacob ne souffrent 
aucun mal, ils ne pensent 
point à l'offense commise 
contre leur frere, lequel ils 
auoient jetté en vne fosse & 
en suite vendu pour esclaue, 
mais ils se voyent garrotez 
en Ægypte, ils disent,  
 Vrayement nous sommes coulpables  
                                 
                                    Genes. 42. 
                             
 touchant nostre frere : car 
nous auons veu l'angoisse de son    
 ame quand il nous demandoit 
grace, & ne l'auons point exaucé, 
au moyen dequoy cette angoisse  
 nous est aduenue. Tandis 
qu'Israël est en prosperité, il 
ne pense point à Dieu : Mais 
quand les maux sont presens, 
alors Ierusalem dit,  L'Eternel 
est juste, car ie me suis rebellée 
contre luy. En cela nous sommes 
semblables aux criminels, 
desquels les Iuges de la 
terre sans les gehennes & les 
tortures ne tireroient aucune 
confession de leurs crimes. 
Ionas ayant desobey à Dieu, 
attend à recognoistre son peché 
iusques à ce qu'il soit 
dans le ventre du poisson : & 
en ce Pseaume nous voyons 
que c'est quand le Prophete, 
ou le peuple d'Israël, est dans 
les lieux profonds, qu'il dit 
Eternel si tu prens garde 
 
aux iniquités, &c.
   Il ne dit pas simplement, 
si tu prens garde aux 
pechez, 
mais aux 
iniquitez. Or iniquité, 
emporte vne action 
peruerse & malicieuse, pour 
vous monstrer que la vraye 
repentance pese la grieueté 
des offenses, & les qualifie de 
tiltres les plus odieux. Ainsi 
Dauid 
Ps. 32. les appelle  
pechez, 
transgreßions, 
iniquitez : 
& 
Ps. 51. forfaits, & les 
considere comme des noirceurs 
en son ame, dont il a 
besoin d'estre laué tãt & plus, 
& comme vne lepre vilaine, 
en disant 
 purge moy auec hyssope , 
car l'hyssope estoit selon la 
loy employé en la purification 
du lepreux. Et quant 
au nombre, il parle en pluriel  
d'iniquitez : Aussi Esdras en sa 
confession dit, 
 Nos iniquitez   
 sont multipliées pardessus la 
teste, & nostre coulpe est accreuë 
iusqu'aux Cieux. En somme 
icy le Prophete, & pour le 
grand nombre & pour la grãdeur 
des pechez d'Israël, dit, 
  Si tu prens garde aux iniquitez 
qui est-ce qui subsistera. 
  Le mot qu'il employe en 
sa langue signifie 
garder ; & 
par fois 
obseruer & 
prendre 
garde : Si vous le prenez en la 
signification de garder, ce sera 
à dire, si tu gardes & retiens 
nos pechez pardeuers toy 
sans nous les quitter & pardonner : 
pour nous apprendre 
que si Dieu nous laisse 
pour quelque temps sans 
nous punir, il a & reserue nos 
pechez pardeuers soy, pour 
nous punir en certain temps : 
comme il est dit 
Iob 21. que 
Dieu gardera la violence du   
meschant à ses enfans : & 
ch. 
14.  mes forfaits sont cachetez 
comme en vne bougette, & tu as 
cousu ensemble mes iniquitez   : 
c'est à dire, tu les as jointes 
& amassées toutes afin qu'aucune 
ne s'en perdist, mais que 
ie portasse la peine de toutes 
en ce temps icy. Pecheurs 
qui pensez que Dieu ait mis 
en oubly nos pechez, pource 
que vous n'en souffrez point 
la peine, souuenez-vous que 
Dieu les garde pour vous en 
punir en son temps. Que si 
vous prenez le mot pour  
prendre garde & obseruer ainsi 
que nostre version l'a traduit, 
c'est pour nous apprendre 
que Dieu en qualité 
de Iuge de l'Vnivers obserue 
& examine les actions des 
hommes pour leur en faire 
rendre compte, & leur en 
  faire porter la peine. Car il 
ne s'agit pas icy d'vne simple 
cognoissance de Dieu, par 
laquelle toutes choses sont 
nuës & descouuertes deuant 
ses yeux, & par laquelle il voit 
iusques dans les secrets & les 
plus cachées pensées du 
cœur : selon que le Prophete 
dit 
Ps. 139.  Eternel tu m'as sondé 
& cognu, tu cognois quand ie 
m'aßieds & quand ie me leue, 
tu apperçois de loin ma pensée, 
& deuant que la parole soit sur 
la langue tu cognois desia le tout. 
Si i'ay dit, au moins les tenebres 
me couuriront, voilà la nuict 
seruira de lumiere à l'entour de 
moy. Mais il s'agit d'vne obseruation 
& d'vn examen que 
Dieu fait des actions des 
hommes comme Iuge pour 
rendre à vn chacun selon 
qu'elles sont, de laquelle il 
  est dit 
Ps. 11.  l'Eternel est au 
palais de sa saincteté, l'Eternel 
a son throsne ez Cieux, & ses 
yeux contemplent & ses paupieres 
sondent les fils des hommes, 
l'Eternel sonde le juste & le méchant, 
& son ame haït celuy qui  
ayme extorsion. Il fera pleuuoir 
sur les meschans des laqs, feu & 
souffre & vent de tempeste sera 
la portion de leur breuuage, car 
l'Eternel juste ayme justice, sa 
face regarde le droicturier.  
C'est la cognoissance que 
Dieu prit quãd il dit à Adam 
qui se cacheoit entre les arbres 
du jardin apres son peché,  
 Adam où es tu ? n'as tu pas 
mangé de l'arbre dont ie t'auois 
deffendu de manger ? Et quand 
il dit à Caïn, 
 où est Abel ton 
frere, qu'as tu fait ? la voix du 
sang de ton frere crie de la terre 
vers moy. Il l'aprend de toute 
  la terre en gros quand il est 
dit 
Gen. 6.     l'Eternel vit la malice 
des hommes estre tres-grande 
sur la terre, & dit, ie racleray 
de dessus la terre les hommes que 
j'ay creez. Il prend aussi cette 
cognoissance des actions 
de son Eglise en particulier, 
selon que Moyse dit en son 
Cantique, 
 Tu as mis deuant toy 
nos iniquitez, & deuant la clarté 
de ta face nos fautes cachees. 
Et le Prophete 
Ps. 50.  Nostre 
Dieu viendra & ne se tiẽdra plus 
coy : Il y aura deuant luy vn feu 
deuorant, & à l'entour de luy vne 
forte tẽpeste, il apellera les Cieux 
d'en haut & la terre pour juger 
son peuple. Et là parce que son 
peuple pẽsoit estre bien à couuert 
de l'ire de Dieu, pour la 
multitude de ses sacrifices, & 
pour la profession exterieure 
de son alliance, Dieu leur reproche 
  
leurs larcins, leurs 
adulteres, leurs desloyautez, 
& leurs medisances & calomnies, 
& dit  qu'as tu que faire de 
reciter mes statuts, & de prendre 
mon alliance en ta bouche, 
veu que tu hais correction, & as 
jetté mes paroles derriere toy ? 
si tu vois vn larron, tu cours 
auec luy : ta portion est auec les 
adulteres : tu lasches ta bouche 
à mal, & par ta langue tu brasses 
fraude : tu te sieds & parles contre 
ton frere, & mets blasme sur 
le fils de ta mere : tu as fait ces 
choses, & pource que ie m'en suis 
teu tu as estimé que veritablement 
ie fusse comme toy. Ie t'en 
redargueray, & deduiray le tout 
par ordre en ta presence. En 
somme, Dieu fait cét examen 
& cette obseruation des 
actes de chaque fidele en particulier, 
veu que vous voyez 
 
le Seigneur disant à Dauid 
touchant sa mauuaise action 
  tu l'as fait en cachete, mais (dit- 
il, touchant la punition) moy 
ie feray cette chose icy à descouuert, 
en la presence du Soleil, & 
en la presence de tout Israël. 
  Or Dieu se seant en son tribunal 
pour juger, y examine 
nos actions en deux façons, à 
sçauoir ou selon la rigueur de 
la loy, & en son ire ; ou selon 
sa grace & misericorde. Selon 
la rigueur de la loy (qui 
est le droict de la souueraine 
justice de Dieu ; en laquelle 
il examine l'homme tel qu'il 
est en soy) nul homme ne 
peut subsister deuant luy, 
puisque nul n'est exempt de 
peché, & que la loy prononce 
absoluëmẽt malediction contre 
le pecheur : qui est-ce que 
l'Apostre pose 
Gal. 3.     tous 
[ ceux ]   
 ceux qui sont des œuures de la 
loy (c'est à dire qui veulent 
estre jugez par la loy selon 
qu'ils l'auront accomplie par 
leurs œuures) sont sous malediction :  
car il est escrit, maudit 
est quiconque n'est permanent 
en toutes les choses qui sont escrites 
au liure de la Loy pour les 
faire   ; C'est le fondement 
qu'il pose 
Rom. 3. disant,  
 ce que la loy dit, elle le dit à ceux 
qui sont sous la loy, afin que toute 
bouche soit fermée & que tout 
le monde soit coulpable deuant 
Dieu : par-quoy nulle chair ne 
sera iustifiée deuant Dieu par les 
œuures de la loy : Car par la loy 
est donnée cognoissance du peché.  
   
Or remarquez ces mots, 
  qui est-ce qui subsistera ? Car ils  
ont quelque chose de plus 
 
expres que si le Prophete eust 
dit simplement, nul ne pourra 
subsister  : veu qu'ils deffient 
tout particulier, quel qu'il 
puisse estre, de quelque qualité 
& condition qu'on le puisse 
conceuoir, afin de leuer 
toute exception d'homme 
viuant ; Et considerez que 
demandant & interrogeant 
de la sorte, il oblige vn chacun 
à entrer en l'examen de sa 
conscience, & voir en quel 
estat elle est enuers Dieu, & 
comment elle pourra subsister 
deuant luy, afin de pouuoir 
vn chacun répondre à 
l'interrogation que le Prophete 
nous fait.
  
Enseignement notable, 
d'autant que nous viuons 
sans examiner nostre conscience, 
& sans faire reflectiõ 
 de nos actions à nostre comparution 
deuant le tribunal 
de Dieu. A raison dequoy Salomon  
Ecles. 12. dit, 
 Toy qui 
chemines selon que ton cœur 
te meine, & selon le desir de tes 
yeux, sçaches que pour ces choses 
Dieu t'amenera en iugement . 
   
Voy donc, ô fidele, quel 
est ton cœur enuers Dieu, & 
quel a esté tout le cours de ta 
vie. Voy l'vne & l'autre table 
de la loy. En la premiere, si tu 
n'as point manqué és deuoirs 
de pieté, si tu ne t'es point 
defié de la grace de Dieu & de 
ses promesses, ou plustost 
combien tu as peché par incredulité, 
combien tu as meslé 
l'amour du monde parmy 
celuy que tu deuois à Dieu, & 
combien tu as mis les craintes 
 
des hommes au dessus de 
celle de Dieu. Et icy tu verras 
combien tu es loin d'auoir 
aimé Dieu de tout ton cœur, 
de tout ton entendement & 
de toute sa force. Et en la seconde 
table, examine combien 
souuent il y a eu en ton 
cœur de la haine, que l'Escriture 
dit estre vn meurtre deuant 
Dieu : en tes mœurs & 
en tes actions combien d'auarice 
& d'injustice, en tes paroles 
combien de mensonge, 
& en tes pensées & affections 
combien de déreglement. 
Voy combien tu as defailly à 
l'assistance que tu deuois au 
pauure, & as esté infidele dispensateur 
des biens que Dieu 
t'auoit commis, ce qui est vn 
larcin deuãt luy. Voy si ta pureté 
a esté telle que mesmes 
 tu ayes eu en haine la robbe 
soüillée de la chair. Et pour 
recognoistre combien sous 
l'Euangile nous sommes éloignez 
de la perfection, & dire 
auec l'Apostre 
Philip. 3.     Ie 
ne me repute point estre déjà accomply, 
Considerons 3. choses : 
L'vne, le grand salut qui nous 
a esté mis deuant les yeux, & 
l'excellence du Royaume des 
Cieux qui nous a esté presentée 
par l'Euangile, infiniement 
au dessus de tout ce 
que ce monde peut auoir de 
plaisirs, de richesses & de 
gloire : afin que nous reconnoissions 
combien nous sommes 
coulpables de l'auoir negligée, 
ayans tant arresté nostre 
cœur à ce monde & à ses 
biens perissables. La seconde 
est l'estat de Iesus-Christ nostre 
   
chef, mort & crucifié au 
monde & ressuscité en nouueauté 
de vie : puisque nous 
deuions estre faits vne mesme 
plante auec luy à la conformité 
de sa mort & de sa resurrection. 
Or ie demande si le 
peché a esté mortifié dedans 
nous pour n'y auoir plus de 
vigueur, & si nostre vie a esté 
toute nouuelle, toute sainte, 
juste, spirituelle ? Ains combien 
est-ce que nous laissons 
au peché de vie & de vigueur, 
& que nous auons 
peu de vie pour les choses du 
Ciel ? 
La troisiesme est l'exemple 
de la charité de Iesus-Christ. 
Car il nous obligeoit d'aimer 
nos prochains & ses membres, 
comme il nous a aimez. 
Or il n'a pas refusé pour eux 
 son propre corps & son propre 
sang : combien donc sommes 
nous esloignez de ce que 
nous leur deuions, leur ayans 
souuent refusé quelque peu 
de nos biens & de nostre labeur ? 
Icy donc nous dirons 
auec Dauid 
Ps. 19.  qui est celuy 
qui cognoist ses fautes commises 
par erreur ? purge moy des fautes 
cachées, & des fautes commises 
par fierté. Or ces termes 
 qui 
est-ce qui subsistera ? defians 
tout homme quel qu'il soit, 
refutent fortement nos Aduersaires, 
quand, selon le Concile 
de Trente, ils enseignent 
que les hommes fideles en 
l'estat de grace & de regeneration 
paruiennent si auant 
qu'ils satisfont pleinement à 
la loy de Dieu, selon l'estat de 
cette vie, & meritent vrayement 
  la vie eternelle : Car cela 
est vne 
condradiction euidente 
à nostre texte : Et ne 
leur sert de dire qu'ils attribuent 
ce pouuoir de subsister 
deuant le tribunal de Dieu à 
l'homme en l'estat de grace 
& de regeneration par le S. 
Esprit, & non à l'homme en 
l'estat naturel de sa corruption : 
veu qu'en nostre texte 
c'est le Prophete qui parle de 
soy & de l'Eglise de son tẽps, 
criant à Dieu des lieux profonds, 
pour l'affliction en laquelle 
Dieu les auoit mis, recourant 
au pardon de Dieu, 
parce que si Dieu prenoit garde 
aux iniquitez, ils ne pourroiẽt 
subsister. A quoy se rapporte 
que Dauid parlant de 
soy, dit 
Ps. 143.  Seigneur n'entre 
point en iugement auec ton    
 seruiteur, car nul viuant ne sera 
justifié en ta presence , là où ces 
mots, 
 auec ton seruiteur , designent 
son estat en la grace : 
aussi au 
Ps. 32. là où selon que 
l'explique S. Paul, il declare 
la beatitude de l'homme à 
qui Dieu impute justice sans 
œuures, il parla de soy-mesme, 
disant, 
 I'ay dit, ie feray 
confeßion de mes pechez à l'Eternel, 
& il a osté la peine de mone 
 peché. Et sous le nouueau 
Testament, S. Iean tient de 
soy & des autres fideles vn 
propos de mesme substance 
que celuy de nostre texte, 
quand il dit, 
 Si nous disons que 
nous n'auons point de peché, nous 
nous seduisons nous-mesmes &  
                                1. Ieh. ch. 1 
                             
 verité n'est point en nous : si 
nous confessons nos pechez, 
Dieu est fidele & iuste pour    
 nous pardonner nos pechez, 
& nous nettoyer de toute iniquité. 
    
 Second Poinct. 
  
 POurtant aussi nostre 
Prophete recourt au 
throne de grace, disant,  Il y 
a pardon par deuers toy afin que 
tu sois craint. En quoy il y a 
deux choses requises conjointement  
& inseparablement 
en la vraye repentance, le recours 
au pardon, & le dessein 
d'amendement & de sanctification : 
le Prophete demandant 
à Dieu pardõ, non pour 
demeurer en ses pechez & offences, 
mais pour craindre 
Dieu, & le seruir.
  
  Il y a pardon deuers toy. 
La misericorde diuine à pardonner 
 aux pecheurs repentans, 
est vne proprieté qui resulte 
de sa nature toute bonne 
& toute encline à bien faire 
à sa creature : laquelle proprieté 
a esté manifestée depuis 
que l'homme eût peché, 
par le support duquel Dieu a 
vsé enuers luy, & par les richesses 
de sa benignité, de sa 
 
                             
                                Rom. ch. 2. 
                         patience & longue attente, 
par lesquelles il inuite les 
hommes à repentance. C'est 
pourquoy les nations mesmes 
que Dieu n'auoit pas esclairées 
de sa cognoissance, ont 
fait profession d'implorer la 
misericorde & le pardon de la 
Diuinité. Mais l'alliance de 
grace, qui auoit esté traictée 
auec Abrahã en Iesus-Christ, 
reueloit à plein, & promettoit 
expressement misericorde 
  & grace aux pecheurs repentans. 
Là Dieu témoigne 
auec serment qu'il ne veut 
point la mort du pecheur,  
 
                             
                                Ezech. 33. 
                         mais qu'il se conuertisse & 
qu'il viue : là il declare qu'il a 
pour sacrifices agreables le 
cœur froissé & brisé ; & que  
 
                            
                                Ps. 51. 
                         quand les pechez seroient  
 
                             
                                Es. 1. 
                         rouges comme cramoisi ils 
seront blanchis comme la 
neige, moyẽnant qu'on cesse 
de mal faire, & apprenne à 
biẽ faire. Là il declare qu'autant  
 
                             
                                Ps. 103. 
                         que les Cieux sont esleuez 
par dessus la terre, autant 
est grande sa bonté sur ceux 
qui le reuerent, qu'il a esloigné 
d'eux leurs forfaits, autãt 
que l'Orient est esloigné de 
l'Occident ; que de telle compassion 
qu'vn Pere est esmeu 
enuers ses enfans, de telle 
  
compassion est esmeu l'Eternel 
enuers ceux qui le craignent. 
C'est donc là dessus 
que le Prophete se fõde maintenant, 
quand il dit,  Il y a 
pardon pardeuers toy, aussi adjouste- 
il qu'il y a gratuité par- 
deuers l'Eternel, & redemption 
en abondance, & qu'il racheptera 
Israël de toutes iniquitez. 
Termes, par lesquels l'Esprit 
de Dieu a regardé la redemption 
que le Christ obtiendroit 
à son peuple sous le 
nouueau Testament, & de laquelle 
la grandeur immense 
nous est reuelée en l'Euangile, 
là où nous voyons que 
Dieu par ses compassions a 
donné son fils à ce que par sa 
mort il expiast les pechez du 
monde. C'est icy où nous 
voyons qu'il y a grace en 
 abondance, & misericorde 
immense pardeuers luy. C'est 
icy où il a fait voir des richesses 
de grace & de charité, 
voire a fait voir qu'il est tout 
charité, selon que dit S. Iean :  
 En cela est manifestée la charité 
de Dieu enuers nous, non point 
que nous ayons aymé Dieu, mais 
que luy nous a aymez & a donné 
son fils, pour estre propitiation 
pour nos pechez. C'est ce fondement 
que l'Apostre prend 
lors qu'il se iuge le premier  
 
                            1. Tim. 1. v. 
                                15. 
                         des pecheurs, disant, 
 Cette 
parole est certaine que Iesus- 
Christ est venu au monde pour  
  
                                 
                                    Rom. 5. 
                             sauuer les pecheurs, desquels ie 
suis le premier. Car là où le 
peché a abondé, la grace a 
abondé par dessus. Par ce 
moyen donc celuy qui ne 
pouuoit subsister deuãt Dieu, 
  trouue vne subsistance ferme 
& asseurée au sang de Iesus- 
Christ, puisque nous auons 
redemption en son sang : à 
sçauoir, remission des pechez 
 
                             
                                
Colloss. 1. 
                         selon les richesses de sa grace ; 
Et icy l'Apostre nous represente 
subsistans auec telle asseurance 
que nous puissions 
dire 
 qui est-ce qui condamnera ?  
                                 
                                    Rom. 8. 
                             
 Christ est celuy qui est mort. Et 
icy comme le fidele se void 
iustifié & purgé de tout peché 
par le sãg de Iesus-Christ 
deuant Dieu, aussi attend il 
icy bas tous effets de la grace 
& de la paix de Dieu parmy 
les miseres de cette vie ; & 
quand il voit la face de Dieu 
courroucée à cause des pechez, 
se prosternant deuant 
Dieu auec vraye repentance, 
il attend à cause du sang de 
  l'alliance toute grace & deliurance, 
selon qu'il sera expedient 
pour son salut & pour 
la 
gloite de Dieu. Et d'icy 
resulte, mes Freres, que par 
cette alliance la justification 
de l'homme est toute gratuite 
& toute par la foy, c'est à 
dire par le recours d'vn cœur 
repentant à la promesse de 
grace : selon que dit l'Apostre  
Rom. 4.  c'est par foy afin que ce 
soit par grace   : Et pretendre 
subsister par œuures & par 
perfection de justice est vne 
contradiction euidente, puis 
que la foy est le recours au 
pardon & à la misericorde. 
Quiconque donc subsiste deuant 
Dieu y subsiste en la maniere 
que propose icy le 
Prophet : 
à sçauoir en disant,  
 Seigneur si tu prens garde aux 
[ ini- ]   
 iniquitez qui subsistera ? mais il 
y a pardon pardeuers toy   ; qui est 
la maniere de subsister que 
Saint Iean propose, disant 
si nous confessons nos pechez, 
 
                            1. Jean. ch. 1. 
                         Dieu est fidele & juste 
pour nous pardonner nos pechez.
   
Or la foy en regardant le 
pardon en embrasse aussi la 
condition, à sçauoir de delaisser 
ses pechez & se conuertir 
à Dieu, pour le craindre & le 
seruir, selon que dit icy le 
Prophete, Il y a pardon par- 
deuers toy,  afin que tu sois 
craint , Car la crainte de Dieu 
exprime en general l'amendement 
de vie & l'obeïssance 
aux commandemens de 
Dieu. Pource que comme la 
cause de l'abandon au peché 
est de ne craindre point Dieu, 
 aussi le motif de l'obeïssance 
à Dieu & de la pureté de la 
vie, est de le craindre : selon 
qu'il est dit 
Prouerb. 16.  par la 
crainte de l'Eternel on se détourne 
du mal. Pourtant Salomon 
definit la crainte de Dieu par  
 hair le mal , 
Prouerb. 8.  la crainte 
de l'Eternel est de hair le mal , 
& communément craindre 
Dieu & se détourner du mal, 
ou garder ses commandemens 
sont pris pour vne mesme 
chose, comme 
Iob 28.  la 
crainte de l'Eternel est la sapiance, 
& se détourner du mal est intelligence   : 
& 
Eccles. 12.   crain 
Dieu & garde ses commandemens, 
car c'est le tout de l'homme. 
De là vient qu'au 
Ps. 19. la 
crainte est prise pour les commandemens 
de Dieu, 
 Les 
 mandemens de l'Eternel sont    
 droits, le commandement de 
l'Eternel est pur, la crainte 
de l'Eternel est nette demeurante 
à perpetuité  , &c. La condition 
doncques du pardon 
est le renoncement aux pechez 
& l'obeïssance à Dieu : 
selon que dit Salomon 
Prou. 
28.  qui confesse ses pechez & les 
delaisse obtiendra misericorde. 
Toute nostre humiliation est 
feintise & hypocrisie deuant 
Dieu sans cela. Car comment 
peux-tu, ô homme, gemir 
pour tes pechez, si tu n'as dessein 
de t'en retirer ? as-tu de 
la tristesse pour ce à quoy 
presentement tu donnes ton 
cœur & ton amour, & dont 
tu ne te veux point departir ? 
viens-tu pas te mocquer de 
Dieu comparoissant de la 
sorte en sa presence ? En tel 
  estat ton humiliation exterieure 
& ton jeusne adjouste 
mesmes vn nouueau crime à 
tes iniquitez, à sçauoir l'hypocrisie, 
& le mépris de Dieu, 
& par ton cœur endurcy & 
qui est sans repentance, tu 
t'amasses ire au iour de l'ire & 
du juste jugement de Dieu. 
Nos pechez donc sans l'amendement 
de nostre vie 
demeurent rouges deuant 
Dieu comme vermillon. Car 
Dieu n'a promis de les lauer 
que sous la condition qu'il a 
exprimée, 
Esa. 1.  lauez-vous, 
nettoyez-vous, ostez de deuant 
mes yeux la malice de vos actiõs, 
cessez de mal-faire, apprenez à 
bien-faire, recherchez droicture, 
redressez celuy qui est foulé, faites 
droit à l'orphelin, debattez la 
cause de la vefue   : autrement, 
  dit-il, 
 quand vous estendrez vos 
mains, ie cacheray mes yeux arriere 
de vous, mesme quand vous 
multiplierez vos requestes ie ne 
les exauceray point   : & 
chap. 58.   Est-ce là le jeusne que i'ay choisi, 
que l'homme afflige son ame vn 
iour ? est-ce en courbant la teste 
comme le jong, & estendant le 
sac & la cendre ? appelleras-tu 
cela jeusne & iour acceptable à 
l'Eternel ? n'est-ce pas icy plustost 
le jeusne que i'ay choisi, que 
tu dénouës les liens de méchanceté, 
que tu rompes de ton pain à 
celuy qui a faim, & que tu faßes 
venir en ta maison les affligez 
qui sont en pauure estat, quand 
tu vois celuy qui est nud que tu le 
couures, & que tu ne te caches 
point arriere de ta chair, adonc 
ta lumiere s'esleuera comme 
l'aube du iour, & ta guerison    
 germera incontinent, ta iustice 
ira deuant toy, & la gloire de 
l'Eternel sera ton arriere-garde . 
  
Or remarquez ce mot [Afin 
afin que tu sois craint] lequel  
nous apprend que le but 
de Dieu en l'exercice & dispensation 
de sa grace à pardonner, 
est nostre amendement 
& sanctification. Et cela 
estant, comment pouuons 
nous obtenir pardon si nous 
ne tendons à son but & n'y 
rapportons toutes nos resolutions ? 
Certes, la saincteté  
estant de la nature de Dieu, 
s'il nous reçoit à mercy, il 
faut que ce soit pour nous 
rendre participans de son 
image en justice & saincteté. 
Il se renieroit soy-mesme s'il 
acquiesçoit à l'estat des vices 
 & pechez de l'homme. De 
sorte que c'est par vne necessité 
indispensable que Dieu 
requiert que le pecheur qui 
reçoit grace & pardon s'estudie 
à craindre & à cheminer 
en ses commandemens. Aussi 
c'est à quoy se termine toute 
l'œuure de nostre redemptiõ, 
à sçauoir de nous rendre 
saints & purs deuant Dieu : 
selon que l'Escriture nous dit  
Tit. 2.  Iesus-Christ s'est donné 
soy mesme pour nous, afin qu'il 
uous recheptast de toute iniquité,  
& nous purifiast pour luy 
estre vn peuple peculier addonné 
à bonnes œuures.  Et 
Eph. 5.   Il a aimé l'Eglise & s'est donné 
soy-mesme pour elle, afin qu'il 
la sanctifiast, l'ayant nettoyée 
au l'auement d'eau par la parole,  
& qu'il se la rendist vne Eglise   
 glorieuse, n'ayant tache ny ride 
ny autre chose. S. Pierre au 
au 
2. de sa 1.  Il a porté nos pechez 
en son corps sur le bois, afin 
que mourans au peché, nous viuions 
à justice   ; Pourtant Saint 
Iean dit que 
 si nous cheminons 
en lumiere comme Dieu est lumiere, 
nous auons communion 
auec luy, & le sang de son fils 
Iesus-Christ nous purge de tout 
peché , ne recognoissant le 
sang de Iesus-Christ estre 
alloüé qu'à ceux qui satisfõt 
à la fin & au but de la foy 
& de l'Euangile. Et icy s'aneantit 
l'objection des profanes 
qui disent, nous pecherons 
afin que grace abonde ; 
veu qu'au contraire la 
grace ayant pour but de nous 
faire mourir à peché, nul ne 
peut obtenir la grace qu'il ne 
[tende]   
tende à cette fin. Et d'icy resulte 
que si nous demandons 
à Dieu pardon de nos pechez 
simplement pour détourner 
de dessus nous ses iugemens, 
& les miseres dont nous sommes 
menacés, & si nous n'auons 
autre but, c'est l'amour 
de nous-mesmes & l'aise de 
nostre chair qui nous cõduit, 
& non la foy & la vraye repentance. 
Car pour celle-cy 
il faut que nous demandions 
à Dieu pardon des fautes passées 
pour nous en abstenir à 
l'aduenir, & mieux craindre 
Dieu que nous n'auons 
fait. 
Mais aussi de ces Mots 
[ afin que tu sois craint ] apprenons  
quelle est la nature de la 
vraye crainte de Dieu & de 
l'obeïssance que Dieu requiert, 
à sçauoir non vne 
 
crainte & obeïssance seruile, 
que la seule apprehension de 
la peine & des jugemens produit, 
mais vne crainte filiale, 
consistant en reuerence & 
amour, & prouenante du 
sentiment de la bonté paternelle 
de Dieu enuers nous, 
puis que le Prophete veut 
que nous craignions Dieu de 
ce qu'il y a pardon pardeuers 
luy ; & par consequent que la 
persuasion de la misericorde 
de Dieu produise cét effet. 
Et c'est là, mes Freres, le vray 
motif Euangelique, d'estre 
incitez par la contemplation 
de la grande bonté de Dieu 
enuers nous, à nous consacrer 
à son seruice & à son obeïssance : 
selon que S. Pierre 
nous propose la qualité de 
Pere & le prix inestimable par 
 
lequel Dieu nous a racheptez 
pour nous porter à le 
craindre.  Si, dit-il, vous inuoquez 
pour Pere celuy qui sans 
auoir esgard à l'apparence des  
personnes, iuge selon l'œuure 
d'vn chacun, conuersez en crainte 
durãt le temps de vostre sejour 
temporel, sçachans que vous 
auez estez racheptez de vostre 
vaine conuersion qui nous auoit 
esté enseignee par vos Peres, non 
point par choses corruptibles, 
comme par or ou par argent, 
mais par le precieux sang de 
Christ comme de l'agneau sans 
sans macule & sans tache . 
    
 Application & Conclusion. 
  
 APpliquons nous maintenant 
ce propos.
  
Le Prophete tant pour soy 
 
que pour toute l'Eglise de 
son temps crioit à Dieu des 
lieux profonds, Entrons en 
nos consciences, mes Freres, 
pour voir s'il y a vne telle tristesse 
d'auoir offensé Dieu 
que le Prophete l'a proposée, 
à sçauoir non legere & superficielle 
qui est sans fruit, mais 
profonde & efficacieuse. Sentons 
donc, sentons nos pechez, 
afin que nous n'en sentions 
les peines : gemissons 
pour nos offenses, afin que 
nous ne gemissions pour nos 
calamitez. Voyons combien 
nous auons entassé de pechez 
& d'offenses les vnes sur les 
autres, afin que la hauteur & 
profondeur nous en estonne, 
& que de là dedans comme 
de dedans vn abysme profond 
nous nous escriions à 
 
Dieu. Ne regardons pas à 
la subsistence que Dieu nous 
donne, & à l'estat de paix & 
de tranquilité dans lequel 
nous nous trouuons par son 
support : Mais à ce que nous 
meriterions de sa iustice & de 
son courroux, aussi bien que 
plusieurs Eglises effectiuement 
destruittes & desolées, 
ou miserablement troublées, 
& nous verrons vn gouffre 
de calamitez dont il faudra 
que nous criions à Dieu. Et 
pour nous joindre icy à l'interest 
de nos concitoyens, 
quand nous voyons les profondes 
ruïnes dans lesquelles 
sont tombez par la guerre 
tant d'Estats estrangers auparauant 
tres-florissans : ne 
deuons nous pas reconnoistre 
en leur calamité, celle 
 
en laquelle nous eussions 
pû nous trouuer, si Dieu 
n'eust par sa grande bonté 
frustré le dessein des ennemis 
de cét Estat, & n'eust 
maintenu & beny la Couronne 
de nostre Roy ? Et au 
regard d'vn chacun de nous, 
mes Freres, voyans les miseres 
& ruines où sont tombées 
plusieurs familles particulieres 
qui n'estoient point 
plus coulpables que les nostres, 
gemissons à Dieu de la 
profonde misere où nous serions, 
si Dieu ne nous eust espargnez ; 
Et ne doutons point 
que Dieu prepare encor diuerses 
fosses profondes de 
maux pour nous y faire 
cheoir, si nous ne nous amendons ; 
Nous souuenans des 
propos de Iesus-Christ touchant 
 
les Galileens, dont 
Pilate auoit meslé le sang 
auec les sacrifices, & touchant 
les 18. personnes sur 
lesquelles estoit tombée la 
Tour de Siloé.  Pensez-vous, 
dit-il, que ceux-là eussent offensé 
plus que les autres ? non, vous 
dis-ie : Mais si vous ne vous 
amendez, vous perirez tous 
semblablement . 
  
Que nos cris ne soient pas 
simplement ceux que la nature 
extorque des hommes 
en leurs maux ; mais ceux 
que la pieté & la vraye repentance 
pousse vers le Ciel par 
le desplaisir d'auoir peché & 
irrité le Seigneur. Que ce 
soient des cris d'vne inuocation 
religieuse que la foy 
produise en nous ; pour recourir 
à celuy mesmes qui 
 
nous menace, & implorer sa 
grace & son esprit à nostre 
amendement & conuersion : 
afin qu'à la profondeur de 
nostre corruption, il oppose 
la profondeur de sa vertu & 
de ses compassions à nostre 
sanctification & consolation.
  
Et cependant recueillons 
des paroles de nostre Prophete 
cette consolation, 
qu'encor que le throne de 
Dieu soit infiniment esleué  
au dessus de nous, il n'y 
a rien de si profond en la 
terre en miseres, d'où nos 
prieres & nos soupirs ne 
montent à luy : Fussions nous 
dedans le fonds de la mer & 
du ventre de la Baleine comme 
Ionas : ou dans les profondes 
cauernes de la terre 
comme Dauid pendant la 
 persecution de Saül : ou en la 
fosse des lyons comme Daniel ; 
ou au fonds des prisons 
comme Paul & Silas en la 
ville de Philippes, nos gemissemens 
& nos cris paruiendront 
à Dieu & seront 
ouys au throne de sa grace : 
A ce que nous experimentons 
ce que dit l Apostre  
Rom. 8.  que ni hautesse ni profondeur 
ne nous pourra separer 
de la dilection qu'il nous a monstrée 
en Iesus Christ. Et qu'il y 
a à l'opposite de toute la hauteur 
& profondeur de nos 
miseres, vne longueur & largeur, 
vne hauteur & profondeur  
 de la dilection de Christ, 
laquelle surpasse tout entendement , 
comme cela est dit  
Ephes. 3.    
Et pour presenter nos prieres 
 deuant le throne de sa 
Majesté, souuenons-nous de 
commencer par la recognoissance 
& la confession qu'à 
faite icy nostre Prophete,  
 Si tu prens garde aux iniquitez 
Seigneur qui est-ce qui subsistera ? 
  faisons comme ce pauure 
peager qui n'osant leuer 
les yeux au Ciel frappoit sa 
poitrine disant, 
 ô Dieu sois 
propice à moy qui suis pecheur   ; 
& comme Esdras, 
 Mon Dieu 
i'ay honte, & suis trop confus 
pour esleuer ma face vers toy. 
Car nos iniquitez sont multipliées 
par dessus la teste, & nostre 
coulpe est accreuë iusqu'aux 
Cieux. Les fideles 
Ps. 106. disoient, 
 Nous auons peché 
uec nos Peres, nous auons fait  
iniquement, nous auons meschamment 
fait. Nos Peres n'ont    
 point esté attentifs à tes merueilles 
en Egypte, Ils n'ont eu 
souuenance de la multitude de 
tes gratuitez. C'est ce qu'il 
faut que nous disions de nous 
mesmes. Nous auions esté 
deliurez de l'Ægypte spirituelle, 
c'est à dire de la seruitude 
du peché & de la mort, 
& de celle des erreurs 
& superstitions du siecle : 
comment est-ce que nous 
auons vescu depuis ? quelle 
souuenance auons-nous euë 
de la multitude de ces gratuitez ? 
En quel estat de 
gratitude enuers Dieu est auiourd'huy 
nostre corps ? Mais 
quels pechez & quels crimes 
y a-il qui ne se trouuent parmy 
nous ! L'auarice y est-elle 
pas ardente, l'injustice, la 
fraude & l'iniquité frequentes 
 
& abondantes ? Les paillardises 
& les adulteres n'y 
font elles pas perir nostre 
sainte profession ? & les voluptez 
charnelles emportent- 
elles pas les esprits à trauers 
champs ? les plaisirs de la 
chair y font-ils pas mettre 
sous le pied toutes les considerations 
de la crainte de 
Dieu, portans les vns à la 
reuolte, & les autres à des 
mariages contraires à la pieté ? 
la gourmandise & l'yurognerie 
y a elle pas aussi sõ regne ? 
& le luxe & la vanité n'y 
engloutissent-ils pas les aumosnes ? 
les haines, les envies, 
les querelles & procez, 
les médisances & les calomnies 
y sont-elles pas choses 
communes ? & où est la reformation 
que nous professons ? 
 
n'estoit-ce pas en nos 
mœurs, aussi bien qu'en la 
doctrine, qu'il falloit que 
nous la monstrassions ? ne 
meritons nous pas doncques 
que Dieu nous oste son 
chandelier & nous traicte 
comme des ingrats, & des  
rebelles & contempteurs de 
son nom ?
  
I'aduoüe qu'il y a nombre 
de bonnes ames parmy nous 
qui gemissent à Dieu, & desquelles 
la pieté & l'integrité 
luy est agreable : aussi sont-ce 
elles qui arrestent son bras : 
Mais i'ay à dire deux choses. 
L'vne qu'encor celles là ont 
des defauts dont elles doiuent 
gemir & tascher de se 
corriger : & l'autre, que le 
nombre de ces personnes-là 
est petit, & qu'il ne va pas 
 
croissant.
  
Mais puis qu'ainsi est qu'il 
y a pardon pardeuers Dieu 
afin qu'il soit craint, voyons 
si nous auons le dessein de le 
craindre, & d'arrester le 
cours de nos offenses & iniquitez 
pour y renoncer dés 
ce moment, afin de cheminer 
en pieté, iustice & saincteté. 
Examinons si dés à 
present nous voulons mettre 
sous les pieds tous nos interests 
mondains pour glorifier 
Dieu par toutes nos actions 
& rechercher son Royaume 
& sa iustice, & si nous voulous 
rejetter tous nos plaisirs 
charnels, ayans deuant nos 
yeux l'excellence de la vocation 
de Dieu, & les richesses 
de la gloire de son heritage 
en ses Saints. Examinons 
 
si nous voulons changer nostre 
injustice en droicture & 
équité, nostre auarice en 
charité & beneficence : nos 
haines, envies, & mesdisances, 
en dilection & bienveillance ; 
nos excés en temperance. 
En somme, si nous 
voulons viure en ce present 
siecle sobrement, justement 
& religieusement.
  
Si ainsi est, mes Freres, 
nous experimẽterons qu'il y 
a pardon pardeuers Dieu, 
voire tant & plus de grace & 
de pardon. Dieu ratifiera 
dans le Ciel vostre pardon 
ainsi que nous vous l'annonçons 
aujourd'huy en son 
nom, & les Anges s'éjoüiront 
de nostre conuersion. 
Le Pere celeste ouurira les 
bras de ses compassions pour 
 
nous receuoir à mercy, & 
pour estendre sur nous ses 
benedictions & nous couurir 
de sa protection ; Icy nous 
verrons que quand nos pechez 
seroient montez iusques 
au Ciel, sa gratuité est encore 
au dessus. Iesus-Christ nostre 
mediateur se presentera pour 
nous à la bresche de l'ire de 
Dieu auec le sang de l'alliance, 
& nous obtiendra toute 
grace par son intercession. 
Ce Fils de Dieu nous reconnoistra 
pour les membres sacrez 
de son corps, & Dieu 
nous aura agreables en ce 
bien-aimé. Ainsi nous subsisterons 
par le merite de 
Iesus-Christ, & toutes choses 
desormais nous ayderont en 
bien : Nous serons esclairez 
des gracieux rayons de la 
[face] 
 
face de Dieu en tout nostre 
besoin ; sa prouidence admirable 
resplendira sur nous 
en deliurances, & l'esprit de 
sa grace remplira nos cœurs 
de consolation, iusqu'à ce 
que finalement il nous esleue 
en son Paradis pour estre rassasiez 
de joye en la contemplation 
de sa face, & joüir 
pes plaisirs qui sont en sa 
dextre pour iamais. Ainsi 
soit-il.