LE THRONE 
DE GRACE. 
OV SERMON 
 Fait en l'Eglise Reformée de Paris, assemblée 
à Charenton   le 7.Septembre 
de l'an 1642. jour 
de Cene. 
Sur les paroles, Hebr.4.I6. 
  Allons donc auec asseurance au throne 
de Grace. 
  
 LEs Vertus Morales ont esté 
rangées jadis par des hommes 
sages en deux bandes. Les vnes 
ont esté appelées premieres vertus, 
les autres,secondes. Les premieres 
vertus sont celles qui sont aimables 
d'elles mesmes. Les secondes ne le sont 
que pour suppléer au deffaut des autres. 
Par exemple , la Iustice est vne premiere 
vertu,parce qu'elle est aimable d'elle mesme, 
  
comme vn rayõ de l'image de Dieu. 
Mais la vaillance n'est qu'vne seconde 
vertu , qui presuppose manquement de 
iustice. Car si tous les hommes estoyent 
iustes,on n'auroit que faire de la vaillance. 
Chacun demeureroit en la possession 
de ce qui lui appartient, & laisseroit, ou 
rendroit ce qui appartient à autruy. 
  
Nous pouuons rapporter cette distinction, 
mise entre les vertus morales , aux 
vertus superieures , qui sont enseignées 
en L'Eglise de Dieu.Il y a semblablement 
des premieres vertus,& des vertus secõdes. 
Par exẽple: L'innocence, de laquelle Dieu 
auoit reuestu le premier hõme en sa creation, 
& en sa personne tout le genre humain 
est vne premiere vertu , aimable 
d'elle mesme,comme vn clair rayon, ou 
plustost vn assemblage exquis de plusieurs 
rayons de l'image de Dieu. Mais la 
 Repentance n'est qu'vne seconde vertu, 
qui n'est ni aimable ni souhaittable, que 
pour suppléer au manquement de l'innocence. 
Les bons Anges,qui ont gardé 
leur origine, sont demeurés en la possession 
de la premiere vertu. Mais les hommes, 
en estans decheus par leur peché,ne 
peuuent auoir aucun accés à Dieu, sinon 
[par] 
 
par cette seconde vertu, qui est la seule 
planche qui leur reste pour se sauuer. Et 
comme l'Escriture Saincte appelle le prix 
de l'innocẽce & de l'obeïssance,vie: Ainsi 
appelle elle le fruict de la repentance salut, 
parce que c'est vne vie renduë,& vne 
vie renduë par grace, & vne vie renduë à 
des criminels, ausquels tout le contraire 
estoit deu,c'est assauoir la mort. 
  
La mesme distinction,que nous conceuons 
entre nos vertus,peut estre rapportée 
aussi fort conuenablement aux vertus, 
que nous conceuons en Dieu.La premiere 
vertu,que Dieu a desployée enuers 
l'homme en sa creation,est sa Bonté,qui a 
produit son image en l'homme : Mais la 
 seconde vertu,que Dieu a desployée en sa 
Redemption, est sa Grace,qui a pour objet 
l'homme pecheur, mais l'homme pecheur 
repentãt,& recourant à son Dieu, 
appaisé enuers lui en la face de son 
Christ. Et cõme l'homme en l'estat d'innocence, 
eust trouué la felicité en la Bonté 
de son Dieu: Ainsi apres qu'il s'est eschappé 
par son peché,il ne la peut trouuer, 
qu'en sa Grace. 
  
Cette Table mystique, qui est dressée 
derechef auiourd'huy deuant nos yeux, 
 
Mes freres , n'est pas vne preuue de nostre 
premiere vertu, c'est assauoir de nostre 
 innocence : Mais vne marque de la seconde , 
c'est assauoir de nostre Repentance. 
Car nous n'y venons pas, comme 
innocens à la Bonté de nostre Dieu, 
mais comme repentans nous recourons 
à sa Grace, qu'il nous a departie au Fils 
de sa dilection. De faict nous sommes 
obligés d'y cercher les gages & seaux de 
nostre reconciliation auec luy, & de les 
cercher par le moyen d'vn Mediateur 
d'vne nouuelle Alliance. 
  
Et puis que Dieu est si gracieux enuers 
nous,que d'agréer cette seconde vertu,& 
de nous dresser à cette Table vn Throne 
de grace : Tant nostre deuoir que nostre 
interest nous conuient de nous y rendre, 
pour y trouuer non seulement les gages 
de la grace de nostre Dieu,mais aussi les 
moyens de nostre sanctification,à fin que 
celuy qui a versé son sang pour nous,cõme 
nostre Redempteur, verse son Esprit, 
comme nostre Chef,sur nous,par lequel 
nostre repentance soit accreuë, nostre 
foy fortifiée,nostre charité embrasée,nostre 
zele réueillé,nostre esperance entretenuë, 
& nostre sanctification auancée. 
[C'est] 
 
C'est aussi le moyen de penetrer dés icy 
bas au delà du voile,d'auoir part à la mãne 
cachée, & de gouster & sauourer les 
vertus du siecle à venir. 
  
Pour nous disposer à vn si salutaire deuoir, 
& nous restreindre quant & quant 
dans l'enceinte de l'heure, nous nous arrestons  
à peu de paroles:mais à des paroles 
celestes & rauissantes, par lesquelles 
l'Apostre S.Paul resueilla jadis les Hebreux: 
leur representant par forme d'illation, 
puis que Dieu leur auoit ouuert 
derechef cette porte de grace,que de leur 
donner  vn Souuerain Sacrificateur,Sainct, 
innocent,sans macule,separé des pecheurs, 
qui auoit fait la purgation des pechés par 
soy-mesme , & qui estoit exalté par dessus 
les Cieux , tel neantmoins , qui auoit 
aussi voulu  auoir compassion de nos 
infirmités, & estre tenté de mesme que nous 
en toutes choses hormis peché; Qu'ils allassent 
 donques auec asseurance à ce Throne de 
grace  . 
  
Et ces paroles se rapportent fort bien 
aux actions de preparation, qui nous furent 
faites la semaine passée : L'vne de 
nous disposer par l'espreuue de nous 
mesmes à cette saincte Table: L'autre,de 
 
nous presenter deuant Dieu,non en qualité 
 d'esclaues,auec vn esprit de seruitude, 
mais en qualité d'enfans auec vn esprit 
d'adoption. Et comme nous auions besoin 
d'estre disposés de nous mettre en estat 
conuenable,pour pouuoir approcher du 
Throne de grace:aussi auõs nous besoin 
à present,d'estre exhortés d'y aller, & de 
nous presenter deuant Dieu,A quoy seruirõt 
ces paroles diuines de nostre Apostre, 
qui vous ont esté leuës presentemẽt: 
Esquelles il nous propose I.Vn Benefice 
qui est offert, c'est assauoir vn Throne de 
grace, II. Vn deuoir qui est demandé, 
c'est assauoir , d'aller vers ce Throne, 
III.La maniere qui y est requise,c'est assauoir 
d'y aller auec asseurance.   Allons auec 
asseurance au Throne de grace . 
   
Dv I.
  Ce n'est pas sans grande raison, que l'Apostre 
parle d'vn 
throne & d'vn 
Throne de 
grace. Les Thrones sont marques de 
dignité & 
d'authorité. A qui est ce que l'hõme  
                            Pseaume Ì04.I.2.3
                        pecheur a à faire ? A vn 
 Dieu reuestu 
de Majesté & de Magnificence, qui s'enueloppe 
de lumiere, comme d'vn vestement, 
qui estẽd les cieux comme vne courtine,qui 
planche ses hautes chambres entre les eaux, 
[ qui ]   
 qui fait des grosses nuées son chariot, qui se 
pourmeine sur les aisles du vent,qui fait des 
vents ses Anges,& du feu bruslant ses seruiteurs . 
Et à vn Dieu qui 
 est Juge de toute la 
                                
                                    Genes. i8.25.
                             
 terre. 
   De faict les Thrones sont donnés en 
l'Escriture Saincte 
à deux sortes de personnes:  
Premierement,aux 
Rois & Monarques , 
aux 
 Puissances ordonnées de Dieu ,
                            
                                Rom. I3.1. 
                         enuironnées de splendeur & de Majesté, 
& releuées au dessus du reste des hommes, 
qui sont les Lieutenans de Dieu en 
terre, ses 
Oincts, par excellence, personnes 
sacrées , voire 
 Dieux, & Enfans du 
                                
                                    Pse. 82.6.
                             
 Souuerain , comme l'Esprit de Dieu les 
qualifie luy mesme. Pour cet effet ils sont 
representés en l'Escriture Saincte, esleués 
sur des Thrones. Et en ce sens le Throne 
est vne marque incommunicable de la 
Royauté. C'est pourquoy, quelque honneur 
que Pharao vueïlle estre rendu à 
Ioseph,releué sur vn char Royal, & establi 
sur tout le pays d'Egypte, à qui chascun
                            
                                Genes.4I.40.
                           deuoit baiser la bouche ,(selon la façon 
des Anciens, à rendre leurs hommages, 
soit à leurs idoles,soit aux puissances superieures 
en leur reception, ) il se reserue 
neantmoins l'honneur du Throne. 
  Ainsi l'Escriture Saincte nous represente 
fort particulierement le throne de Salomon,  
                            1. Rois I0.I8.19.20
                        & en sa matiere, & en sa forme, 
l'vne & l'autre exquise, auec ses degrez, 
accoudoirs & ornements , comme vne 
marque de sa magnificence royale. Ainsi 
Eglon a son throne, le Roy de Niniue le 
sien, & Iehoiakim estant restabli par le  
                            2. Rois 25.28.
                        Roy de Babel en sa Royauté,il est dit que,  
 son throne fut mis au dessus du throne des 
autres Roys  , qui estoyent en Babylon. 
D'où vient aussi, que les thrones sont 
prins par fois pour les Roys mesmes,ou 
pour la Royauté , à la façon des Hebreux, 
qui nomment Dieu 
la Puissance,la Gloire, 
le Nom, le Ciel , par excellence. 
Ainsi le Sage dit au liure des Prouerbes:  
Que   le throne est establi par iustice   : & que  
                            
                                Prouer.16 I2. & 29. I4.
                            
                          le throne du Roy qui fait iustice en verité, 
 aux chetifs, sera establi à perpetuité . 
   Les thrones aussi sont communiqués 
quelques fois aux 
Iuges,comme exerçans 
des actes approchans de la souueraine 
puissance. C'est en ce sens,que la parole 
de Dieu fait mention non seulement du 
throne de 
maiesté de Salomon, mais aussi  
                            I.Rois 7.7
                        de son , 
 Throne de Iugement . Ainsi l'Ancien
   
                            Dan.7.9.
                        des iours, se representant en Iuge, 
[appa-]   apparoist sur vn throne, & aux Apostres 
sont promis 
 douze thrones pour iuger les 
                                
                                    Matth.19 28.
                             
 douze lignées d'Israel. 
   Les Anges aussi sont nommez Thrones,
                            
                                Colos. I.16.
                         non seulement parce que Dieu auoit 
son siege jadis entre les Cherubins, & estoit 
assis sur l'Arche , comme sur vn
                            
                                Psal.80.2.
                         throne, mais aussi parce qu'il se sert de 
leur ministere,soit au gouuernement,soit
                            
                                Dan.I0.3.
                         en l'affermissement, ou au reuersement 
des thrones,soit en leur restablissement. 
   Mais vn throne est attribué icy au Fils 
de Dieu, en vn autre sens, & ce par excellence, 
pour marquer sa 
Royauté & sa  
Iudicature tout ensemble.Et c'est en quoi 
l'Escriture Saincte begaye auec nous.Car 
ne nous pouuant representer Dieu 
tel 
qu'il est , elle nous le represente 
tel que 
nous sommes,&pour nous faire comprendre 
tant sa Maiesté de maistre,que sa 
souueraine authorité de Iuge de toute la terre, 
elle nous propose Dieu sur vn throne, 
sur lequel les 
Anciens mesmes & les 
Animaux 
                            
                                Apocal.7.9.
                         le voyent assis en la Ierusalem 
celeste. 
   
L'Escriture Saincte aussi represente 
Dieu fort souuent sur son throne,pour 
abbaisser l'homme , & le disposer à vne 
 saincte reuerence enuers celuy à qui il a 
à faire, comme estant logé en lieu éminent, 
non seulement pour decouurir ses 
crimes,mais aussi pour les punir, & lancer 
ses foudres de bien haut sur la teste 
des comtempteurs de sa Maiesté. De fait 
c'est la premiere disposition, qui est necessaire 
au pecheur,pour se presenter deuant 
Dieu , comme il appartient, qu'il 
cõçoiue, que Dieu est sur vn throne,par 
consequent plein de Maiesté, & que tant 
ce throne que celuy qui y est assis, est au 
dessus de sa teste.Autrement l'homme se 
hausse & s'enfle aisément,par ce premier 
venin,que le Diable luy inspira jadis au 
Paradis terrestre, estant plein de l'opinion 
de sa grandeur, & de ses forces,sur 
tout quand il est né en la pourpre, ou 
qu'il se voit eleué sur le pinacle,ou qu'il 
rencontre vn Theatre fauorable au monde, 
ou quand il ne regarde qu'en bas & 
au dessous de soy , & ne voit que choses 
ou egales ou inferieures. Mais quand il  
                            
                                Psea.I04.32.
                        leue la teste en haut, & considere Dieu 
sur son throne , 
 deuant qui la terre s'esbranle, 
 
                                
                                    Esa.6.2.
                             les montagnes fument , les Anges 
 
                                
                                    Iac.2.I9.
                             se couurent, les Diables tremblent   , & 
qui 
 
                                
                                    Psea.29.4 5.7.8.9.
                            a vne voix forte & magnifique , qui brise 
[ les ]   
 les Cedres, qui jette des esclats de flamme 
de feu, qui fait trembler les deserts, qui fait 
faonner les biches , & decouure les forests   : C'est alors qu'il apprend à s'abbaisser,& 
à recognoistre ses foiblesses.Pendãt que 
Pharao ne voit pas Dieu sur son throne, 
il respond auec insolence à Moyse: 
 Qui 
                                
                                    Exod.5.7.
                             
 est l'Eternel, que j'obeisse à sa voix? Ie ne congnois 
point l'Eternel . 
 Mais quand Dieu se 
monstre sur son throne,& entasse playes 
sur playes, il apprend vne autre leçon,il 
change de ton & de langage, & vient aux 
prieres & soumissions. 
   Mais c'est chose digne de consideration, 
que l'Apostre non seulement fait 
mentiõ d'vn throne,mais aussi d'vn 
throne 
de grace. En effect l'Escriture Saincte 
represente Dieu sur 
trois sortes de 
thrones. 
 I. Sur vn 
throne de 
Maiesté, & 
de 
Gloire.C'est sur ce throne qu'Isaie le cõtemple 
en vne admirable vision, où raui
                            
                                Esa.6.I.2.3.
                         en esprit, il voit 
le Seigneur seant sur vn 
 throne haut & esleué,ses pans remplissans le 
temple, les Seraphins se tenans au dessus de 
luy, & couurans leurs faces & leurs pieds 
de leurs aisles , & crians l'vn à l'autre, 
Sainct, Sainct, Sainct, est l'Eternel:tout ce 
qui est en toute la terre, c'est sa gloire. En 
   second lieu Dieu est representé sur 
vn 
throne de iugement, & c'est sur ce throne  
                            
                                Daniel 7.9.
                        que Daniel voit 
l'Ancien des iours 
estre assis, throne qui estoit comme flamme 
de feu,& ses roües comme feu ardent.Et c'est 
de ce throne que parle le Psalmiste , 
quand il dit, que 
 nuée & obscurité sont à 
 
                                
                                    Ps.97.2.
                             l'entour de luy, & que iustice & iugement 
sont l'assiete de son throne. Mais icy l'Apostre 
nous parle d'vne 
troisiesme sorte de 
throne, c'est à sçauoir d'vn 
throne de grace. 
De fait le 
throne de Maiesté & de 
gloire est inaccessible à l'homme pecheur. D'où 
vient que Moyse demandãt de voir toute  
                            
                                Exod.33.I9.20.
                        la gloire de Dieu, Dieu luy promet 
de   faire passer toute sa bonté deuãt sa face,mais 
adiouste,
 tu ne verras point ma face : Car 
l'homme ne me verra point,& viura. 
   
Veritablement,si nos yeux sont tremblans, 
en la contemplation des Astres,& 
esblouys par l'aspect du soleil en sa sphere 
qui n'est qu'vne pure creature,que les 
Hebreux nomment du nom de Ministre, 
pour le distinguer d'auec le Maistre, afin 
que la splendeur de ce grand porte flambeau 
du monde ne portast les hommes 
au delà de l'admiration deuë à vne Creature : 
A plus forte raison sommes nous 
[esblouys] 
 esblouys & confondus par la contemplation 
de cet 
 Orient d'enhaut ,
&de ce   Soleil 
de iustice , lors qu'il n'apparoit,& n'est 
regardé qu'en sa gloire. Les ames glorifiées 
mesmes,quoy qu'elles participent à 
vne plus haute lumiere , contemplans 
Dieu sur ce throne, en sont rauies, se
                            
                                Apocal. 4. I0.II. & 7.II.
                         prosternent,iettent leurs couronnes aux 
pieds de celuy qui y est assis, l'adorent,& 
tesmoignent leur rauissement interieur 
par des expressions exterieures,& par vn  
Halleluia continuel, se deuestans de toute 
gloire pour la donner toute entiere à 
Dieu, quoy qu'elles soyent parées d'ailleurs 
de 
robbes blanches,marques de leur 
pureté , fournies de 
harpes ,marques de 
leur ioye, & ornées de 
couronnes, marques 
de leur gloire. 
   Mais si l'homme pecheur ne peut souffrir 
l'esclat 
 du throne de la Maiesté de 
Dieu , il ne peut non plus souffrir la rigueur  
 du throne de iustice . Adam s'enfuit
                            
                                Genes.3.8
                         deuant Dieu,& se cache,quand il contẽple 
Dieu sur ce throne. Quand Dieu paroist 
sur ce throne au desert de Sina en
                            
                                Exod.20.I8.
                         Legislateur & en Iuge,& que les Israëlites 
ne voyent que feu , fumée , esclairs, 
tourbillons, obscurité, n'entendent que 
  foudres,tonnerres,tempestes, vn son esclattant 
de cornet , & le retentissement 
de la trompette,(marque symbolique de 
la nature de la Loy, & de ses effects au 
regard de l'homme pecheur ) non seulement 
la montagne tremble,& les Israelites 
en sont esperdus, mais Moyse mesmes,  
                            
                                Hebr.I2.2I.
                        quoy qu'accoustumé aux apparitiõs 
celestes, 
 en est espouuanté , & en tremble 
 
                                
                                    Apocal.6.I2.&c.
                             tout . Et de fait, comme iadis à l'ouuerture 
du sixieme seau on n'apperceuoit que 
tremblements de terre,cheutes d'estoiles, 
esbranlemens de montagnes & bouleuersemens 
des choses les plus fermes: 
ainsi à la publication de ces formidables  
                            
                                Gal.3.I0.
                        paroles, 
 Maudit est, quiconque n'est permanent  
en toutes les choses qui sont au liure 
de la loy pour les faire ,il n'y a conscience, 
qui ne soit contrainte de trembler , ouurant 
ses liures, examinant ses pensées, 
paroles,actions, & y articulant ses omissions 
& ses commissions. 
   
L'homme pecheur donc n'ayant aucun 
accés vers le Throne de la gloire de Dieu, 
ny vers le throne de sa iustice, il ne luy reste 
aucune autre consolation , sinon que 
Dieu se presente à luy sur vn autre throne, 
c'est à sçauoir sur vn throne de grace: 
[Thro-] 
 Throne que Dieu a dressé en l'Euangile, 
sur lequel il se fait voir en Souuerain veritablement, 
auec vne dispensation arbitraire & 
libre de ses dons,mais en Souuerain 
appaisé enuers les siens, voire en 
Pere fauorable & propice à ses enfans, 
desployant en leur faueur toutes les dimensions 
de sa charité leur faisant comprendre
                            
                                Ephes.3.18.
                         quelle en 
 est la largeur , la longueur, 
la profondeur, & la hauteur,& la dilection 
de son Christ, qui surpasse toute cognoissance. 
Mesmes nous pouuons dire 
que non seulement Dieu paroist en ce 
mystere sur vn throne de grace , mais 
aussi que la grace y paroist comme sur vn 
throne,Dieu le Pere s'y monstrant plein 
de grace enuers l'homme pecheur, le Fils 
de Dieu plein d'amour, l'Esprit de Dieu 
plein de douceur,les Anges pleins de ioye. 
C'est à bon droit doncques,qu'à l'exhibitiõ 
de ceste œconomie salutaire, vne 
estoile se leue au ciel, messagere celeste 
d'ũ message celeste,&messagere lumineuse 
d'vn message plein de lumiere. Le ciel 
s'y ouure en grace, les armées celestes 
chantent 
 en terre paix, & enuers les hommes 
                                
                                    Luc 2.I4.
                             
 bonne volonté  .La mesme grace est cõfirmée 
non seulement par vn Zacharie, 
  prophetizant, par vn Simeon benissant, 
& par vne Anne loüant Dieu, mais aussi 
par des apparitions frequẽtes,& par cette 
voix toute Euangelique , qui retentit  
                            
                                Matth.3.I7.I7.5. 
                        souuent des Cieux : 
 Cettuy cy est mon Fils 
bien aimé, en qui i'ay prins mon bon plaisir ;  
                            
                                Iean I2.28.
                        adioustons , pour l'amour duquel ie le 
veux prendre és fils des hommes.L'Esprit 
de Dieu descend en ceste œconomie non 
en forme de Lyon,ny de vautour,mais de 
Colombe, animal sans fiel , sans armes, 
sociable , & plein de douceur, marque 
symbolique de la proprieté que Dieu reuest 
en l'Euangile.Le Ciel y est rejoint auec 
la terre, la Creature auec son Createur, 
l'homme auec son Dieu.Celuy-là y  
                            
                                Dan.9.24.
                        estant apparu, qui selon les predictions 
anciennes, 
deuoit   mettre fin à la desloyauté, 
consumer le peché, faire propitiation pour 
l'iniquité, amener la iustice des siecles  , &  
                            
                                Colos.I.20
                        qui a accompli le tout en l'accomplissement  
                            
                                Ephes.2.I4.
                        des temps,ayãt esté 
 fait nostre paix , 
& estant deuenu luy-mesme 
nostre paix. 
   
En somme celuy,qui se presente icy sur 
vn throne de grace, est tel ,que nous auons 
en luy & vn Prophete,pour remedier 
à nostre ignorance, & vn Sacrificateur, 
pour expier nostre iniustice, & vn Roy, 
[pour] 
 pour subuenir à nostre foiblesse , voire 
vn Sacrificateur , & vne victime, & vne 
oblation, & vn autel, & vn Intercesseur 
tout ensemble 
: Bref vn Mediateur parfait,&  
nostre tout, capable de remedier à 
tous nos maux , & de nous combler de 
tous ses biens. Mystere veritablement 
grand,& admirable,non seulement aux 
hommes,mais aussi aux Anges, veu que  
 Dieu a esté manifesté en chair, iustifié en 
                                I.Tim.3.16.
                             
 esprit , veu des Anges, presché aux Gentils, 
creu au monde, & enleué en Gloire. Mystere, 
auquel il y a vn temperament admirable 
de Iustice,& de Grace,& vn assemblage 
de diuerses merueilles , où vne 
mesme faute se trouue punie,& pardonnée, 
les criminels condamnés & absous, 
voire les coulpables absous,& l'innocẽt 
puni sans iniustice.Harmonie qui 
ne pouuait estre conceuë , ny proposée, 
que par vne sapience esgale à l'estre de 
Dieu, c'est à sçauoir infinie & eternelle. 
Mystere, l'accomplissement duquel l'Eglise 
Ancienne a souhaitté auec ardeur, 
qu'
Abraham a preueu auec ioye, que 
Iacob a attendu auec confiance , que
 Iob a 
sçeu auec consolation : que tant de Roys 
& de Prophetes ont desiré de voir, que 
  tant de sainctes ames ont veu, & à l'exhibition 
duquel l'Eglise a esté de tout 
temps exhortée 
de se leuer, de 
s'esgayer, 
de j
etter des cris des  j
ouissance . De fait les 
Herauts de ce mystere n'annoncent que 
des paroles toutes Euangeliques: 
 N'ayez 
 
                                
                                    Luc 2. 10.
                             point de peur, ie vous annonce vne grande 
 
                                
                                    Marc 9. 2.
                             joye . 
   Aye bon courage , tes pechez te sont 
pardonnez . 
   Qui croit au Fils de Dieu, ne 
 
                                
                                    Ioh.3.16.
                             perira point . 
   Il n'y a point de condemnation 
 
                                
                                    Rom 8.1.38.
                             à ceux qui sont en Jesus Christ : Rien 
ne nous separera de la dilection de Dieu .  
                            
                                Phil.I.21.
                          Christ m'est gain à viure & à mourir . 
   C'est donc à bon droit, que Dieu est 
representé en l'Euangile sur vn 
throne de 
grace,ce throne estant l'vnique refuge du 
pecheur. Quand Dieu se presente sur 
son throne
 de gloire, il faut que l'homme  
                            
                                Esa.2.I5.
                        voile sa face , 
 qu'il entre en la roche, & se 
cache en la poudre, à cause de la frayeur de 
l'Eternel & à cause de la magnificence de 
sa hautesse . 
 Ainsi quand il se presente sur 
son 
throne de iustice à des pecheurs abandonnez 
à leur peché , ils sont contraints 
de trembler, 
 & de dire aux montagnes, & 
 
                                
                                    Apocal.6.I6.
                             aux roches, tombez sur nous, & nous cachés 
de deuant la face de celuy qui est assis sur le 
throne,& de deuant l'ire de l'Agneau . 
[Mais]     Mais quand Dieu se presente assis sur 
son throne de 
grace, à son Eglise, nõ plus 
auec 
 vn vent grand,& impetueux, fendant 
                                I. Reg.I9.II.12.
                             
 les montagnes, & brisant les rochers,  
ni auec vn tremblement, ny auec des flammes 
deuorãtes,mais auec vn son coy & subtil   :  Il ne sort d'autres voix de ce throne, 
que des voix de consolation, des paroles 
de joye. 
 Consolez,consolez mon peuple, parlez 
                                
                                    Es. 40.I.2.
                             
 à Ierusalem selon son cœur , son iniquité 
est tenue pour acquittée. I'ay trouué la rançon . 
    Voici mon seruiteur , ie le maintiendray. 
                                
                                    Es. 42.I.2.3.
                             
 C'est mon esleu. mon ame y prend son 
bon plaisir. Il ne criera point, & ne se haussera 
point,il ne brisera point le roseau caßé,& 
n'esteindra point le lumignon fumant  . 
   Ne 
                                
                                    Rom.I0.6.7.8.9.
                             
 di point en ton cœur, qui montera au ciel, ou 
qui descendra en l'abysme, la parole est pres 
de toy en ta bouche, & en ton cœur. C'est 
la parolle de la foy, laquelle nous preschons. 
Car si tu confesses le Seigneur Iesus de ta 
bouche, & si tu crois en ton cœur, que 
Dieu l'a ressuscité des morts, tu seras sauué . 
   Mais Dieu s'est il presenté sur ce 
throsne 
de grace par obligation, ou par necessité 
ou par quelque autre motif qui ait 
son principe en nous ? Nullement. 
 Ce 
                                
                                    Lam.3.12.
                             
 sont les seules gratuités de l'Eternel que    
 nous n'auons pas esté consumés. L'Esprit 
de Dieu ne nous represente autre cause 
de ceste grace, que la grace mesme que 
l'amour de Dieu , & son bon plaisir,  
                            
                                Ioh.3.i6.
                        que 
 Dieu a tant aymé le Monde, qu'il a 
 
                                
                                    Matt.II.25.
                             donné son Fils vnique  , que
 son bon plaisir  a esté de le reueler, & que 
 Dieu y a recommandé 
du tout sa dilection enuers nous . 
Dieu pouuoit s'arrester sur son throsne 
de gloire, & agir auec nous en Maistre, 
estre assis sur son throsne de justice, & 
traitter auec nous en Iuge, & d'vne & 
d'autre façon consumer les pecheurs par 
ses 
ardeurs eternelles, laissant tout le genre 
humain soubs la malediction, dans laquelle 
il s'est plongé par sa faute,& exerçant 
ses jugemens sur vne creature rebelle. 
   
C'est doncques vn pur effect de la grace 
de Dieu, qu'il se trouue sur ce throsne 
& par consequent c'est à bon droict 
qu'il est appellé throsne de grace. La grace 
l'a ordonné, la grace l'a establi, la grace 
l'a manifesté, la grace l'offre, la grace 
l'applique, la grace l'affermit & le conserue. 
Sans ce throsne de grace tous les 
hommes ensemble eussent esté bannis eternellement 
de toute communion auec 
[Dieu] 
 Dieu en grace & en gloire. Car le throne 
de gloire n'est que pour des creatures 
glorieuses , ni le throne de justice, 
que pour des creatures justes , mais le 
throsne de grace est pour des creatures 
pecheresses, qui sõt estẽdues 
és porches de 
                            
                                Ioh.5.
                          Bethesda , couuertes de toutes sortes de 
maux & de miseres,qui n'ont pas besoin 
seulement que 
l'Ange du conseil de Dieu descende,& que le lauoir soit rendu salutaire 
par son mouuement, mais aussi que 
les poures malades mesmes y soyent portés 
& plongés par luy. 
   Il ne faut pas douter aussi , que l'Apostre 
ne fasse icy allusion, au Propitiatoire
                            
                                Rom.3.24
                         ceremoniel du Tabernacle , cognu aux 
Hebreux, & empreint bien auant à leurs 
esprits , qui estoit vn 
Throsne de grace, 
parce que Dieu y promettoit grace à 
ceux qui l'y inuoquoyent,ayans ou leurs 
yeux, ou leur pensée dressée vers le lieu 
de ce throne. En effect Dieu estoit conceu 
par ce peuple , comme assis sur le
                            
                                Psal.80.2.
                         Propitiatoire entre les Cherubins,& les
                            
                                Hebr.9.4.
                         Tables de la Loy estoyent dans la concauité 
de l'Arche,de sorte que ce propitiatoire 
couuroit deux choses ensemble, & 
l'Arche,& la Loy, pour representer symboliquement 
  deux mysteres ensemble, 
que le Fils de Dieu couure son Eglise par 
sa puissance, & la Loy par son obeyssance. 
Et comme le liure de la Loy a esté arrousé 
jadis par le sang des victimes, ainsi 
la Loy ne pouuoit estre satisfaitte que 
par le sans du Fils de Dieu. Dont cette  
                            
                                Hebr.9.19
                          aspersion  fût jadis faitte & sur le liure & 
sur le peuple, l'vn pour representer 
l'expiation des pechés,l'autre pour en representer  
l'application aux consciences. Il y 
auoit aussi des Cherubins à l'ẽtour de ce 
Propitiatoire,qui embrassoyent l'Arche, 
& regardoyent tellement le Propitiatoire, 
qu'ils s'entreregardoyent aussi eux-mesmes. 
Tout cela estoit mysterieux, 
pour prefigurer le Fils de Dieu, comme 
estant celuy, en qui Dieu seul se monstre 
appaisé enuers son peuple, au Nom duquel 
nos prieres doiuent estre conceuës, 
Qui a la garde des Anges pour soy , & la 
donne à son Eglise,& à qui les Escriuains 
tant du Vieil que du Nouueau Testamẽt 
ont regardé vniquement , qui mesmes 
s'entreregardent entre eux, tant par vne 
conformité absoluë de leurs productiõs, 
que par l'esclaircissement qui se tire de 
leur entreueuë mutuelle. 
[Mais]     Mais s'il y a vne grande conformité 
entre ce throne symbolique de grace , & 
le Fils de Dieu , il y a aussi beaucoup de 
difference entre l'vn & l'autre , l'vn estant  
l'ombre,l'autre 
 la viue image des choses .
                            
                                Hebr.I0.I.
                         Le throne ancien estoit inaccessible, 
sinon vne fois l'année en la feste d'expiation,
                            
                                Leuit.I6.
                         & ne l'estoit qu'au seul Souuerain 
Sacrificateur, ou en cas de quelque 
pollution,à son substitué, si nous croyõs 
les Iuifs ; de sorte qu'il estoit gardé soigneusement 
à l'approche de cette feste, 
pour euiter toute contamination ceremoniale, 
affin qu'il peust estre admis à 
cette saincte action,qui estoit vne haute 
gloire pour luy. Mais le throne de grace 
dressé au Nouueau Testament , est de 
toute autre nature, estant accessible & à 
tous pauures pecheurs repentants, & en 
tout temps. De sorte que l'Eglise Chrestienne 
a vn grand aduantage sur la Iudaïque. 
Quoy que les pauures Iuifs ayent 
esté tellement attachés à vn Propitiatoire 
materiel , & à vn temple de mesme 
nature, (voulans tousiours,comme leurs 
peres, ) auoir 
 des Dieux qui marchassent 
                                
                                    Exo.32.I.
                             
 deuant eux , & des obiects materiels de 
leur deuotion qu'ils ne pûrent s'empescher 
   
de verser des larmes apres leur retour 
de la captiuité de Babylon, voyans 
la structure de la seconde Maison estre 
beaucoup inferieure à la premiere, & y 
considerans parmi d'autres deffauts aussi 
celuy de l'Arche & de son propitiatoire. 
  
Ce titre donc de Throne de grace, que 
l'Apostre employe, estoit domestique & 
familier aux Hebreux , qui par vne impression 
ancienne & hereditaire arrestoyent 
toutes leurs pensées & toute leur 
deuotion à ces symboles exterieurs, & 
ne faisoyent estat que de ce seruice pedagogique. 
Et l'Apostre porte par mesme 
moyen vn flambeau dans le Tabernacle, 
& represente aux Hebreux, que les lampes 
deuoyent estre esteintes, le rideau tiré, 
le voile deschiré, le pauillon ancien 
renuersé, le propitiatoire materiel mis à 
quartier. Qu'vn autre propitiatoire deuoit 
estre consideré, vn autre throne de 
grace sans comparaison plus excellent 
que le premier, qui estoit la realité & la 
verité du propitiatoire symbolique dressé 
jadis en faueur de leurs Peres. 
  
Et d'autant que deux choses peuuent 
arrester l'homme, à ce qu'il n'approche 
[pas] 
 
pas de Dieu : d'vn costé la consideration 
de sa chetiueté opposée à la Majesté de 
Dieu,de l'autre costé le sentiment de son 
impureté opposée à la saincteté de son 
Dieu : Icy l'Apostre remedie à l'vne & à 
L'autre apprehension. Car puis que c'est 
vn Throne de grace, sur qui Dieu se monstre 
en l'Eglise, il n'y veut pas accabler 
l'homme pecheur par sa Majesté,ni l'atterrer 
par sa rigueur , mais y déployer 
 grace pour grace. Les criminels ne sont 
jamais produits sans frayeur ni espouuantement 
deuant des Souuerains assis 
sur leurs thrones,ni deuant des Iuges assis 
sur leurs sieges judiciels, quand ils ne 
se representent autre objet que leur majesté 
ou leur justice : Mais quand les lettres 
de grace leur doiuent estre expediées, 
ou insinuées, ils se presentent auec 
confiance,quelque crime qu'ils ayent sur 
leurs testes. 
  
Nous pouuons dire aussi, que le meslange 
que l'Apostre fait icy, est admirable. 
L'homme a besoin de deux choses, 
pour pouuoir estre consolé de la puissance 
de celuy à qui il a son recours, & de sa 
 bonté. Nostre Apostre pourvoit ici à l'vn 
& à l'autre : & fait mention d'vn costé 
 
d'vn throne , marque de Majesté & de 
Puissance, qui peut soulager : de l'autre 
 d'vn throne de grace , marque de bonté, 
que Dieu le veut faire, & le rendre illustre 
par l'vn & par l'autre moyen. La cõsideration 
seule de la puissance d'vn 
Grand, abbat, celle de sa grace seule ne 
releue qu'à demy, mais la consideration 
de l'vne & de l'autre ensemble sert à l'entiere 
consolation de celui qui se jette entre 
ses bras. 
  Mais on peut demander icy,quelle raison 
il y a, que l'Apostre attribuë vn throne 
à vn Sacrificateur. Cela semble estre 
peu conuenable à la personne qu'il auoit 
representée peu auparauant. Les thrones 
estans pour les Roys & pour les Iuges,& 
nullement pour les Sacrificateurs. Nous 
pourrions respondre, I. Que ce throne 
n'est pas attribué icy au Sacrificateur, 
mais à celuy aupres de qui le Fils de 
Dieu exerce la charge de Sacrificateur, 
entant que luy mesme rapporte tout l'exercice 
de sa charge en l'estat de son abbaissement 
à Dieu son Pere. Ainsi Sainct  
i 
                             Ioh.2.I.2
                        Iean dit que 
 nous auons vn Aduocat enuers 
 
                                
                                    Ioh.I0.50 & 
                                    12.44.48.
                             le Pere  . Ainsi le Fils de Dieu nie, que  
 sa doctrine soit sienne , ou 
qu'  il cherche sa 
[ gloire ].   
 gloire . Quoy que cela ne prejudicie en 
rien à l'excellence de son estre,ni à son égalité 
auec Dieu. II. Ioignez à cela,que 
le Fils de Dieu n'est pas seulement Sacrificateur, 
mais aussi Roy. La figure en a esté 
exhibée jadis en Melchisedec , qui
                            
                                Heb.7.
                         joignit l'ephod & le sceptre ensemble : 
L'accomplissement s'en trouue au Fils 
de Dieu. Comme doncques vn autel luy 
conuient , entant qu'il est Sacrificateur, 
ainsi vn throne luy conuient tresbien, 
entã qu'il est Roy. C'est pourquoy il est 
introduit en l'Apocalypse,non seulemẽt 
deuant 
le throne, comme nostre Intercesseur , 
mais aussi 
sur le throne comme nostre 
Roy.Et mesmes,il rend les siens participans 
de l'vne & de l'autre dignité,les 
rendant vne 
 Sacrificature Royale , & les
                            I.Pierre 2.9
                         faisant 
Rois & Sacrificateurs à Dieu. Soit
                            
                                Apoc.5.I0
                         donques , que nous entendions par ce  
throne de grace,la misericorde du Pere,ou 
la grace du Fils,l'vne & l'autre interpretation 
s'accordent tresbien ensemble. Et 
il conste assez par diuers passages, que le 
Fils de Dieu reuest diuerses sortes de 
qualités à diuers esgards, & est tout ensemble 
& la victime, qui est immolée 
pour nous,&le Sacrificateur qui l'immole, 
  & l'autel quant & quant, sur lequel 
elle est immolée,& auec tout cela Roy &  
                            
                                Mich.5.2.
                          dominateur en Israel   à qui 
 Dieu a donné 
 
                                
                                    Psal.2.8.
                             pour heritage les Nations, & pour possession 
les bouts de la terre . 
     
Du II.
  
Mais ce n'est pas assez de sçauoir le Benefice, 
que l'Apostre nous propose , il y 
faut joindre le Deuoir qu'il exige. Ce deuoir 
est d'aller vers ce throne de grace, 
ou d'approcher de ce throne. Icy la matiere 
que l'Apostre met en auant est considerable, 
entant qu'il veut qu'on aille ou 
qu'on approche, & la forme, en laquelle 
il la propose,entant qu'il dit,allons ou approchons. 
  Ceste exhortation nous apprend,Que 
nous sommes naturellement esloignez 
de ce throne. Et veritablement il y a en 
nous vn abysme de maux,qui nous en esloigne; 
soit que nous regardions nos 
 pechés , 
 
                                
                                    Es. 59. 2.
                             qui font separation entre Dieu & entre 
 
                                
                                    Psal. 5. 5.
                             nous  , 
 nostre Dieu n'estant pas un Dieu 
qui prenne plaisir à meschanceté, ou chez qui 
le mauuais seiourne  , soit que nous regardions 
les 
peines de nos pechés, c'est assauoir 
[uoir]   
nos miseres , qui sont vn appanage 
inseparable des pechés , par consequent 
des pecheurs , esloignés du throne de 
grace. Miseres representées à l'homme 
non seulement par son bannissement du 
Paradis terrestre , mais aussi par le denombremẽt 
des peines que Dieu luy denonça 
bien tost apres son peché, dont la 
plus grande est son esloignement d'auec 
Dieu,comme à l'opposite sa felicité consiste 
en sa communion auec luy , qui ne 
peut estre restablie apres le peché , sinon 
par son approche au throne de grace. 
  Il appert aussi,que non seulement nous 
sommes esloignés naturellement de ce 
throne,mais aussi que nous sommes tous 
dignes d'en estre esloignés , entant que 
nous sommes tous 
 enfans d'ire  ,   enclos sous 
                                
                                    Ephes.2.3.
                             
 rebellion  ,&   qu'il n'y a nul iuste d'entre nous, 
                                
                                    Rom.11.32 & 3.10.
                             
 non pas un seul . 
   
Ioint que l'homme est non seulement 
esloigné naturellement de ce throne, & 
digne de l'estre,mais il ignore aussi absolument 
ce throne, & ne croit pas souuẽt 
en auoir besoin , qui n'est pas vne des 
moindres parties de sa misere. Et veritablemẽt 
la chair ne découure pas ce throne, 
 la raison naturelle ne le monstre pas, 
le Monde ne l'apperçoit pas.Il n'y a que 
des guides celestes, qui nous puissent découurir 
ce throne , & nous donner & 
l'enuie de le cercher , & le moyen de le 
trouuer, & la volonté constante de nous 
y arrester. Et de vray nul ne cognoist ce 
throne sans reuelation speciale, en partie 
exterieure;que l'Euangile fournit, en 
partie interieure , que l'Esprit de Dieu 
donne. Dieu à la verité tesmoigne en general 
sa Bonté à ses creatures par les œuvres 
de la creation, & celles de sa prouidence, 
faisant 
 luire son soleil sur les bons & 
sur les mauuais, & descẽdre sa pluye sur les 
iustes & sur les iniustes  :mais non sa grace 
ni sa face appaisée enuers l'homme pecheur 
en celle de son Christ. D'où vient 
que l'Apostre appelle l'Euangile vn 
 mystere   
                            1.Tim 3.16.
                        & vn 
 mystere de pieté , vn 
 mystere 
 
                                
                                    Rom. 16. 25. 26.
                             teu dés le temps jadis, mais manifesté & 
donné à cognoistre par les Escritures des 
Prophetes . C'est pour la mesme raison, 
que la naissance du Fils de Dieu n'a esté 
notifiée que par des tesmoins celestes, 
soit par reuelations exterieures, soit par 
inspirations interieures, soit par l'apparition 
miraculeuse , & d'vne estoile au 
[ciel,]   
ciel,& des armées celestes. En effect c'est 
le priuilege de l'Eglise Chrestienne de 
sçauoir,qu'il y a vn throne de grace dressé 
aux pauvres pecheurs , & quel est le 
moyen d'en approcher. Les Payens ont 
eu veritablement leurs supplications,lustrations, 
victimes,hecatombes, ou pour 
détourner l'ire de leurs Dieux , ou pour 
attirer leur beneficence , mais ils ne les 
ont jamais conceu sur vn throne de grace, 
tel que Dieu a establi & reuelé en l'Euangile. 
Il faut qu'vn Apostre notifie 
qu'il y a vn throne de grace , sur qui est 
fondé ce throne,& quel est le moyẽ d'en 
approcher. 
  La mesme exhortation de l'Apostre 
nous apprend,que nous auons besoin d'y 
estre appellés , & que nous n'en approchõs 
pas de nous mesmes. L'homme fait 
toute autre chose plustost que de penser 
à cest acte, ou de se mettre en deuoir de 
l'executer. Ce luy est vn acte incogneu.  
 L'homme animal ne comprend pas les choses 
                                1 Cor.2.14.
                             
 qui sont de l'Esprit de Dieu , & ne les peut 
entendre,d'autant qu'elles se discernent spirituellement . 
Et comme les Philosophes 
disent tresbien,que les choses incognuës 
ne font aucune impression sur nostre cõuoitise: 
  
Ainsi ce throne estant incognu à 
l'homme,il faut qu'il luy soit proposé,& 
qu'il soit incité d'en approcher , auant 
qu'il le fasse. 
  Ceste exhortation nous enseigne aussi, 
que l'homme a besoin d'approcher de 
ce throne,& le doit faire.C'est ce qui n'a 
peu estre persuadé à beaucoup de Payẽs, 
ni estre digeré par eux.Il croyoyent souuent, 
que leurs Dieux leur deuoyent de 
reste,& qu'ils auoyẽt assez de vertu pour 
meriter d'estre heureux. Quelques vns 
ont passé mesmes si auant,que de reprocher 
à leurs Dieux leur mescognoissance, 
& qu'ils ne les auoyent pas assez recompensés 
pour le seruice qu'ils leur auoyent 
rendu. Ainsi d'autres ont estimé, 
n'auoir pas besoin, que leurs Dieux fussent 
sur vn throne de grace, mais qu'ils 
pouuoyent comparoir devant vn throne 
de justice, & ajuster leur conduite auec 
leur deuoir,& auec les loix qui leur auoyent 
esté prescrites. Et veritablement 
nous pouuons dire que l'homme naist 
Pharisien,& porte ce charactere au mõde, 
estant plein d'orgueil & de presomption  
                            
                                Hab. 1. 16
                        de sa pretendue justice, 
 sacrifiant à 
son filé, & faisant encensement à sa rets . 
[Tout]   
Tout ce à quoy il arreste sa pensée, c'est 
vne justice Pharisaique,consistant en des 
deuoirs exterieurs,sãs penetrer à la source 
de ses maux,non plus qu'à celle de ses 
deuoirs,ni à la perfection,ou à l'estendue 
de ce que la Loy de Dieu requiert de luy. 
D'où vient qu'il presente souuent des 
pechés à Dieu pour des Iustices, comme 
faisoyent jadis les Payens,ou des œuvres 
de neant , comme les superstitieux leurs 
deuotions arbitraires , & les Iuifs leurs 
ceremonies , les détachans de leur vray 
but , & de leur rapport aux verités spirituelles. 
C'est aussi la cause pourquoy l'Euangile 
a si peu d'entrée vers l'homme 
pecheur,parce qu'il enseigne deux choses, 
que l'homme animal ne peut gouster, 
qu'il luy faille aller hors de soy mesme, 
pour trouuer le chemin à la vie, & qu'il 
luy faille recourir à vn throne de grace 
pour cet effect. Et ne faut pas s'en estonner, 
si l'Euangile a esté folie aux uns,scandale 
aux autres, comme chocquant & en 
ses principes, & en ses poincts de doctrine, 
& en ses maximes, tant la sapience pretẽduë, 
que la iustice imaginaire de l'homme. 
Les Gentils tenoyent la doctrine,de 
mettre leur confiance en la justice d'autruy 
 
pour folie , les Iuifs pour scandale, 
de la chercher en vn homme condamné 
par leur synagogue , & attaché à vne 
croix. L'Apostre ne s'arreste pas à tous 
ces prejugés, mais propose aux Hebreux 
vn throne de grace , auquel il leur falloit 
aller pour trouuer leur repos & leur 
vie. 
  
De fait , entant que l'Apostre requiert, 
qu'on aille vers ce throne , il monstre 
quant & quant,qu'il est bon & vtile d'en 
approcher. Nul n'est exhorté d'approcher 
du chemin de se perdre , ou de sa 
ruine, ou d'vn feu deuorant , ou du bord 
d'vn precipice,mais au contraire de s'approcher 
de ce qui luy peut estre auantageux 
& salutaire.Ceste exhortation porte 
donc quant & soy vne insinuatiõ douce 
du bien auquel nous sommes exhortés 
d'approcher, qui en effect est nostre 
souuerain bien,sans lequel nous ne pouuons 
ni euiter la mort,ni auoir accés à la 
vie. 
  
Il y a vne grande difference entre les 
exhortations de l'Esprit de Dieu, & celles 
qui sont faittes à l'homme d'ailleurs. 
L'Esprit de Dieu ne propose à l'homme 
que la vie,& le chemin pour y paruenir. 
[C'est] 
 C'est à quoy tendent toutes les semonces. 
Mais l'ennemi du genre humain ne 
propose que la mort & le chemin de perdition, 
quelque plastre, ou quelques dorures 
qu'il y apporte. Et quoy qu'il ne 
parle à nos premiers parens, que d'ouuerture
                            
                                Gen. 3.
                         d'yeux , & de semblance auec 
Dieu, son but est de les aueugler , & de 
leur arracher l'image de Dieu. C'est le 
but qu'il s'estoit aussi proposé és propositions 
faittes au Fils de Dieu, qui sont
                            
                                Matt.4.
                         toutes captieuses , & ne tendent qu'à le 
porter ou à deffiance, ou à ambition, ou 
à Idolatrie,soubs des pretextes fort plausibles. 
Les hommes aussi nous proposent 
souuent des maux pour des biens, ou des 
biens apparens pour des biens veritables , 
parce qu'ils manquent ou de cognoissance, 
ou de sincerité. Ainsi la Mere
                            
                                Iug.17.3.
                         de Mica manque de cognoissance, le portant 
à vn acte d'idolatrie. Et Saul manque
                            
                                Sam.18. 21.25.
                         de sincerité, engageant Dauid au cõbat 
contre les Philistins , soubs pretexte 
d'vne alliance fort auantageuse. Par fois 
l'vn & l'autre manquent aux hommes. 
Mais Dieu estant & plein de lumiere, & 
plein de bonté,les exhortations qui procedent 
de sa part,ne peuuent estre qu'auantageuses 
  
à l'homme. Il faut aduoüer 
cependant que les semonces ou de l'ennemi 
du genre humain, ou des hommes 
mesmes,& parfois de nos propres conuoitises, 
ne laissent pas d'auoir vn grand 
pouuoir sur l'homme,parce qu'elles symbolisent 
auec sa corruption,& s'accommodent 
à ses inclinations. Le lucre attire, 
l'vtilité amorce, la volupté charme,le 
monde gaigne ; entraine, rauit par des 
cordages forts & puissans. Mesmes on 
n'approche pas seulement des objects 
qu'il presente fort volontiers : pour peu 
qu'on les découure : on les cerche de soy 
mesme, on s'y pousse, on s'y jette à corps 
perdu. Ne faut que la veüe de la manteline 
& d'vn lingot à Achan, ne faut que 
l'esclat des talens & des robbes de rechãge 
à vn Gehasi , ne faut que la presentation 
de trente deniers à vn Iudas, ne faut 
que la veuë de Batseba à vn Dauid mesme 
pour les porter au peché. Et il en est 
du bien & du mal,qui est proposé à l'hõme, 
comme des bonnes plantes , & de 
jets bastards au regard de la terre : celles 
là ont de la peine à prendre racine,ceux- 
cy au contraire se prouignent sans aide, 
& on a assez de peine de les empescher 
[de] 
 
de se multiplier. 
  
Comme doncques l'homme doit auoir 
pour suspectes les exhortatiõs des hommes, 
cognoistre auant que juger, & considerer 
auant qu'agir , si les biens qui luy 
sont proposés sont veritables ou apparens , 
s'ils sont stables ou passagers, s'ils 
luy sont en aide au principal bien, ou en 
empeschement , s'ils sont capables de le 
rendre pire ou meilleur : Ainsi n'a-il pas 
à marchãder à l'opposite. Quand l'Esprit 
de Dieu luy propose quelque object, ou 
l'exhorte à quelque deuoir,il ne peut que 
trouuer son interest dans son deuoir, & 
ne peut manquer dans son obeyssance. 
Les guides celestes ne sont pas comme 
les feux volages,qui conduisent vers des 
lieux marescageux ou pleins de precipices, 
mais comme l'estoile qui meine les 
Sages d'Orient vers vn object glorieux & 
auantageux tout ensemble. 
  
Vn tel messager celeste est l'Apostre ici, 
exhortant les Hebreux d'aller vers le 
throne de grace. Où il represente par 
mesme moyen , que ce throne est tousjours 
accessible. Les thrones des Grands 
de ce monde ne le sont pas tousiours.Il y 
a des barrieres & des defenses,qui les entourent 
 
des huissiers , & des gardes qui 
en empeschẽt l'accés. L'approche en est 
souuent interdite, comme en la Cour des 
Rois de Perse & de Mede : Il faloit estre 
appelé,auant qu'oser se presenter.Il y alloit 
mesme de la vie d'en vser autrement. 
Et tel pouuoir estre l'estat des sujets,qu' 
ils n'osoyent pas mesmes approcher de 
l'entrée de la Cour de leurs Princes. Par 
exemple, il leur estoit interdit,de s'y faire 
voir, lors qu'ils auoyent reuestu vn equippage 
lugubre , de peur de trauerser 
les contentemens de leurs Princes , mesmes 
par la presentation d'vn objet triste. 
Il en est tout autrement  du throne de la 
grace de Dieu , il est tousiours accessible 
aux pauvres pecheurs repentans. Et tant 
s'en faut que Dieu leur en interdise l'abord, 
qu'il les y conuie. Et l'equippage, 
que les Rois de Perse & de Mede vouloyent 
estre banni de leur cour & de leur 
veüe, est celuy, qui est le plus agreable à 
Dieu,c'est assauoir vn port de deüil,& vn 
estat lugubre. 
  
C'est en quoy il y a vn auantage indicible 
aux pecheurs , de ne manquer jamais 
de communication , ni en leurs joyes, 
ni en leurs tristesses. Non seulement 
[la] 
 
la tristesse qui ne se peut essorer , affaisse 
& accable l'homme, mais mesme la joye 
luy est pesante,quand il n'a à qui la communiquer. 
C'est donques vn tesmoignage 
de la bonté singuliere de Dieu enuers 
l'homme,de luy auoir voulu dresser 
vn throne,auquel il peut s'approcher en 
tout temps, ou pour y verser ses doleances, 
& demander des biens, ou pour rendre 
graces pour eux qu'il a receus. 
  
Mais , dira-on , l'Apostre en parlant 
d'vn  throne de grace  ne ramene il pas les 
Hebreux au tabernacle ancien ? ne leur 
donne il pas occasion de prendre ses paroles 
à contresens, & de les rapporter à 
vn propitiatoire ceremoniel?Riẽ moins. 
Le Propitiatoire n'estoit plus en nature, 
depuis la desolation de la premiere Maison. 
Ils ne pouuoyent pas doncques y 
faire reflexiõ auec raison: Ioint que l'approche 
au propitiatoire ceremoniel estoit 
interdite toute l'année hors vn certain 
jour. Et icy il est parlé d'vn propitiatoire 
accessible en tout temps. En outre, 
le Propitiatoire legal estoit vn lieu 
clos à tout autre, qu'au Souuerain Sacrificateur. 
Et ce throne , duquel l'Apostre 
parle , est proposé comme ouuert aux fideles 
 
d'entre les Hebreux,indifferemment. 
Bref,l'Apostre combat fortement 
en toute cette Epistre l'obseruation des 
ceremonies anciennes , & presse l'enseuelissement 
de la Synagogue.Ils ne pouuoyent 
pas doncques estimer , que son 
intention estoit de la deterrer, & la mettre 
derechef en veuë. Mais, insistera-on, 
à quel propos donc se sert il de ce terme? 
Il le fait tres à propos , non seulement 
pour leur insinuer les rapports, que ce 
throne de grace auoit auec le propitiatoire 
ancien , que nous auons touché cy 
dessus, & leur presenter comme vne clef 
pour l'ouuerture de leurs mysteres , mais 
principalement pour s'accommoder à la 
portée d'vn peuple materiel, rempli d'idées 
de mesme nature ; & qui ne conceuoit 
rien plus haut,que le Sanctuaire ancien 
auec ses ornemens.Parler à ces gens 
d'vn propitiatoire,  d'un throne de grace , 
estoit leur imprimer beaucoup plus fortement 
les verités spirituelles de l'excellence 
& de l'vtilité de ce throne.De fait, 
c'est le langage ordinaire des Prophetes 
de representer à ce peuple parce qu'ils estimoyent 
le plus,ce qu'ils deuoyent estimer 
de la sorte. 
 [L'A-]   L'Apostre aussi exhortant les Hebreux 
d'aller vers ce throne de grace , monstre 
qu'elle est la condition des enfans de 
Dieu , c'est assauoir 
 d'aller  , de marcher 
d'auancer.Ils doiuent estre dans vn mouuement 
perpetuel , estre des vrays 
Hebreux , 
passer touiours 
 plus outre , voire  
 courir en la lice & poursuiure constamment 
                                
                                    Hebr. 12. 1.2.
                             
 la course qui leur est proposée , regardans à 
Iesus Chef & Consommateur de la foy  . Ceux 
là qui s'arrestent au marché,& y demeurent 
oysifs , sont tancés par le Fils de
                            
                                Matt. 20.3.
                         Dieu,& enuoyés à la besongne.Et de fait 
les enfans de Dieu imitẽt les corps celestes, 
& se meuuẽt continuellement. Mais 
comme ces corps ont des mouuemens 
reguliers , les mouuemens des enfans de 
Dieu sõt de mesme nature.Leur but vnique 
est,d'approcher de ce throne de grace, 
& d'auancer journellement quelque 
pas,quelque demarche en ceste carriere. 
   
Mais on peut icy demander ce que c'est 
que l'Apostre entend par cette demarche 
ou par cette approche ? Vne approche 
ou demarche exterieure y est elle requise? 
Nullement. Comme ce throne n'est 
pas materiel, ni exterieur, ainsi l'approche 
de ce throne n'est pas de cette nature, 
  & ne le peut estre. Mais comme celuy 
là est spirituel, ainsi requiert il des actes 
spirituels & plusieurs actes conjoints, 
voire vn effort conjoint de toutes les 
puissances & facultés de nos ames. De 
fait,puis que le benefice,qui y est proposé, 
est spirituel,il faut vn acte de l'esprit 
pour l'obtenir. 
Approcher donc de ce 
throne , c'est le 
contempler auec joye , le  
desirer auec ardeur, 
s'y porter auec confiãce, 
& auec vn cœur embrasé de l'amour 
de son Dieu. Le premier degré de cette 
approche est la 
cognoissance de ce throne, 
l'autre, 
l'amour de ce throne,le troisieme 
la demarche mesme par nos 
prieres vers 
ce throne. Et veritablement les prieres 
sont vne espece d'approche vers Dieu, 
par laquelle Dieu est non seulement abordé , 
mais forcé par maniere de dire 
par vne ame Chrestienne qui ne le quitte 
pas, jusques à ce qu'elle ait obtenu la 
benediction. Ceste approche est extremement 
avantageuse à l'homme,& c'est  
                            
                                Pse.73.28.
                        en ce sens,que Dauid dit, 
 D'approcher de 
Dieu c'est mon bien . Ce n'est pas donques  
vn mouuement du corps, mais vn transport 
du cœur , non vn changement de 
lieu, mais vn changemẽt d'affection. Car 
[comme]   
comme l'ame où la partie animale a ses 
mouuements, ses fonctions, ses pas, ses 
demarches; ainsi l'Esprit, où la partie regenerée 
a des operatiõs semblables.Nostre 
cœur , ce viscere materiel qui est en 
nous , a vn mouuement naturel de dilatation 
& de contraction , dont l'artere 
sert d'indication. Ainsi le vray cœur de 
l'homme qui est le siege de ses affectiõs, 
a ses mouuemens , & ses approches. Il 
approche de ce qu'il aime,qu'il desire. Il 
s'esloigne au contraire , de ce qu'il haït, 
& qu'il a en auersion.Et ces mouuemens 
de nostre cœur sont d'autant plus considerables, 
qu'ils sont beaucoup plus forts 
que ceux de nostre corps, comme on a 
bien dit, que l'ame est plus là où elle aime, 
que là où elle anime.  
  
Et alors l'approche de nostre ame est 
vn mouuement fort & ardent, quand elle 
conçoit non seulement la dignité d'vn 
object , qu'il est excellent en soy , mais 
aussi son utilité,qu'il nous est auãtageux. 
Ce sont les deux ressorts par lesquels elle 
est esmeuë, & les deux cordages , par 
lesquels nous sommes attirés.Nous trouuons 
l'vn & l'autre en ce  throne de grace , 
que l'Apostre nous propose , & toutes 
 sortes de sujets imaginables qui nous y 
peuuent attirer,soit que nous regardions 
à 
l'excellence de ce throne, soit que nous 
regardions à 
l'utilité que nous en pouuons 
tirer,soit que nous fassions quelque 
reflexion sur la 
joye & la consolation que 
nous en pouuons perceuoir. Si nous regardons  
l'excellence de ce throne, c'est le 
chef d'œuvre de la sapience de Dieu , & 
vn effect admirable de sa bonté , & vn 
temperament merueilleux de sa justice,  
                            I. Pierre I. 12.
                        & de sa misericorde , que les 
 Anges mesmes 
desirent de regarder iusques au fonds . 
Si nous regardons 
l'utilité , voire la necessité 
de ce throne, nous trouuons , que 
c'est la seule chose qui nous est necessaire, 
& le chemin vnique à la vie, voire 
que c'est la vie eternelle de le cognoistre. 
Et mesmes vne ame fidele ne trouue aucun 
contentement semblable aux joyes 
& consolations, qui naissent de ceste salutaire 
contemplation,que Dieu a dressé 
vn throne de grace aux pauures pecheurs, 
& l'a dressé d'vne façon si admirable , 
que de tirer de son propre Fils la 
satisfaction deuë à sa justice , & de le liurer 
pour nous, affin que nous peussions  
 trouuer grace en temps opportun  .   [Tou-]   Toutes ces considerations ne peuuent 
qu'operer puissammẽt sur vne ame fidele, 
pour luy faire embrasser ce throne de 
grace auec ardeur: Et veritablemẽt,d'autant 
plus considerable qu'est le bien, qui 
nous est presenté , d'autant plus grande 
est l'ardeur , qu'il produit en nous , pour 
nous l'appliquer. Et d'autant plus grande 
qu'est la cognoissance de ce bien,d'autant 
plus forts aussi sont les mouuemens, 
qu'il fait naistre. Nous en voyons vn 
exemple signalé en 
l'Espouse au liure du 
Cantique des Cantiques , laquelle ayant 
esté honorée d'vne plus haute lumiere 
dans des communications intimes auec 
son Espoux, elle est en des rauissemens, 
& en des eslancemens extraordinaires, 
                            
                                Cant.2.5.
                         elle est pasmée d'amour, transportée de 
ioye , & pleine de consolation , quand 
elle contemple la beauté de son espoux, 
& les delices de ses parquets aromatiques. 
Tels sont les mouuemens & sentimens 
de Dauid , contemplant Dieu appaisé 
enuers luy, & sur ce throne de grace, 
d'où il se promet des auantages incomparables.  
 L'Eternel , dit-il , est la 
                                
                                    Ps.16.5.6.
                             
 part de mon heritage , & de mon breuuage. 
Les cordeaux me sont escheus en    
 lieux plaisans , voire un tresbel heritage 
m'est aduenu. L'Eternel est à ma dextre, 
ie ne seray point esbranlé. Partant mon 
cœur s'est esjoüy , & ma gloire s'est esgayée, 
außi ma chair habitera en asseurance. Car 
tu n'abandonneras point mon ame au sepulchre, 
& ne permettras point que ton bien 
aimé sente corruption. Tu me feras cognoistre 
le chemin de vie, ta face est un rassasiement 
de ioye , il y a plaisance en ta dextre 
pour iamais . Il fait des eslancemens semblables 
en diuers autres Pseaumes. Telles 
sont les paroles triomphantes de l'Apostre 
sainct Paul,contemplant Dieu sur ce  
                            
                                Rom.8.30 &c.
                        throne: 
 Si Dieu est pour nous, qui sera cotre 
nous ? Luy qui n'a point espargné son propre 
Fils, mais l'a liuré pour nous tous, comment 
ne nous eslargira il aussi toutes choses 
auec luy? Qui intentera accusation contre 
les esleus de Dieu ? Dieu est celuy qui iustifie. 
Et qui sera celuy qui condamnera? 
Christ est celuy qui est mort, & , qui plus est, 
qui est ressuscité , lequel aussi est à la dextre 
de Dieu , & qui fait mesme requeste pour 
nous . A quoy il adiouste ceste conclusion 
rauissante. 
 Ie suis asseuré, que ny mort, 
ny vie,ny Anges, ny Principautez , ny puissances, 
ny choses presentes,ni choses à venir, 
[ ny ]   
 ny hautesse, ny profondeur, ny aucune autre 
creature, ne nous pourra separer de la dilection 
de Dieu,qu'il nous a monstrée en Iesus 
Christ nostre Seigneur . C'est sur la consideration 
de ce throne de grace,qu'il triomphe 
du peché,de la mort,& du sepulchre.  
 La mort , dit-il, est engloutie en victoire. Où 
                                I. Cor. 15. 55.56.57.
                             
 est,ô mort,ta victoire? ou est, ô sepulchre, ton 
aiguillon?Mais, graces à Dieu , qui nous a 
donné la victoire par nostre Seigneur Iesus 
Christ  . 
   Mais la douceur du throne de grace 
n'est iamais plus considerée,que lors,que 
le pecheur sent la pesanteur de son peché, 
& voit le Ciel fermé, & l'enfer ouuert, 
& Dieu sur vn throne de iustice & 
de iugement, soit en des griefves tentations, 
soit és approches de la mort.Alors 
il sent les mesmes estreintes que Belsazar 
sentit jadis,lors que ceste main miraculeuse 
sortir de la paroy,son 
 uisage se change, 
                                
                                    Dan.5.6.
                             
 ses pensées le troublent, les iointures de 
ses reins se deserrent,& ses genoux se heurtent 
l'un contre l'autre . Il ne trouue aucune
                            
                                Ps.49.8.
                         consolation, ni en soy, ni hors de soy 
au reste des creatures , ni au ciel, ni en 
terre , sinon en la consideration de ce 
throne de grace, que Dieu luy a dressé. 
  Et comme le 
 rameau d'oliue  presenté iadis  
                            
                                Gen.8.11.
                        à Noé, & à ceux qui estoient enfermez 
auec luy en l'Arche leur paroissoit 
beaucoup plus beau, & plus agreable, 
apres qu'ils auoient esté long temps battus 
de l'orage au dehors, & trauaillez de 
diuerses sortes d'incommoditez au dedans: 
Ainsi ce 
rameau d'oliue presenté en 
l'Euangile , c'est à sçauoir, ce message de 
grace,console beaucoup plus le pecheur, 
apres qu'il a luicté quelque temps contre 
les puissances infernales , & a senti  
                            
                                Iob.31.23.
                          les frayeurs du Tout-puissant . Et comme 
vne lettre de grace n'est jamais mieux 
prisée par vn criminel , que lors qu'il se 
void prest d'estre produit sur vn eschaffaut. 
Ainsi faut-il que le pecheur sente 
son crime,& apprehende sa peine serieusement, 
auant que l'Euangile luy semble 
estre doux & fauorable. La seule cause 
doncques pourquoy ce throne de grace 
est mesprisé, est, qu'on n'en conçoit pas 
la dignité, ni l'vtilité, moins la necessité, 
iusqu'à ce que la conscience se réueille, 
& fasse sentir au pecheur son crime, 
& sa peine. Autrement on a beau parler 
du throne de grace, & le prescher. Vn 
homme endormi au sein d'vne Dalila, 
[n'en]   
n'entend pas ce langage, vn Epicurien 
ne s'en esmeut pas, non plus qu'vn malade, 
qui ne sent ni son mal, ni le besoin 
qu'il a du remede, estant saisir d'vne profonde 
lethargie. 
  
Cependant on peut icy former vne 
autre demande, pourquoy c'est que les 
Hebreux sont exhortés seulement par 
l'Apostre, d'approcher de ce throne, d'aller 
vers ce throne, & non pas plustost 
 d'embrasser ce throne.Disons que ce n'est 
pas sans grande raison, que l'Apostre se 
sert de cette expression,nous voulant apprendre 
par ce mot diuers enseignemẽs. 
Nous voyons par ce moyen, que cet acte 
qu'il requiert de nous,ne peut estre exercé 
par nous, que par degrés. Il faut que 
l'homme pecheur approche de ce throne 
par diuerses démarches, auant que 
l'embrasser. Si le throne de Salomon 
auoit ses marches, ce throne de grace a 
semblablement les siennes. Il faut que le 
pecheur commence à recognoistre son 
peché , & son impuissance à en sortir de 
par soy mesme, & que Dieu a dressé vn 
throne de grace, & qu'il l'a dressé au Fils 
de sa dilection, & qu'il faut approcher 
de ce throne,& que tous ceux qui en approcheront, 
 comme il appartient,seront 
sauuez. Ces degrez sont necessaires pour 
en approcher.Dieu ne vouloit point iadis,  
                            
                                Exod. 20.26.
                        que 
 son autel eust des degrés  , parce 
qu'outre la raison de l'honnesteté & de 
la bienseance marquée en la parole de 
Dieu,au regard des Sacrificateurs,qui en 
deuoient approcher vestus legerement 
de robbes de lin , il vouloit que son autel 
fust different de ceux des Payens, qui 
auoient diuers degrez,comme il ne vouloit 
point qu'il fust basti de pierres taillées  
                            
                                Exod. 20. 25.
                        à la façon des autels des Payens, 
mais 
 de terre , Dieu ayant prins à l'ordinaire 
le contrepied de ce qui estoit 
en estime & en veneration parmy les 
Payens. 
   
Ioint que l'Esprit de Dieu ayant à faire 
à des pecheurs a regardé sans doute aux 
premiers mouuemens d'vne ame preuenuë 
de peché: Ces premieres démarches 
ne sont qu'vne approche, comme celles 
 de l'enfant prodigue. Celuy qui vient de 
loin,a besoin d'approcher, deuãt qu'embrasser 
ce qui est esloigné de luy. Il n'y a 
rien plus esloigné de Dieu que le pecheur. 
Le ciel n'est pas plus loin de la 
terre qu'vne conscience chargée de peché 
[ché] 
 
est esloignée du throne de Dieu. 
Ceux là aussi qui sont fort bas, ont besoin 
de monter par degrés.C'est la tâche 
du pecheur,de franchir cest abysme,qui 
est entre Dieu & entre luy, & monter du 
profond des enfers au haut des cieux,par 
les degrés que Dieu a establis. C'est à bõ 
droit doncques que l'Apostre parle d'approcher 
du throne plustost que de l'embrasser. 
  Et veu mesmes, que pour embrasser ce 
throne il en faut approcher,& que la fin 
& le but de nostre approche est nostre 
conjonction auec celuy de qui nous approchons, 
nous pouuons dire, qu'entant 
que nous sommes exhortés d'approcher 
de ce throne, nous sommes exhortés par 
mesme moyen de l'embrasser. De fait, 
toute sorte d'approche ne suffit pas, lors 
que la joüyssance d'vn bien consiste en 
l'application. Vn hypocrite fait aussi souuent 
vne démarche pour approcher de 
ce throne. Vne conscience, 
 qui a frayeur 
                                
                                    Iob 31. 23.
                             
 de l'orage du Dieu fort , est poussée par fois 
à faire quelques pas en ceste approche. 
Vn temporiseur semble y passer fort auant,  
 qui gouste le don celeste,& les puissances 
                                
                                    Heb. 6.4.5.
                             
 du siecle à venir  . La nouueauté de ce 
  throne delecte l'vn, sa beauté rauit l'autre. 
Vn Iuif est bien aise d'oüir parler de 
grace, & de se voir déchargé 
 d'un joug 
 
                                
                                    Act.15.10.
                             que ni ses Peres , ni luy mesmes n'a pû porter . 
Vn Epicurien se flatte, que la liberté 
de l'Euangile peut couurir son libertinage , 
& qu'il sera à couuert de l'ire de 
Dieu,à l'ombre de ce throne. Le déplaisir 
& la confessiõ d'vn Iudas d'auoir trahi 
le sang innocent , semblent estre des 
démarches fort auancées vers ce throne. 
Mais toutes ces démarches sont desagreables 
à Dieu , & inutiles à l'homme, 
pendant qu'il demeure en chemin, & ne 
passe pas plus outre. Qui approche par 
contre comme il faut , ne s'arreste pas, 
jusqu'à ce qu'il embrasse ce throne, qu'il 
empoigne 
 les cornes de l'autel , & y trouue 
sa sauueté. 
   
Ce terme aussi  d'aller ou d'approcher de 
ce throne a esté choisi par l'Apostre fort 
pertinemment,& estoit tres-conuenable 
à l'estat des Hebreux.Les vns d'entre eux 
estoyent entierement esloignés de ce 
throne, ennemis du Fils de Dieu, & de 
son Euangile, ayans vn bandeau deuant 
les yeux, vn voile deuant la face , & le 
premier tabernacle au cœur. Les autres 
[auoyent] 
 
auoyent commencé à arracher ce bandeau, 
à tirer ce voile , & à recognoistre 
ce beau plan du vray Temple de Dieu, 
qu'il auoit dressé en son Euangile. Mais 
il leur restoit encore beaucoup de demarches 
à faire,pour perdre la Synagogue 
entierement de veuë. Les premiers 
d'entr'eux auoyent bien besoin d'apprẽdre 
à approcher:Les derniers d'advancer 
en ceste approche. 
  Disons aussi,que ce terme nous represente 
fort naïfvement nostre condition. 
Pendant que nous sommes en ce pauure 
monde, tout ce que nous pouuons faire, 
c'est d'approcher, & de tascher d'approcher 
de Dieu.Nous cognoissons en partie, 
nous aimons en partie,nous contemplons 
la gloire de Dieu comme dans vn 
miroir , mais non pas à face découuerte. 
L'Espouse mesme ne voit son Espoux ici 
bas,
 qu'à trauers d'un treillis & à demi .Il y
                            
                                Cant. 2. 9.
                         a tousiours vn rideau tendu entre Dieu 
& entre nous.Dieu y est encore entouré 
d'vne nuée , & couuert à nos yeux. Ce 
nous est assez icy 
 de toucher le bord  du vestement 
du Fils de Dieu, & 
 d'empoigner le 
                                
                                    Matth. 8. 20.
                             
 pan de sa robbe , en sa parole, en ses sacremens: 
l'embrassement & la jouyssance 
  
entiere de sa grace nous sont reserués 
ailleurs. 
  Bref,le terme que l'Apostre employe, 
ne designe pas seulement nostre foiblesse, 
mais aussi nostre deuoir,que nous sçachions, 
& nous souuenions, que nous 
sommes encores loin du but,que nous ne 
sommes qu'en chemin , que nous auons 
besoin d'auancer tous les jours , & qu'il 
ne faut s'arrester là où nous en sommes. 
De fait,nous ne pouuons jamais estre 
si pres de ce throne , que nous n'en 
puissions encore approcher d'auantage, 
le contempler plus clairement , l'aimer 
plus parfaittement , & en sentir la vertu 
auec plus d'efficace. Les derniers eschelons 
de l'eschelle de Iacob estoyent plus 
proches du Ciel, que les premiers, & les 
Anges à mesure qu'ils y alloyent plus auant, 
en approchoyent d'auantage. Saint 
Paul recognoist qu'il a besoin de passer  
                            
                                Phil.3. 14.
                        plus outre en ceste carriere, 
 de s'auancer 
aux choses qui sont en deuant , & de tirer 
vers le but, assauoir au prix de sa supernelle 
vocation de Dieu en Jesus Christ  . Et veritablement, 
n'auancer, n'approcher pas en 
ceste carriere spirituelle , c'est reculer. 
Qui n'auance en vne montée , est sur le 
[poinct]   
poinct de descendre. 
  
Disons aussi,qu'és actes spirituels approcher 
& embrasser sont vne mesme 
chose, comme manger la chair, & boire 
le sang du Fils de Dieu en la S.Cene,  uestir 
Christ,estre enté en luy,& fondé sur luy  , 
& luy estre conjoint. Et c'est ainsi qu'vn 
mesme acte spirituel est representé souuent 
par diuers actes corporels. C'est 
pourquoy ceux là se trompent grandement , 
qui pressent souuent ces comparaisons 
au delà de l'intention de l'Esprit 
de Dieu, & en inferent des actes corporels, 
repugnans au but pour lesquel elles 
sont employées, sans considerer que l'Escriture 
Sainte se sert de diuers exemples 
de toutes sortes de conjonctions, qui se 
rencontrent ou en la nature, ou en l'art, 
ou en la societé humaine, pour nous representer 
par diuerses conceptions vne 
mesme vnion spirituelle & tres estroitte 
que nous auons auec le Fils de Dieu,qui 
ne peut estre exprimée suffisamment par 
vne seule,à cause de sa perfection. 
  
Si on demande maintenant qui sont 
 ceux qui doiuent approcher de ce throne 
de grace? La response est aisée. 1. Que 
ce sont les Hebreux , ausquels l'Apostre 
 s'addresse directement. 2. Tous les fideles 
ensemble.C'est à ceux là que ce throne 
de grace est & preparé & proposé. 
Non aux Athées & prophanes, non aux 
stupides,& insensibles,non aux incredules 
& impenitens.Ce throne n'est ni preparé, 
ni proposé , ni promis à ceste sorte 
de gens. Comme ceux là sont bannis de 
l'approche du throne de gloire,que l'Escriture  
                            
                                Apoc. 22. 1.
                        Sainte appelle 
 chiens , empoisonneurs, 
paillards,meurtriers & idolatres , & 
qui aiment ou commettent fausseté : ainsi,entant 
que tels, sont ils bannis de l'approche 
du throne de grace. L'Apostre veut 
que ceux là en approchent, qu'il appelle 
cy dessus 
 Saincts , freres, participans de la 
vocation celeste . 
   
Nous ne voyons pas cependant que 
l'Apostre distingue entre les grands & 
les petits, entre les riches & les pauures, 
entre les sçavans & les ignorans, mais il 
conuie indifferemment tous fideles & repentans 
d'entre les Hebreux , d'autant 
que toutes ces distinctions exterieures 
ne sont pas considerées en l'Eglise. Elles 
ont leur lieu en la societé ciuile , & en la 
Maison des Roys, mais nullement en la 
Maison des Dieu. Tous y ont besoin de 
[mesmes] 
 
mesmes dons, & sont exhortés à mesmes 
deuoirs, parce que toutes sortes de personnes 
sont plongées en vne mesme masse 
de corruption , & également miserables 
de leur nature. Celuy qui n'est pas 
atteint d'vne espece de mal , l'est d'vne 
autre. 
  
Mais si la matiere que l'Apostre exprime 
icy est considerable , c'est à sçauoir 
qu'il faut aller vers ce throne, ou approcher 
de ce throne, la forme , de cette expression 
ne l'est pas moins , entant qu'il 
ne dit pas aux Hebreux, allez vers le throne 
de grace,ou approchés de ce throne,ou 
 qu'on approche de ce throne, que les fideles 
en approchent,mais qu'il dit  Allons, comme 
ailleurs en cette mesme Epistre,tenons 
ferme la profession, allons auec un vray cœur, 
tendons à la perfection : Retenons la profession 
de l'esperance    ;   poursuiuons constamment 
la course qui nous est proposée .Cette 
forme d'expression a esté employée & 
ailleurs, & icy, par l'Esprit de Dieu,pour 
apprendre aux Hebreux diuerses leçons 
considerables.Premierement entant que 
l'Apostre se met dans vn mesme rang 
auec les Hebreux, & se resueille soy-mesme 
à vn mesme deuoir , il leur insinue 
 doucement son exhortation,ne leur proposant 
rien qu'il ne se propose à 
soymesme, 
& ne leur donnant aucun aduertissement , 
qu'il ne vueille prendre pour soy- 
mesme. Vn Capitaine est bien mieux suiui, 
qui mene ses soldats luy-mesme à vne 
bresche, ou à la charge, que celuy qui les 
y enuoye, sans estre de la partie.Ainsi les 
seruiteurs e Dieu ne peuuent iamais 
mieux faire penetrer leurs exhortations, 
ni en porter la pointe plus auant dans 
les consciences,que lors qu'ils parlent à 
eux-mesmes, aussi bien qu'à autruy, & se 
portent aux mesmes deuoirs qu'ils recõmandent 
aux autres.De fait c'est la meilleure 
maniere de persuader, quand ceux 
qui parlent,agissent, qui excitent les autres , 
ioignent leur exemple à leurs semonces, 
& qu'vn Apostre S.Paul se range 
soy - mesme auec les Hebreux à vn 
mesme deuoir. Autrement les Pasteurs 
ne sont qu'à demi tels , semblables à 
des cloches qui sonnent , sans bouger, 
& à des cymbales qui tintent,& à des statues 
qui mõstrẽt le chemin sans se mouuoir.  
                            
                                Matt. 23.4.
                        Tels estoient les 
 Pharisiens, qui lioyent 
ensemble des fardeaux pesans & importables , 
& les mettoyent sur les espaules des 
[ hommes, ]   
 hommes, mais ils ne les remuoyent point du 
doigt . Les vrays seruiteurs de Dieu au 
contraire enseignent autant par leur 
exẽple que par leur parole,& imitent ce 
qui est dit du Fils de Dieu,
 qu'il s'est mis à 
                                
                                    Act. 1.1.
                             
 faire & à enseigner . C'est le moyen de faire 
vne puissante impression quand on 
suit le mesme ordre auec le Fils de Dieu, 
& qu'on conjoint ces deux points ensemble. 
   
Nous apprenons par la mesme expression, 
qu'il n'y a point de chemin different 
à la vie, l'vn pour les Apostres, & 
l'autre pour leurs Auditeurs, mais qu'vne 
mesme voye est proposée à tous. Il y a 
bien diuers chemins qui menent en enfer, 
mais il n'y a qu'vn seul qui conduise 
au ciel. Et quelque relevée qu'ait esté la 
charge de l'Apostre,quelque rauissement 
qui luy soit arriué, il n'a aucun accés, 
non plus que les Hebreux, au throne de 
la gloire de Dieu,si non par le throne de 
grace. Il y a des Grands au monde, qui 
peuuent se dispenser de certains deuoirs, 
& qui ne sont pas suiets aux mesmes necessitez 
auec d'autres. Mais il n'y a aucun 
deuant Dieu, ni Roy, ni Prophete, 
ni Apostre, qui n'ait besoin de grace, & 
  
                            
                                Apoc. 4.10.
                        qui ne soit obligé de 
 ietter sa couronne  deuant 
son throne, par recognoissance & 
par deference tout ensemble. 
   Et veu qu'vn Apostre si ardent en zele, 
si auancé en saincteté , si eminent en 
dons, si indefatigable en sa charge, a besoin 
d'approcher d'vn throne de grace,  
                            
                                Phil.3.9.
                        auec les Hebreux, & quoy qu'il soit
 sans 
reproche,quãt à la iustice qui est en la Loy , y 
renõce, & ne se glorifie qu'en la croix du  
                            
                                Rom.3.20.
                        Fils de Dieu: Disons que 
 nulle chair n'est 
iustifiée par les œuvres de la Loy, qu'il faut 
que toute bouche soit fermée,que tout le monde 
soit coulpable deuant Dieu , & luy demande 
grace pour grace. 
   
Et si ce grand Apostre, qui a esté partagé 
si auantageusement en lumiere & 
en plusieurs dons excellens,a besoin d'aller 
vers ce throne de grace, & de faire 
tous les iours quelque pas en cette carriere, 
nous voyons que nostre sanctification 
n'est pas accomplie en ce monde,& 
que les plus regenerez sont en chemin & 
en estat de profiter tous les iours. Les 
  robbes blanches & les palmes   ne sont pas 
pour ceste vie, mais pour la future. Et il 
y a bien à dire entre estre au paruis, & 
estre receu au sanctuaire , entre la mesure 
[re] 
 
du don, qui nous est donnée icy bas, 
& entre celle qui nous est reseruée là 
haut. Et comme nous voyons que ceux, 
qui ont atteint vn plus haut degré de sçauoir, 
recognoissent mieux ce qui leur 
manque, que ceux qui sont beaucoup au 
dessous d'eux : ainsi les plus auancés en 
leur sanctification , sentent beaucoup 
plus leurs infirmités que ceux qui ont 
moins de don. D'autant plus haut qu'vn 
homme monte sur un mast,ou sur vn clocher, 
d'autant plus découure il de pays 
ou d'estenduë. 
  Entant aussi que l'Apostre s'excite 
soy-mesme auec les Hebreux d'allers vers 
ce throne, il nous donne à cognoistre, 
quel est le deuoir des seruiteurs de Dieu, 
c'est à sçauoir, non seulement de sentir 
& de croire qu'ils peuuent passer plus auant 
en ceste approche, mais aussi de se 
resueiller eux-mesmes pour y trauailler. 
Combien de fois est ce que Dauid arraisonne  
 son ame  , & l'excite à des œuvres
                            
                                Psal. 103.1.2.
                         de pieté, & dit, qu'il 
 l'esleue  à Dieu,comme
                            
                                Psal. 25.1.
                         estant semblable aux mains de Moyse, 
ou à vne nature pesante, qui tend contre 
bas? De fait l'ame est entrainée fort 
souuẽt, & comme affaissée par ceste masse 
  
de terre,auec laquelle elle est liée d'vn 
lien si estroit. Et nostre Apostre tesmoigne 
assez, que non seulement il se réveilloit 
par paroles, mais qu'il taschoit de 
  matter mesmes,& reduire son corps en seruitude . 
  
Par mesme moyen l'Apostre,se resueillant 
soy-mesme,donne occasion aux Hebreux 
de penser serieusement à eux, & à 
leur conduite. Car si vn S.Paul a besoin 
de se resveiller, d'aller, d'auancer, qui 
semble estre déja si auant en ceste carriere: 
que sera ce de ceux qui sont tant en 
arriere, & tant de démarches au desous 
de luy, luy estans inferieurs en cognoissance, 
en zele, en ardeur, & en d'autres 
dons semblables? Qu'il seroit bien besoin, 
qu'en resueillant autruy,nous nous 
resueillassions souuent nous mesmes, 
comme fait icy S.Paul.Il n'y a point d'occupation 
plus vtile, ni plus necessaire. 
Nous n'auons pas besoin de nous resveiller 
pour le monde , pour nos interests, 
ou pour nos plaisirs. Nous y sommes 
portez assez de nous mesmes, & y 
courons. Mais nous sommes lents pour 
Dieu, & pour les deuoirs spirituels, & 
pensons rarement au throne de Dieu, & 
[à] 
 celuy qui est assis dessus, & à la carriere 
que nous auons à franchir, & aux empeschemens 
que nous auons à surmonter, 
& à ceste 
 grande nuée de tesmoins , que
                            
                                Heb.12.1
                         nous auons à suiure, & au prix, qui est 
proposé au bout de la course. Heureuse 
est la iournée en laquelle nostre conscience 
nous rend ce tesmoignage, que 
nous y auons pensé, & auons auancé 
quelque pas en ceste lice. 
   Bref, entant que l'Apostre dit aux Hebreux,  
 Allons au throne de grace  , il leur 
monstre, que ce chemin se doit faire en 
compagnie, que plusieurs doiuent marcher 
ensemble, courir & auancer ensemble, 
& s'encourager les vns les autres. 
L'Eglise est vn corps, & emporte societé 
& communion. Dieu veut,qu'elle soit 
entretenuë és exercices de pieté, & par 
vne démarche conjointe vers son throne: 
il se plaist de voir ses enfans joindre 
leurs cœurs & leurs mains ensemble à vne 
bonne œuvre. Et les enfans de Dieu 
ne sont pas enuieux, que plusieurs ayent  
part au bien qu'ils possedent , ou qu'ils 
pretendent. Ils ne sont pas semblables à 
ce frere tetrique, qui enuie à son Pere sa 
joye, & à son frere l'accueil qui luy est
                            
                                Luc 15.23.
                           fait.Ils souhaitteroyent,que tout le peuple 
fust conuerti en autant de Prophetes. 
Ils sçauent que le bien d'autruy ne 
leur oste rien du leur,& ont plus de joye 
quand Dieu est plus glorifié. Ils sont biẽ 
aises mesmes,que leur exemple serue, & 
qu'ils soyent suiuis. Ils taschent seulement 
de n'estre pas deuancés. Ils sont  
                            
                                Eze. 1. 19.20
                        comme les 
 roües  & les 
 animaux  representés 
jadis au Prophete Ezechiel, qui marchent 
ensemble,mais en suiuant le mouuement 
de l'Esprit de Dieu. L'espouse se  
                            
                                Cant.8.8.
                        souuient de 
 sa petite sœur , de l'Eglise des 
Gentils,& desire qu'elle ait part aux graces 
de son Espoux.Abraham ne veut pas 
estre sauué seul. Il prie plustost pour des 
Sodomites , & Moyse pour vn peuple 
mescognoissant, & rempli d'esprits de  
                            
                                Psal. 122. 1.4.
                        contradiction. Et Dauid s'éjouït à cause 
de ceux qui luy disoyent , nous irons en 
la Maison de l'Eternel, & ne trouue rien 
si beau, que des voir monter les tribus ensemble 
en Ierusalem , pour y celebrer le 
Nom de l'Eternel. Saint Paul mesme 
voudroit estre separé de Christ, (non au 
regard de l'influence de sa grace, ou de sa 
saincteté,mais au regard de la participation 
de sa gloire , ou de sa felicité ) moyennant 
[yennant]   que Dieu fust glorifié par la cõuersion 
& le salut d'vn grand peuple. 
Nous voyons aussi quelles doiuent estre 
nos communications, quand nous traittons 
les vns auec les autres.Elles doiuent 
estre sainctes & porter à choses sainctes. 
Telle est l'exhortation de l'Apostre adressée 
icy aux Hebreux. Tels sont les 
                            
                                Gen.18.19.
                         enseignemens d'vn Abraham, les exhortations 
d'vn Moyse, les semonces d'vn 
Dauid. Bref,tel est le langage & des hommes 
de Dieu en terre , & des Seraphins 
au Ciel. Disposer quelqu'vn à vn sainct 
deuoir,est estre vn instrument de la grace 
de Dieu sur luy , & de benediction sur 
soy. Il faut avouër cependant, que ce deuoir 
est rarement acquitté. Nous auons 
honte d'exciter quelqu'vn à aller vers 
Dieu. Ce n'est pas vn langage,qui soit 
bien receu és compagnies. Il y faut d'autres 
entretiens, la bien-seance du monde 
requiert d'autres propos,& vne complaisance 
maudite estouffe souuent des bons 
mouuemens , qui naissent au dedans. 
Nous craignons d'estre mocqués & brocardés 
de parler pour Dieu. Mais nous 
ne craignons pas d'estre des sarbatanes 
& sifflets de son ennemi,& de parler pour 
  luy,en laschant des propos qui portent à 
impieté, ou à lubricité. Les railleurs & 
seducteurs ne manquent point de hardiesse,  
                            
                                Prou.1.10.11. & 7.
                                18.
                        ni d'audience. Les desbauchés, & 
la paillarde se font oüyr mesmes és carrefours. 
En somme, ceux qui menent en 
enfer,soit par des impietés ouuertes, soit 
par des seductions couuertes , sont bien 
venus & bien oüys. Il n'y a que ceux qui 
parlent pour Dieu , & pour son seruice, 
qui soyent ou rebutés , ou moqués. On 
croit que c'est parler hors de saison , de 
vouloir arracher vn homme hors des 
pattes du Diable, & le mener vers Dieu. 
On veut que ce lãgage soit reserué pour 
les vieux jours, & pour la dernier heure. 
Et souuent on n'a ni le bon heur de l'y 
entendre, ni le jugement ou la grace de 
s'en preualoir. 
   
Ce n'est pas aussi sans consideration, 
que l'Apostre se sert de ceste expression, 
Allons  doncques au throne de grace  ; mais 
pour nous insinuer le raisonnemẽt, qu'il 
tire de ce qu'il auoit posé auparauant, 
ce terme estant relatif aux paroles qui 
precedent,comme s'il vouloit dire: Veu 
que nous auons vn Sacrificateur, qui est 
& grand en soy, & plein de bonté pour 
[nous,] 
 nous,le ciel nous est ouuert;Dieu est appaisé 
enuers nous, le chemin à la vie est 
applani , & vn throne de grace dressé. 
Que reste il donques, sinon que nous allions 
à ce throne ? Les Roys & Princes 
sont irrités , quand leur grace est mesprisée, 
leur liberalité mescognuë, & leurs 
largesses vilipendées. A plus forte raison 
Dieu est il offensé,ce grand Sacrificateur 
outragé, & ce throne,qu'il nous a dressé, 
foulé aux pieds; si nous ne daignons d'en 
approcher , & ne taschons de nous preualoir 
du bien que Dieu nous y presente. 
Le message de grace & le banquet de
                            
                                Matt. 22.
                         nopces estant mesprisé en l'Euangile, 
des gendarmes sont enuoyés au lieu de 
messagers , & les conuiés punis auec rigueur. 
   
Cette mesme expression nous apprend 
quelle est la vraye methode de traitter 
des mysteres du Royaume des Cieux. Ce 
n'est pas assez d'en representer l'excellẽce, 
& la beauté, & de les contempler : il 
faut passer outre,& venir à l'application, 
autrement ils nous sont inutiles , & ne 
seruent qu'à nostre conuiction.De fait la 
grace de Dieu ne nous est pas proposée, 
comme vne peinture , mais comme vne 
 
nourriture, non comme vn tableau,mais 
comme vn legat, & ne doit pas seulemẽt 
estre l'object de nostre cognoissance, 
mais aussi l'object de nostre amour,& de 
nostre confiance.Il faut passer des benefices 
que Dieu nous propose,aux deuoirs 
qu'il requiert, & ne nous contenter pas 
d'idées, ni de speculations, mais venir à 
l'action,aller,auancer,approcher du bien 
que Dieu presente, & l'embrasser. Qui 
prend la Religion Chrestienne pour vne 
speculation , se mesprend extremement, 
& est encore loin du Royaume des cieux. 
Ce n'est pas assez doncques d'avoir vn 
Souuerain Sacrificateur , & de sçauoir 
quel il est , & ce qu'il a fait pour nous,il 
faut sçauoir ce que nous auons à faire 
pour luy,& pour nous tout ensemble,& 
nous mettre en deuoir de le faire. S'il est 
entré és cieux , il le faut suyure , si d'autres 
sont allés deuant, nous deuons marcher 
apres,& nous rendre tous ensemble 
aupres du throne qui nous est dressé. 
L'Apostre insinue par mesme moyen,que 
ce seroit comme chose honteuse de reculer 
quand Dieu conuie,& apres auoir de 
si grands auantages , demeurer en chemin, 
& s'arrester lors que la carriere nous 
[est] 
 
est ouuerte,le prix deuãt nous,vn avant- 
coureur en teste ,  une grande nuée de tesmoins  
aux flancs, & à l'entour de nous, & 
vne facilité extreme d'atteindre le but & 
d'emporter la couronne. 
  Mais on peut former icy vne demande 
considerable. Comment est-ce que l'Apostre 
exhorte les Hebreux d'aller vers 
ce throne ? Ou les Hebreux pouuoyent 
satisfaire à sa demande , ou ils ne le pouuoyent 
pas. S'ils le pouuoyent faire, ils 
n'estoyent pas morts en leurs pechez, ni 
les forces de leur franc arbitre incapables 
d'atteindre au throne de grace. S'ils 
ne le pouuoyent pas faire, à quel propos 
est-ce que l'Apostre les inuite,& les sollicite ? 
En somme,il semble,qu'il suffit, 
que Dieu se tienne à la porte , & qu'il 
frappe,qu'il presente sa grace, & y conuie, 
qu'vn Sainct Paul parle,inuite, exhorte. 
Pour resoudre ceste question , il 
faut remarquer, 1. Que les exhortations 
proposées en la parole de Dieu, ne nous 
representent pas la mesure de nostre pouuoir , 
mais l'estenduë de nostre deuoir, 
non ce que nous pouuons, mais ce que 
nous deuons ; tout de mesme, comme la 
demande faitte au Seruiteur en l'Euangile
                            
                                Matt. 18.24. 
                           
de payer dix mille talens. 2. Ioint 
que les exhortations doiuent estre distinguées: 
par fois elles sont vn instrument 
de conuersion en la main de Dieu , par 
fois vn instrument de conuiction. Vn instrument 
de conuersion,lors que Dieu ne 
demande pas seulement, mais aussi donne, 
ne conuie pas seulement, mais aussi 
tire, ne parle pas seulement à nous, mais 
agit aussi en nous. Hors ceste operation, 
ceste exhortation n'est qu'vne conuictiõ 
de l'homme pecheur, pour le rendre inexcusable 
deuant Dieu. quand Dieu se 
contente de demander, de conuier, de 
parler , il fait ouïr vne voix de Maistre, 
qui demande ce qui luy est deu , mais 
quand il tire & agit quant & quant, il fait 
ouïr vne voix de Pere , il donne ce qu'il 
demande, il perce l'oreille pour ouïr, & 
le cœur pour obeïr. La premiere sorte de 
voix est vne voix legale, l'autre,Euangelique, 
celle là est imperatiue, ceste cy operatiue. 
Celle là confond,abbat,humilie, 
ceste cy r'asseur,releue,console. 3. Disons 
aussi, que ceux ausquels Dieu parle, 
doiuent estre distingués: Car ou ils sont 
sanctifiés desia par son Esprit, ou ils ne le 
sont pas. S'ils sont sanctifiés,ils peuuent 
[oüyr,] 
 
ouïr,& obeïr,mais par la grace, & selon 
la mesure de la grace, qui leur est donnée. 
S'ils n'õt aucune part à la Sanctification, 
ils ne laissent pas de deuoir faire ce 
qu'ils ne sont pas capables de faire. Ces 
distinctions estans appliquées à l'exhortation 
que l'Apostre fait icy, la solution 
de la difficulté proposée sera aisée.Quelques 
vns d'entre les Hebreux estoyent 
desia conuertis, & par consequent en estat 
d'obeïr à la parole d'exhortatiõ que 
l'Apostre leur propose,mais par la grace, 
& selon la grace qui leur auoit esté communiquée: 
d'autres ne l'estoyent pas,par 
consequent estoyent ou conuaincus de 
leur deuoir par ceste exhortation , demeurans 
en leur obstination & au mespris 
de ce throne, ou incités & poussés 
d'en approcher par cette parole cõjointe 
auec l'operation gracieuse de l'Esprit 
de Dieu.Et faut remarquer que Dieu ne 
veut pas operer cette approche de grace 
par des inspirations fanatiques,ni par le 
mespris des moyens qu'il a establis, ni en 
prestant l'aureille à des imposteurs, ni en 
prenant le chemin de l'enfer, mais en sa 
maison, & par la voix de ses seruiteurs, 
exhortans, resveillans, obtestãs les hommes 
 
à faire leur deuoir , & à approcher 
de Dieu.Les Hebreux donques, que l'Apostre 
conuie d'aller au throne de grace, 
y deuoyent aller, diuers d'entre eux y estoyent 
desia allés, & estoyent encouragés 
par cette parole, d'en approcher d'auantage, 
d'autres estoyent excités à commencer 
les premieres démarches vers ce 
throne, d'autres conuaincus de leur dureté 
& obstination de ne se soucier pas 
de ce throne.Il appert donques que ceste 
parole d'exhortation n'estoit nullement 
inutile , au regard de ceux ausquels elle 
est proposée , & ne pose pas cependant 
aucunes forces au regard du vray bien 
és Hebreux non conuertis. 
    
Du III.
  
Mais comment est-ce que les Hebreux 
doiuent approcher de ce throne?L'Apostre 
le leur enseigne,en ce qu'il adjouste, 
Allons  au throne de grace auec asseurance . 
De fait, ce n'est pas assez de sçauoir ce 
que nous auons à faire, il faut aussi sçauoir, 
 comment nous le deuons faire. Et la 
 matiere de nostre culte, qui doit estre acquitté 
nous doit estre cognuë, & la maniere, 
[ niere, ] 
 
en laquelle il doit estre acquitté.La 
raison de cela est, parce que le seruice de 
Dieu, & les actes de nostre deuotion, ne 
sont pas arbitraires, ni indifferens, mais 
limités & reglés en l'vne & en l'autre façon. 
Et veritablement si vn Maistre ne 
veut pas estre serui selon la phantasie 
d'vn valet, mais selon ses ordres, moins 
encore Dieu peut il agréer des deuoirs, 
qui luy sont rendus autrement, qu'il ne 
les a commandez. 
  
D'ailleurs, si les Monarques de ce mõde 
ne veulent pas estre approchés à l'estourdie, 
& auec des postures esloignées 
du respect qui leur est deu, aussi Dieu ne 
peut & ne doit estre abordé, qu'auec les 
dispositions qu'il agrée. Il ne veut pas, 
qu'on approche de son throne auec vn 
esprit stupide,& insensible,qui ne recognoisse 
ni la nature de ce throne , ni le 
besoin qu'il a d'en approcher. Il ne veut 
pas aussi, qu'on en approche auec vn esprit 
d'hypocrisie , qui se moque de sa 
Majesté, & jouë vne comedie en sa presence, 
ployant le genouïl d'vn costé deuant 
luy,& de l'autre luy crachant en face. 
Il desteste aussi vne approche profane, 
qui soit conjointe auec mespris ou auec 
 
insolence.Il n'agrée non plus l'approche 
d'vn esprit Pharisaïque , qui vienne se 
paonnant en sa presence & & y estallãt ses 
vertus & ses perfections,& croye n'auoir 
pas besoin de ce throne de grace. Il ne 
peut supporter non plus , qu'on en approche 
en esclaue, auec vn esprit de seruitude 
& de deffiance. C'est interesser sa 
verité,& blesser sa bonté, d'apporter des 
mouuemens de ceste nature à son throne. 
Et c'est ce que l'Apostre enseigne, 
quand il exhorte les Hebreux , d'aller à 
ce throne  auec asseurance  . 
  
Il faut auouër, qu'il n'y a rien qui offense 
d'auantage vn homme d'honneur, 
que quãd sa parole est reuoquée en doute, 
ou sa promesse tenuë pour suspecte & 
subjette à caution.C'est l'accuser de mauuaise 
foy , & le taxer obliquement de 
mensonge & d'imposture. Si vn homme 
mortel, qui a quelque peu de generosité, 
est jaloux de son honneur,& de sa parole, 
& se pique aisément, quand on le prend 
de ce costé là: que doit attendre de Dieu 
celuy là, qui approche de son throne en 
flottant,& en vacillant,& en doutant, si 
Dieu est veritable, si sa parole est certaine, 
& ses promesses asseurées. C'est traitter 
[ter] 
 Dieu outrageusement,& luy oster ceste 
perfection, sans laquelle il ne peut ni 
estre assis sur vn throne, ni estre dispensateur 
de grace. Ce nest pas sans raison, 
que l'Escriture Saincte inculque souuent 
que 
 Dieu est fidele . Ainsi le Fils de Dieu 
est representé à Sainct Iean non seulement
                            
                                Apoc.19.11.
                         sur 
 un cheval blanc , marque & de sa 
pureté & de sa gloire, mais aussi auec ce 
titre glorieux de 
 Fidele  et de 
 Veritable . 
Les hommes ont sujet souuent d'estre en 
deffiance les vns des autres.Ou la puissãce 
leur manque,ou la sincerité. Leurs affections 
aussi sont changeantes, leur volonté 
vacillante,leurs offres incertaines. 
Ce sont des 
roseaux qui sont demenez de 
toutes sortes de vents.Tantost Pharao esleue 
son panetier en sa cour,tantost il le 
fait attacher à vn gibet. S'il y a des momens 
de faueur pour Dauid en la Cour 
de Saul,il y a des années de disgrace. En 
vne mesme heure Haman reçoit toutes 
les faueurs de son Roy,& toutes les marques 
de son indignation. Il y a des obstacles 
mesmes & des empeschemens , qui 
arrestent souuent la bonne volonté des 
hommes, ou en diuertissent le cours. Il 
en est tout autrement de Dieu.Il est constant 
  
en son amour,ferme en ses inclinations, 
fidele en ses promesses,& puissant 
en l'execution. Son entendement n'est 
pas capable d'vne nouuelle lumiere,ni sa 
volonté d'vne nouuelle impression, ni sa 
puissance de rencontrer aucun arrest ou 
empeschement.Douter de la promesse de 
Dieu,& de sa verité,c'est conceuoir Dieu 
ou infidele , ou muable & inconstant, 
& en l'vne & en l'autre façon l'offenser. 
  
C'est donques à bõ droit que l'Apostre 
veut qu'on approche de  ce Throne auec 
asseurance . Et de fait,ceste sorte d'approche 
est vn charactere d'enfant. Approcher 
de Dieu auec trepidation, c'est approcher 
de luy en esclaue. Mais approcher 
de luy auec asseurance, c'est approcher 
en enfant,& traitter auec luy en domestique, 
& non en estranger. Il y a bien 
à dire entre vn criminel qui comparoist 
deuant son juge,& vn enfant, qui se presente 
deuant son Pere.L'vn tremble,l'autre 
s'asseure. L'vn se deffie de l'issuë de sa 
cause,l'autre s'en asseure.Et veu que Dieu 
ne peut agréer que des deuoirs francs, & 
produits par l'Esprit d'adoption , c'est 
tres à propos que l'Apostre exhorte les 
[He-] 
 
Hebreux de venir vers ce throne en enfans, 
& auec des mouuemens d'enfans ayans 
non seulement vne forte impressiõ, 
de sa Majesté, mais sur tout vne ferme 
persuasion de sa bonté enuers eux. 
  
Ioignez à cela,que l'Apostre ne propose 
pas Dieu icy sur vn throne de gloire, 
ni sur vn throne de justice , mais sur vn 
throne de grace. La veuë du premier esblouït 
la veuë du second estonne, mais 
la consideration du troisiesme r'asseure, 
parce qu'on y voit vne face appaisée; vn 
Dieu propice, & le ciel ouuert en grace& 
en benediction. Ce throne donc deuoit 
estre regardé auec asseurance, & non pas 
envisagé auec crainte. 
  Mais en quoy consiste ceste asseurance? 
Le terme duquel l'Apostre se sert,signifie 
proprement 
la liberté de tout dire. 
Par fois l'Escriture Saincte exprime ceste 
asseurance des enfans de Dieu par ce terme, 
qui signifie 
en mouuement exterieur: par fois elle l'exprime par d'autres termes , 
qui signifient 
des mouuemens interieurs, & l'appelle 
 une persuasion ; & 
 une 
                                
                                    Ephes.3.12.
                             
 persuasion pleniere  . De fait, l'asseurãce des
                            
                                Hebr.10.22.
                         enfans de Dieu requiert l'vn & l'autre 
acte,& comprend l'vn & l'autre deuoir. 
  
Car il faut que celui,qui veut approcher 
du throne de Dieu , soit premierement 
pleinement persuadé au dedans , & de la 
verité,& de la puissance,& de la bonté de 
celuy qui est sur le throne, qu'il peut & 
veut aider,& que le ciel & la terre passeront 
plustost, qu'vn iota demeure en arriere 
de ce qu'il a promis. Mais ce n'est 
pas assez. Il faut que ceste asseurance se 
produise aussi au dehors, & forme de bõs 
mouuemens au cœur, & de bonnes paroles 
en la bouche du fidele, & vn langage 
d'enfant,qui sçait demander auec liberté 
& avec confiance.Et comme le diable est 
vn esprit endurcissant & resserrant , qui 
serre le cœur, qui lie la langue: l'Esprit de 
Dieu au contraire est vn Esprit ouurant 
& desliant , mettant le cœur au large au 
dedans, & donnant ouuerture de bouche 
au dehors. 
  
Mais ce terme apprend-il aux enfans 
de Dieu, de tout dire, & demander indifferemment 
toutes choses à Dieu à l'estourdie, 
& selon la bigearrerie & l'appetit 
extrauagant de nostre naturel corrompu? 
Nullement. Ceste liberté de dire, 
& ceste asseurance de demander, ne s'ẽtend 
que des choses qui doiuent estre dites 
[tes] 
 
& demandées , par consequent qui 
soyent & sainctes en elles mesmes,& vtiles 
pour nous. L'asseurance donques 
des enfans de Dieu n'est pas vn mouuement 
estourdi,impudent,temeraire,mais 
vn mouuement reglé par l'Esprit de 
Dieu,fondé sur sa promesse ,& sur nostre 
vtilité. 
  
On pourra demander cependant, Y a- 
il point d'autres dispositions necessaires, 
pour approcher du throne de grace, que 
 l'asseurance?Faut il pas en approcher aussi 
auec reuerence,& auec humilité? Pourquoy 
donques l'Apostre ne parle-il que 
de l'asseurance? Sçachons,pour response, 
que l'Apostre regarde icy à la consolation 
d'vne ame pecheresse, qui sent & sa 
bassesse,& son crime,& sa misere,& son 
indignité d'approcher de Dieu,par consequent 
qui a sujet d'estre en deffiance, 
& en vne vacillation d'Esprit , pendant 
qu'elle arreste sa veuë sur soy mesme. De 
fait, l'homme pecheur est vn pauvre ver 
de terre; & il approche de son Createur, 
il est rée, & il approche de son juge,il est 
chargé de crimes,& il se presente deuant 
celuy qui est la justice mesme. Il est contaminé 
en soy, & il se presente deuant 
 
celuy,qui a des yeux trop purs pour contempler 
le mal, & qui ne trouue pas de 
pureté ni és cieux ni és Anges. Combien 
donc de subjet de doute,de deffiance,& 
presque de desespoir ? C'est ici, où vne 
pauure conscience tremblante se trouue 
souuent fort esperduë Comment peux je 
auoir accés à Dieu, que j'ay tant offensé? 
auoir part à ce throne de grace, que j'ay 
tant mesprisé? Dieu a veritablemẽt dressé 
vn throne de grace,mais non pour moi, 
qui ay trop recidiué, qui ay abusé en tãt 
de façons,& si long temps du support de 
mon Dieu,mescognu ses graces, irrité sa 
patience , & entassé ire au jour de l'ire. 
C'est ici où le diable décoche ses dards 
enflammez , & tasche de transpercer le 
pecheur , & de luy donner vne atteinte 
mortelle.Combien y a-il qui luittent ici 
long temps auec les frayeurs de Dieu , & 
semblent voir l'enfer ouuert pour les engloutir? 
Qu'y a-il donc plus necessaire 
que de r'asseurer le pecheur, & le releuer 
par ceste douce consolation,qu'il ne s'espouuante 
point, qu'il s'asseure en la misericorde 
du throne de grace , que ce 
throne ne luy promet que grace , que 
[Dieu] 
 
Dieu ne l'a pas dressé pour les justes, 
mais pour les pecheurs,& qu'il y conuie 
non les innocens , mais les repentans, 
non ceux qui ont leur cœur au large, 
mais ceux qui l'ont à l'estroit , qui sont  
  trauaillés & chargés ; & promet de les y 
soulager. 
  
Disons aussi, que ce sont choses relatiues 
& conjointes , la grace & l'asseurance, 
comme la justice & la crainte. Là où 
Dieu est assis sur vn throne de justice, & 
veut agir en Iuge auec rigueur , il n'y a 
que matiere de confusion & de tremblement : 
Mais là où Dieu est assis sur vn 
throne de grace & veut agir en Pere, il y 
a matiere d'asseurance. C'est donc à bon 
droit, que l'Apostre presche l'asseurance, 
ayant proposé un throne de grace. 
  
Il semble aussi, que l'Apostre fait ici vne 
opposition entre l'approche qui fût 
commandée jadis au desert sous la Loy, 
au peuple des Iuifs, & entre celle à laquelle 
les Hebreux estoyẽt conuiez sous 
l'Euangile. Celle là estoit pleine de frayeur. 
Il faloit que le peuple se purifiast auec 
soin, & approchast auec trẽblement. 
Toute approche mesme ne lui estoit pas 
permise. La montagne estoit entourée 
 
d'vne haye. Des bornes & barrieres y estoyent 
mises. Dieu y apparoissoit en Legislateur, 
& en Maistre. La mort estoit 
denoncée à ceux qui approcheroyẽt trop 
pres de Dieu,& franchiroyent les barrieres 
posées. L'Apostre oppose ici à ceste 
œconomie d'ire, vne œconomie de grace, 
& requiert des dispositions congeneres 
à vne dispensation de ceste nature. 
Comme s'il vouloit dire aux Hebreux:Si 
nos Peres n'ont jadis osé approcher du 
throne de Dieu dressé sur la montagne, 
qu'auec tremblement : vous auez de l'auantage 
sur eux. Dieu vous a dressé vn 
throne en l'Euangile , auquel vous pouuez 
aller auec asseurance. Les barrieres 
sont ici leuées,la haye arrachée, l'approche 
non seulement permise,mais mesme 
commandée. Dieu y apparoist en Pere,& 
en Pere appaisé enuers ses enfans. Vn 
Ancien Docteur de l'Eglise, voulant distinguer 
la Loy & l'Euangile,dit,la difference 
de l'vn & de l'autre est,  La crainte 
& l'amour . De fait,  l'esprit de seruitude  estoit 
predominant soubs l'ancienne œconomie. 
Les apparitions de Dieu y estoyent 
formidables la plus part. Manoah 
craint de mourir,parce qu'il a veu Dieu. 
[Les] 
 Les Prophetes mesmes y estoyẽt estõnez 
és apparitions celestes. Daniel demeure  
 sans force,sa forme est changée en luy. Il est 
                                
                                    Dan. 10.8.9.
                             
 tous deffait,& ne retient aucune vigueur , il 
est contraint 
 de remper sur ses genoux, & 
sur les paumes de ses mains . Dieu traittoit 
à l'ordinaire auec les anciens,comme Ioseph 
auec ses freres. Il leur monstroit vn 
visage rude.C'estoit le temps d'ire. Dieu 
y prenoit des noms terribles 
 de Dieu vẽgeur, 
jaloux, d'Eternel des armées . En l'Euangile 
au contraire , 
 l'Esprit d'adoption  predomine. Les apparitions de Dieu y 
sont fauorables. Ceux qui y voyent 
Dieu , viuent. Dieu y monstre vn autre 
visage , vient auec vn autre appareil, 
& tient vn autre langage. Les titres 
qu'il y prend , sont autres. Il y est appelé  
 Pere , & Pere de grace, Dieu de paix, & 
de misericorde . Le temps Iudaïque aussi 
auoit diuers departemens. Les Gentils 
n'y osoyent pas passer si auant que 
les Iuifs , ni le peuple si auant que les Sacrificateurs , 
ni ceux cy si auant que le 
Souuerain Sacrificateur. Il y auoit des  
 parois entremoyennes , ausquelles l'Apostre
                            
                                Ephes. 2. 14.
                         fait allusion. En somme l'approche des 
vns & des autres du throne symbolique 
  
estoit fort differente ; Mais sous l'Euangile 
l'approche du throne de grace est vniforme, 
& également ouuerte,& peut & 
doit estre faite auec asseurance. 
  Mais , pourra-on objecter, comment 
est-ce que l'Apostre rend les Hebreux si 
confidens, & veut , qu'ils approchent de 
Dieu 
 auec asseurance , veu que la crainte, 
voire le tremblement est commandé ailleurs ? 
Sommes nous pas exhortés souuent  
                            
                                Phil.2.12
                        de 
 craindre Dieu, & de nous employer 
à nostre propre salut auec crainte & tremblement? Comment est-ce que cela s'accorde 
auec l'asseurance qui est ici recommandée? 
Disons, que l'vn & l'autre sont 
fort compatibles ensemble. Distinguons  
diverses sortes de crainte,& diuers 
esgards en ceste approche. Il y a vne crainte de 
reuerence,& vne crainte de trepidation: 
l'vne est accompagnée d'amour , l'autre 
de haine:l'vne est conjointe auec confiãce, 
l'autre auec deffiance : l'vne est vne 
crainte d'enfant , l'autre vne crainte de 
criminel : l'vne approche l'homme de 
Dieu, l'autre l'en esloigne: l'vne produit 
des mouuemens d'humilité , l'autre de 
fremissement & de murmure.La premiere 
sorte de crainte s'accorde bien auec 
[ l'asseu- ]   
  l'asseurance . Mais la seconde ne s'y accorde 
pas: Et veu que celle là est commãdée 
tant seulement, non ceste cy, ces deux dispositions 
ne se chocquent pas és enfans 
de Dieu, mais s'entretiennẽt & s'entr'aident 
mesmes en diuers deuoirs. Distinguons 
aussi diuers esgards , que le pecheur 
peut auoir, lors qu'il approche du throne 
de Dieu. Quand il baisse sa veuë sur 
soy mesme , & fait reflexion & sur ses 
crimes , & sur son indignité, il a sujet de 
craindre & de trembler,mais quand il esleue 
sa veuë en haut , & considere Dieu 
sur vn throne de grace , il a sujet de se 
r'asseurer.Si la consideration de ce qu'il 
a merité de Dieu,le doit abbatre,celle de 
la grace que Dieu a meritée, pour luy, & 
scellée à sa conscience le doit releuer. 
Tout de mesme comme vn enfant, quand 
il se voit sur le bord d'vn precipice ou 
exposé à quelque dãger, a sujet de crainte, 
en considerant sa foiblesse, & a neãtmoins 
quant & quant sujet de se r'asseurer, 
quand il se voit entre les bras d'vn 
Pere , capable de le garentir. On n'a pas 
mal rencontré de dire, que la deuise des 
enfans de Dieu est , craindre & s'asseûrer . 
Elle a son principe en la Parole de Dieu, 
  
                            
                                Ps. 2.11.
                        qui conjoint 
 l'exultation  auec le 
 tremblement , 
& sa preuue en la conscience du fidele , 
qui sçait tresbien joindre l'vn & 
l'autre ensemble,& craindre & s'asseurer 
à diuers esgards. 
   L'asseurance donques des enfans de 
Dieu ne bannit pas la crainte , entant  
                            
                                Rom. 11. 20.
                        qu'elle est opposée à l'orgueil, & à la securité, 
mais elle la bannit tant seulemẽt, 
entant qu'elle est conjointe auec deffiance 
& desespoir. De fait, ceste asseurance 
n'est pas vn mouuement d'outrecuidance, 
ni de temerité, qui remplisse l'homme 
de vent, & l'enfle en luy mesme:mais vn 
pur mouuement d'enfant, s'appuyant & 
sur la verité de son Dieu , & sur sa bonté, 
& sur le sentiment de l'vne & de 
l'autre qu'il a en sa conscience. Ceste asseurance 
aussi ne porte pas au mespris, 
mais à l'vsage,& à la prattique des moyens 
que Dieu a establis. Et où ceste solicitude 
n'est pas, ce n'est plus asseurance, 
c'est presomption. 
   
Mais on peut demander. Tous ceux, qui 
ne sentent pas ceste asseurance en leurs 
cœurs , sont ils reculés du throne de grace, 
& n'y ont-ils point d'acces? Ie ne sens 
pas ceste fermeté ni ceste persuasion en 
[moy,] 
 moy , mais beaucoup de foiblesse & de 
doute.Mes pechés m'estonnent plus que 
la grace de Dieu ne me r'asseure. Sçache, 
ame fidele, que 
 de telle compassion, qu'un 
                                
                                    Psal. 103. 13.14.
                             
 Pere est esmeu enuers ses enfans , de telle 
compassion est esmeu l'Eternel enuers ceux 
qui le reverent : Il sçait dequoy  nous sommes 
faits . Ce n'est pas la force, mais la sincerité 
de nos mouuemens,que Dieu regarde. 
Si vn Pere agrée vne demarche chancelante , 
& un tastonnement tremblant 
d'vn enfant, Dieu ne rebute pas les mouuemens 
de ses enfans pour foibles qu'ils 
soyent , moyennant que ce soyent des 
mouuemens d'enfans, & non d'esclaues, 
ni de mercenaires. S'il a des entrailles de 
misericorde pour ses ennemis,à plus forte 
raison a il vne tendresse intime pour 
ses enfans. Vne de ses plus salutaires qualités 
est,qu'il 
 ne brise pas le roseau cassé,& 
n'esteint pas le lumignon fumant . Le tremblement 
& la langue begayante d'vn enfant 
ne luy ostent ni l'affectiõ, qu'il porte 
à son Pere, ni l'esperance qu'il a d'obtenir 
ce qu'il demande. Moins aux enfãs 
de Dieu. Et comme vne main foible & 
tremblante ne laisse pas d'empoigner vn 
joyau, qui luy est presenté:Ainsi vne ame 
  
tremblante peut embrasser la grace qui 
luy est offerte. Dieu a diuerses sortes d'ẽfans; 
Les vns sont partagez en aisnés,les 
autres en cadets:les vns ont receu double 
portion,les autres non. Vn Pere n'est pas 
si rude , que d'exiger des forces & des 
fonctions égales d'vn petit enfant, & de 
celuy qui est auancé en aage. Et Dieu sera 
il si seuere enuers ceux, qui sont marquez 
de son charactere, & qui ont l'esprit 
d'adoption en leurs cœurs , qui crient; 
quoy que souuent d'vne voix foible & 
entrecoupée, Abba Pere? Iacob ne rejette 
pas des brebis,qui sont plus foibles,mais 
en a plus de soin, & s'accommode d'auãtage 
à leur foiblesse. Dieu n'a pas moins 
d'affection pour les siens. Il cõsidere que 
leurs mouuemens sont mouuemẽs d'enfans , 
mouuemens produits par son Esprit , 
mouuemens qui ne tendent qu'à 
luy, & qui ne cerchent leur approbation 
qu'en sa seule bonté , & leur effet , qu'en 
sa pure grace. L'Apostre parlant ici d'asseurance, 
se contente de monstrer, ce qui 
predomine & doit predominer és enfans 
de Dieu,& à quoy ils ont à aspirer,qu'ils 
doiuent cõbattre leurs deffiances & leurs 
craintes. Et ceste exhortation mesme est 
[vn moyen] 
 
vn moyẽ de faire naistre en eux les mouuemens 
que Dieu demande. Mais,dira- 
on , l'Esprit de Dieu n'opere il pas des 
mouuemens forts, là où il opere,par consequent 
vne rasseurance ferme ? Distinguons 
entre les actions solitaires de l'Esprit 
de Dieu , & celles qu'il opere en 
nous ou par nous. Celles là sont fortes, 
cestes cy foibles. Celles là representent 
la vertu de celuy qui agit , cestes cy les 
foiblesses de celuy qui reçoit. Nostre justification 
est parfaitte , parce qu'elle se 
fait hors de nous, mais nostre sanctification 
ne l'est pas ici bas , parce qu'elle se 
fait en nous,& par nous. 
    
CONCLVSION
  
Ces paroles en somme nous fournissẽt 
matiere abondante d'instruction & de cõsolation. 
Nous y trouuons de fortes convictions 
à l'encontre de l'erreur , & des 
 aduertissemens puissants à l'encontre du vice. 
  
I. Nous y voyons à qui nous auons à 
nous addresser , si nous voulons trouuer 
aide en temps opportun. Non à vn Dieu 
seant sur vn throne de justice , mais à vn 
 
Dieu assis sur vn throne de grace : par 
consequent nous voyons que nostre salut 
est vn effet de pure grace , & vn ouurage 
de sa seule misericorde. Et que 
nous deuons venir le demander à Dieu, 
non en contestant , ni en plaidant auec 
luy, mais en qualité de supplians. Ce que 
nous demandons, ce sont lettres de grace. 
Quelle est la disposition de ceux qui 
les demandent ? Il faut qu'ils auouënt 
leur crime , qu'ils recognoissent leur indignité, 
qu'il reuestent les prisons,qu'ils 
se presentent en estat de rées & de criminels, 
la contrition au cœur, & la confusion 
sur la face. Tel est nostre estat deuant 
Dieu, telle doit estre nostre presentation 
deuant luy. Arriere ici toute pensée 
de merite, de justice, de satisfaction. 
Tout nostre recours est de cercher Dieu 
sur vn throne de grace. Mais comment 
est ce que cela s'accorde auec ceste Theologie 
orgueïlleuse , qui est enseignée en 
l'Eglise Romaine , & apprend à cercher 
Dieu sur son throne de justice, & luy presenter 
ses trauaux & ses peines, ses satisfactions 
& ses souffrances, qui fait passer 
des actions impertinentes,pour des œuvres 
importantes , des deuotions arbitraires, 
[traires] 
 
pour des actes commãdez des disciplines, 
haires, austerités & maceratiõs 
de cloistre , pour vn haut degré de pieté 
& vne perfection Euangelique: Au bout 
des actions contaminées & vicieuses, & 
en leur principe, & en leur maniere, & 
en leur fin,pour des chefs d'œuure d'vne 
haute deuotion. Miserable Theologie, 
qui enfle l'homme pour le creuer , qui le 
remplit de presomption , pour luy faire 
perdre jugement,& le chemin de vie.Ce 
grand Apostre nous apprend à traitter 
tout autrement auec Dieu , & à ne prouoquer 
qu'à vn throne de grace. De fait, 
Dieu ne peut estre conuenu, qu'en deux 
façons, ou entant qu'assis sur son throne 
de iustice,ou entant qu'assis sur son throne 
de grace. Si l'homme veut traitter auec 
Dieu en la premiere façon , il faut 
qu'il auouë son iniustice, & son indignité, 
& n'ait son recours qu'à la seule grace 
de son Iuge. Mais s'il veut traitter auec 
luy en la seconde façon , il faut qu'il apporte 
& vne justice sienne, & vne justice 
indeuë, & vne justice parfaitte , & proportionnée 
à la rigueur d'vne Loy qui ne 
sçait pas ce que c'est de grace, ni d'indulgence. 
Et quel est l'arrest de ce tribunal? 
 
  Maudit est qui n'est permanent en toutes 
les choses qui sont escrites au liure de la Loy 
pour les faire. Qui manque en un seul poinct 
est coulpable de toute la Loy . Et qui est ce 
qui ose subir ce jugement, & qui y puisse 
penser sans tremblement? Il ne faut autre 
argument , que la conuiction de la conscience. 
Que ces justitiaires pretendus 
conferent la loy & leur vie;ses exactions 
& leur obeïssance, & que les pensées accusantes 
ou excusantes, qu'ils sentiront en 
eux mesmes, fassent la decision. Ils n'auront 
pas fait la reueuë de la moindre 
partie de leur vie , qu'ils ne soyent contraints 
de passer condamnation.Sur tout 
cela se voit à la fin , quand Dieu adjourne 
l'homme,& l'appelle à conte.C'est alors 
que le cœur palpite , & que la conscience 
tremble, qui a voulu articuler auec 
Dieu, & il n'y a que trepidation , & 
frayeur, & les dernieres sueurs sõt poussées 
au dehors , non seulement par vne 
nature defaillante à ses fonctions, mais 
sur tout par vne conscience tremblante, 
& accablée du sentiment de ses preuarications. 
C'est en vain qu'on parle alors 
au cheuet d'vn malade, de haires,de scapulaires, 
de cilices, de reliques, d'indulgences. 
[gences.] 
 Il n'y peut auoir aucune consolation 
solide qu'ẽ la croix du Fils de Dieu. 
Ceux qui se sont entretenus en leur vie 
d'autres consolations , trouuent alors, 
qu'ils sont , comme ceux desquels parle 
le Prophete, qui croyent 
 auoir mangé en 
                                
                                    Esa. 29.8.
                             
 dormant ,& qui trouuent 
 que leur ame est vuide  en se resveillant. Vn Prelat celebre 
est contraint d'auouër,qu'à cause de l'incertitude 
de nostre propre justice, il vaut 
mieux s'arrester à celle du Fils de Dieu. 
S'il y a aucune matiere au monde , où il 
soit expedient de prendre la voye la plus 
seure , c'est celle, où il y va 
de nostre tout. Vn grand 
Empereur nourri & esleué toute 
sa vie en vne toute autre Theologie,a 
esté obligé à la fin de ses jours , d'auoir 
recours à vne doctrine, qu'il auoit persecutée 
en sa vie , & d'y chercher vniquement 
sa consolation. Et c'est chose digne 
d'estonnement , que l'homme ose traitter 
auec Dieu plus outrageusement , qu'vn 
homme ne traitte auec vn autre , qui est 
constitué en quelque dignité. Quelque 
seruice qu'on ait rendu à vn Grand , on 
ne voudroit pas parler de merite , ni luy 
reprocher des deuoirs rendus.Et on veut 
estaller deuant Dieu le hasle souffert , & 
  
le trauail supporté. Mais ce qui n'est qu' 
inciuilité deuant les hommes, est impieté 
deuant Dieu. Nous auons cet auantage 
par la grace de Dieu,que nostre Religion 
nous enseigne de n'auoir nostre recours 
auec l'Apostre,qu'au throne de grace, 
& de prescher ce throne de grace vniquement 
aux pauvres pecheurs repentans , 
donnans toute la gloire de nostre 
salut à la seule grace, & ne la partageans 
pas entre Dieu, & entre l'homme. Et toutes 
les menuës distinctions , qu'on a accoustumé 
de produire en l'Eglise Romaine, 
ne garentiront pas ni leurs inuẽteurs,  
ni leurs sectateurs d'inquietude en 
leur vie,de frayeur en leur mort & de trepidation 
au jour de jugement. Qu'on regarde, 
qui parle auec l'Apostre, ou nous, 
ou l'Eglise Romaine. Elle mene les hommes 
au throne de la justice de Dieu , & 
nous les menons au throne de grace. Il 
ne faut point d'autre marque,de quel costé 
l'Esprit de Dieu parle. Nous mettons 
& Dieu predestinant, & Dieu appelant, 
& Dieu justifiant,& Dieu sanctifiant,& 
Dieu glorifiant absolument sur vn throne 
de grace. La Theologie Romaine est 
d'autre nature:elle cerche ou des preparations 
[rations] 
 
& congruités antecedantes , ou 
des condignités suiuantes.Ce ne sont pas 
les enfans de Dieu, qui estallent leurs 
œuvres au dernier jugement:ils les extenuent, 
& ignorent presques. Il n'y a que 
ceux qui sont à gauche , qui en parlent , 
& croyent les auoir acquittés. Si 
les bien heureux qui sont au ciel jettent 
leurs couronnes au pied du throne de 
Dieu , quelle doit estre la disposition 
de ceux qui sont encore rempans en terre? 
  
II. Si l'Eglise Romaine chocque ce 
throne de grace par ce moyen , elle l'esbranle 
encore par vn autre,entant qu'elle 
veut que Dieu n'y soit assis qu'à demy, 
qu'il remette la coulpe des pechés , sans 
en remettre la peine, ou qu'il remette la 
peine eternelle, sans remettre la temporelle, 
mais qu'elle doiue estre soufferte, 
ou expiée ailleurs, soit en ceste vie , soit 
en l'autre. C'est ainsi que l'œuvre de la 
remission de nos pechés est partagée derechef 
entre Dieu & l'hõme, ou entre la 
grace & la justice. Ioint qu'on attribuë à 
Dieu vn acte d'injustice pour vn acte de 
justice,entant qu'on enseigne qu'il ordõne 
la peine à ceux ausquels il a pardonné 
 
la coulpe.Et quelle justice y a-il de punir 
vne faute pardonnée, ou de pardonner le 
crime , & de punir le criminel , n'y pouuant 
auoir aucune peine juste , sans coulpe 
ou inherente ou imputée?Vn juge seroit 
estimé ou injuste ou mocqueur , qui 
pardonnant à vn criminel sa faute , cependant 
luy en feroit porter la peine. 
  
III. Et comme l'Eglise Romaine combat 
 le throne de grace , ainsi combat elle 
 l'approche de ce throne , entant qu'elle 
nous mene non à celuy qui est sur le 
throne , mais à ceux qui sont au dessous 
du throne.Des Anges & des hõmes sont 
mis en la place du Fils de Dieu, & par ce 
moyen sur le throne. Chasque Royaume, 
Prouince,Ville, ont leurs Dieux tutelaires, 
ausquels on a recours. On partage les 
arts,mestiers,maladies,dangers, à la Payenne. 
Il n'y a que les noms qui sont 
changez. Vn tel Sainct est inuoqué en vn 
tel danger, vn autre en vn autre. Et où 
demeure la conclusion de nostre Apostre? 
qui infere; Puis que nous auons vn 
Souuerain Sacrificateur , que nous allions 
auec asseurance au throne de grace. 
Par consequent nous ne deuons aller au 
throne de grace, qu'estans appuyés sur ce 
[Sacrifi-] 
 Sacrificateur. Et ou ce Mediateur suffit, 
pour ceste approche,ou non. S'il n'y suffit 
pas, la perfection de sa mediation est 
renuersée,s'il y suffit, à quoy bon,cercher 
d'autres Mediateurs? & deuons nous estre 
blasmés de nous arrester à luy auec 
l'Apostre,& de 
 croire qu'il n'y a qu'un seul 
                                1.Timoth. 2.5.
                             
 moyenneur entre Dieu & les hommes  , &  
 qu'il n'y a point de salut en aucun autre . 
                            
                                Actes 4. 12.
                         L'Apostre ne sçait pas que c'est de ces distinctions 
de Mediateurs de redemption 
& d'intercession , d'inuocation & d'adoration , 
& d'autres semblables , par lesquelles 
on veut eschapper. Le peuple les 
ignore, les Docteurs eux mesmes les renuersent, 
& l'Apostre trãche net,que celui 
là 
 fait requeste pour nous , qui est mort & 
                                
                                    Rom.8.33.
                             
 ressuscité; & qui est à la dextre de Dieu . S. 
Iean ne recognoist point d'autre 
 aduocat 
                                1.Ieh.2.1.2.
                             
 enuers le Pere,que Iesus Christ le Iuste, qui 
est la propitiatiõ pour nos pechés . Distinguer 
aussi l'inuocation & l'adoration,la dulie, 
latrie,hyperdulie,est distinguer des mots 
& non des choses , entant que tout cela 
passe pour 
vn approche religieuse,qui est 
vn droict de regale,& ne peut estre deferé 
qu'au Souuerain, voire vn poinct, qui 
ne peut estre couppé en deux. 
    
Et non seulement les hommes sont 
mis sur le throne de Dieu en l'Eglise Romaine, 
mais le Fils de Dieu mesmes est 
debouté du throne de grace, & ce throne 
est reserué pour la Bien heureuse Vierge. 
Cette ci est appellée Royne de grace, & 
logée sur le throne de grace. Le Fils de 
Dieu au contraire sur le throne de iustice. 
Dont il ne faut pas s'estonner , s'il 
y a plus de deuotion pour elle en l'Eglise 
Romaine que pour le Fils de Dieu. 
Et au lieu que les Roys & Princes se dechargent 
des actes de seuerité sur leurs 
Ministres , & se reseruent la distribution 
des graces : Le contraire est prattiqué en 
la deuotion Romaine, & la dispensation 
la plus fauorable soustraitte au Createur, 
est donnée à la Creature. 
  
IV. Mais si l'Eglise Romaine combat 
& le throne de grace , & l'approche à ce 
throne, elle combat aussi la maniere , en 
laquelle on en doit approcher. Elle ne 
veut pas ce que ce soit auec asseurance, mais 
auec tremblement , non auec vne confiance 
d'enfant, mais auec vne deffiance 
d'esclaue ou de criminel. L'asseurance, 
que l'Apostre requiert y est qualifiée orgueil 
& presomption.Et les pauures ames 
[sont] 
  
sont entretenuës en vne fluctuation perpetuelle, 
& en la vie & en la mort. Et 
pourquoy cela? sinon afin qu'vne pauure 
conscience tremblante & palpitante en 
ces frayeurs , & sur tout parmi les derniers 
hocquets , soit renduë tributaire 
  aux esprits abuseurs , jusqu'aux derniers abois, 
& qu'en desfraudant ses heritiers, 
on mette en place des gens d'Eglise,pour 
se redimer des frayeurs imprimées artificieusement 
d'vn Purgatoire pretendu. 
Est-ce pas arracher aux enfans de Dieu 
l'asseurance qu'ils doiuent auoir au merite 
& en la grace de leur Mediateur , & 
combattre directement la maniere d'en 
approcher , qui nous est icy recommandée? 
A la verité ce seroit presomption, si 
nous fondions ceste approche sur nous 
mesmes,& sur nos propres merites: Mais 
ce n'est pas presomption , de croire , que 
ce throne, auquel nous approchons , est 
un throne de grace, qui nous est dressé 
par grace , que ce Souuerain Pontife seul 
nous en a ouuert & frayé l'approche , & 
que ceste approche mesmes est vn pur dõ 
de la grace de Dieu, aussi bien que la maniere, 
en laquelle nous en approchons. 
L'Eglise Romaine à la verité a sujet d'enseigner 
 
le tremblement & la frayeur en 
ceste approche , entant qu'elle la fonde 
sur des satisfactions & intercessions humaines , 
ou propres , ou achetées d'ailleurs. 
Vn fondemẽt si fresle ne peut porter 
aucune solide consolation. Et c'est 
chose estrange, qu'on enseigne d'vn costé 
des merites & des supererogations,& 
que de l'autre on enseigne des frayeurs & 
des tremblemens. Et comment peuuent 
trembler ceux qui ont des justices de reste, 
& qui ont plus de fait, qu'ils n'estoyent 
obligés de faire ? Et c'est un traict de la 
couppe d'estourdissement, que l'imputation 
des merites du Fils de Dieu est combattue, 
& celle des merites de ces supererogateurs, 
s'il faut ainsi parler, estallée, 
voire venduë à prix d'argent,en la distribution 
des indulgences. Les merites du 
Fils de Dieu ne sont-ils pas de si haute 
valeur , que ceux des hommes? & nostre 
vnion avec luy,n'est-elle ni si etroitte ni 
si efficace, que celle que nous auons auec 
les hommes?Et ou des indulgences achetées 
sont capables d'oster la frayeur,& de 
faire naistre l'asseurance ou non. Si elles 
le peuuent faire, elles ont plus de vertu 
que celles, que le Fils de Dieu nous a acquises 
[qui-] 
 
en sa croix: si elles ne peuuent pas 
produire cet effet, à quoy bon, d'acheter 
cherement vne marchandise esventée,& 
incapable de nous donner vne solide 
consolation? 
  Et ne sert de rien de dire , que ces doutes 
& vacillations , que nous sentons en 
nous, procedent de l'incertitude, en laquelle 
nous deuons estre , si nous auons 
en nous les dispositions necessaires pour  
approcher du throne de Dieu: veu que là 
où l'Esprit de Dieu est,il agit, 
 Et rend tesmoignage 
                                
                                    Rom.8.16.
                             
 à nostre esprit : là où il n'est pas 
l'approche au throne de grace est interdite. 
Mais,dira-on,combien y a il qui se 
trompent, qui croyent auoir ces dispositions 
& matiere d'asseurance, & qui ne 
les ont pas?Disons,qu'il y a beaucoup de 
phrenetiques , qui croyent d'estre sages, 
qui ne le sont pas:d'autres qui croyent de 
veiller,qui dorment cependant.Les imaginations 
extrauagantes de ces gens là 
empeschent elles d'autres , de se persuader 
qu'ils ne resvent pas,& qu'ils ne dorment 
pas? L'estude serieux de sanctification 
decide de ce poinct. 
 Qui a ceste esperance 
                                1. Iean 3.
                             
 se sanctifie soy mesme ,& dit auec l'Apostre,  
 Ie sçay en qui j'ay creu.Ie vis non point   
 maintenant moy, mais Christ vit en moy: & 
ce que je vi maintenant en la chair, je vis en 
la foy du Fils de Dieu,qui m'a aimé, & qui 
s'est donné soy mesme pour moy .Qui ne sent 
pas cet estude serieux de la sanctificatiõ en 
son cœur , n'a point de part à ce mouuement 
d'asseurance.Mais l'estat de ces gẽs 
là ne doit pas seruir de pretexte pour arracher 
aux enfans de Dieu leur consolation, 
ni les plonger en vne fondriere de 
desespoir. Ce nous est matiere de joye, 
que nous tenons & pressons en nos Eglises 
le langage de l'Apostre ,  qu'il faut aller 
auec asseurance au throne de grace , quoy 
qu'il soit taxé d'heresie en l'Eglise Romaine. 
  Mais,dira-on,il y a bien des temps, esquels 
je sens ce mouuement de l'Esprit 
de Dieu,& cette asseurance en mõ cœur, 
qu'il y a vn throne de grace, & qu'il est 
dressé pour moy: mais comment peux je 
estre asseuré, jusques à quand cette salutaire 
persuasion me sera continuée?Dieu 
peut estre fidele en sa promesse , mais je 
peux deuenir infidele,& defaillir à sa grace.  
                            
                                Rom. 11. 29.
                        Sçache, ame fidele, 
 que les dons & la 
vocation de Dieu sont sans repentance  , que  
                            
                                Phili. 1. 6. 
                          celuy qui a commencé la bonne œuvre en toy, 
[ la para ]   
 la paracheuera jusqu'à la journée de Iesus 
Christ . 
 Que   Iesus Christ est non seulement
                                    
                                    Hebr.12.2.
                             
 le chef, mais aussi le consommateur de nostre 
foy .Par consequent sa fidelité empeschera 
ou releuera ton infidelité , & sa grace 
fera que tu ne defailles pas à la grace. 
Autrement toutes ces expressions excellentes 
pourroyent estre illusoires,si celui 
qui est autheur de son don , n'en estoit 
aussi le cõservateur, & la chaine que l'Apostre 
fait entre la vocation & la glorification, 
pourroit estre rompuë. Nous 
n'auons plus grand ennemi , que nous 
mesmes & nos propres foiblesses.La plus 
grande grace doncques de Dieu , est que 
Dieu ne nous abãdonne pas à nous mesmes, 
& nous preserue de cheute,ou nous 
en releue. La vie Spirituelle peut auoir 
ses syncopes , & estre r'enfermée dans la 
racine,sans pousser au dehors aucũ brancheage 
pour vn temps. Cette lumiere 
peut estre eclypsée , non esteinte , parce 
que c'est vn don celeste, & permanent en 
vie eternelle. 
   
Est-ce enseigner l'orgueil & la securité 
que de prescher cette perseuerance de la 
grace? Nullement: c'est recommander & 
la grandeur de l'amour de Dieu enuers 
 
nous,& la fermeté de ses arrests,& l'efficace 
du merite de son Fils,& la constance 
du don de son Esprit. C'est inculquer 
quãt & quant & la reconoissance enuers 
Dieu pour son don inenarrable,& l'vsage 
soigneux des moyens , par lesquels 
Dieu veut affermir ou restablir sa grace 
en nous. En prendre matiere de securité, 
est n'auoir point de part à ce don, &  auoir 
l'œil malin , parce que Dieu est bon . 
Ioint que c'est chocquer le sens commũ, 
d'opposer la certitude de la fin à la pratique 
des moyens qui y menent,& se vouloir 
perdre , parce que Dieu nous veut 
sauuer. 
  
V. S'il faut aussi approcher du throne 
de grace auec asseurance,& la priere est vne 
espece d'approche, il ne faut pas s'y 
seruir d'vn langage incognu, ni des prieres, 
que nous n'entendons pas , mais de 
termes intelligibles.Autrement non seulement 
nostre asseurance n'a point de 
lieu , entant que nous ne sçauons pas ce 
que nous demandons,mais mesme nostre 
deuotion ne peut estre qu'extrauagante, 
& nos pensées esgarées. 
  
VI. Remarquons encore, que si bien 
l'Apostre represente icy Dieu sur vn 
[throne] 
 
throne de grace , il n'establit pas cette 
doctrine execrable parmy tous les Chrestiens, 
qui met Dieu tellemẽt sur ce throne, 
qu'elle renuerse le throne de sa justice, 
& abbat la croix du Fils de Dieu, niãt 
sa satisfaction , & reduisant la remission 
des pechés à vne pure grace, sans l'interuention 
d'aucune expiation. L'Apostre 
combat ici fortement cette impieté,fondant 
nostre approche à ce throne de grace 
vniquement sur le Sacrificateur que 
nous auons,& sur ses benefices. De faict 
& sa propitiation & sa comparition deuant 
dieu sont la seule cause , que nous en 
pouuons approcher auec asseurãce. C'est 
ce qu'il presse par tout en cette excellente 
Epistre, & y rapporte les types & réels 
& personels de l'Ancien Testament. Et 
certes ni la verité de Dieu , ni sa justice 
ne pouuoyent permettre , qu'vn throne 
de grace fust dressé , que la malediction 
denoncé au pecheur ne fust leuée auparauant , 
& sa justice satisfaitte , qui n'est 
pas moins naturelle à Dieu que ses autres 
perfections. 
  
VII. Disons aussi, entant que l'Apostre 
exhorte les Hebreux , & nous tous en 
leur personne,de nous presenter deuant 
 vn throne de grace, qu'il veut que nous 
passions tous cõdamnation, & avouïons 
que nous sommes tous criminels deuant 
Dieu. Aussi le throne de grace n'est que 
pour ceux qui sont tels. Et qui est ce,qui 
en sa conscience ne soit conuaincu, d'en 
estre du nombre, & contraint d'avoüer,  
                            
                                Rom. 3.10.12.
                          qu'il n'y a nul juste, non pas un seul,que tous 
ont fouruoyé,& qu'il n'y a nul qui fasse bien? Est-ce pas tesmoigner , n'auoir point besoin 
de ce throne,que de se vãter de l'accomplissement 
non seulement des 
commandemens necessaires, mais aussi des 
cõseils arbitraires , & des deuotions indeuës? 
A quoy bon , parler à ces gens là 
d'vn throne semblable, qui s'en peuuent 
passer , & prouoquer hardiment à vn autre 
throne? Mais qu'ils prennent garde, 
qu'en voulant contester auec Dieu , ils 
ne soyent condamnés à vn payement 
rigoureux , & au deffaut de la satisfaction 
conuenable,à des horreurs eternelles? 
   
VIII. Auoüons finalement,que le priuilege 
de l'Eglise Chrestienne est grand 
sur toutes sortes de sectes,& de Sectaires 
entant qu'elle seule sçait , que Dieu a 
dressé vn throne de grace,& en qui il l'a 
[dressé] 
 
dressé, & quel est le moyen d'en approcher , 
& quelle est la maniere en laquelle 
il doit estre approché. Sapience qui est 
incognuë aux vns, mesprisée des autres, 
quoy que non seulement le mespris,mais 
aussi l'ignorance de ceste verité celeste 
traine quant & soy vne condamnation 
irreparable. C'est en vain que les Iuifs 
prouoquent à leurs deuotions,& les Mahumetains 
à leurs obseruances , & les 
Payens à leurs hecatombes & seruices, 
ou ignorans, ou mesprisans ce throne de 
grace. Et entre les Eglises Chrestiennes 
celles là sont plus pures, qui esleuẽt plus  
hautement ce throne de grace,& qui l'establissent 
plus absolument. 
  
Mais s'il y a en ce texte matiere de conuiction 
à l'encontre de l'erreur , il y a aussi 
 matiere d'aduertissement à l'encontre du 
 vice. 
  
I. Si nous sommes obligés de cercher 
vn throne de grace, auons nous pas sujet 
d'auoir le peché en horreur, qui nous reduit 
à ceste necessité , & nous rend incapables 
d'auoir aucun accés au throne de 
Dieu, que par grace?C'est vne miserable 
condition , d'auoir besoin de lettres de 
grace.La mort y est ineuitable sans la misericorde 
 d'autruy.Et il faut attendre vne 
vie precaire. Et où est ce que le pecheur 
seroit , si Dieu n'eust dressé vn throne de  
                            
                                Rom.6.23.
                        grace pour luy ? 
 Le gage du peché est la 
mort , & vne separation eternelle d'auec 
Dieu. Si nous auons peur de ce qui nous 
peut esloigner de la faueur d'vn Grand, 
deuons nous pas auoir horreur de ce qui 
nous peut esloigner de toute approche 
de Dieu? Si nous fuyons ce qui peut rendre 
nostre condition miserable , nostre 
vie amere,& nostre mort asseurée:deuõs 
nous pas fuyr le peché, qui nous peut attirer 
& des jours de trauail,& des nuicts 
de douleur, & au bout des horreurs eternelles ? 
Pleust à Dieu que ceste pensée 
nous vinst souuent,quand le peché nous 
tente,& le monde nous charme! Le peché, 
que je vay commettre,est capable de 
m'esloigner à tout jamais de Dieu,de me 
rendre abominable & criminel deuant sa 
face, & me coustera cher à l'heure de ma 
mort. C'est vn 
rouleau qui semble estre 
doux, mais qui me peut causer beaucoup 
d'amertumes.Si Dieu ne dresse vn throne 
de grace pour moy,il n'y a point de salut  
                            
                                Hebr. 10. 26. 27.
                        pour moy,ni d'esperance de vie. Et Dieu 
ne le dressera point, 
 si je peche volontairement, 
[ ment, ]   
 apres auoir receu la cognoissance de 
verité. Il ne reste plus de sacrifice pour les 
pechez : Mais une attente terrible de jugement, 
qui doit deuorer les aduersaires . Ceste 
seule pensée nous rendroit le peché 
hideux, & les efforts du Tentateur inutiles. 
  
II. Si nous sommes aussi en estat de 
rées & de criminels, & obligés de demãder 
grace à Dieu , adjousterons nous peché 
à peché, pour despiter Dieu en face, 
& le faire descendre du throne de grace, 
pour monter sur son siege de justice & de 
jugement? Y a il criminel au monde,pour 
audacieux qu'il soit, qui osast ou voulust 
irriter son Iuge , & luy cracher en face, 
pendant qu'il demande & attend lettres 
 de grace,& qu'il espere les obtenir ? Et 
cependant nous en sommes logés là fort 
souuent. Pendant que nous demandons 
& attendons grace,nous encherissons sur 
nos crimes, & nous rendons de plus en 
plus indignes de toute grace. Et mesmes 
souuent nos actes de deuotion seruent 
pour augmenter le nombre de nos pechés, 
quand nous demandons graces auec 
indeuotion , ou la cerchons à sa Saincte 
Table auec irreverence. 
   III.Si nous sommes aussi obligez de cercher 
grace aupres du thrône de grace,quel 
doit estre l'equippage,auquel nous auons 
à nous mettre deuant Dieu? Iadis,quand 
les rées ou criminels se presentoient deuant 
leurs Iuges , ils venoyent le visage 
abbatu , la face crasseuse , les vestemens 
ou sordides, ou lugubres, pour esmouuoir 
leurs Iuges à compassion , & 
tesmoigner, qu'ils auoyent vn vray ressentiment 
de leur conditiõ.Et en quel equippage 
est-ce que nous nous presentõs 
souuent deuant le throne de Dieu & à sa 
saincte Table ? Souuent auec vne parure 
d'orgueil, & vn equippage de lubricité?  
                            
                                Esa.3.16.
                          Les filles de Sion cheminent la gorge 
estenduë , & guignent des yeux, & cheminent 
auec une fiere desmarche . Il faut que 
nos vestemens parlent, & que nos contenances 
deposent, & fassent voir au dehors 
les dispositions que nous auons au 
dedans. Y a il Iuge au monde , qui voulust  
expedier des lettres de grace à vn criminel , 
qui viendroit le brauer en face? 
Et cependant nous venons souuent la 
demander à Dieu en cette sorte. Est ce 
chose estrange , si nous n'en remportons 
parfois que des sentimens de nostre 
[stre]    
condamnation? 
  
IV. Combien mesmes cette pensée 
peut elle contribuer à abbatre nostre orgueïl, 
& à nous disposer à l'humiliation 
de nous mesmes , quand nous considerons 
serieusement , que nous sommes de 
pauures criminels , & qu pied d'vn throne 
de grace! Souuent nos biens nous enflent , 
nos honneurs nous emportent, 
nos delices nous enyurent,l'applaudissement 
du monde nous charme , & nostre 
presomption nous represente à nous 
mesmes en vne fausse glace. En somme, 
nous nous mécognoissons nous mesmes, 
& ne sçauons ni ce que nous sommes, 
ni ce que nous auons à deuenir.Qu'il est 
bien besoin, que nous nous considerions 
souuent deuant vn throne, & nostre Iuge 
dessus , & la necessité que nous auons 
de demander grace , & qu'au deffaut de 
l'obtenir nous sommes miserables eternellement, 
& sans ressource! 
  
V. S'il y a aussi chose aucune qui nous 
doiue & puisse exciter à vne serieuse recognoissance 
enuers Dieu , & embraser 
nos cœurs de son amour & de sa crainte, 
c'est la consideration de ce throne de 
grace, que Dieu nous a dressé en l'Euangile. 
 En l'Eglise Romaine on nous blasme 
souuent, que nous preschons la licẽce, 
& portons au libertinage , lors que 
nous ne parlons que de grace. Et il n'y a 
rien au monde qui fasse vne plus forte 
impression sur vne ame fidele, que la cõsideration  
                            
                                Ephe. 2.7.
                        de ceste 
 abondamment excellente 
grace  de Dieu , qu'il luy a pleu nous 
dresser vn throne de grace, & ce qu Fils 
de sa dilection, & que toute l' œconomie 
de nostre salut n'est qu'vne pure grace, & 
en son commencement , & en son auancement, 
& en son accomplissement. Les 
naturels genereux ne peuuẽt estre mieux 
gaignés que par douceur & par bienfaits. 
Ce sont les cordages les plus forts , par 
lesquels ils peuuent estre attachés. Et les 
enfans de Dieu ne trouuẽt aucun aiguillon 
plus puissant à leur deuoir , que la 
consideration de la grace de Dieu. Leur 
amour est franche, non mercenaire. Au 
bout nous auons ceste consolation,que la 
mesme doctrine de grace,que nous preschons, 
n'a pû estre preschée par l'Apostre 
Sainct Paul mesme , sans estre sujette à  
                            
                                Rom.6.1.2.
                        des cauillations semblables , qu'il rembarre 
fortement par des raisons peremptoires. 
Et ces gens ont mauuaise grace 
[de]   
de nous faire passer pour des Docteurs 
de licence, qui establissement le libertinage 
par leurs dogmes, & en declarant des pechés 
veniels , & en debitant le remede à 
prix d'argent , ou à la faueur de quelque 
discipline legere. Et tant s'en faut que ce 
throne de grace que nous establissons auec 
l'Apostre, fauorise les profanes & les 
Epicuriens, qu'il demande des conditiõs 
incompatibles auec l'impieté. C'est vn 
throne de grace veritablement, mais à 
ceux qui en approchent auec vne serieuse 
repentance, qui adorent celuy qui est 
sur le throne, & prisent comme il appartiẽt 
la grace qui leur y est presentée.Tous 
les deuoirs & mouuemens, qui y sont & 
requis & produits,portent à gratitude, à 
humilité, & à l'estude serieux d'vne veritable 
sanctification. De fait,c'est en vain 
qu'vn throne de grace est dressé,s'il n'est 
recognu & recerché. Les biens spirituels 
ne sont pas salutaires entant que presentés, 
mais entant qu'appliqués. Ils sont 
semblables à vne viande, & à vn medicament. 
Ce n'est pas assez qu'on les presente, 
la cognoissance mesmes & la veuë n'y 
font rien. Il faut qu'vne viande soit mãgée, 
& vn medicament prins,pour estre 
 vtile. Ainsi ce n'est pas assez que Dieu se 
monstre sur vn throne de grace , & qu'il 
presente grace. Il faut qu'elle soit embrassée 
& appliquée. Et elle ne le peut estre 
que par vn cœur vuide de securité, 
& d'impieté, & plein d'ardeur de faire sa 
paix auec Dieu. Mais afin que cette disposition 
se rencontre en l'homme,il faut 
que Dieu dresse non seulement son throne 
hors de nous, mais aussi en nous, & 
nous donne & la volõté d'en approcher, 
& l'ardeur de l'embrasser. La chair & le 
sang ne menent pas vers ce throne , il 
faut que le principe de ce mouuement  
                            
                                Cant.1.4.
                        vienne d'enhaut , & que 
 l'Espouse soit tirée 
par l'Espoux pour courir apres luy . 
   
Il en est tout autrement des thrones 
que le monde dresse. Il n'est pas besoin 
que nous soyons beaucoup solicités ni 
pressés d'approcher des thrones des 
Grands , nous nous y poussons assez de 
nous mesmes,sans y estre appelés. Il n'y 
a que le throne de Dieu,qui soit ou mescognu, 
ou cerché auec vne démarche lẽte. 
Nous cerchons plustost tout autre objet. 
Au lieu de cercher nostre felicité aupres 
du throne de Dieu,nous la voudriõs 
trouuer en nous mesmes , & bastir vn 
[thro-] 
 
throne en nous a nostre orgueïl & à nostre 
presomption. Nous ne nous soucions 
aussi que de bastir des thrones en 
terre,& n'auons à cœur que nos hõneurs, 
nos interests , nos voluptés. Il n'est pas 
besoin que nous soyons exhortés d'aller 
apres ces objets , nous y courons assez, 
sans aduertissement, mesmes contre les 
aduertissemens,qui nous sont donnés, & 
les menaces des jugemens de Dieu, qui y 
sont adjoustées. Rien ne nous semble si 
auantageux que de cercher d'autres thrones, 
d'y monter nous mesmes,& d'y faire 
monter les nostres apres nous. Ces objets 
nous occupent , & nous empeschent de 
penser au throne de Dieu,& aux moyens 
d'en approcher.Ceste seule deliberation 
se prend lentement , & s'execute laschement. 
Ou nous n'y allons point du tout, 
ou nous y allons froidement, & à pas entrecouppés, 
parce que nous ne prenons 
pas à cœur ni le besoin que nous auons 
d'en approcher , ni l'auantage , qui nous 
en peut reuenir. Nos sens remplis d'vn 
objet sont incapables d'en perceuoir vn 
autre.Ainsi en est-il de nostre esprit.D'où 
vient que nos prieres sont rares,froides, 
superficielles, par lesquelles nous faisons 
 
semblãt d'approcher du throne de Dieu. 
Ce nous est souuent vne courvée onereuse, 
& vn exercice de chagrin. Et combien 
de sujet auons nous cependant d'y 
estre ardens? Si nous regardons au dedãs 
de nous,combien de necessités?Combien 
de miseres? Si nous regardons au dehors, 
combien de dangers & de calamités, qui 
nous pendent sur la teste? Si nous jettons 
les yeux sur l'estat du monde , combien 
de confusions & de desordres ? Si nous 
jettons nostre veuë sur l'estat de l'Eglise 
de Dieu, combien de sujets de plainte & 
de lamentation,de voir en tant de lieux 
les portes de Sion enfondrées, ses barres 
brisées,& le Sanctuaire desolé? Si nous 
considerons aussi le support de Dieu sur 
ceste fleurissante Eglise, que Dieu a entourée 
d'vne haye & d'vne cloison admirable, 
combien de sujets de recognoissance 
& d'action de grace?Et c'est veritablement 
vne grace incomparable , pendant 
que Dieu se monstre à tant d'autres 
Eglises sur vn throne de jugement, qu'il 
se monstre à vous encore aujourd'huy 
sur vn throne de grace. Mesnagez, Mes 
Freres, cet avantage, & taschez de conseruer 
ce throne au milieu de vous. Plusieurs 
[sieurs] 
  peuples l'ayans mescognu , l'ont 
perdu de veuë , & ne voyent plus Dieu 
aujourd'huy sinon sur vn siege de justice, 
la barre à la main , auec les marques de 
sa seuerité. Dieu a retiré du milieu d'eux 
la manne qu'on auoit mesprisée,& la colomne 
de feu qu'on auoit mescognuë,& 
a enuoyé 
 une famine de sa parole  , qui est
                            
                                Amos 8.11.
                         la plus rude punition de toutes.Combiẽ 
de pauvres ames sont contraintes de s'escrier 
aujourd'hui? 
 Nous ne voyons plus 
                                
                                    Ps.74.9.
                             
 nos enseignes , il n'y a plus de Prophete, & 
n'y a aucun auec nous , qui sçache jusques à 
quand? La raison en est,pource que Dieu 
auoit estendu ses mains , & on a reculé, 
dressé vn throne de grace, & il a esté méprisé,  
 appelé de dessus les creneaux , & on a
                            
                                Prou.9.3.
                         fait la sourde aureille. Les bœufs,les mestairies, 
& d'autres distractions ont esté 
suiuies,& on a rẽuoyé le message de grace, 
auec Felix, jusqu'à ce qu'on eust 
 opportunité  
                            
                                Act. 24.26.
                         de l'oüir. Et cette opportunité ne 
se presente plus. Dieu s'est retiré sur la 
montagne des Oliuiers auec ses rouës & 
ses Cherubins, & toutes les marques de 
sa grace. A quoy il a joint d'autres punitions, 
ayant lasché des Anges executeurs, 
auec leurs instruments de dissipation, & 
  versé toutes les phioles presques de son 
ire sur ses enfans. Des armées impitoyables 
ont serui de predicateurs , & ceux 
qui n'ont pas donné audience à ses seruiteurs , 
on esté contraints d'oüir en leurs  
                            
                                Ier.31.15.
                        carrefours le cri de l'exacteur, 
 & une voix 
de lamentation & de pleur tres amer en 
Rama . Tremblons à ces jugemens, & les 
preuenons par vne serieuse repentance.  
 Si le sang des Galiléens a esté meslé jadis auec 
leurs sacrifices , Si la tour de Siloé est 
tombée  sur quelques vns, le mesme peut  
                            
                                Luc 13.5.
                        arriuer ailleurs. Le Fils de Dieu en tire 
vn aduertissement notable. Mesmes pechés 
attirẽt mesmes peines. Dieu ne peut 
estre moqué , ni sa patience irritée, ni le 
temps de sa visitation mescognu impunément. 
   VIII. Considerons aussi combien admirable 
a esté la dispensation de la grace 
de Dieu sur les hommes. Les Anges sont 
tombés, & les hommes sont tombés aussi. 
Les vns & les autres ont eu besoin de 
grace. Et Dieu a voulu dresser vn throne 
de grace aux hommes , & non pas aux  
                            
                                Iud. 6
                        Anges, mais les 
 a reserués soubs obscurité, 
en liens eternels jusqu'au jugement de la 
grande journée , sans aucune dispensation 
[de]   de grace. C'est en vain , qu'on veut icy 
subtiliser , & alleguer diuerses raisons, 
que les Anges n'auoyent pas tous peché, 
mais les hommes, que les Anges auoyent 
plus receu,les hommes moins, & que les 
Anges auoyent peché sans induction d'- 
autruy,mais que les hommes ont peché 
par seduction.La mesme difficulté reuiẽt 
incontinent. Car pourquoy est-ce que 
Dieu a voulu 
 faire d'un seul sang tout le 
                                
                                    Act. 17.26.
                             
 genre humain , & non de diuers indiuidus 
independans les vns des autres?Les hommes 
auoyent-ils pas assez receu pour estre 
recognoissans enuers leur Createur? 
Sont-ils excusables en aucune façon d'auoir 
presté l'oreille à la voix du seducteur 
plustost qu'à la parole de leur Createur? 
Disons donques franchemẽt, que la cause 
vnique que Dieu a dressé vn throne de 
grace aux hommes , & non pas aux Anges, 
procede de son bon plaisir. Grace 
que nulle lãgue ne peut assez priser, nulle 
pensée assez admirer , nul cœur assez recognoistre, 
comme il appartient. 
   
IX. Cette mesme consideration peut 
seruir de consolation indicible à vn pauure 
pecheur , lors que ses pechés se presentent, 
comme jadis à Dauid, noirs & 
 hideux deuant ses yeux, & que le Diable 
en exagere la grandeur , & l'enormité à 
sa conscience , & leur donne vne toute 
autre face , que lors qu'il induit le pecheur 
à les commettre , pour le pousser 
par ce moyen au desespoir. Quelle doit 
estre alors la pensée , quel langage d'vne 
pauvre conscience tremblante , & qui  
                            
                                Ps.42.8.
                        voit 
 qu'abysme appelle un autre abysme ? Dieu a dressé vn throne de grace: 
 Mõ 
ame pourquoy t'abbas-tu, & fremis-tu dedans 
 
                                I. Tim. 1.15.
                                
                             moy? Atten toy à Dieu . 
 Ceste parole est 
certaine , & digne d'estre entierement receuë, 
c'est que Iesus Christ est venu au monde, 
pour sauuer les pecheurs . Si je suis criminel 
deuant la face de mon Dieu ; ce 
throne de grace est dressé pour moy. Si 
mes pechés sont grands, & mes recidiues 
frequentes,Dieu a dressé ce throne pour 
les plus grands pecheurs. Si je suis indigne 
d'en approcher , Dieu me fait ceste 
grace, que de m'y appeler , par sa parole, 
& en sa Maison. Si mes pechés m'estonnent, 
ce throne me console : si sa justice 
m'effraye,sa grace me r'asseure. Si je suis 
accablé & par la conuiction de ma conscience, 
& par le sentiment de mes pechés, 
& par les accusations du Tentateur, 
[je me]   ie me ietteray au pied de ce throne,& diray  
 ô Dieu aye pitié de moy selon ta gratuité 
                                
                                    Pse. 51.3. &c.
                             
 selon la grandeur de tes compassions efface 
mes forfaits . 
   Destourne ta face arriere de 
mes pechés,& efface toutes mes iniquités . 
 Ne 
me rejette point de deuant ta face,& ne m'oste 
point l'Esprit de ta saincteté. Ren moy la 
liesse de ton salut , & que l'Esprit franc me 
soustienne . Tu as dressé vn throne de grace, 
tu me l'as notifié en ta parole, tu m'y 
as appelé en ta Maison, tu as touché mon 
cœur de repentance , & m'a donné vn 
sainct desir d'en approcher. Tu paracheueras 
l'œuvre de ta grace en moy: ta vertu 
se parfera en mon infirmité. Ie ne 
mourray point, mais je viuray & annonceray 
tes merueilles. 
 Christ m'est gain à vivre 
& à mourir . 
   Quand mes pechés seroyent 
                                
                                    Esa. 1. 19.
                             
 comme cramoisi , si seront-ils blanchis comme 
neige, quand ils seroyent rouges comme 
vermillon , si deuiendront ils blancs comme 
laine . 
   
Combien douce est cette rosée à vn 
cœur desseiché és ardeurs d'vne longue 
maladie, ou d'vne griefve tentation? sur 
tout lors que nous sommes adjournés 
pour comparoistre deuant Dieu, que nos 
yeux sont obscurcis,nos aureilles assourdies, 
 
nostre langue liée,nos membres roidis, 
& que rien ne reste plus vif en nous, 
que la souuenance & le sentiment de nos 
pechés. Tirerons nous en cet estat de la 
consolation , d'auoir esté esleués sur le 
pinacle au monde , d'y auoir possedé des 
biens , d'y auoir eu des amis & des clienteles, 
d'y auoir eu de l'industrie & de l'adresse, 
d'y auoir eu des palais & des ameublemens 
superbes , & amassé des grands 
thresors pour les nostres ? Tout cela ne 
seruira alors qu'à augmenter nos regrets, 
à redoubler nos déplaisirs , & à nous renouueler 
l'horreur des pechés,que ces auantages 
mesmes nous ont fait commettre, 
parce que nous y auons esté attachés, 
& en auons fait nostre capital. Il n'y a 
rien ni au Ciel ni en Terre , qui alors 
puisse estre en consolation à vn pauure 
pecheur , que cette douce pensée , que 
Dieu a dressé vn throne de grace , qu'il 
la dressé pour luy , que l'accés en est encor 
ouuert , & qu'il sent que son cœur y 
aspire. Qui a ces sentimens en soy mesmes, 
trouue vn raffraichissement indicible 
au milieu de ces ardeurs, & vne consolation 
solide en la vie & en la mort. 
C'est de là que ces excellentes expressiõs 
[peu-] 
 peuuent naistre en sa bouche , 
 J'attens ton 
                                
                                    Genes. 49.18.
                             
 salut,ô Eternel:  Ie sçay que mon Redempteur 
                                
                                    Iob. 19.25.26.27
                             
 est viuant , & que ie verray Dieu de ma 
chair , Lequel ie verray pour moy , & mes 
yeux le verront  . 
   
X. Mais est - ce assez de cercher ce 
throne à l'heure de la mort? & d'en vouloir 
approcher lors que toute autre aide 
s'esloigne de nous? C'est la pensée de 
beaucoup de profanes, qui voudroyent 
partager leurs temps,approcher du monde, 
pendant qu'ils sont debout,& approcher 
de Dieu lors qu'ils n'auront plus de 
jambes pour courir apres le monde, plus 
de force pour y faire leurs affaires. 
Qu'au bout ils trouueront vn throne de 
grace, & viendront encore assez à temps 
pour s'en preualoir. Veritablement ceste 
tentation est vne des plus subtiles, de laquelle 
le Tentateur se sert , pour perdre 
vne infinité de personnes. Car ne pouuant 
pas tirer vn rideau assez espais deuant 
ce throne , pour en desrobber dutout 
la congnoissance,ou en cacher entierement 
la beauté , il tasche de gaigner 
temps, & porter l'homme à la securité, 
en attendant que le mauuais jour vienne 
pour y auoir recours. Et combien y a il 
 
de damnez en enfer,qui ont eu des pensées 
semblables , & qui ont esté enleuez 
par des morts inopinées, ou par des maladies 
aiguës , sans y auoir peu penser? 
C'est ainsi que le Diable conuertit par 
effet le throne de grace en vn vehicule 
de licence, & de libertinage, & fait perdre 
à beaucoup d'ames l'occasion d'en 
approcher. Sçache, qui que tu sois, que 
tu n'as point de lendemain ; que ce moment , 
auquel tu es, peut estre le dernier 
de ta vie, & que ce throne s'esloignera 
de toy en ta mort,si tu t'ẽ es esloigné en 
ta vie. Tu ne verras alors Dieu assis que 
sur vn throne d'ire & de jugement. 
  
Bien-heureux sont ceux qui se donnent 
vne continuelle frayeur , qui se resueillent 
iournellement , pour penser serieusement 
à vn si salutaire deuoir , qui 
proffitent & des aduertissemens, que 
Dieu leur donne en sa Maison, & des inspirations 
interieures , qu'il fait sentir à 
leurs consciences , & des chastimens, 
qu'il leur adresse en leur particulier , & 
des exemples frequens qu'il met deuant 
leurs yeux en leurs voisins. C'est auoir 
vn charactere indubitable de son adoption, 
que d'en vser de la sorte. Dieu 
[propose] 
 
propose il se throne à ses enfans, ils le 
regardent.Les y appelle il, ils s'en approchent. 
Les esprouue-il, ils s'y arrestent. 
ont ils commencé deja ceste approche, 
ils y auancent , & passent tous les jours 
quelque pas plus auant.Ils sont soigneux 
mesmes d'entrer en vn examen serieux 
d'eux-mesmes au bout de chasque journée, 
non s'ils ont acquis plus d'argent, 
ou plus d'honneur , ou plus de sçauoir, 
mais s'ils ont acquis plus d'ardeur d'approcher 
de Dieu , & plus d'auancement 
en leur sanctification. Et jugent la journée 
perduë , en laquelle ils n'ont fait 
quelque progrés en ceste approche. En 
somme ils tiennent leurs lampes toujours 
allumées , leurs testes leuées, vont 
au rencontre de l'Espoux, & taschent de 
sauuer leurs ames, & les  auoir pour butin  
au milieu de la corruption generale du 
monde. 
  
Ils sçauent aussi , que ce throne n'est 
dressé qu'en ceste vie,& que ceux qui n'y 
seront pas allez icy bas,n'y auront point 
d'accés là haut. Ils laissent aux superstitieux 
ces deuotions bizarres,de se forger 
des approches nouuelles à ce throne 
apres leur mort , soit par des souffrances 
 
propres , soit par des seruices estrangers. 
Ils sçauent que l'arbre demeure là où il 
tombe , & que ceux qui meurent , ou ils 
meurent, au Seigneur, & sont bien-heureux, 
ou ils n'y meurent pas , & ne peuuent 
estre que malheureux. Ils sont persuadez, 
que ceux qui decedent justifiez 
par foy ont paix enuers Dieu,& que ceux 
qui ne le sont pas , n'en peuuent auoir 
auec luy. Qu'apres ceste vie il ne se fait 
plus d'acquisition , qu'il n'y a lieu qu'à 
la manifestation de ce qui nous est desia 
acquis. Bref, ils sçauent que du point de 
la mort dépend l'eternité. Pendant donques 
que Dieu se presente sur ce throne, 
soit en la dispensation de sa parole, soit 
en la distribution de ses Sacremens , ils 
s'en approchent auec soin, & s'y rangent 
auec ardeur. 
  
Ceste action, à laquelle vous estes appelez 
aujourd'huy, mes Freres, qu'est ce 
qu'elle vous represente , sinon qu'il y a 
encore vn throne de grace dressé?& qu'il 
est dressé pour vous, & que vous estes 
conuiez d'en approcher , & auez besoin 
de le faire,& que ce vous est vn aduantage 
indicible d'en approcher auec les 
preparations requises. 
[C'est] 
   
C'est veritablement vn throne de grace. 
Car qu'est-ce qui y est presenté? Vn 
double benefice, & l'vn & l'autre vn pur 
effet de la grace de Dieu. 1. Le prix de 
vostre Redemption. 2. Les moyens & les 
instrumens de vostre Sanctification. Et à 
qui est-ce que Dieu presente ces auantages ? 
A des pauures criminels,qui ont 
merité d'estre abandonnés en leur corruption, 
& delaissez en leur seruage. Comment 
est-ce que le prix de vostre redemption 
vous y est representé? Entant que 
ce pain est rompu,& ceste couppe versée 
deuant vos yeux, vous auez vne represẽtation 
viue, que le corps du Fils de Dieu 
a esté rompu,& son sang respandu.Et entant 
que ce pain est presenté , & ceste 
couppe distribuée à vn chascun d'entre 
vous , vous auez vn gage & un seau precieux, 
que ce corps a esté rompu, ce sang 
versé pour vn chascun d'entre vous, & 
vous est communiqué à tous en particulier 
en nourriture salutaire.Et comme vne 
personne qui mange & qui boit conuenablement 
en sa refection ordinaire, 
en sent ses forces reparées, sa vigueur renouuelée, 
& sa vie entretenuë: Ainsi quiconque 
participe comme il appartient à 
  
ce Sainct Sacrement , & s'applique la 
mort precieuse de son Sauueur , sent son 
ame consolée, son cœur réjoüy , sa conscience 
appaisée. Cette joye & consolation 
de son ame est sa nourriture. Nourriture 
congenere & sortable à sa faim & 
à sa soif. Comme donques la faim & la 
soif de l'ame ne sont autre chose , que le 
 sentiment de sa vacuité, qu'elle est vuide 
de grace,& pleine de langueur,& vn desir 
ardent de trouuer le remede à ses maux 
en l'aspersion du sang du Fils de Dieu, & 
en l'irradiation de son Esprit , Ainsi la 
nourriture de l'ame est le sentiment de 
l'vne & de l'autre, & le renfort que sent 
vne conscience Chrestienne,qui s'en fait 
vne salutaire application , & dit en soy- 
mesme: Comme ce pain m'est donné, & 
cette couppe m'est presentée maintenãt, 
& l'vn & l'autre prins par moy,& incorporé 
à moy: aussi veritablement la mort 
precieuse de mon Sauueur m'est appliquée, 
& renduë mienne , voire le Fils de 
Dieu tout entier , par consequent son 
corps & son sang. Si les membres qui sõt 
animés par vn mesme esprit ne font 
qu'vn corps,& ont part à vne mesme vie: 
Dieu me donnant son Esprit, par lequel 
[j'embrasse] 
 j'embrasse mon Sauueur, non seulement 
sa justice est renduë mienne , mais aussi 
sa vie: je suis à vni à luy & luy à moy: 
je vis 
                                
                                    Gal.2.20.
                             
 non pas maintenant moy , mais Christ vit en 
moy , & je suis vn membre viuant de son 
corps,& le seray eternellement. 
   
C'est doncques à tort, qu'on impute à 
nos Eglises, que nous tendons les Sacremens 
des signes nuds , & des figures vaines. 
Nous disons & protestons, que ce 
sont non seulement des signes representatifs, 
mais aussi des seaux confirmatifs, 
& mesmes des instrumens exhibitifs de 
ce qu'ils representent , mais en vne maniere 
conuenable à la nature des Sacremens , 
qui ne sont pas des vases , ni des 
boites qui contiennent , mais des seaux 
qui appliquent les biens representez , & 
seruent à nous asseurer de plus en plus de 
nostre vnion auec le Fils de Dieu , & de 
la part que nous auons en luy , & entant 
qu'il est nostre pleige , & entant qu'il est 
nostre chef. De la premiere qualité nous 
tirons nostre absolution , de la seconde 
vn esprit de vie.Manger donc la chair du 
Fils de Dieu , & boire son sang, est s'appliquer 
intimement les benefices de son 
Sauueur. estre vni & incorporé à luy, & 
 sentir vne force semblable de cette salutaire 
vnion,que nous sentons d'vne viande 
& d'vn breuuage salutaire. Et comme 
l'homme animal naist , vit, mange, boit, 
se vestit , marche , croist : ainsi l'homme 
spirituel a des fonctions semblables. Il a 
sa naissance spirituelle , sa vie, sa demarche, 
sa nourriture & son acroissement.Et 
c'est ainsi que nous gardons religieusement 
les paroles du Fils de Dieu, & leur 
vray sens , & tirons l'vn & l'autre de sa 
propre bouche, disans que le pain est son 
corps , & la couppe son sang , mais 
par    commemoration  , qui est la maniere que le  
                            Luc.22.19.
                        Fils de Dieu luy mesme enseigne , sans y 
forger des transsubstantiations ou des 
consubstantiations, qui renuersent & les 
paroles du Fils de Dieu , & les signes , & 
les choses signifiées , & la vraye maniere 
de la participation des vns & des autres. 
Et c'est ainsi que ces paroles 
declaratiues du Fils de Dieu , de ce que le pain & la 
couppe sont,demeurent telles,& deuiennent 
cependant 
operatiues non de quelque 
changement en la substance des signes, 
mais d'vn autre beaucoup plus precieux 
en nos ames en consolation & en 
sanctification. 
[Mais]     
Mais comme il est necessaire d'auoir 
vne sainte intelligence de ceste approche 
 au throne de grace , dressé à ceste Saincte 
Table:ainsi est-il necessaire,qu'on y aille 
auec les dispositions conuenables. Et 
quelles sont ces dispositions?La superstition 
y oblige à vne confession auriculaire, 
à certaines penitences & disciplines, 
à des processions par diuerses Eglises, 
cõme on y parle,& vers certains autels,à 
des prieres faittes par conte,& à d'autres 
preparations semblables. La parole de 
Dieu ignore tout cela , & nous enseigne 
d'autres dispositiõs.Vne espreuue serieuse 
de nous mesmes , vne asseurance saincte 
en la grace de Dieu,& vne resolution 
conuenable. De fait sans ceste espreuue 
nous ne recognoissons point le besoin 
que nous auons d'aller vers ce throne,& 
sans cette asseurance , sans cette resolution 
nous n'y pouuons aller comme il 
appartient.Cette espreuue consiste en vn 
examen serieux de nostre vie , que nous 
deployïons nos cœurs deuant Dieu, & 
deplorions & detestions nos pechés deuant 
sa face,que nous auons abusé de son 
support, mescognu sa grace,irrité sa patience, 
& par des actes d'impieté commis 
  
contre Dieu, & par des actes d'injustice 
commis contre nos prochains, bref 
par toutes les omissions de ce que nous 
deuions faire, & part toues les commissions 
de ce que nous ne deuions pas faire. 
C'est icy où chascun trouuera vn grãd 
registre,& vn grand conte, qui nous fera 
horreur à nous mesmes,& nous confondra 
en nous mesmes. Combien de pensées, 
paroles, actions hideuses se presenteront 
à ceste reueuë! Combien de subjets 
de gemir, & de nous abbaisser deuant 
le throne de Dieu ! Combien de conuictions 
secrettes,& des hontes cachées!Et 
 c'est alors , que nous aurons fort auancé 
en ceste espreuue,quand nous sentirons, 
que les crimes de tant d'années,que nous 
auons sur nos testes, sont vn fardeau pesant. 
  
Si cette espreuue de nous mesmes est 
vne disposition necessaire à ceste approche, 
 l'asseurance en la grace de Dieu l'est 
semblablement, que nous estans abbaissez 
en nous mesmes,nous nous releuions 
en Dieu, & sçachions qu'il y a encore  du 
baume en Galaad  . Que Dieu est encore 
assis aujourd'huy sur vn throne de grace, 
& nous y presente grace pour grace.Que 
[ceste] 
 ceste table , qui est dressée deuant nos 
yeux, est 
venerable, que c'est icy 
la porte 
des cieux. La superstition descrie nostre 
deuotion, & appelle ceste table, comme 
jadis les Iuifs, vne 
 table contemptible , pour
                            
                                Mal. 1. 7.
                         n'estre enrichie de peintures , ni de dorures. 
Ce nous est assez,que c'est le throne 
de Dieu.Que Dieu y distribue vn 
 pain 
de vie . Que le Fils de Dieu s'y donne à 
nous auec ses graces & benefices. Que 
c'est icy le 
 bãquet de l'Agneau . 
 Que la Souueraine 
                                
                                    Prou.9.2.
                             
 Sapience y a appresté sa viande,& y 
a mistionné son vin . 
 Que les drogues aromatiques 
                                
                                    Cant.4.16.
                             
 y distillent . 
   
Ce que Dieu requiert de nous, est, que 
nous soyons dans vne saincte ardeur d'en 
approcher , & dans vne confiance filiale 
d'y trouuer vne pasture de vie, & des eaux 
saillantes en vie eternelle . 
  Mais comme Dieu s'y veut donner à 
nous, ainsi veut - il que nous nous donnions 
reciproquement à luy : & apportions 
à ceste table auec ceste 
 asseurance     une 
ferme resolution  de le glorifier à l'aduenir 
par vne vie saincte , & par vne conuersation 
exemplaire : 
 Si quelqu'un est en 
                                2.Corin.5.v.17.
                                
                             
 Christ, qu'il soit nouuelle creature: Que les 
choses vieilles soyent passées, & toutes choses   
 faittes nouuelles . 
  Qui approche de cette Saincte Table 
sans ces mouuemens , y approche à sa 
condamnation. La profanation de ce 
mystere est vn peché criant deuant Dieu, 
& cause souuent de beaucoup de chastimens  
                            I. Cor.11.39.
                        aujourd'huy , aussi bien que parmy 
les Corinthiens jadis,Plusieurs en approchent 
en profanes, sans aucune preparation 
antecedente, & estendent des mains 
impures vers ce throne de grace. D'autres 
y viennent en hypocrites, & veulent 
payer Dieu par quelques gestes & contenances 
de deuotion , croyans traitter auec 
luy comme on traitte auec des hommes , 
que nous abusons souuent par le 
masque que nous prenons. Les vns & les 
autres y trouuent non vn throne de grace, 
mais vn throne d'ire & de jugement. 
Ce n'est pas assez aussi , de venir vers ce 
throne auec vne deuotion passagere , &  
                            
                                Cant. 1.12.
                        que 
 tandis que le Roy est assis à sa table,nostre 
aspic rende son odeur . Dieu deteste vne 
pieté ephemere , qui naist & meurt en 
mesme temps. Il veut vne deuotion constante , 
& vne sanctification perseuerante. 
   
Ces dispositions conduisent vniquement 
[ment] 
 
vers ce throne. Les Iuifs estoyent 
jadis obligez à beaucoup de purifications 
exterieures , deuant que s'y rendre : les 
Sacrificateurs à reuestir certains vestemens 
sanctifiez à cet vsage. Sur tout le 
Souuerain Sacrificateur y deuoit venir 
auec son ephod, sa tiare,son encensoir,& 
vn appareil extraordinaire. Nous sõmes 
dispensez de ces deuoirs,mais nous ne le 
sommes pas de ceux que nous vous auons 
representez. 
  S'il y a Eglise au monde qui ait sujet 
d'aller souuent vers ce throne,& d'y adorer 
celuy, qui y est assis , c'est celle en laquelle 
vous viuez , mes Freres. Dieu a 
dressé vn throne de grace 
 au milieu  de 
vous, y faisant prescher sa parole, 
 en euidence 
                                I.Cor.2.4.
                             
 d'esprit & de puissance , à la face d'vn 
peuple desuoyé, vous suscitant & conseruant 
des Pauls & des 
Boanerges, qui 
vous conuient à l'ordinaire auec vne 
voix forte & vn ton puissant , pour approcher 
du throne de Dieu.Dieu a dressé 
aussi vn throne de grace , 
 à l'entour de 
vous,& vous a enceint d'vne forte barriere
                                    
                                    Iob.1.10.
                             
 tout à l'enuiron , ayant conserué miraculeusemẽt 
vostre saincte assemblée jusqu'à  
present , & inspiré des pensées de 
  grace pour vous aux 
 puissances superieures , 
qu'il a establies sur vous, pendant 
qu'il a fait vne 
 affaire abbregée  sur la face 
de la terre,& mis tant de fleurissantes Eglises 
ailleurs 
 à la façon de l'interdit .Mais 
non seulement Dieu a dressé vn throne 
de grace 
 au milieu de vous , & 
 à l'entour de 
vous ,mais aussi 
 en vous , vous ayant 
 benits 
abondamment en toute benediction spirituelle , 
ayant tousiours fait voir en ceste  
                            1. Thes.1. 3.7.
                        Eglise de grands exemples de pieté , de 
zele,& de charité, jusques là, que 
 l'œuvre 
de vostre foy, & le trauail de vostre charité, 
& la patience de vostre esperance  seruent  
 pour patron aux croyans en Macedone 
 
                                Rom. 1.8.
                             & en Achais  ,&   votre foy est renommée 
par tout le monde , comme jadis celle des 
Romains, nonobstant que vous habitiez 
parmy vn grand peuple abusé, & parmy 
beaucoup de debordemens & de corruption. 
Combien y a-il aussi d'entre vous, 
és maisons desquels Dieu a establi dés 
long temps vn throne de grace,non seulement 
conseruant son alliance en leurs 
familles, & les arrousant de la 
 rosée des 
cieux  : mais aussi les remplissant 
 de la 
graisse de la terre , & de toutes sortes de 
benedictions corporelles! 
  [Quelle]   Quelle est la recognoissance que vous 
en deuez à Dieu? Que le throne de Dieu 
soit affermy au milieu de vous.Qu'il soit 
prisé auec reuerence , & recerché auec 
ardeur. Que sa parole vous soit tousiours 
chere,sa verité precieuse, ses 
enseignes & 
ses 
Prophetes venerables , la profession 
constante de l'Euangile,vostre 
joye & vostre  
couronne,plus considerable sans comparaison, 
que ni vos honneurs,ni vos palais, 
ni vos biens , ni vos vies , quelque 
grande que soit la contradiction du 
monde, & l'ignominie attachée à la croix 
du Fils de Dieu;ayans ceste saincte resolution,  
 de tenir ferme vostre couronne, d'estre 
fideles à Dieu iusqu'à la mort , & de 
confesser son Nom constamment deuant les 
hommes , fust ce au peril de vos vies,& en 
suiuant le chemin tracé jadis par le sang 
de vos Peres, qui ont glorifié Dieu par 
leurs martyres , & sont montez sur des 
eschaffauts non seulement sans frayeur, 
mais aussi auec joye , ayans 
 estimé plus 
grandes richesses l'opprobre de Christ , que 
                                
                                    Heb. 11.26.
                             
 les thresors d'Egypte, regardans à la remuneration . 
   
Dieu vous a fait voir des temps plus 
serains & plus calmes. D'autant plus 
  estes vous obligez à recognoissance , & 
enuers Dieu , & enuers les puissances  
                            
                                Matth.22.21
                        establies sur vous,pour 
 rendre  tousiours, 
comme vous auez fait auec loüange jusqu'à 
present , 
à   Dieu ce qui est à luy, & à 
Cesar ce qui est à Cesar  , joignans constamment 
ensemble la prattique de ce 
double enseignement, qui nous est proposé  
                            1. Pier. 2.17.
                        ensemble, 
 de craindre Dieu & d'honorer 
le Roy . C'est ainsi,que la Saincteté 
de vostre profession sera justifiée à la face 
des peuples,& on recognoistra de plus 
en plus, que le throne de Dieu n'esbranle 
pas les thrones des Rois,mais les 
affermit. 
   Vous deuez aussi aider à dresser le 
throne de Dieu là où il ne l'est pas encore, 
& y adresser ceux , qui vont apres 
d'autres thrones , estans abusez par erreur 
& engagez dans la superstition. La 
voye la plus obligeante à ce deuoir est 
vn sainct exemple, & vne conuersation  
                            
                                Phil.2.15.
                          irreprehensible au milieu d'une generation 
tortue & peruerse . Vous deuez aussi dresser 
des thrones de grace & de charité aux 
pauures languissans au milieu de vous, 
lors que Dieu vous dresse le sien , & n'y 
venir pas 
les mains vuides  . Dieu y ouure 
[son]   
son cœur enuers vous , & veut que vous 
ouuriez le vostre enuers vos freres. 
  
Si vous auez & sentez ces saincts mouuemens 
en vostre cœur , soyez asseurez, 
que Dieu y a establi son throne,& regne 
au dedans de vous.Que ce throne,qui est 
dressé au dehors deuant vos yeux,& auquel 
vous estes conuiez, vous sera veritablement 
vn throne de grace,vostre approche 
vne approche salutaire. Vous y 
trouuerez l'asseurance de vostre reconciliation 
auec Dieu, les gages de la dilection 
de son Christ,les arrhes de son Esprit, 
& vn germe de vie & d'immortalité 
glorieuse. 
  Fasse ce grand Dieu de grace , ce Pere 
de misericorde, qui vous a 
 aymez deuant 
la fondation du monde , qui vous 
 a appelez 
des tenebres à sa merueilleuse lumiere , 
qui dresse son throne encore auiourd'huy 
deuant vous,& qui vous y conuie 
auec tant de grace,que ce doux 
 vent d'Aquilon ,
                            
                                Cant.4.16.
                         & de 
 Midy soufflent  ensemble en 
vos cœurs, en ardeur de zele , & en raffraischissement 
de consolation,que vous 
ne vous sentiez pas seulement appelez, 
mais aussi tirez presẽtemẽt vers ce throne, 
& qu'y apportans les dispositions necessaires, 
  
vous en remportiez des consolations 
salutaires , & sentiez vos ames 
rassasiées, vos consciences consolées, vos 
cœurs eslargis,& retourniez en vos maisons 
aujourd'huy auec joye , racontans 
les merueilles que Dieu vous a faittes: 
Et que ce throne soit non seulement 
vostre joye en votre vie, mais aussi vostre 
consolation en vostre mort, & vostre 
asseurance en ceste grande journée, 
où voyans Dieu sur son throne auec 
toutes les marques de sa Majesté , sans 
voile, sans rideau, à face découuerte, & 
vous mesmes estans assis sur des thrones 
de gloire, vous luy donniez & à 
  l'Agneau, loüange, honneur, & 
gloire , & force , és 
siecles des siecles  . 
Amen. 
  
FIN.