SERMON FAIT
A L'OVVERTVRE
du Colloque d'Aulnix.
P AVL, & Siluain, & Timothée à
l'Eglise des Thessaloniciens,qui est
en Dieu le Pere,& au Seigneur Iesus
Christ,Grace vous soit , & paix
de par Dieu nostre Pere:& de par
le Seigneur Iesus Christ .
CHERS FRERES , C'est vne des plus remarquables
sentences de S. Irenée, qui bien
tost apres le temps des Apostres fut donné
par la prouidence diuine pour conducteur à
l'Eglise de Lyon,qu'apres que les saincts Disciples
de Christ , dont il s'est voulu seruir
pour porter parmy les hommes la doctrine
du salut ,
leurent publiée auec vne singuliere
diligence ,
ils la consignerent, en suite dans les
Adu. haer lib. 3. c. 1.
Escritures , afin qu'elle fust l'appuy, & le fondement
de nostre foy . Par où ce grand homme
nous a voulu donner à entendre, que comme
ce n'a point esté fortuitement,& à l'auanture
que les saincts hommes de Dieu, aussi bien du
Nouueau que de l'Ancien Testament , ont
parlé & publié de viue voix les sacrez enseignemens,
dont Dieu les auoit chargez,pour
les proposer parmy les hommes, ce n'a non
plus esté par hazard ni par le seul choix de
leurs volonté,qu'il est arriué, qu'ils ont redigé
par escrit tant de beaux preceptes , & de
recits admirables , qui composent tout le
corps des Escritures de la nouuelle alliance:
mais qu'il y ont esté annoncez par le Sainct
Esprit.Et d'autre part, que comme nostre Seigneur
Iesus n'est point Ouy,& Non, ils n'ont
point dit d'vne sorte , & escrit de l'autre.
mais nous ont representé dedans leurs escrits
la substance des mesmes veritez diuines,qu'ils
ont annoncées de viue voix à ceux, où la sage
bonté de Dieu les a addressez. Auec quoy
M. F. vous deuez considerez , qu'il se trouue
mesmes, que la plus part des Epistres des Apostres,
& notamment de Sainct Paul,ont esté
particulierement destinées à des villes , ou à
des peuples, parmy lesquels ils auoyent auparauant
euangelizé de bouche les veritez
salutaires. Desquelles apres cela neantmoins
ils ont bien voulu leur raffraichir la memoire
par ces escrits , selon qu'il a pleu à Dieu
de leur en faire voir la necessité par son Esprit.
Iusques là mesmes que le Seigneur ne
s'est pas contenté de faire escrire vne Epistre
seulement a quelques vns d'eux. Mais aussi
jusque à deux, comme nous en auons de tres
euidentes preuues en ces deux Epistres , qui
ont esté addressées à l'Eglise de Corinthe , &
à ces deux autres aussi, dont l'Esprit de Dieu
a voulu que fust honorée celle des Thessaloniciens
[niciens]
Et c'est à ceste double faueur qu'à
pensé l'Apostre en ceste belle exortation
qu'il leur addressoit au 2. chapitre de sa 2.
Epistre , à ce
qu'ils fussent fermes , & qu'ils retinssent 2.Thess.2.15.
les enseignemens , qu'ils auoyent appris,
soit par sa parole,soit par son Epistre ,non pour
partager la substance des verités , qu'il leur
auoit enseignées , outre ce qu'il auoit dit de
bouche, & qu'il leur auoit donné par escrit,
mais bien pour les animer d'autant plus par
la representation du soin de Dieu , qui leur
auoit fait entendre sa verité par ceste double
façon de dispensation,dont il les auoit gratifiez.
Precepte,Mes freres, qu'il est bon que
nous considerions encore auiourd'huy comme
d'vsage enuers nous, & mesmement puis
qu'ils s'agist de traitter de choses, qui sont du
corps de ceste belle piece , que Sainct Paul
leur auoit auparauant addressée , & qu'il a
particulierement designée par cet aduertissement.
Piece, qui est celle donc il vous a pleu
faire choix , Mes tres-chers, & tres-honorez
freres,afin qu'elle fournisse de matiere à des
exercices tels que celuy-ci , qui sont Sagement
instituez,afin que tour à tour chacun de
nous face voir, de quelle sorte il peut trauailler
à l'exposition des oracles de la verité celeste.
Et c'est pour cela que vous m'auez ordõné,
mes treschers compagnons d'œuure, de
m'exercer en cette heure. C'est pour cela
qu'ayant accepté cet ordre auec respect , ie
me suis mis en quelque deuoir d'ouurir vne
si belle carriere,& de frayer le chemin à ceux
qui auront à suiure cy apres. Et aussi,Mes
freres,i'entame sous la faueur de Dieu cette
belle tasche, souhaitant du plus profond de
mon cœur,qu'elle se poursuiue à l'auenir sans
empeschement. Et pour suiect de cet exercice
i'ay pris ces paroles , qui contiennent
l'inscription de cette Epistre. Sur lesquelles
nous aurõs à cõsiderer premieremẽt,Qui sont
ceux de la part desquels elle a esté enuoyée,
cest assauoir,Paul,Siluain,& Timothée.Secõdement,
la description du suiect auquel elle a
esté addressée, & qui est qualifié , l'Eglise des
Thessaloniciens , qui est en Dieu le Pere, &
au Seigneur Iesus Christ. Et 3°. enfin qu'emporte
ce bon souhait fait par cette Eglise là
en ces paroles, Grace vous soit, & paix de par
Dieu nostre Pere, & de par le Seigneur Iesus
Christ, Dont nous souhaitons icy particulieremẽt
pour nous (& ie me persuade que vous
le faites aussi, mes freres ) que la grace, & la
vertu nous fortifie, afin que nous puissions
parler de ces choses assez dignemẽt à la saincte
gloire, & à nostre commune edification.
Vous sçauez assez, Mes freres , sans qu'il
soit besoin qu'on vous le face obseruer auec
quelque empressement , que l'ordre , que
tient icy nostre Apostre , n'est pas singulier à
cette Epistre , puis qu'il est tout clair , qu'il
n'en est aucune de celles qui luy sont attribuées,
qui ne porte son nom en teste,horsmis
celle qu'il addresse aux Hebreux ses compatriotes :
ausquels les plus iudicieux Interpretes
de l'Escriture veulẽt, qu'il ait teu son nom
[pour]
de grandes considerations. D'où cependant
d'autres ont voulu prendre occasion, de
la separer du reste de ses ouurages l'attribuans
sans necessité à quelque autre. Et il
n'est non plus fort necessaire , que i'insiste
à vous persuader,qu'encore que la deduction
des veritez,qu'il explique en celle-cy,differe
en quelque sorte de la methode qu'il
tient dans les autres,neantmoins le fonds de
la doctrine ne laisse pas d'estre tressemblable.
Bien croy-ie qu'il est à propos,qu'auãt passer
outre ie vous represente ce que i'ay peu conceuoir
du motif de cette Epistre & des leçons
qui y sont données : Ie dy du motif particulier,
qui est d'vne recerche plus penible que
le general , selon lequel cette piece a esté
donnée comme les autres pour memorial
des diuines veritez, que les saincts Apostres
du Seigneur nous ont enseignées.
Mais quant au particulier pour y reüssir
d'autant plus heureusement,Mes freres,il est
besoin de vous mettre sur les pistes des voyages
de l'Apostre , selon qu'ils nous sont representez
au liure des Actes : où nous pouuons
Act.13.2. voir , qu'apres ce premier essay qu'il fit
auec Barnabas, selon l'ordre exprés du sainct
Esprit , pour aller annoncer l'Euangile en
plusieurs contrées des Gentils , & apres la
vuidange de la difficulté née en Antioche,
Act.15 sur le suiect des ceremonies anciennes , que
diuers vouloyent retenir , & confondre auec
les Christianisme , & enfin apres qu'il eut
auec le mesme Barnabas porté les decisions
de l'assemblée de Ierusalẽ alant en cette mesme
ville d'Antioche,ayant aussi pour compagnons
en cet employ Iudas,& Silas,il luy vint
en la pensée,& certes nõ sans l'operation speciale
Act. 15.36.
du sainct Esprit , qu'il seroit bon de
retourner vers ces freres,ausquels en cette premiere
course ils auoyent annoncé la verité
salutaire, & que sur le different , qui suruint
entre luy & Barnabas , à cause de Iehan surnommé
Marc , ayant prins Silas il fit route à
part,
traversant la Syrie & la Cilicie & confirmant
vers. 4.
les Eglises . Et ce fut alors que passant
Act. 16. vers.6.
en Derbeil il s'adioignit Timothée. Puis ils
vers. 9.
trauerserent aussi la Phrygie,d'ou passans outre
enfin par l'auertissement d'vne vision diuine
ils s'auancerent tous en Macedone. Et
premierement vinrent à Philippes, qui est la
premiere ville qui s'offre à ceux là qui viennent
du costé de l'Asie en ces pays là. Et là
s'accomplirent ces belles choses qui se lisent
v.14. 15. &c.
au
16.chapitre du liure des Actes.Apres quoy
de là ils furent à Thessalonique par Amphipolis,
Act.17.1.
& par Apollonie. Et comme Sainct
Paul y eut annoncé le Seigneur , il s'y forma
vers 4.
bien tost vne Eglise , composée
de quelques
Iuifs , & de multitude de Grecs seruans Dieu,
& de femmes de qualité,qui n'estoyent pas en petit
nombre . Mais comme le desesperé ennemy
des œuvres diuines & du salut des hommes
ne pouuoit voir qu'auec vne horrible
enuie la naissance de cette Eglise,& de si heureux
commencemens , & mesmes en vn tel
vers. 5.
lieu,il suscita bien tost des Iuifs rebelles , qui
[trou-] troublerẽt cet ouurage,& reduisirent la chose
à tel point , que nonobstant le grand zele de
l'Apostre , & la vehemente ardeur de ceux,
qui auoyent embrassé la verité dedans cette
ville,il falut que Paul,& ceux de sa suite se retirassent
10.
à Berée,où la persecution les suiuit:
comme quand par vne traisnée de matieres
vers 17.
combustibles on void que la flamme se porte
iusques à des lieux assez
eslognez du premier
embrasement.Si bien qu'il falut que ce grand
Apostre pour euiter par vne prudence Chrestienne
la violence des orages,que Satan suscitoit
alors contre les effects de son sacré
Ministere , penetrast iusques en Athenes, &
vers. 15.
de là enfin en Corinthe. D'où apres qu'il eut
cha. 13.1.
receu Silas & Timothée reuenus de Macedone,
il eust bien voulu retourner à Thessalonique,
ou la ferueur de son zele luy faisoit
à toutes heures porter sa pensée. Mais Satan
ne le peut souffrir , & y apporta tout l'empeschement,
qui luy fut possible , selon que nostre
Apostre nous
la representé au 2. chapitre
de cette 1. Epsitre. A cause dequoy plein d'vne
vers. 13.
impatience treslouable , & sainctement
animé , il leur enuoya Timothée son frere,
comme vn autre luy mesme , pour les affermir,
ainsi qu'il le dit au chapitre suiuant, afin
que nul ne fust troublé : mais qu'au contraire
vers. 2. 3.
ce cher Timothée leur rappellant en la memoire
ce que l'Apostre leur auoit predit des
combats,qu'
il auroyent à supporter pour l'Euangile ,
ils en fussent d'autant plus fortifiez
contre les assauts de
celuy qui tente : Puis
vers. 4.5.
quand ce bon disciple en fut reuenu pour
vne seconde fois , & eut resiouï l'Apostre par
les agreables nouuelles,qu'il luy donna, de leur
foy & de leur charité , & particulierement de
l'ardente amour qu'ils auoyent pour luy , ce
fut alors que remply d'vne ioye non commune
il leur enuoya cet autre Messager, cet autre
interprete de ses bonnes intentions , qui
ne leur deuoit pas estre moins agreable que
le precedent. Et c'est mesmes la premiere de
toutes les Epistres que nostre grand Apostre
a escrites par inspiration diuine , si on s'en
veut rapporter à la consideration de ceux qui
ont recerché de plus pres en quel temps a peu
estre escrite chascune de celles qui luy sõt attribuées
dans le Canon du Nouueau Testament.
Au reste ie n'entre point icy en question
du lieu d'ou elle a esté escrite , ni de
ceux ausquels le Sainct Apostre donna charge
de la porter à Thessalonique : Mais bien
croy ie deuoit icy dire quelque chose de plus
precis,que ie n'ay peu faire encore touchant
le but de l'Apostre,cela mesme ayant vne necessaire
liaison auec ce que nous auons deduit
de l'occasion,qui l'a particulierement inuité
à leur escrire , veu mesmes qu'ainsi que
l'a obserué Theodoret il est bien à croire,que
ce fut le rapport de Timothée,que Sainct
Paul fonde le choix des matieres principales
dont il composa le corps de ceste Espitre.
Qui fait croire que comme il leur auoit loüé
leur constance , & leur fermeté , tant contre
les violentes attaques , qui leur auoyent esté
[liurées,]
liurées,que contre les trompeuses inductions
des faux Apostres , il luy auoit aussi descouuert
les principaux artifices par lesquels on
les auoit voulu surprendre, & quelles vaines
questions on auoit semé parmy eux, qui d'ailleurs
auoyent besoin d'vn serieux auertissement
à tesmoigner plus de moderation,qu'ils
n'en obseruoyent en la mort de leurs amys,
& de leurs proches.
C'est pourquoy, Mes freres , Sainct Paul
pour les animer de plus en plus à bien faire
loue d'entrée leur resolution & leur courage,
& afin que leur cœur ne s'en esleuast
point,il les a obligez de considerer , que tout
cela ne venoit d'ailleurs que de la grace misericordieuse
du Seigneur , qui par là faisoit
cognoistre,qu'il les auoit esleus en sont Christ
dés auant les siecles:comme dés l'arriuée de
sainct Paul au milieu d'eux il l'auoit bien fait
remarquer par l'effect de son employ , de la
franchise duquel il prend d'ailleurs à tesmoin
leurs consciences , les inuitant tacitement à
considerer la difference qu'il y auoit entre la
façon d'agir & celle des faux Apostres. Et
pource qu'encore qu'il les loüe tous en gros,
neantmoins ils n'estoyent pas en detail de
mesme force , il leur a donné de sommaires
auertissemens , pour les animer à la saincteté
de vie , & pour y exciter particulierement
ceux, qui pouuoyent estre les plus paresseux
A quoy il adiouste de belles leçons touchant
la resurrection des morts , & l'aduenement
dernier de nostre Seigneur Iesus:faisant bien
voir que la condition des fideles , qui seront
morts auant cette apparition ne sera pas inferieure
à celle de ceux , que le Seigneur trouuera
viuans en ce temps là. Et apres auoir
traitté vn peu diffusément de ces points , il
poursuit par la recommandation de plusieurs
preceptes assez courts, qu'il donne sur diuerses
matieres. Et conclud enfin par vn vœu solennel
pour les Thessaloniciens,ausquels cependant
il se recommande comme il leur recommande
à tous la lecture de cette Epistre,
& les recommande tous à la grace du Seigneur ,
finissant en singulier combien que
d'entrée il en eust nommé deux autres auec
luy.
A quoy mes chers freres, il nous faut maintenant
reuenir , comme à ce qui fait l'entrée
de la tasche particuliere que nous auons prise.
Il ne se propose donc pas seul escriuant
aux Thessaloniciens : mais il y adiouste
&
Siluain, & Timothée :& il garde ce mesme ordre
en sa seconde, qu'on estime auoir esté escrite
bien peu de temps apres la premiere,
comme aussi à l'entrée des Epistres, qu'il a escrites
aux Philippiens , & aux Colossiens, &
en la
2.aux Corinthiens il s'est adioint
Timothée ,
ainsi qu'en la premiere Sosthenes , &
mesmes en escriuant
aux Galates il les a expressement
saluez
au nom de tous les freres,
qui estoyent auec luy . Ce qui nous ouure le
chemin à vous dire,qu'encore que Siluain &
Timothée soyent icy nommez , ce n'est pas
pourtant qu'ils ayent proprement contribué
[à la]
à la composition de cette excellente Epistre.
Elle est bien sans difficulté toute de l'Apostre,
& toute de l'Esprit de Dieu par luy. Mais
toutesfois il a bien voulu les faire ses compagnons
en la salutation qu'il addresse,& qui
plus est,parce qu'ils estoyẽt Ministres de l'Euangile ,
qui auoyent mesmes part auec luy
au milieu d'eux , & dont l'vn leur auoit esté
depuis particulierement enuoyé par luy,
comme il les auoit tous alors pour associez à
les enseigner de viue voix , il se les adioint
icy encore en cette salutation , estant question
de leur donner par escrit les enseignemens,
que l'Esprit de Dieu leur a voulu renouueller
par cette voye , ou qu'il a creu deuoir
adiouster à ce qu'il leur auoit enseigné
auparauant. Et tout Apostre qu'il estoit , il
semble qu'il ait fait gloire de leur consentement,
bien loin de s'esleuer imperieusement
au dessus d'eux. Ce qu'il a bien particulierement
tesmoigné au commencement de l'Epistre
aux Philippiens , quand il a couché ces
mots ainsi, Paul , & Timothée, seruiteurs de
Iesus Christ , se contentant de ce tiltre qu'il
a affecté en commun à Timothée & à luy, &
s'estant au reste tellement adioint ce disciples
en la salutation,qu'en suite il a parlé purement
en singulier, iusqu'à leur faire esperer,
qu'il leur enuoyeroit bien tost ce mesme
Timothée là.
Là donc pour tesmoigner son humilité il
n'a pris que ce seul tiltre : & icy,mes freres,
il semble bien que pour mesme fin il n'en ait
du tout point pris. Et combien qu'il leurs il
se soit souuent qualifié Apostre , & mesmes à
cause de ceux qui luy contestoyent son Apostolat,
icy neantmoins quoy que
çait esté,
comme nous l'auons dit cy deuant , la premiere
de ses Epistres , & peut estre mesmes à
cause de cela,il n'a pas pris cette qualité. Et
quoy qu'il en soit d'ailleurs,il faut croire,
que l'Esprit de Dieu ne l'a pas iugé à propos,
veu mesmes que les Thessaloniciens ne doutoyent
pas qu'il ne fust Apostre : autrement
sans doute ne s'en fust-il pas abstenu , puis
qu'il n'estoit pas moins Apostre dés lors,qu'il
le fut depuis. Et de fait,Mes freres,ne sçavez
vous pas comment dés
quil fut touché d'vne
façon si merueilleuse , comme il est dit au liure
des Actes , pour estre attiré au Christianisme,
Act.9. v.10.
& qu'
Ananias luy fut enuoyé pour luy
imposer les mains & le baptizer , Dieu l'ordonna
vers. 15.
comme un instrument d'eslite pour porter
son nom deuant les Gentils , & deuant les Roys,
vers. 14
& les enfans d'Israël . Et qu'incontinent apres
il prescha dans les Synagogues , que Iesus estoit
le Fils de Dieu . Ce Paul, cet ennemy violent,
qui bien peu de temps auparauant faisoit le
plus de rauage qu'il pouuoit parmy les Eglises
du Seigneur nouuellement establies, selon
l'ordre qu'il auoit reçeu du Concile des
Iuifs pour authoriser sa violence , Ce Paul,
semblable en ce temps
vn à Loup plein d'auidité,
qui est en queste continuelle,& qui tasche
se fourrer dans les parcs, ou les innocẽtes
brebis n'ont point dequoy se defendre de sa
[fureur]
fureur & de sa rage,Mais Paul cependant deuenu
amy par vn changement , qui rauit d'estonnement
ceux qui l'auoyent auparauant
veu si cruellement acharné à les poursuiure,
qui de Loup fut fait Agneau , & de persecuteur
des fideles non seulement prescheur de
Iesus qu'il persecutoit auparauant en ses
membres, Mais aussi Apostre , & qui ne fut
rien moindre , que les plus excellens d'entr'eux.
Mais Apostre au reste, qui n'a pas pris
à tasche de faire parade d'vne telle qualité à
tous propos , veu mesmes que vous voyez
qu'il s'en taist en vne occasion comme celle
cy.Ce que toutesfois il n'est pas si croyable
qu'il ait fait pour le suiet qu'en allegue Chrysostome
que pource que nous auons dit cy
dessus: Et quelle apparence que ç'ait esté simplement ,
pource que les Thessaloniciens
estoyent nouuellement instruits en la foy?
Et qui ne croiroit plustost, qu'à cet esgard là
il eust esté necessaire , que l'Apostre se fust
qualifié tel pour leur imprimer d'autant plus
de respect pour sa doctrine ? Mais aussi d'autre
part ne peut on pas dire , qu'il estoit assez
cognu parmy eux , & assez persuadé de cela,
sans qu'il eust besoin de se recommander d'auantage.
Voila pourquoy nous disons , qu'il
vaut beaucoup mieux s'imposer silence sur
vne telle chose , puis que l'Escriture mesme
s'en taist,que d'en vouloir recercher trop curieusement
la raison.
Et quant à Siluain , Mes freres, si vous demandez
qui c'estoit,comme nous vous auons
desia aucunement insinué , que c'estoit ce
mesme Silas , que l'Apostre prit pour son
compagnon de voyage , alors que Barnabas
eut vn assez aigre demeslé auecque luy à cause
de Iehan surnommé Marc. Maintenant certes
nous posons ouuertement, qu'il n'y a pas
d'apparence de soustenir , qu'il ait esté autre
que celuy là mesme , pource de fait qu'en
conferant l'histoire des Actes auec cette Epistre,
il ne se peut trouuer de iuste suiect
d'en iuger d'vne autre sorte.Et il est à croire,
qu'en voyageant dans la Grece son nom
pût receuoir l'addition de quelque lettres,
pour mesmes l'accommoder à l'ordinaire façon
de prononcer & des Grecs & des Latins
ce qui n'est pas sans exemple. Et c'est ce que
nous a esté particulierement Theodoret entre
les autres Docteurs de l'Eglise, se fondant
sur ce qu'il estime , qu'on ne peut auec raison
rapporter à d'autres lieux de l'histoire
des Actes desquels il s'agist. Et quant à la
charge , qu'il a peu auoir dans l'Eglise du
Seigneur , nous ne pouuons vous en dire , sinon
qu'il est bien à croire, qu'il a esté de ceux
là qu'on appelloit Euangelistes, c'est à dire
de ces Ministres de Christ , qui estoyent au
dessous de l'Apostolat,& qui auoyent neantmoins
cela de commun auec les Apostres,
qu'ils estoyent comme leurs conducteurs en
leurs courses pour la propagation de l'Euangile.
A quoy mesmes peut seruir pour fortifier
cette pensée, qu'il est icy nommé deuant
Timothée , duquel on demeure bien d'accord,
[cord,]
qu'il estoit de ce rang là , & tel que S.
Paul luy a rendu ce glorieux tesmoignage,
qu'il n'auoit personne, qui fust de pareil courage ,
Phillip.2.20.
mesmes en faueur des Philippiens. Nonobstant
quoy pourtant vous le voyez icy nommé
apres Siluain , & peut estre pource qu'il
estoit plus ieune,&qu'encore qu'il y eust esgalité
de charge entr'eux , cela n'a pas empesché,
que pour l'ordre on n'ait eu esgard à
quelque consideration comme de l'aage &
de l'establissement en cet employ. Ou bien
pource que s'ils en faut croire quelques Anciens
Chrysost. Theoph.
Docteurs, Timothée en imitant la modestie
de son Maistre, a demandé luy mesme,
que le nom de Siluain fust couché deuant le
sien. Luy duquel il y a encore cecy à dire,
qu'au lieu qu'il ne nous est du tout rien dit de
l'instruction de Siluain , Au contraire l'histoire
saincte nous represente certaines particularitez
fort remarquables de celle de Timothée.
2.Tim.1.5. & 3.15.
Et il est sur tout tres-iuste que l'on
obserue cet excellent tesmoignage , que l'Apostre
rend à sa Mere & à son Ayeul pour le
bon & le pieux soin qu'elles auoyent pris,
de l'instruire dés sa petitesse en la pieté. Auec
quoy il faut aussi remarquer, qu'il a esté mis
en particuliere consideration, parce que le
mesme Apostre nous propose
des Propheties,
1. Tim.1.18.
qui auoyent esté dites de ce Timothée là. Et
voyla Mes freres,pource qui cõcerne ceux au
nom desquels la salutation s'est faite.
Maintenant quant à ceux là ausquels cette
Epistre a esté addressée, il se void aussi en termes
bien expres que ça esté l'Eglise des
Thessaloniciẽs, cest à dire,la trouppe de ceux
qui auoyent desia esté attirez d'entre les Thessaloniciens
à la communion de l'Euangile.
Car comme nous l'auons dit cy deuant , dés
que l'Apostre eut commencé d'y prescher,
l'Euangile y fructifia merueilleusement.
Comme quand par la dispensation de la prouidence
eternelle la semence se iette si à propos,
que bien tost apres elle germe:ou quand
vn remede se donne si opportunément , qu'il
fait promptement vne tresbelle operation.
Et comme ce tresbel effect fut produit sur vn
celebre theatre aussi deuint il par cela mesme
plus esclatant, & plus admirable. La grandeur
du lieu seruit en quelque façon à rehausser
son beau lustre , & cet exemple fut
cõsideré de plusieurs endroits & de fort loin
comme vne chose tresdigne d'estime & d'imitatiõ.
Et de fait,Mes freres,qu'estoit.Thessalonique
sinon vne tresbelle ville dans la
Macedoine & que Theophylade a qualifié la
metropolitaine de tout le pays à quoy il semble
bien que Theodoret luy a frayé le chemin:
comme à present encore elle est la demeure
du Saugiac , qui commande pour le
grand Seigneur à ce mesme pays la ville qu'on
tient auoir esté bastie par Cassandre & appellée
Halia, & depuis Thessalonique par Philippes
Roy de Macedone , pour memorial
d'vne grande defaite des Thessaloniciens en
cette contrée là : comme auiourd'huy encore
on l'appelle Salomichi au langage du pays ou
[bien]
bien, comme veulent quelque vns se fut Cassandre
Suidas Strab. Epitome
mesme qui l'appella ainsi du nom de
sa femme fille de Philippes:ou Philippe mesme
qui la bastit, & l'appella de la sorte soit à
cause de ce qu'il l'edifia apres auoir subiugé
les Thessaloniciens,soit à cause de sa fille. Ce
n'est pas pourtãt à toute cette ville propremẽt
que l'Apostre a addressé sõ Epistre:Mais à l'Eglise
de Thessalonique,qui estoit la troupe pieuse
de ceux,qui dans cette ville là, sans rõpre
la liaison de la societé politique,auoyẽt fait vn
corps de disciples consacrez à Christ, qui les
auoyent appellez d'vne vocation saincte &
toute gratieuse. Et ceux la sont icy qualifiez
du nom d'Eglise comme aussi dans la seconde
de ces Epistres ,
quil leur ont esté addressées
par ce qu'ils estoyent tels que nous venons
de dire. Ce qui neantmoins n'a pas tousiours
esté practiqué de mesme par l'Apostre
enuers tous autres de mesme condition.Mais
souuent en les addresses il a simplement parlé
de saincts , & de fideles. Surquoy bien
qu'on puisse dire à iuste tiltre , que l'Esprit
de Dieu en a vsé en tout cela selon sa liberté,
toutesfois i'
enstime pas qu'il y ait rien
d'absurd,à suiure la pensée de ceux qui tiennent,
que l'Apostre a voulu particulierement
Chrysost. & Theophy.
consoler les fideles de Thessalonique en leur
donnant ce nom là : pource mesme que peut
estre leur troupe n'estoit pas encore des plus
grandes. Et neantmoins en quelque nombre
qu'ils fussent estans tels qu'il les represente,
ils estoyent sans doute vne des Eglises de
Christ. Parce que ce n'est pas le grand nombre
proprement qui fait l'Eglise , mais la pureté :
& là où il y en a deux ou trois assemblez
au nom de Christ , parmy lesquels il se
trouue , là est aussi bien l'Eglise , qu'en vne
plus nombreuse compagnie de gens nommez
de mesme sorte: tout ainsi,qu'vn nain est aussi
bien homme & en reçoit aussi bien la definition ,
que le plus grand geant que l'on
puisse dire.Et ainsi quelle que fust cette Eglise
de Thessalonique pour le nombre de ceux
qui la composoyent , c'estoit neantmoins
tousiours vne assemblée consacrée à Christ
& à sa gloire.Et vous sçauez assez , Mes chers
freres,sãs qu'il vous le faille dire,que le nom
d'Eglise s'ẽploye depuis vn long temps à designer
particulierement des compagnies de
cette sorte. Compagnies qui ne se forment
pas a l'auenture : Mais par vne dispẽsation
tresparticuliere de la faueur du Ciel , & par
vne vocation toute gratieuse , selon que le
nom d'Eglise se tire parmy les Grecs d'vn
mot qui signifie appeller & pource que ceux,
qui sont appellez à croire à l'Euangile,le font
d'vne façon toute particuliere , aussi sont-ils
quand ils obeïssent , appellez l'Eglise par excellence.
Nom duquel les Saincts Apostres
ont eu grand'raison de faire choix, tant pour
distinguer les assemblées de Chrestiens d'auec
les congregations Iudaïques , que pour
nous apprendre mesmes par ce nom , à rapporter
tousiours à la vocation celeste l'auantage
que nous auons d'estre fideles. Et de fait
Mes freres,sans cela que ferions nous ? Mais
[pource]
pource qu'il à pleu à Dieu nous ordonner
d'eternité pour estre siens,ainsi nous a t'il
appellez
à estre Saincts ,qui est vne façon de parler
dont l'Apostre s'est serui pour dire l'Eglise par
periphrase , c'est à dire,en expliquant ce seul
mot par plusieurs autres , au commencement
de son Epistre aux Romains. Et selon qu'en
la
1. aux Corinthiens, apres auoir parlé de
l'Eglise
de Dieu en Corinthe , il s'explique en adioustant
aux sanctifiez en Iesus Christ , appelez
à estre Saincts , & à tous ceux qui inuoquent
le nom de nostre Seigneur Iesus Christ . Tellement
qu'Eglise à proprement parler dit vn
corps , & vn corps qui est desia formé & en
estre.Et l'on ne peut point distinguer ce corps
selon ses diuers estas qu'en ces deux parties
principales,assauoir, de l'Eglise militante,qui
est encore parmy les tracas, & en la voye, &
de la triomphante , qui est desia dedans le
repos, & en pleine iouïssance de la vie bienheureuse,
pour nous donner vn troisieme ordre,
assauoir de ceux, qui ne sont point encore
au monde ; Mais neantmoins escrits au liure
de vie : puis qu'il est certain qu'ils ne
peuuent point porter le nom d'Eglise , c'est à
dire d'assemblée, d'autant qu'ils n'ont point
esté encore appellez, & ne sont pas mesmes
en nature. Mais quant à la militante, comme
elle se distingue par temps & par aages, aussi
se fait-il par lieux. Vn tẽps fut que Dieu n'estoit
cognu qu'en Iudée , pource qu'il n'auoit
declaré
Ps. 76.1.
ses ordonnãces qu'à Iacob, &
laissoit cheminez
Ps. 147.19.
les Gẽtils dãs la vanité de leurs pensées , &
Eph.4.17.
Es.2.3.
dans l'endurcissement de leur cœur. Mais
Ps. 110. 2.
enfin
la Loy sortit de Sion , & la parole de l'Eternel
de Ierusalẽ : Le
Sceptre de Christ s'est fait
cognoistre , & sentir iusques aux bouts de la
terre. Encore iusques à present, nous voyons
que la faueur de Dieu continue à recueillir
ses esleus , & en comparant les temps de la
publication de l'Euangile parmy l'Vnivers
on appelle l'Eglise primitiue celle du temps
des Apostres & des premiers siecles,afin que
par ce tiltre la elle se distingue de celle des
siecles plus auancez. Et selon la diuersité des
lieux aussi , comme l'Ocean qui n'est qu'vn à
proprement parler , s'appelle neantmoins de
diuers noms selon les differentes contrées
qu'il baigne , & qu'il laue de ses eaux : Ainsi
l'Eglise qui n'est proprement qu'vn corps , se
partage cependant selon les lieux,& prend le
nom des endroits où se forment des Assemblées
pour le seruice de Christ. Et ainsi est il
aduenu,que celle dont il s'agit icy se trouue
appellée Eglise des Thessaloniciens. Eglise
qui n'estoit pas seule l'Eglise de Christ, bien
quelle fust vrayement Eglise de Christ : parce
que comme on parle dans l'eschole elle n'a
peu porter le nom d'Eglise que
participatiuement , c'est à dire , comme appartenant au
corps de Christ, & non pas
absolument , comme
si elle eust esté tout ce corps. Et il faut
tousiours necessairement recognoistre , que
toute Eglise qu'il qualifie d'vn lieu particulier,
ne peut estre dite simplement l'Eglise :
pource que ce qu'on la qualifie ainsi la limite
& la restraint à ce lieu.Qui d'ailleurs,
pour si grand , & si noble qu'il puisse estre selon
le monde , ne fait pas la gloire principale
de l'Eglise qui s'y trouue recueillie , fust ce
mesme du lieu que Dieu eust honoré de frequens
signes de sa puissance par des œuvres
tout à fait miraculeuses : Mais bien ce qu'elle
est en Dieu le Pere , & au Seigneur Iesus Christ ,
comme il est icy dit de celle des Thessaloniciens.
Et c'est Mes chers freres, où nostre Apostre
la distingue auantageusement de toutes autres
Assemblées non seulement ciuiles , Mais
aussi de Religion , & qui cependant ne sont
pas de la bonne marque,& par cela mesme il
luy affecte vne condition fort auantageuse.
Car quand il la dit estre en Dieu le Pere , & en
Iesus Christ,il est tres certain, qu'il en releue
l'excellence au delà de tout ce qu'il y a de
plus grand & de plus noble au monde. Et il
n'est personne qui n'auouë cette verité , s'il
veut vn peu s'appliquer à bien comprendre
iusques où vont ces expressions de l'Apostre.
Pour cet effect il faut obseruer premierement ,
qu'estre en Dieu se peut considerer
plus ou moins generalement , & que comme
la moins commune façon est sans doute la
plus excellente , ainsi faut-il l'entendre en ce
lieu. Car à dire vray toutes choses sont bien
en Dieu : Mais elles n'y sont pas au sens que
l'entend l'Apostre , & tout au contraire il
y en a bien peu , qui y soyent ainsi. Toutes
choses sont en Dieu comme en celuy là , qui
est non seulement l'inespuisable source de
tous les astres , mais d'ailleurs vn estre infiny,
Act. 17.28.
hors duquel rien ne peut estre.
En luy, (dit l'Apostre)
nous auons vie , mouuement , & estre , &
ce monde entier est tellement en luy, qu'il
n'en est point cependant remply. Car il n'y
est pas comme dans vn lieu, Mais comme en
Dieu , c'est à dire, dans celuy qui est le principe,
de tout qui embrasse tout , & qui soustient
toutes choses par sa parole puissante. Luy en
comparaison duquel tout ce monde est encore
moins qu'vne goutte d'eau au prix de tout
l'Ocean. Mais au reste à cet estre la participent
generalement toutes Creatures. Et combien
que les degrez en soyent differens,
neantmoins si ont elles cela de commun
qu'elles sont toutes en Dieu comme en leur
Createur,& en leur Conseruateur. Au lieu
que cet estre en Dieu duquel parle nostre
texte se rapporte particulierement à estre en
luy comme en nostre restaurateur. A cause de
quoy il est parlé non seulement d'estre en
Dieu le Pere : mais aussi en nostre Seigneur
Iesus, qui est l'estre special de ceux que Dieu
a ordonnez à salut & vie , & que comme tels
il appelle dés icy bas à sa cognoissance salutaire.
Ce qu'il ne suffit pas d'estre en apparence
seulement : mais il faut que nous
Coloss. 2. 7.
soyons
enracinez & edifiez en luy , comme le
disoit l'Apostre aux Colossiens, afin que nous
ne soyons pas trouuez de ceux, qui semblent
bien estre quelque chose , & qui pour cela ne
iouissent pas mieux , parce qu'ils n'ont rien
[que] que l'õbre,& non pas la verité.Mais les esleus
de Dieu sont bien autrement conditionnez.
Ils sont tous en Dieu le Pere comme dans la
cause efficiente , & qui gouuerne , & comme
au premier principe du salut , & qu'ils sont en
Iesus Christ comme en ce Mediateur vnique,
qui est l'autheur de ce salut là par son merite ,
& sans la cognoissance duquel nul ne
peut estre sauué.
Mais c'est la vie eternelle
Ieh. 17. 3.
de cognoistre le Pere seul vray & celuy qu'il a
enuoyé Iesus Christ . Au reste quelcun me demandera,
peut estre icy, s'ils ne sont pas aussi
au Sainct Esprit. A quoy ie responds qu'il
est hors de doute. Mais que ce n'est pas la
coustume de l'Escriture de parler ainsi, & que
ce qu'il est fait particuliere mentiõ de Christ,
c'est pour faire voir la necessité de la foy du
Christianisme , laquelle s'engendre en nous
par le Sainct Esprit, par lequel aussi le Pere &
le Fils habitent en nous , & nous font subsister
en eux,& de telle sorte, que comme il est
vn mesme Dieu auec eux il faut bien que
nous soyons en luy comme en eux , afin que
nous soyons vn iour tout à fait consommez
en vn. Et combien qu'icy le nom de Dieu
semble estre particulierement affecté au Pere,
Iesus Christ , estant appellé simplement
Seigneur : si est ce qu'il ne faut pas entreprendre
de rabbaisser ce Fils au dessous de ce
qu'il est d'eternité quant à l'essence , qu'il a
commune auec son Pere,sous pretexte de ce
que par condescendance , & sans rien perdre
de ce qu'il estoit auparauant , il s'est neantmoins
aneanty luy mesme par dispensation
en se faisant homme, afin que comme nostre
Mediateur il fust fait Seigneur & Christ.
Nous pourrions encore estendre cecy, Mes
freres, s'il estoit fort necessaire:mais i'espere
que ce que nous venons de vous dire suffira
pour vous iustifier , que par l'eloge de cette
Eglise des Thessaloniciens, fait comme nous
l'auons veu,l'Apostre la grandement releuée,
& en a fort bien touché les auantages en peu
de mots.
Reste à parler de la salutation , sur laquelle
nous n'insisterons pas grandement , parce
qu'aussi bien la matiere est assez aysée, &
desia nous nous sentons pressez d'auancer nostre
discours à sa fin.Sur cela nostre Apostre
s'explique en cette sorte. Grace (dit-il)vous
soit, & paix de par Dieu, &c. Il a donc fait
icy selon qu'il estoit ordinaire alors de mettre
à l'entrée des lettres quelque bon souhait.
Ce qui se faisoit diuersement, selon la qualité
des Escriuains , & de ceux ausquels il escriuoyent.
Car quelquefois mesmes il y auoit
de ces inscriptions , qui sentoyent la reprehension ,
comme celle de Philippe Roy de
Macedone à ce Medecin Menecrates , qui se
qualifioit Iupiter , & auquel ce Prince
souhaitoit bon sens plustost que santé , parce
qu'en effect il tesmoignoit bien que son esprit
estoit desmonté par le vain tiltre qu'il
s'attribuoit.Mais icy,Mes freres, nostre Apostre
ne tesmoigne que douceur, & cette façon
de salutation luy a esté autant particuliere
[qu'ordi-]
qu'ordinaire , puis qu'il en a tellement vsé
comme vous voyez,qu'au reste il s'en est serui
parmi toutes les Epistres , hormis en celle
qu'il escriuit aux Hebrieux où il ne iuge
pas à propos de le pratiquer ainsi. Il se trouue
aussi qu'en quelque vnes , c'est assauoir en
celles qu'il a escrites à ses deux disciples Timothée
& Tite, il a adiousté le nom de misericorde,
obseruant tousiours d'aillieurs la
mesme forme. Mais les autres Apostres , dont
nous auons quelques Epistres,outre celles de
Sainct Paul ont conçeu leurs salutations, d'vne
autre sorte que luy,auec ceste conformité
neanmoins au fonds, qu'elles ont toutes esté
gratieuses,& plaines de douceur. Et semble
que Sainct Iehan nous ait voulu donner
cõme vne paraphrase de toutes les autres en
sa troisiesme Epistre qu'il addresse à Gaius
Bien aymé (dit-il)ie desire que tu prosperes en
vers.2
toutes choses, & que tu sois en santé, selon que
ton ame est en prosperité .Par où vous voyez
qu'il luy souhaitoit toutes sortes de biẽs.Mais
sur tout les spirituels selon l'ordre que tient
nostre Apostre. Car comme vous l'auez bien
peu desia remarquer,il commence par le souhait
de la grace , par où il a entendu l'affermissement ,
& l'auancement en la participation
de cette faueur pretieuse, par laquelle
Dieu auoit misericordieusement preuenu les
Thessaloniciẽs. Et par cela mesme il les oblige
à se souuenir tousiours , que ce qu'ils
auoyent esté sauuez c'estoit de grace par la foy ,
Eph. 2. 8.
& que c'estoit par cette mesme grace qu'il
faloit qu'ils fussẽt acheminez à la pleine possessiõ
Rom.4.6.
de la gloire, & de l'immortalité celeste.
Onc. Frid. less. 6.
Car si c'est par grace, dit l'Apostre , ce n'est plus
par œuure,autrement grace n'est plus grace . Et
il ne suffit pas de dire , que cette grace se
donne sans aucuns precedens merites , pour
adiouster que par elle on doit meriter apres
cela
: car ce souhait mesme y repugne. Et
quant à la paix , ne sçait on pas bien que c'estoit
la coustume des Hebrieux , de comprendre
sous ce nom toute sorte de prosperité ?
Paix qui presuppose grace en toutes manieres ,
parce qu'a moins que d'estre bien
persuadez de nostre reconciliation par grace ,
il ne peut y auoir de vraye paix pour qui
que ce soit;& à ceux qui n'ont point cet
auantage les plus riches faueurs de cette vie
tournent enfin à confusion & à honte , &
mesmes à vn opprobre eternel.Mais heureux
sont ceux,à qui Dieu fait grace : car quelque
guerre que le monde leur face , on ne peut
iamais les priuer entierement de leur principale
paix.
Et comme l'Apostre a dit aux Thessaloniciens ,
qu'ils estoyent en Dieu le Pere , &
au Seigneur Iesus Christ , c'est aussi de ces
deux là qu'il souhaite que la grace & la paix
leur vienne , non comme excluant le Sainct
Esprit , mais bien comme trauaillant encore
à establir particulierement la creance du
pouuoir de Christ. A cause de quoy bien
qu'il peust sembler qu'il eust suffy de leur
souhaiter simplement grace & paix de par
[Dieu,]
Dieu,qui est l'œuvre de grace , & le remede
de vostre paix , neantmoins il a voulu faire
voir , qu'il nous faut considerer Iesus Christ
comme ayant vn mesme pouuoir que le Pere ,
pour nous donner ces grands biens, selon
qu'il est vn mesme Dieu & entierement de
mesme essence que luy. A cause dequoy
Sainct Iehan en sa salutation à la Dame eleuë
ne dit pas simplement
grace , misericorde &
vers. 3.
paix de par Dieu le Pere & de par le Seigneur
Iesus Christ , mais adiouste ,
Le Fils du Pere ,
pource que dés lors il y auoit des ennemis
iurez de la Diuinité de Christ , qui luy contestoyent
sa generation eternelle. D'autre
part aussi nostre Apostre , pour faire conceuoir
aux Thessaloniciens quelle esperance ils
deuoyent tousiours auoir en la bonté de ce
grand Dieu eternel , ne dit plus simplement
Dieu le Pere , mais en se mettant en mesme
rang auec eux ,
Grace (leur dit-il) & paix vous
soit de par Dieu nostre Pere,& de par le Seigneur
Iesus Christ .O que ce grãd homme,mes freres,
a eu de tendresses & qu'il a bien verifié par
ce tesmoignage , & par plusieurs autres de
mesme sorte , que
le soin de toutes les Eglises
2.Cor.4.23.
l'assiegeoit incessamment .Que de douceur dedans
ses Epistres & auec cela que d'humilité,
de simplicité , de modestie ! Parle t'-il icy de
benediction Apostolique, comme se vante de
la departir celuy , qui se dit le successeur de
Sainct Pierre,& le Vicaire de Christ?Menace
t'-il de son indignation , & de son ressentiment
ceux , qui ne luy rendroyent pas la
deference qu'il pouuoit pretendre? Non non
c'est tout vn autre langage. Vous le voyez
dés l'entrée ; Et pour maintenant recueillir
sommairement les vsages de ce que nous venons
de vous dire sur cela , nous vous coniurons ,
ames fideles , de retenir soigneusement.
Premierement quelle obligation nous
auons à la bonté de Dieu , & combien nous
sommes redeuables à ses soins , & à son
amour , de ce que pour releuer les Gentils,
nos Peres mesmes (car nous sommes originairement
pecheurs d'entre les Gentils) de la
misere , dans laquelle ils estoyent enueloppez,
il a voulu leur tendre la main d'enhaut,
& leur a suscité des aydes tres-auantageuses.
Il s'est fait cognoistre à eux , il leur a addressé
ses seruiteurs à trauers mille perils & mille
peines. Et comme il auoit tesmoigné au
monde d'vne façon toute incomparable sa
bonté tres singuliere , & son immense misericorde
en donnant son Fils, & le liurant à la
mort pour procurer le salut des hommes:
ainsi à t'il continué par la mesme condescendanec ,
en enuoyant parmy eux en toutes
parts les annonciateurs , & les Herautes de
ces merueilles. Et vous voyez encore à present ,
que comme il fait leuer tous les iours
sur nostre horizon le mesme Soleil , dont il
s'est serui pour donner la lumiere au monde
du temps de nos Peres,& de nos ayeux , il fait
encore briller deuant vous le mesme flambeau
de sa verité celeste , dont la trespure
[clarté]
clarté a resiouï autresfois les esprits de ceux,
qu'il a attirez à la cognoissance dés les premiers
siecles du Christianisme.Sans cela, Mes
freres,que seroit-ce helas! de nous,qui nous
trouuons naturellement dedans vn estat si
deplorable. Mais la main de Dieu nous a
sauuez,& son bras puissant nous a retirez de
l'abysme. Il nous a viuifiez par sa grace en
Iesus Christ,il nous a donné les paroles de vie
eternelle : Et nous auons encore à present
par le soin de sa prouidence ce thresor tant
precieux , la Bible , cette Escriture de l'Ancien
& du Nouueau Testament , qui nous
fournit encore les addresses necessaires pour
nous guider à la vie. Profitons , Mes freres
de ces aydes. Profitez aussi de la bonne façon,
ames fideles, peuple au cœur duquel est
la Loy , des louables soins de ceux , desquels
Dieu se sert pour vous porter ce flambeau,
& pour vous detailler droitement la bonne
& salutaire viande de la verité celeste. Receuez
ce qu'ils vous disent auec l'obeïssance
requise,quand ils vous font voir que ce n'est
pas d'eux mesmes qu'ils parlent : mais selon
la pureté de la parole de Dieu.
Et icy,mes tres chers , & treshonorez freres ,
mes compagnons d'œuvre , ie ne puis
m'empescher , que ie n'applaudisse auec vn
transport de ioye,qui ne se peut pas desapprouuer
auec iustice , à cet auantage que
nous tirons , de ce que Dieu nous fait cet
honneur de nous employer , & de se seruir de
nous pour vn si glorieux Ministere. Nous
sommes ses Ambassadeurs , ses dispensateurs,
& ses Ministres. Nous sommes de ceux qu'il
fait ses organes , pour donner aux peuples ses
veritables leçons,& ses enseignemens pleins
d'amour. Quel honneur à nous qui ne sommes
de nous mesmes que de pauures vaisseaux
de terre,que Dieu ait mis dedans nous
de si merueilleux thresors ! Car combien que
nous ne soyons ni Apostres comme Paul , ni
Euangelistes comme Silas,& Timothée, si est
ce pourtant que nous sommes Ministres de
Christ.Et si nous deuons nous assuiettir nous
mesmes aux principes de la verité contenus
en l'Escriture diuinement inspirée,nous sommes
pourtant de ceux , par lesquels il plaist à
Dieu de se communiquer encore à present aux
hommes.Benissons, mes freres , l'auantage
d'vne telle condition: & d'ailleurs souuenons
nous,que si nous ne nous tenõs dans les bornes,
qui nous sõt prescrites, nous serõs encore
moins supportez que les autres.Que ceux qui
sont les plus riches en beaux dons ne s'esleuent
point par dessus leurs freres,& que tous
ensemble nous demeurions vnis en vn mesme
sens,qui est celuy de la verité. Ne voyez
vous pas comment Paul , Silas & Timothee
ont tesmoigné leurs soins d'vn commun accord
à ceux de Thessalonique aussi bien par
escrit que de viue voix?O l'heureux accord!
ô combien est à cherir ceste saincte correspondance!
Animons sur cet exemple nostre
zele : Imprimons la honte sur le front de
ceux,qui nous reprochent quelque fois, qu'à
paine s'en trouue-il deux ou trois entre nous
bien vnis en mesme sens. Et tousiours , Mes
freres, quelque vnion que l'on face que ce
soit auec les Saincts Apostres de nostre Seigneur
Iesus,& qu'vnis en foy nous le soyons
aussi en vne vraye charité, & en tous deuoirs
de pieté,pour estre en exemple à tous,& sans
achoppement à qui que ce soit.
Et vous, Bien aymez fideles membres de
Christ ,
ayez touiours souuenance de ce qui a
Iud. 17.
esté autresfois dit par les Apostres de nostre Seigneur
Iesus Christ , quoy qu'on puisse faire
d'ailleurs. Faites prouision de leurs enseignemens,
afin que vous ne soyez pas surpris par
aucune doctrine estrangere.Et souuenez-vous
sur tout de ce qu'ils vous ont aduertis (afin
que ie suiue ce que i'ay desia allegué de Sainct
Iude )
qu'il y auroit des moqueurs cheminans
v.15.
selon leurs conuoitises de meschancetez : & vous
representez tousiours, que vous auez esté appellez
à estre saints , & que Dieu vous a deliurez
de la seruitude du peché , afin que vous
luy rendiez vne franche obeissance en droiture
& en pureté. Et c'est pour cela,Mes freres,
qu'il vous a desia receus à vne ionction fort
particuliere , tellement que vous estes en luy,
non point simplement comme les autres
creatures & mesmes comme les autres hommes,
qui n'appartiennent point à la grace salutaire :
Mais comme ses chers enfans ; si au
moins vous estes de ceux , que Dieu à esleus
en Iesus Christ à vie eternelle. Et sur cela,
Mes chers freres que ie vous coniure à
vous esiouïr , & à tesmoigner la satisfaction
que vous auez d'vn tel auantage , si vous le
sentez, si l'Esprit de Dieu vous le persuade
auec efficace. Sans cela (ie vous supplie) que
pourriez vous faire,& à quoy enfin reüssiriez
vous ? Ne faut-il pas auoüer , que nostre Seigneur
auoit autresfois tres-iuste raison de dire
Ieh.15.
à ses Apostres , qu'
hors de luy ils ne pouuoyent
du tout rien ? Et en effect d'où est nostre
vie , & nostre force? Mais en Iesus Christ
Thess 4.
de quoy ne sommes nous point capables ?
Ie
puis tout en Christ qui me fortifie , a dit autresfois
Sainct Paul. Là t'-il dit pour luy seulement ?
Non Mes freres , c'est vn exemple
pour nous , & vne assurance si nous nous tenons
à Christ. Car si nous reclamons sa grace
que ne pourrons nous point aussi ? Et cet
auantage est aussi bien pour les plus petits,
que pour ceux de la plus haute marque, seulement
que nous soyons en Christ , & que
nous le iustifions en faisant voir , que nous
2. Cor. 5
sommmes de nouuelles creatures ,
Car si
quelcun est en Christ , ne faut-il pas qu'il soit
tel.
Et vous mesmement,fideles,qui composez
ce troupeau si vous vous sentez en Iesus
Christ faites de cela vostre consolation , &
vostre principale ioye. Si vous estes tels,
ceste Eglise n'est pas moins à luy & ne luy est
pas moins chere, que les plus grandes & les
plus nombreuses. Et si vous estes peu en nombre,
trauaillez à en attirer d'autres par vos
[bons]
bons exemples,& vous estudiez à abonder en
bons fruits, qui soyent agreables à Dieu par
nostre Seigneur Iesus.Vous le deuez , Mes
chers freres,& si le Seigneur vous a prevenus
par sa saincte grace , c'est à vous, ames Chrestiennes,
de vous attacher cordialement à luy
par vne syncere amour. Aymez ses enseignemens
si fructueux,ses aduis si salutaires , respectez
ses ordonnances, tremblez à l'ouye de
ses menaces : & embrassez de tout vostre
cœur ses gratieuses promesses. Auancez de
plus en plus , & receuez encore de nous ce
saint accouragemẽt,ouurant vos oreilles à la
mesme voix , qui vous a autresfois recommandé
ces mesmes deuoirs en ce mesme lieu,
dont toute l'enceinte semble resonner pour
rendre quelque tesmoignage à ceste verité
là. Courage donc , Bien-aymez, car il ne faut
pas qu'on s'arreste,iusques ce que nous ayons
atteint nostre but. Que si vous rencontrez
des obstacles ; si quelque difficulté vous trauerse ;
si l'on veut vous glacer l'ame de peur,
& vous ietter dans le trouble , pour empescher
vostre bon dessein , souuenez-vous de
la grace , & de la paix de Dieu : & que vos
esprits se representent tousiours , qu'à ceux
qui recerchent ceste grace, & ceste paix , il
est impossible qu'ils ne reüssissent auec auantage.
Et c'est aussi à vous , Mes chers freres,
d'en faire tousiours vn particulier souhait. Et
pour nous selon que l'Apostre a mis à l'entrée
de ceste Epistre ce souhait ardent pour
ceux de Thessalonique, desirant que grace, &
paix leur fussent departies de par Dieu le Pere ,
& de par le Seigneur Iesus Christ , c'est
par ou nous finirons ce sainct exercice , souhaitans
que Dieu face sentir les effects de sa
saincte grace à ceste Eglise , & qu'il l'espande
generalement en toute largesse sur tous ses
troupeaux , & qu'il vueille singulierement
distribuer de ses dons à l'Assemblée , qui se
trouue icy maintenant conuoquée , pour
trauailler d'vne façon particuliere au bien de
sa saincte maison , & que nous donnant à
tous sa paix , il nous face reüssir heureusement
à son honneur , & à sa gloire. C'est
Mes freres , ce qu'auoit à vous deduire ma
foiblesse , & ou ie suis en vous disant auec
vn cœur plein de bonne volonté,Grace vous
soit & paix de par Dieu nostre Pere , & de
par le Seigneur Iesus Christ,ausquels, comme
au Sainct Esprit , soit honneur, & gloire à
iamais.
AMEN.