SERMON
Pour le jour du IVSNE ordonné par
le SYNODE tenu a AMBRVN , en Septembre
1662. au 3. de Decembre , &
celebré ce jour là par les Eglises Reformées
de Dauphiné.
Sur l' APOC. Chap. III. ꝟ. 1.2.3.
Ecri außi a l'Ange de l'Eglise qui est en
Sardes. Celuy qui a les esprits de Dieu & les
sept estoiles, dit ces choses : Ie connoy tes œuvres,
C'est que tu as le bruit de vivre & tu es
mort . Sois veillant & confirme le reste qui s'en
va mourir,car je n'ay point treuvè tes œuvres
parfaittes devant Dieu . Ayes donc souvenance
quelles choses tu as ouïes & receuës & les
garde & te repen. Que si tu ne veilles,je
viendray a toy comme le larron, & tu ne
sçauras a quelle heure je viendray contre toy .
CHERS FRERES;
S'il est vray que nous avons tous de la
[pante]
pante pour la terre,& que comme nôtre
corps s'en approche par sa pesanteur, nôtre
ame bien que spirituelle quant a son
essence,n'a que trop d'inclination de s'y
attacher ; on peut dire qu'elle ne paroît
gueres plus evidemment , que quand on
jette les yeux sur les assemblées que
Dieu a honoré de son alliance. Lors que
premierement il dissipe les tenebres espaisses
qui les environnent, on void des
peuples entiers prendre une merveilleuse
ardeur pour se ranger aux ordres
de Iesus Christ;on les void avec un zele
brulant pour l'interest de leur salut , avec
une resolution heroïque a suivre son
Evangile. Mais s'ils continuënt a jouïr
paisiblement du flambeau de la veritè, il
ne faut aller gueres loin pour voir du relaschement
en cette vigueur spirituelle.
A mesure qu'on s'eloigne de ces premiers
temps,on y reconoit une decheance
visible. Ceux qui succedent degenerent
beaucoup de la valeur de leurs devanciers,
comme une eau de grande
vertu perd peu a peu ses qualités, autant
qu'elle s'écarte de sa source & qu'elle se
mesle avec les ruisseaux qu'elle treuve en
son chemin. Autrefois cela parut en l'Eglise
[glise]
d'Israël;on la vit retomber souvent
dans ses desordres, aprés qu'elle eut été
en quelque façon restablie; Et il a fallu
qu'on reconût encore cette verité dans
les Eglises qui furent dressées peu de
temps aprés l'Ascension de nôtre Seigneur
Iesus Christ. Aprés qu'elles eurent
embrassé le Christianisme avec une
grande affection, aprés qu'elles eurent
donné beaucoup de marques d'un vray
attachement pour le Redempteur , des
exemples d'une haute pieté & d'une
constance extraordinaire ; l'ennemi du
salut qui cherche incessamment a trauerser
les œuvres de Dieu , fit en sorte
qu'on les vid retourner en grande partie
aux mœurs de leur vie precedente ; Ce
grande effort de zele s'étant rattiedi on y
apperceut presques les mesmes manquemens
qui étoyent parmi le reste des
hommes.La memoire du Seigneur Iesus
& de sa conversation & de tout ce qu'il
avoit fait ,étoit encore toute fraische;ils
pouvoyent avoir comme presente dans
leurs esprits la voix & les enseignemens
des Apôtres qui leur avoyent Evangelisé;
il n'y avoit par fort long-temps qu'ils
s'étoyent veus agreablement surpris de
[passer]
passer en la merveilleuse lumiere de
Dieu,ce qui leur avoit donnè beaucoup
d'empressement pour son service : Et
neantmoins ils s'étoyent fort ralentis
dans l'exercice des fonctions spirituelles;
on n'y voyoit plus cette mesme ardeur
a s'avancer dans les voyes du salut.
Cela obligea le Seigneur qui regardoit
l'Estat de ses troupeaux du haut de son
Sanctuaire , de leur addresser sa voix
d'une nouvelle maniere.
Il ne leur parle pas seulement par l'organe
des serviteurs qu'il avoit établis au
milieu d'eux ; Afin d'operer plus fortement
sur leurs esprits, il employe encore
S. Iean celuy de tous les Apostres qui
vêcut le plus long-temps; Il se sert de
l'une de ses trompettes qui avoyent publié
son Evangile sur la terre. Il luy ordonne
par une admirable vision de leur
representer les choses qu'il entendoit de
sa propre bouche,afin de remedier a ce
qu'ils avoyent de manquements. Voicy
comment il luy parle au suject de ceux
qui s'étoyent rangés a luy dans la ville
de Sardes , qui étoit la capitale de la
Province de Lydie & fameuse dans le
païs de l'Asie mineur. Ecri a l'Ange de
[ l'Eglise ]
l'Eglise qui est en Sardes. Celuy qui a les
esprits de Dieu & les sept estoiles dit ces choses.
Ie conoy tes œuvres ; c'est que tu as le
bruit de vivre & tu es mort. Sois veillant &
confirme le reste qui s'en va mourir,car je n'ay
point treuvé tes œuvres parfaittes devant
Dieu: Aye donc souuenance quelles choses tu
as ouïes & receuës, & les garde & te repen:
que si tu ne veilles je viendray a toy comme le
larron,& tu ne sçauras a quell'heure je viendray
contre toy .
Grande & excellente leçon , capable,
s'ils l'eussent receuë avec assez d'obeïssance,
de remettre cette Eglise dans sa
premiere beauté & de la faire éclatter
long-temps comme un exemple de sa
protection & de ses Divines largesses.Il
a voulu qu'elle fût enregistrée pour les
siecles a venir , afin qu'elle servit a resveiller
ceux qui font profession de son
nom, & qui laissent decheoir leur zele.
Si jamais il a eté temps d'écouter cette
voix du Fils de Dieu , c'est sans doute
aujourd'huy, mes Freres, que nous voyõs
la corruption étre allée si avant parmi
ceux qui se disent les disciples du Sauveur
& les depositaires de son alliance.
Au siecle passé , lors qu'il fit voler son
[Ange]
Ange pour annoncer cet Evangile eternel
qui avoit eté comme enseveli, &
qu'il eut fait la grace a nos Peres de l'embrasser,
laissant les inventions de la creature;
on vid alors comme une nouveaus
ce de l'Eglise du Seigneur.Ces la predi- enfans qu'il s'étoit formé par renaissan- cation de sa verité qu'il envoya au mon- de comme une abondante rosée,se mon- trerent
un peuple tout rempli de franc
vouloir, & nonobstant les resistances de
la chair & les oppositions du siecle qui
sembloyent insurmontables , ils se tindrent
fortement attachés aux interests
de Iesus Christ:ils vescurent avec grande
soumission sous les regles de sa discipline;
la sainteté de leurs mœurs se rendit
recommandable par toute la terre,&
éblouït par sa splendeur les yeux de leurs
plus grands ennemis. Mais combien est-
ce que nous nous sommes ecartés de ce
haut degré de vertu & de pureté? Où
est-ce que paroit si expressement cette
reformation de mœurs qu'avoit produit
l'Evangile ? Nous nous sommes, il faut
l'avouër , nous nous sommes etrangement
eloignés de ce bien-heureux estat;
nous sommes au contraire revenus a la
[conduite]
conduite des enfans du siecle. Puis que
Dieu nous a fait sentir desja un plus long
support qu'il n'avoit fait a ceux de Sardes,
lors que Iesus Christ leur addressa
ceste reprehension, qui ne void qu'estant
pour le moins autant corrompus
qu'ils étoyent, il est de toute necessité
que nous la prenions pour nous. Il est
vray que le Fils de de Dieu ne nous envoye
pas des Apôtres pour nous reveiller. Il
ne parle pas a nos Conducteurs en des
visions prophetiques , veu que ces dons
là ont cessé depuis long-temps ; mais
nous pouvons dire pourtant qu'il s'adresse
a nous d'une maniere extraordinaire
& qui doit toucher nos esprits tout
autrement qu'ils ne l'ont esté jusqu'icy;
Il nous met devant les yeux une assés
grande vision pour nous emouvoir. Car
qui est-ce qui n'avouëra que les chastimens
qu'il deploye en divers endroicts
sur les Eglises de ce Royaume ne soyent
un object assés puissant pour operer efficacement
sur nos ames? Considerés attentivement
leur etat , & d'un costé
vous trouverés qu'elles sont destituées
des appuys du monde, de ceux-là mesmes
qui sembloyent par cy devant contribuer
[tribuër]
quelque peu a leur soûtien , qu'il
n'y a plus que la merveille de la providence
de Dieu qui leur donne de subsister;
que sa main seule les soûtient & les
empeche de tomber , comme une pierre
pesante que vous tiendriés de vostre
main suspenduë au milieu des airs. Mais
de plus vous verrés une foule d'adversaires
qui se presentent pour les mettre
en ruïne ; Vous verrés qu'on fait toute
sorte d'efforts, qu'on fait valoir tous les
conseils, qu'on ne laisse en arriere aucun
artifice, qu'on employe la faveur des
Grands, qu'on se sert des pretextes les
plus plausibles, qu'on croit d'offrir un sacrifice
agreable a Dieu de faire tout ce
qui se peut , pour sapper les fondements
de cet edifice. Il faudroit que nous fussions
aveuglés au dernier point pour ne
remarquer pas aujourd'huy la main de
Dieu qui est levée contre nous , quand
nous entendons parler de diverses Eglises
fort considerables qui ont eté depuis
peu de temps dans l'épreuve ; lors qu'on
nous parle de celles où l'on a osté les
moyens d'instruire la Ieunesse dont elles
jouïssoient avec grãde commodité;la où
nombre de familles ont êté extremement
[ment]
affligées & reduites a la povreté
par des hostes violens & impitoyables
de celles dont une grande partie a eté;
contrainte de chercher des autres demeures
que celles où ils avoyent habité
depuis long-temps ; alors que nous apprenons
qu'on se tremousse avec tant de
passion contre l'exercice public du culte
de Dieu , & qu'on donne tant de fâcheries
a ceux qui en sont les organes; Alors
que nous apprenons que de celles qui ont
jouï plus long-temps de la predication
de l'Evangile ont eu leurs sanctuaires
fermés,& sont sur le point a cette heure
de les voir dans la desolation derniere;
que beaucoup d'autres sont aussi dans la
même apprehension; que quelques unes
encor les ont veus employés a d'autres
usages,lors que tant d'autres singularités
paroissent de jour en jour , & qu'on void
que ce n'est pas là où l'on pretend que le
mal s'arreste ; Certes c'est alors que l'on
peut dire avec toute sorte de sujet que le
Souverain Maître de l'Eglise nous parle
assés hautement & nous presente a tous
une apparition capable d'arrester les
puissances de nôtre ame. La verge nous
parle aujourd'huy,comme disoit le Prophete
[phete]
Michée autre-fois , & celuy qui
l'a assignée & qui la manie, puis que la
voix ordinaire qu'il nous fait ouïr par ses
serviteurs nous laisse sans emotion. Il
nous parle par cette verge , qui est tellement
desployée sur les autres qu'elle
nous donne aussi des ressentimens de
douleur,puis que nous sommes conjoins
dans un mesme corps par des liens si
estroits.Il crie qu'elle viendra nous frapper
nous-mesmes avec beaucoup de rudesse,
si aprés avoir veu commencer ses
coups ailleurs nous demeurons dans le
mesme estat de desobeïssance. Puis que
le Fils de Dieu s'adresse en cette maniere
a nous,& fait sentir par les effects
de sa main la censure a ceux qui abusent
de sa patience , ne faut-il pas que nous
disions icy comme Moïse autre-fois lors
qu'il apperceut l'apparition du Seigneur
au buisson ardent ; Ie me detourneray &
verray cette grande vision ? Ne faut il pas
que nous pensions a nous mesmes &
nous recueillions dans les actes d'une
saincte humiliation , comme fit David
voyant l'Ange qui etendoit sa main sur
Ierusalem pour detruire ses habitans?
C'est pour cela , mes Freres , que cette
[journée]
journée a esté choisie,afin que nous nous
occupions avec tout l'effort duquel nous
sommes capables a contempler les graces
que Dieu nous a faittes , & l'ingratitude
dont nous avons usé envers luy,
& jusques a quel point nous nous sommes
corrompus ; Il nous faut considerer
en ce jour ici les demarches de la colere
de Dieu qu'il fait voir sur la face de la
terre,& qui s'approche de nous a grands
pas; Il nous faut en ce jour faire la reveuë
& la confession la plus humble de
nos crimes ; mais sur tout nous devons
pousser vers le Ciel nos gemissements du
plus profond de nos cœurs , pour implorer
la merci de ce grand Dieu que nous
avons tant offencé ; Nous devons prendre
tellement garde a la voix de ses châtimens,
qu'elle nous ouvre l'oreille &
nous porte a écouter plus soigneusement
les enseignements de sa bouche ; qu'elle
nous forme a les recevoir avec tant de
soumission que nous passions a des resolutions
plus fortes que nous n'avons eu
contre le peché , que nous reprenions le
vray zele Evangelique au lieu des relaschements
qui font méconoître le Christianisme
au milieu de nous , afin de
[montrer]
montrer à la suite en nôtre vie cette
belle pureté que nous avons dans la doctrine :
Autre-fois au temps du Roy Iosias
aprés une grande corruption qu'il y
avoit eu pour le service de Dieu,les Iuifs,
a l'exemple de ce Prince religieux,traitérent
alliance avec l'Eternel , & s'obligerent
par des protestations nouvelles a
vivre selon la sainteté de ses Loix, ayans
ouï la lecture de sa volonté en une grande
assemblée.Ils firent encore le mesme
aprés la captivité sous la conduite d'Esdras.
Ils apposérent mesme leurs seings
a la protestation qui en fut couchée
d'une maniere authentique. Vous devés
aujourd'huy, mes Freres , renouveller
vostre Alliance avec Dieu. Si vous avés
violé celle où vous estes entré par vôtre
baptesme ; si vous avés enfraint a diverse
fois ce que vous luy avés promis lors
que vous avés participé à sa table ; si
d'autre-fois vous avés paru avec abbatement
devant son throsne,vous obligeans
à plus de fidelité envers luy ; Voicy ce
grand Dieu qui vous supportant par sa
benignité , n'ayant pas fait , comme il
pouvoit avec Iustice, tomber sur vous sa
vengeance, vous donne le moyen de luy
[promettre]
promettre vôtre obeïssance encore cette
fois. Si nonobstant le peu de correction
qu'il y a eu dans vôtre train, il vous fait
subsister jusqu'a cet heure, ne vous imaginez
pas qu'il continuë a tolerer pour
toûjours la rebellion de ceux qui se disent
ses enfans, & qu'il ne vienne jamais
vanger la perfidie de ceux qui se moquẽt
de luy aprés luy avoir fait de belles promesse.
Il ne nous donne aucun garant,
que nous aurons plus de temps a nous
repentir, & qu'il se presentera une autre
journée aprés celle cy pour recourir à luy
par une devotion solennelle. Prenons
celle-cy comme la derniere que sa Patience
nous offre,afin de l'employer avec
d'autant plus de soin à ces importantes
actions. Estans venus au bout du support
de Dieu, ne le tentons plus par une
audace temeraire & qui seroit a nostre
confusion. Plustost pensons a traitter
avec luy de bonne foy une alliance qui
ne soit jamais plus rompuë par ces vices
qui paroissent au milieu de nous , mais
qui soit suivie d'une fidelité constante &
d'un inviolable attachement, autant que
le permet la mesure de la sanctification
qui nous est accordée en cette vie. Nous
[avons]
avons cy devant jusné pour arrester le
cours de nostre peché , sans qu'il en ait
paru gueres de succez a cause de nôtre
peu d'application ; on void assés l'avantage
que nous avons laissé reprendre a la
chair dans nôtre vie. A l'avenir ne laissons
en arriere aucun de nos soins , employons
tout ce que nous aurons de puissance,
afin que cette sainte occupation
ait des suittes plus considerables, en sorte
qu'on voye rompu le cours de nôtre
securité ; Que ce jour icy soit comme
une nouvelle naissance a ceux qui le solennisent,
suivie d'un constant exercice
des operations de la vie spirituelle jusques
a ce qu'elle soit engloutie par celle
du parfait bon-heur ; que ce soit un jour
de serenité , qui écartant les nuages de
nos pechés,nous face jouïr sans interruption
aucune des rayons agreables de la
face de Dieu qui sont la delivrance
méme. Pour nous disposer a ces devoirs,
vous m'advouërés sans difficulté qu'il n'y
a rien de plus propre que cette instruction
que donnoit nôtre Seigneur a ceux
qui composoyent l'Eglise de Sardes , &
qu'elle est la plus convenable à l'estat où
nous nous trouvons. Nous y rencontrons
[le tableau]
le tableau des maux dont nous sommes
travaillés, des devoirs qui nous sont les
plus necessaires, & du malheur où nous
tomberons si nous negligeons le remede
que Dieu nous ordonne. Nous y voyons
le Fils de Dieu examinant la conduitte
de son Eglise, luy reprochant l'abus de
ses dons & le peu de fruict qu'elle a fait
de sa connoissance, la decheance où elle
est tombée pour sa pieté,les mouvemens
qu'elle doit prendre pour repõdre mieux
a sa vocation , & les menaces terribles
qu'il luy fait,si elle continuë dans l'oubli
de sa conduite. C'est ce qu'il vous faut
écouter, Mes Freres, avec une profonde
attention, comme nous tascherons
de vous en faire brievement cõprendre
le sens, y remarquant premierement la
reprehension ; en deuxiesme lieu l'exhortation,
& pour un troisiesme la menace
qu'il leur addresse; puis que ce sont là
les trois parties qui remplissent ce divin
oracle , & que nous devons nous appliquer
pour nous mettre en l'etat que Dieu
demande de nous.
Dés l'entrée il veut qu'on le considere
comme celuy qui a les Esprits de Dieu & les
sept étoiles ; qu'on le regarde comme le
[depositaire]
depositaire des graces du Pere, & le
dispensateur des dons de son S. Esprit,
qui étant un en sa personne, deploye en
chaque troupeau, & mesmes en chaque
fidelle la diversité des operations selon
qu'il le treuve bon; Il veut qu'on le reconoisse
comme l'Auteur de toute la
conoissance & des dons spirituels qui
avoyent paru parmi eux en suitte de la
predication de la Veritè, comme celuy
duquel depend le Ministere qui est établi
en l'Eglise, celuy qui fait luire sur
nous les Astres qui nous eclairent de la
lumiere du salut & qui l'empruntent de
luy qui est le Soleil infini & la source
inépuisable. Il les veut dés l'abord persuader
que c'est luy qui donne des Pasteurs
a ses troupeaux & qui les ôte
quand il est de son bon plaisir , qu'il a
toute leur conduitte presente , comme
s'il les tenoit en sa main , qu'il les peut
proteger & châtier : Ce qui devoit porter
les Pasteurs a une sainte regularité
dans l'exercice de leurs charges, & les
troupeaux aussi a prendre toutes les precautions
necessaires pour ne l'obliger pas
a retirer du milieu d'eux la lumiere qu'il
y faisoit resplendir. C'est sans doute aux
[uns &]
uns & aux autres qu'il veut donner ses ordres
dans cette divine Lettre : il regarde
aux conducteurs quand il commande a
S. Iean d'écrire a l'Ange de cette Eglise,
puis que ce nom leur est donné a cause
qu'ils sont envoyés de la part de Dieu,
comme ces esprits bien-heureux qui
contemplent a l'ordinaire sa face. Quoy
qu'il ne parle en apparence que d'un,
cela regarde tous ceux qui étoyent dans
cette charge ; comme souvent de semblables
termes, qu'on appelle indefinis,
enferment la pluralité.
Les levres du Sacrificateur
Mala. 2.
gardoyent la science , & qu'il étoit le
messager de l'Eternel des armées , disoit le
Prophete ; Ou bien le Seigneur consideroit
dans le College des Pasteurs,l'un
d'entr'eux qui presidoit, auquel on s'addressoit
en diverses occurrences pour
tout le corps. Mais aussi il regarde le
general des Chrestiens qui étoyent en
Sarde, puis qu'il proteste a la fin de cette
lettre de même qu'en d'autres,que ce
qu'il dit est en commun pour les Eglises.
Et il est aisé de comprendre que ce qu'il
dit en celle cy,concerne principalement
l'état du troupeau :
Ie conoy tes œuvres;
C'est que tu as le bruit de vivre & tu ês
[ mort, ]
mort, tes œuvres ne sont point parfaittes
devant Dieu . Il semble que nous devions
avoir grande conoissance de nous-mêmes,
& qu'il n'y ait rien de plus aisé,
puis que nous avons un esprit qui portant
sa veuë au dehors , peut se reflechir au
dedans de nous,afin d'en appercevoir les
dispositions : mais nous vivons pour l'ordinaire
en l'ignorance de nous mesmes.
Si nous avons de l'industrie , nous la deployons
plustôt a chercher d'examiner
les fautes d'autruy; Nous nous flattons
en ce qui procede de nous ; Nous extenuons
ce qu'il y a de plus criminel;Nous
appellons le bien mal, & le mal bien;
les
Esa.5.
tenebres lumiere , & la lumiere tenebres,
cõme parle le Profete : C'est pourquoy
le Fils de Dieu qui veut depouiller
les hommes des fausses pensées qu'ils
pouvoyent avoir d'eux-mesmes,leur fait
comprendre que s'ils cachent devant
luy leurs fautes, ou s'ils ne les ont pas apperceuës,
c'est luy qui les void a découvert;
que si les autres hommes les louënt
& leur encensent comme ayans d'excellentes
qualités , il penetre a travers la
couverture de leur hypocrisie. Il est bien
necessaire que nous nous ramentevions
[la]
la conoissance infinie du Souverain:
C'est-là le vray moyen pour nous porter
a l'adveu de nôtre crime quand nous l'avons
offensé ; c'est le vray moyen de
nous contenir dans les bornes du devoir.
Si tout un troupeau , si tous ceux qui
composent, avoyent incessamment devant
leurs yeux celuy qui chemine au
milieu des chandeliers , sans contredit
on y verroit beaucoup plus d'ordre & de
sainteté. C'est ce qui l'oblige a commencer
son discours en cette maniere.
Ie conoy tes œuvres, c'est que tu as le bruit de
vivre & tu es mort; Ie n'ay pont treuvé tes
œuvres parfaittes devant Dieu . Vous comprenés
assez qu'il ne leur veut pas ôter
l'avantage de la vie qui resulte de la
conjonction de l'ame & du corps, mais
qu'il leur parle de cette vie & de cet
étre spirituel qui se trevue en ceux qui
ayans eté eclairez d'en haut,ont par une
vraye foy,qui embrasse Iesus Christ, le
sentiment & la jouïssance de l'amour de
Dieu, qui se donne a eux comme l'ame
de leurs ames, & qui les anime en sorte
que son Esprit leur fait déployer des
actions d'une vraye pieté, convenables
a la hautesse de leurs esperances. Cõme
[la]
la vie est un principe d'operation, & ne
peut quasi se concevoir autrement,celle
des enfans de Dieu est merveilleusemẽt
active & feconde en bonnes œuvres:
Ayant son centre au dedans d'eux par la
foy,par le sentiment de l'amour de Dieu
& par l'habitation de son Esprit qui y
met les vertus Chrestiennes, elle se repand
au dehors par des productions de
Sainteté & de Iustice en toute sorte de
rencontres. C'est en cela proprement
que consiste l'estre que nous avons dans
la grace. Le fidele sans doute doit avoir
soin de regler son exterieur, & de se
maintenir en bonne odeur au milieu des
autres hommes;dans sa conduite il doit
donner des exemples qui servent a edifier
le prochain & a l'exciter a la vertu,
1. Thess.1.
comme ceux de Thessalonique , qui
avoyent
étè pour patrons a tous les
croyans de leur voisinage. Mais ce n'est
pas assez pour posseder cette qualité devant
Dieu:Il faut avoir eu une nouvelle
naissance, il faut avoir un nouveau principe
qui nous porte continuellement
a tâcher de complaire a Dieu & a nous
employer a ce qu'il ordonne. Cette
Eglise de Sardes avoit acquis de l'estime
[me]
parmi le reste des Chrestiens. La lumiere
qui y brilloit de toutes parts,les
commoditez qu'ils avoyent pour l'avancement
de leur foy, le zele qu'on y avoit
veu paroître en quelques rencontres,
avoyent établis dans les esprits une opinion
favorable de leur pieté. Mais Dieu
qui est le vray arbitre des choses & qui
prononce infailliblement, n'y rencontre
pas des qualitez qui soyent egales a cette
reputation, & ne veut pas qu'ils s'endorment
sur le jugement des hommes. Tu as
le bruit de vivre, leur dit-il, mais tu es mort ;
Tu as bien l'apparence de la regeneration,
mais tu n'en as pas la vraye forme
& les fonctions les plus necessaires , avec
tous les avantages desquels tu te glorifies
& tout ce qu'on s'imagine de ton estat, tu
n'as pas la vraye vie que Dieu donne a ses
enfans, qui met tellement la paix & la
tranquilité dans leur conscience, qu'ils
sont excitez comme par un tres-puissant
ressort aux devoirs de la sanctification;
Tu n'es pas animé par l'Esprit de Dieu;
Quoy que paré au dehors ; il y a en toy
beaucoup de corruption, & tu exales une
puanteur la plus fascheuse a mes narines.
Ce n'est pas que dans cette Eglise il n'y
[eût]
eût encore des personnes qui etoyẽt conduittes
par l'Esprit de Dieu & qui n'avoyent
pas tout a fait quitté les vrayes
fonctions du Christianisme: Il les decouvroit
fort bien entre tous les autres,quãd
il dit, Tu as quelque peu de personnes qui
n'ont pas souïllé leurs vestemens , cest a dire
qui ne sont pas engagez dans les ordures
du vice ainsi que les autres : mais le plus
grand nõbre êtoit sous l'empire de la corruption.
Il y en avoit quelques-uns qui
avoyent le bon principe de la regeneration,
mais qui étoyent dans un extreme
foiblesse, qui se laissoyent surmonter par
les desordres regnans,& entrainer peu a
peu a suivre l'exemple des autres.C'estoit
un corps où il y avoit voirement des
membres vivans mais des autres entierement
morts & pourris , d'autres qui s'en
alloyent mourrir comme le Seigneur le dit
a la suitte, qui etoyent presque saisis de
paralysie & dans la perclusion,ou plustost
qui s'en alloyent être gagnez par une gangrene
violente. Ainsi il ne faut pas s'êtonner
si le Fils de Dieu dit a cette Eglise,
Ie n'ay point treuvé tes œuvres parfaittes devant
Dieu . Ils eussent eté voirement coupables,
mais ils n'eussent pas merité un si
[grand]
grand blasme , si tout leur defaut eût
consisté a n'avoir pas cette perfection sublime
que Dieu demande en sa Loy, qui
ne se treuve en aucun des enfans d'Adam;
mais bien loin que leurs œuvres fussent
parvenuës a ce haut degré , elles n'avoyent
pas seulement celuy qu'il faut
avoir de toute necessité dans l'Alliance
de grace. Elles n'étoyent pas parfaittes a
cét égard,parce qu'elles ne répondoyent
point a la connoissance qu'ils avoyent receuë,
qui n'étoit pas celle des enfans au
bas
'aage, mais des hommes parfaits &
adultes,comme S.Paul dit,
qu'il préchoit
1. Cor.2
la sapience entre les parfaits ; Elles n'avoient
pas mesmes cette integrité sans laquelle
nos actions ne peuvent qu'estre rejettées
de la part de Dieu; La profession
du dehors n'étoit pas accompagnée d'un
attachement reel pour le service de Dieu;
Leurs affections n'étoyent pas soûmises a
ses saintes Ordonnances : Leurs actions
pouvoyent tromper les hommes , par
quelques couleurs specieuses qui y paroissoyent,
mais elles ne pouvoyent point être
approuvées devant Dieu, qui sonde les
reins & les cœurs & qui veut la sincerité
dans son culte;&par consequent elles ne
[devoient]
point les satisfaire comme les
mettant en assez bon êtat.Le Fils de Dieu
les en dêtrompe & les amene a d'autres
dispositions , aprés qu'il leur a fait connoître
le mal qu'ils avoyent dans leur sein.
Sois veillant & confirme le reste qui s'en va
mourir; aye souvenance des choses que tu as
ouïes & receuës, & les garde & te repens .
Ils étoyent dans une espece de profond
assoupissement; Ils êtoyent dans un
danger assez present & ils n'y prenoyent
pas garde. Le Diable avançoit son œuvre
& detruisoit au milieu d'eux celle de
Dieu; La dissolution y croissoit & s'étendoit
au long & au large; la piété diminuoit,
& les jugements de Dieu en
méme temps s'approchoyent. Les Pasteurs
pouvoyent s'être oubliez en l'exercice
de leurs charges, aussi bien que le
troupeau dans ses mœurs. C'est ce qui
oblige le Fils de Dieu a entonner cette
forte voix. Il les appelle avec grand cri
afin qu'ils ouvrent les yeux,& qu'ils fassent
reflexion sur eux-mesmes , sur les
maux qui les ont déja atteins & sur ceux
qui les suivoyent de bien prés: Sois veillant ,
leur dit-il, non seulement pour leur
faire secouër une fois la pesanteur de leur
[sommeil]
sommeil, mais pour les porter a une vigilance
Chrestienne, dans laquelle ils se
devoyent maintenir sans se laisser de
nouveau accabler par le dormir de la
chair,prenant tous les soins imaginables
pour s'opposer aux desseins de l'ennemy
de leur salut, & de leur propre corruption,
qui vouloyent eteindre en eux
tout ce qu'il y restoit de lumiere & de
vie spirituelle : D'où vient qu'il tient ce
langage, Confirme le reste qui s'en va mourir .
Comme il y avoit desja beaucoup de personnes
tout a fait plongées dans la mort
du vice & entierement esclaves du Diable,
il falloit faire effort a conserver dans
la pieté ceux qui en avoyent quelque residu;
Quoy qu'ils fussent dans une grande
foiblesse & qu'ils semblassent defaillans,
il ne falloit omettre aucun soin pour
les ramener a quelque degré de la vigueur
spirituelle. C'est ce que chaque
fidelle devoit faire en sa personne, fortifiant
sa conoissance, excitant sa foy, &
ralumant son zele , sa charité, ses prieres,
renouvellant sa repentance, son renoncement
au vice & l'exercice de toutes les
vertus Chrestiennes , s'armant de toute
l'armure de Dieu contre le pechè, prenant
[nant]
tous les moyens & preservatifs qui
sont ordonnez pour affermir & pour
avancer le bon estat de nôtre ame. C'est
ce que chacun devoit faire aussi a l'egard
de son prochain, par exemples & par un
saint accouragement. C'est a quoy les
Pasteurs devoyent travailler avec chaleur,
en les instruisant de plus en plus, en
les effrayant par les menaces de Dieu,en
les ramenant par ses reprehensions, en les
prenant de toutes manieres,&avec douceur
& avec severité , pour n'encourir
pas le blâme de ceux
qui pensoyent a la legere
la maladie du peuple de Dieu , & auxquels
Ier.6&8.
Ezech. 34.
le Seigneur reproche
qu'ils ne medecinoyent
pas les brebis malades, qu'ils ne
renforçoyent pas les langoureuses, & qu'ils
ne bandoyent pas celles qui avoyent la jambe
rompuë . Afin que chacun d'eux y travaillât
avec tant plus de succez, il leur donne
encore cette leçon importante.
Souvien
toy quelles choses tu as ouïes & receuës
& les garde . Il leur enseigne le moyen de
confirmer la pieté de ceux qui jusques
alors l'avoyent conservée,& de rapeller
ceux qui s'êtoyent oubliez dans les egarements
du monde. C'êtoit de se remettre
devant leurs yeux ce qu'ils avoyent
[receu] receu de la largesse de Dieu dés qu'il les
avoit retirez du paganisme, qui les obligeoit
a une vie toute pleine d'ardente
reconnoisssance;Mais sur tout de reprendre
en leur memoire les enseignements
qu'ils avoyent ouïs de sa Verité. Il les
avoyent beaucoup negligez;ils s'accoutumoient
a les entendre sans en être fort
peu touchez ; Ils en avoyent quelque
theorie pour la pluspart sans les appliquer
a la prattique. Mais ils devoyent
les rendre presens dans leur esprit, les
garder non seulement au tresor de la
memoire,mais sur tout en la conduitte
des actions, & faire paroître en leur vie
la forme de cette Divine & excellente
tablature qu'il leur donnoit en son Evangile;
veu
que ceux-là sont bien-heureux qui
Luc II.
oyent la parole de Dieu & qui tout ensemble
la gardent . Et pour comprendre en peu
de mots tous leurs devoirs & les ramener
tous a des meilleurs mouvements, il
les somme a la repentance quand il dit,
Garde les & te repens ; C'est le moyen que
Dieu presente a l'homme de se raprocher
de luy quand il s'en est
êloigné par
les emportements du vice,qu'il n'accorde
point aux Anges rebelles : C'est la
[planche]
planche qu'il nous fournit dans nôtre
naufrage pour nous garantir de submersion,
non seulement dans une rencontre
ou deux, mais toutes les fois que par
nôtre infirmitè nous revenõs a l'offenser
& a nous détourner de luy. Il ne laisse
pas cet Ange de Sardes & ceux qui
étoyent commis a ses soins , abandonnez
a eux mesmes : Il a la bonté de les
rappeller ; luy-mesme les va chercher
dans leurs egarements:Il leur crie qu'en
premier lieu ils changent d'advis &
prennent des autres pensées , qu'ils reconoissent
l'horreur de leurs crimes où
ils prenoyent leur plaisir , l'extravagance
de leurs mouvements , le desordre
de leur conduitte, le malheur où ils se
vont precipiter , qu'au lieu des plaisirs
du monde où ils attachoyent leurs affections,
ils apprennent a estimer les biens
de la vie a venir, pour les rechercher de
toute leur force, comme êtans les seuls
biens solides. Mais de plus,qu'ils prennent
toute une autre maniere de vie,
qu'ils changent toute leur conversation ,
qu'ils reforment leur mouvements
selon la reigle de la volonté de
Dieu, & qu'ayant quitté les voyes du
[vice]
vice qui sont celles de la perdition, ils
rentrent & avancent tous les jours dans
celles de Dieu qui les conduiront au
parfait bon-heur:Car c'est là ce qu'emporte
necessairement une vraye repentance.
Il ne falloit pas beaucoup de discours
pour les convaincre de la Iustice de ce
devoir : l'autorité de celuy qui leur parloit
estoit assez evidente pour la leur
persuader.Mais parce que nous sommes
tous tres-lasches au bien & que la chair
y apporte grande resistance, & que le
Diable se remuë,afin de nous tenir dans
ses pieges, Iesus Christ presse les Chrêtiens
de Sardes par ses menaces :
Si tu
ne veilles,je viendray a toy comme le larron,
& tu ne sçauras a quell'heure je viendray
contre toy . Il s'estoit presenté a eux par la
premiere predication de son Evangile,
comme il disoit par son Prophete ;
Ie me
suis fait trouver a ceux qui ne me demandoyent
Esa. 65.
point,j'ay dit, me voicy, a la nation qui
ne s'appelloit point de mon nom ; Il y êtoit
venu a la suitte par beaucoup de benefices,
& en reïterant ses instructions , il
leur êtoit encore presẽt en cette maniere
tandis qu'il conservoit au milieu
[d'eux] d'eux le ministere de sa Verité pour les
exhorter a leur devoir , comme il dit a
Apoc.3.
ceux de Laodicée,
Ie me tiens a la porte &
frappe . Mais il leur declare que si cette
venuë de douceur n'opere pas leur
amandement ils en ressentiront une de
severité,qui sera pour leur ôter les avantages
dont ils jouïssoyent ; Ils avoyent
beaucoup de commoditez en la profession
de son service,mais parce qu'ils abusoyent
de ses dons , comme des serviteurs
debauchez qui employent ce qu'ils
ont receu de leur maistre a jouër & a
yvrongner pendant son absence, au lieu
de le faire valoir pour sa satisfaction ; Il
denonce qu'il leur ravira ce qu'ils tournoient
en licence, comme il avoit dit
a ceux d'Ephese
qu'ils leur osteroit son chandelier ,
& mettroit ce troupeau en dissipation,
aprés avoir attendu long-temps
les effects de ses semonces.
Ie viendray a
toy comme le larron & tu ne sçauras a quelle
heure . Non qu'il ne soit le Maistre absolu
de tout ce que nous possedons, &
qu'il ne le puisse ôter avec toute sorte
de Iustice, mais parce qu'ils s'en verroyent
depouillez inopinément & reduits
dans une honteuse povreté, lors
[qu'ils]
qu'ils se promettoyent une paix inebranlable ;
parce que lors qu'ils croiroyent
d'être dans une entiere asseurance
contre toute sorte d'ennemis, il viendroit
faire l'œuvre determinée sur eux,
par les moyens qu'il treuveroit bon
d'employer , sans que plus il y eût de
ressource pour la restauration de cette
Eglise.
C'est le langage qu'il tenoit a ceux
qu'il avoit etabli sur ce troupeau, & par
leur organe a tous les membres qui le
composoyent, afin qu'ils apprissent ce
qu'il y avoit de plus important pour eux;
& c'est le mesme qu'il nous tient encore
en cette saison.Representez-vous le Sauveur
avec ces ornements magnifiques
qu'il avoit quand S.Iean eut cette vision,
êtant vestu d'une longue robe jusques
aux pieds, ayant une ceinture d'or
le long des mammelles, sa teste & ses
cheveux blancs comme la neige,ses yeux
comme flamme de feu, son regard comme
le Soleil quand il est dans sa grande
force, ses pieds comme de l'airain tres-
reluisant enflammé dans une fournaise,
ayant une espée sortant de sa bouche &
en sa main sept estoiles. Portez vos yeux
[encore]
encore plus haut & le regardez elevé sur
le trône de la gloire, environné de ses
Anges,armé d'une puissance invincible,
& gouvernant par sa providẽce tout cet
univers. Contemplez-le dans la parfaitte
lumiere qu'il possede avec le Pere &
le S.Esprit,& dans l'etenduë immense de
sa sagesse. Voyez-le avec ses yeux penetrans
qu'il tient fichez sur son Eglise, qui
font resplendir ses tenebres, qui en découvrent
l'état en tous les endroits du
monde où elle se treuve épanduë. Et
alors saisis de reverence, vous vous arresterez
a luy par une sainte attention:
Alors vous entendrez sans difficulté
qu'il reïtere ces paroles qui doivent nous
frapper d'une salutaire frayeur & abbatre
tout ce qui s'eleve contre son empire;
Ie conoy tes œuvres, c'est que tu as le bruit de
vivre &c . Sous ombre que je suis entré
dans le Ciel pour ne converser plus avec
les hommes sur la terre, vous ne croyez
pas que je porte ma veuë au delà de ces
voutes azurées; vous pensez qu'ayant
ôté d'avec vous ma presence corporelle
je ne decouvre pas ce qu'on fait dans ma
Maison ; Le plus souvent vous jugez de
moy comme si je dormois dans cet
[espace]
espace qui est entre ma premiere &
ma dernier venuë; vous-vous mocquez
de mes ordres,comme si je n'êtois qu'une
idole morte; & parce-que je vous ay
supporté,vous croyez que je ne vous regarde
plus.Ostez cette folle imagination
de vôtre ame. Ie conoy, dit-il a chacun,
tes œuvres . Representez-vous encore ce
même Dieu dans sa sublimité incomprehensible,
considerant aujourd'huy en
quels termes sont les troupeaux qu'il a
recueillis en ce Royaume, & celuy qui
est aujourdhuy assemblé en ce lieu icy;
Regardez-le seant sur son tribunal, afin
de les examiner, & les appeller a rendre
conte de ses graces;Et vous reconnoîtrez
sans doute qu'il dit le mesme a
cette assemblée qui paroît devant sa
face ; qu'il dit a tout-autant que nous
sommes dans ce temple afin d'ecouter sa
voix & nous humilier devant luy, qu'il
nous crie de son Ciel ; Ainsi a dit celuy qui
a les esprits de Dieu ,qui est l'auteur des lumieres
dont jouïssent les assemblées
Chrestiennes, Celuy qui a les sept étoiles en
sa main , qui y établit le ministere de sa
Parole pour les eclairer, & qui l'y conserve
par sa bonté, Ie conoy tes œuvres.
[Bien]
Bien que j'aye retiré mon humanité
dans le domicile celeste, je ne suis point
éloigné de ce troupeau ; Bien que les
sens de la chair ne m'y voyent pas , mes
yeux voyent & examinent tout ce qui se
fait au milieu de luy ; Tout ce qui est de
plus caché dans les cœurs , tout ce qui
est dans les obscuritez des plus profondes
pensées des hommes,m'est dans une
parfaitte evidence.
Ie luy avois accordé de grands avantages;
Ie l'avois fait depositaire de beaucoup
de riches talens, y ayant êtabli depuis
plus de cent ans la pure conoissance
de mon Evangile, & en ayant dissipé
les tenebres de la superstition. Si
dans quelque intervalle de temps plus
fascheux il y a eu de l'interruption en la
liberté publique de mon service que je
luy avois donné,je luy ay envoyé depuis
des tẽps favorables ; Ie lui ay suscité des
Puissans du monde,afin de le mettre au
large, de l'êtablir avec quelque fermeté
& de le mettre mêmes en consideration
devant les yeux de ses ennemis ; Ie
luy ay fait avoir dans ses sacrez exercices
une telle cõmodité qu'en aucun autre
lieu de tout cet êtat, il n'y a pas eu de
[plus]
plus grande;sans discontinuation j'ay repandu
sur luy l'abondance de ma lumiere
par mes serviteurs ; je l'ay fortifié
par diverses voyes ; je luy ay donné de
l'éclat par des Magistrats fidelles que j'ay
rendu instruments de ma benediction
au milieu de luy ; & lors qu'il a semblé
qu'il fut dans le panchant de sa ruïne
pour n'avoir plus dans son sein les Grãds
qui le favorisoyent,par la douceur & l'equité
de ceux qui ont eté dans une autre
communion ; je l'ay maintenu en tranquillité
pendant l'agitation des autres
Eglises ; Ie l'ay deffendu contre les mauvais
desseins de ses envieux en des rencontres
les plus difficiles ; Ie l'ay mêmes
rendu l'organe du soûtien que j'ay donné
a beaucoup d'autres troupeaux , &
l'ay fait être jusques a present par ma faveur
l'estonnement d'un chacun.
Que
restoit-il a faire a ma vigne que je ne luy aye
Esa.5.
fait pour la dispensation de ces comoditez
externes ? Sans doute elle êtoit obligée
a me rendre des productions qui repondissent
a cette soigneuse culture,
par lesquelles je fusse glorifié & mon
Evangile rendu honorable. Mais combien
est-ce que j'y trouve de sterilité &
[d'ingra-]
d'ingratitude ? Il est vray que je decouvr'encore
quelque petit residu de ceux
qui n'ont pas souillé, comme d'autres,
leurs vestemens dans les ordures du siecle ;
Il est vray qu'il y a en aucuns quelque
reste de vray zele , d'attachement
sincere pour ma verité,d'affection pour
le soûtien de l'Evangile,& de charité envers
le prochain ; I'y voy quelques bonnes
ames qui gemissent des abominations
d'Israël : Mais pour le general, je
n'y apperçoy que refroidissement de
cette premiere ardeur qu'on avoit pour
mon service,& une grande indifference
pour ma sainte Religion que plusieurs
seroyent prests d'abandonner a la moindre
difficulté ; I'y apercois un mépris
opiniâtre de ma parole, beaucoup de rebellion
contre les semonces portées par
mes serviteurs dont on se mocque souvent
quand ils pensent se roidir contre
le torrent de corruption ; I'y vois la profanation
de mes Sabbats dont il devroyent
faire leurs delices ; les actes de
devotion , de l'ouïe de ma Parole, de la
participation de mes Sacrements, des
prieres & du chant des divins Cantiques
qui se font seulement par coutume &
[sans]
sans qu'on y apporte la moindre partie
de l'application & de l'ardeur qu'il y
faut avoir;I'y voy le peu d'estat que font
plusieurs de l'entretien de mon service
public,pour lequel ils seroyent marris de
donner quelque offrande volontaire de
ce qu'ils tiennent de mes biens,de sorte
qu'il faut que par contrainte & par des
voyes de la Iustice seculiere,on extorque
d'eux quelque petite portion de ce
qu'ils depensent sans scrupule & souvent
auec profusion , pour les moindres de
leurs fantaisies. Ie decouvre que cette
Eglise, qui comme une chaste épouse,
devoit être attachée de ses affections a
moy, qui suis son Seigneur & son Epoux,
s'est etrangement corrompuë;Elle est allée
aprés le monde ; Elle s'est jettée dedans
ses plaisirs ; Elle est entrée dans son
luxe & dans sa despence pour les habits,
pour les parures,& pour les festins, Elle a
voulu avoir sa part de ses divertissemẽts
criminels ; On ne l'a peu empescher de
la profaneté des Bals & des Comedies,
comme si elle devoit vivre en Courtisane ;
Elle s'est mocquée, avec une effrenée
licence,de tout ce qu'on luy a dit
pour arrester ses enragées passions ; Elle
[s'est]
s'est meslée dans ses jeux y employant son
argent & son temps par une manie incorrigible,
jusques là qu'il y en a eu qui
n'ont pris autre occupation que de passer
les jours dans une infame academie de
berlan. Si je regarde ceux qui sont de la
plus haute condition, je n'y voy pas les
bons exemples qu'ils devroyent donner
aux moindres ; Ie n'y vois pas le bon usage
qu'il faudroit faire de mes benedictions
pour m'en rendre des justes reconoissances;
j'y treuve tant de commerce
avec la vanité du siecle , un attachement
invincible a ses coustumes , une forte resistance
aux ordres de la juste discipline
qui doit estre en ma Maison. Si je jette
les yeux sur tous indifferemment, je n'y
treuve qu'empressement pour les interests
de la terre ; j'y rencontre des haines
qu'on n'a jamais peu êteindre, des esprits
qui depuis plusieurs années ne se laissent
porter a aucune reconciliation ; j'y treuve
des gens plongez dans le bourbier infame
de la paillardise & de l'adultere, &
qui bien loin d'être confus de leur honte,
publient pas une continuation effrontée
leur vilenie devant un chacun ; j'y
treuve des friponneries dans le cõmerce
[des]
des uns et des autres, des obliquitez en
grand nombre, & des gens qui sous pretexte
d'aider ceux qui recherchent la Iustice,
font métier d'enveloper leur prochain
dans des chicanes inifinies, qui ne
font aucvn scrupule & ont converti
mêmes en habitude de donner des conseils
d'iniquité & de vexation; j'y treuve
des enfans sans education raisonnable
qui ont de l'instruction pour le monde,
mais nullement pour la pieté , une jeunesse
licentieuse & insolente qui ne
cherche qu'a satisfaire ses bouillantes
passions;L'Aage & le sexe qui devroyent
être le vray miroir de la modestie & de la
pudeur, prennent un effort qui tient trop
de la dissolution. Enfin chacun en son
rang n'a plus la retenuë & cette crainte
de mon Nom que j'attendois d'eux. Le
pis est que je les ay continuellement exhortez
de se deporter de ces vices & de
mener une vie Evangelique ; je les ay
pressez jusqu'a leur estre importun ; je
les ay charpenté par mes Profetes, sur
tout dans les rencontres où ils ont voulu
Hosée 6.
têmoigner quelque solennité de devotion,
& jusques a present il ne paroît aucun
changement en leur conduitte.N'ay
[je pas]
je pas donc grand suject de dire a cette
Eglise rebelle & méconoissante, & qui
s'affermit dedans sa securité , Tu as le
bruict de vivre & tu es morte : Ie n'ay point
trouvé tes œuvres parfaittes devant Dieu .
S'il y a quelque peu de personnes qui
ayent la force de la pieté, la plus-part en
ont renié la vertu ; La multitude que tu
as, n'a que l'apparence de la vie spirituelle.
Où sont en ces gens là les parties
& les operations de l'homme nouveau?
Ils ne sçavent ce que c'est de vraye foy,
de sincere repentance, du renoncement
a soy-mesme ; Ils ne sçavent ce que c'est
d'une droitte invocation , de la vehemence
du zele , du detachement du
monde, de la resolution qu'il faut avoir
a souffrir pour l'Evangile,de la vraye celebration
de mes Sabbats, des tendresses
de la charité , de la soumission qu'il
faut rendre a ma Parole & des vrays
mouvements d'une vie reformée a mon
image. Tu peux avoir de la reputation
devant les hommes, comme si tous ceux
qui sont les membres de cette assemblée
avoyent fort avancé en la sainteté, ainsi
que tu as beaucoup d'autres avantages
qui eclatent a leurs yeux. Sous ombre
[que]
que tu est logée en une place eminente,
que Dieu te fasse resider dans le lieu
principal de la Province , dans le centre
d'où emanent les Arrests de la Iustice,
tu te figures peut-estre de jetter de tous
côtez tes raions fort resplendissants.
Parce que tu as au milieu de toy des
personnes êlevées en autorité,en richesses
& en connoissance,que tu jouïs de diverses
commoditez pour le service de
Dieu,on peut concevoir de toy des pensées
plus avantageuses que tu n'as en effet
de zele , de lumiere, & de vertu.
Ainsi tu te peux flatter toy-mesme &
te croire en bon êtat. Mais moy qui ne
suis pas sujet a être trompé & qui sonde
les enfans des hommes, conoy que tu es
morte en grande partie ; qu'il n'y en a
que trop au milieu de toy qui ne sont
pas animez par mon Esprit , & qui ne
peuvent avoir que des productions de
mauvaise odeur devant moy. Tes œuvres,
a les regarder pour le general, ne
répondent point a l'honneur de mon alliance
& de la Reformation de laquelle
tu te glorifies ; Les hommes en peuvent
juger favorablement , mais êtans pesées
a la balance de mon Sanctuaire , non
[certes]
selon la rigueur de la Loy, mais
seulement selon la teneur de l'Evangile,
pour la pluspart elles n'ont rien qui soit
recevable au fonds.
Voilà ce que dit nôtre Seigneur a
tout ce troupeau; Voilà le discours
qu'il fait retentir à ses oreilles. Ce ne sont
plus les hommes qui parlent pour vous
amener a la connoissance de vous-mêmes.
C'est le Souverain & le Tout-
Puissant , aux yeux duquel vous ne pouvez
vous soûtraire ou vous deguiser.
Pecheurs faittes tous vos efforts pour
vous cacher dans l'epaisseur des tenebres ,
Envelopez-vous tant qu'il vous
plaira dans les sinuositez de vôtre malice :
Esloignez tant que vous pouvez de
vous les rayons de ses regards par vôtre
securité ,ou avec le manteau de la dissimulation :
Vous n'avancerez rien pourtant;
Car c'est luy qui vous enceint devant
& derriere ; Il decôuvre toutes vos
voyes avant que vous y avez pensé ; Il
ouvre les portes de vôtre cœur que vous
luy tenez fermées par vôtre endurcissement ;
Il met en la clarté de sa face tous
vos manquements plus enormes , voire
ceux qui sont plus avant dans les plis &
[dans]
dans les replis de vôtre ame. Prenons
plustost d'autres mouvements , & puis
que nous sommes convaincus de son intelligence
infinie , que nous contemplons
sa hautesse & les yeux de sa providence
arrestez sur nous, a mesure qu'il
nous fait de telles declarations, jettons
nous, comme S.Iean , aux pieds de sa
Apoc.I.
Majesté avec une frayeur religieuse;Presentons
luy des cœurs ouverts ; Decouvrons
luy toute la misere de nos maladies ;
Disons luy tous tant que nous sommes ;
Il est donc vray , O glorieux Redempteur ,
que tu vois parfaittement
toute nôtre desobeïssance. Il est vray
que ton regard,comme le Soleil,lors qu'il
est en sa grande force , perce a travers
nos deguisements & met en la clarté
toutes nos souillures. Nous ne voulons
plus nous en fuïr de devant toy comme
nôtre premier Pere & nous derober a
tes yeux. Puis que tu conois nos œuvres
& eclaires toutes nos tenebres , nous ne
voulons plus les méconnoître dangereusement
ainsi que nous avons fait ; Nous
en voulons avouër l'horreur ; Nous souscrivons
sans contredit a ton oracle;
Elles
ne sont point parfaittes devant Dieu . La plus
[part] part de celles qui paroissent au milieu
de nous,ne sont pas des œuvres de vrays
enfans : Il n'y en que trop d'entre nous,
qui n'ayans pas le principe de ton Esprit,
manquent de la verité qu'on s'imagine
entr'eux a cause de la profession qu'ils
font de ton Evangile. Ceux-là mesmes
qui ont quelque commencement de la
regeneration, n'ont qu'une vie languissante,
laissent déchoir leur pieté , donnans
tant d'avantages a la chair en beaucoup
d'occasions,& ont tant de foiblesse,
que si tu ne les secours par ta grace,
nous-nous en allons tous dans une totale
destruction des mouvements de ta
Esdras 9.
crainte.
Nous voicy donc devant toy avec
nôtre coulpe ,comme disoit autre-fois ton
peuple;Nous voicy dans la franche confession
des iniquitez qui temoignent
contre nous devant ton tribunal ; Nous
voicy qui reconoissons que tu aurois
grand suject de nous ôter ta lumiere,que
nous combattons par nôtre perversité,
que tu pourrois avec toute-sorte de Iustice
jetter dés ce moment sur nous les
foudres de ton epouvantable vengeance,
détruire ce troupeau , & chacun de
nous en ta malediction.
[C'est]
C'est bien par là où il nous faut commencer
Mes Freres;mais il nous faut
passer plus avant ; Et comme nous avons
ouï de la bouche de la verité eternelle,
l'êtat où nous-nous trouvons,& la misere
qui nous travaille,apprenons de la même
verité le remede propre a nous garantir
de l'extremité des maux où nous serions
precipitez infailliblement ; Sois veillant,
nous dit-il, & confirme le reste qui s'en va
mourir; souvien-toy quelles choses tu as ouïes
& receuës,& les garde & te repen . Ne sommes-
nous pas convaincus en nos consciences,
que nous avons eté jusqu'a cet
heure endormis par la longue attente de
Dieu que nous avons vescu dans une profonde
securité, a cause du calme duquel
nous avons jouï,& de la liberté qu'il nous
a continuée? Non seulement les folles
vierges ont êté gagnées par le sommeil;
Les sages mêmes , les plus sanctifiez d'entre
nous,se sont laissez aller a ne prendre
pas garde comme il falloit a leur êtat,& a
se relascher en leur sanctification. La parole
de Dieu a resonné a nos oreilles,il a
redoublé de fois a autre ses cris;& les uns
n'ont rien peu entendre, les autres n'ont
fait que lever en quelque façon la teste &
[sont]
sont retombez d'abord dans leur premiere
pesanteur par la force de la chair. Les
chastiments que Dieu a deployé sur nos
freres en divers endroits , qu'il nous a
montré d'assez prés , n'ont pas peu nous
reveiller de la bonne sorte ; Quoy qu'il
semble que nous en ayons êté touchez en
quelque maniere, nos sens sont demeurez
assoupis.Le voicy donc ce benin Sauveur ,
qui ne veut pas que nôtre sommeil
devienne une letargie pernicieuse & absolument
incurable,qui ne veut pas qu'il
soit suivi de nôtre destruction. Le voicy
qu'il crie de nouveau , qu'il fait retentir
sa voix plus haut qu'il n'a fait encore:Reveilles-
toy toy qui dors dans le sommeil
du peché: Pense aux maux que tu porte
dans ton sein , qui s'augmentent journellement
par ta negligence , & qui s'en
vont être au comble ; Pense a la peste que
tu entretiens,a la perversité qui s'enraciner
en ta persõne pour se rẽdre maistresse
de toy , & t'entrainer dans un eternel
malheur ; Pense a l'heure de la mort qui
te talonne tous les jours ; Pense a une infinité
d'ennemis que tu as a l'entour de
toy & qui sont prés a te surmonter, au
Diable qui te berce dans les plaisirs de la
[convoitise]
convoitise, & qui avec tout cela est un
lyon rugissant qui circuit pour te devorer.
Regarde au jugement eternel qui
se deployera sur ceux qui ne l'auront
point prevenu par amendement. Mais
ouvre les yeux principalement pour appercevoir
ton juge qui te regarde , ton
Souverain qui a toutes tes infametez
presentes devant ses yeux , afin que tu
en prẽnes une confusion secrette.Ne fay
pas comme le paresseux qui s'eveille en
quelque façõ,mais qui ne fait que
se tourner
sur son lict, cõme une porte se tourne pendant
Prov.26.&6.
qu'elle demeure sur ses gons ,qui tirant
ses bras hors du lict , incontinent les y
remet disant,
encore un petit de sommeil,
encore un petit de sommeil ,Reveille-toy une
bonne fois & tien tes sens dans l'action,
avec force & avec constance ; tien-toy
toûjours dans la sentinelle. Tu es appellé
a soutenir de grands assauts ; les
ennemis sont armez de ruze & de force,
Persevere dans la vigilance, afin que tu
ne sois jamais surpris inopinément ;
Exerce sans cesse les devoirs ausquels tu
es appellé , ayant ta lampe fournie de
l'huile de la pieté , de la foy,de la repentance,
de l'attente de Iesus Christ, afin
[que]
que tu puisses aller au devant de l'Epoux
lors qu'il viendra.
C'est le devoir sur tout de ceux qui
sont appellez a la conduitte de l'eglise.
Dieu les a establis pour guettes sur sa
Maison, afin qu'ils regardent soigneusement
de tous côtez , qu'ils decouvrent
l'ennemy quand il s'approche , qu'ils observent
de loin tout ce qui peut arriver
de funeste a un chacun ; Ils en doivent
avertir les autres,afin de s'y precautionner ;
Et cecy est dit premierement a
l'Ange de Sardes,afin que comme le mal
vient souvent du Sanctuaire , le remede
prenne de là son commencement. Aussi
nous,que Dieu a êtablis sur sa Maisõ,devons
prendre icy nôtre leçon avant tous
les autres , pour nous tenir dans la vigilance.
Quand nous voyons le mal s'accroître
dans le troupeau,quand les particuliers
se débordent & se licentient a
outrager le Nom de Dieu & a deshonorer
la profession de son Evangile, faudra-
t-il que nous demeurions plongez dans
nôtre assoupissement;que nous fermions
les yeux a ces choses , que par complaisance
ou par crainte nous demeurions
dans le silence, & que nous soyons des
[chiens]
chiens muets? Certes l'ame de ceux qui
periroyent nous seroit redemandée.
C'est a nous d'être toûjours au guet, de
tenir les autres dans la circonspection,
de crier lors que le jugement de Dieu
s'aproche,& de faire tous nos effors afin
qu'il soit eloigné. Lors qu'on voit que
Dieu est prés de venir en sa colere,il ne
faut nous donner aucun repos, il faut
nous mettre a la breche , il faut animer
les autres pour combattre avec luy par
les armes qui sont d'efficace , c'est a dire
par la repentance , par la contrition &
par des ardentes prieres ; Il faut reparer
la cloison,afin de retarder encore s'il est
possible l'entrée de sa vengeance , ou du
moins nous approuver par nos efforts
devant Dieu. Nous sommes appellez
par le Fils de Dieu,des Anges, qui sont
aussi qualifiez les Veillans. Imitons leur
attachement a la volonté de Dieu,leur
zele a son obeïssance, leur punctualité
dans leur ministere , la pureté de leurs
desirs,& l'elevation de leurs pensées ; Et
nous souvenons que comme celles d'entre
ces Intelligences qui desobeïrent au
commencement, devindrent par leur
crime les plus miserables de toutes les
[creatures;]
creatures; autant que Dieu nous êleve
en nous faisant ses Messagers & Ambassadeurs,
d'autant plus grand sera nôtre
supplice si nous n'avons point de vigilance
pour l'œuvre de Dieu, si nous nous
attachons davantage aux Interests de la
chair , si nous ne taschons de fortifier
les autres dans toute sorte de devoirs,
aprés avoir combattu nos propres foiblesses,
pour nous garantir tous ensemble
de tomber dans une entiere defaillance ;
sois veillant, dit Iesus Christ,& confirme
le reste qui s'en va mourir .
Mais icy nous ne pouvons pas travailler
sans vous,mes Freres ; Ne vous figurez
pas que ce soit a nous seuls de remettre
ce qu'il y a de defectueux & d'éteindre
le feu de la colere de Dieu qui
s'allume ; c'est a vous a nous seconder
dans ce grand dessein, & a ne nous laisser
pas jetter des cris & prendre des peines
pour vous garantir de destruction,
qui soyent inutiles. Vous qui avez encore
quelque reste de pieté & quelque estincelle
de zele,qui gemissez dans vos ames
de l'abatardissement du peuple de Dieu;
Recueillez-vous en vous-mesmes & tout
ce que vous avez encore de vigueur,
[ Confirmez ]
Confirmez le reste qui s'en va mourir . Renforcez
au dedans de vous les mouvements
du nouvel homme qui sont languissans ;
Ralumez le feu de vôtre zele
qui est comme couvert de cendres , &
autant que vous voyez de corruptions
qui vous environnent , fortifiez d'autant
plus vôtre ame dans toutes les parties de
la crainte du Seigneur ; Soyez les colonnes
de cet edifice qui menace d'un horrible
cheute. Soyez l'appuy de ce troupeau
par vôtre sainte conduitte,l'heureuse
semẽce qui le fera subsister encore,
qui empechera que Dieu ne le fasse être,
comme Sodome & Gomorrhe;Voulons-
nous tous ensemble nous employer avec
succez a écarter l'orage qui nous menace ,
a dissiper la tempête qui se forme,&
conserver la protection de Dieu sur
nous ; Aye souvenance, nous dit le Seigneur
de gloire,des choses que tu as ouïes &
receuës, & les garde & te repen . Vous avez
receu d'illustres presens de ma liberalité
pour la conoissance de la doctrine
celeste ; Vous avez êté instruicts longtemps
aux leçons de mon Evangile.Mais
vous avez êté des auditeurs oublieux de
mes oracles ; Vous avez ouï predication
[sur]
sur predication sans en tirer aucun
fruict.C'est pour cette raison que je vous
fay voir tant de vexations qu'on reçoit
pour maintenir le flambeau de la verité,
tant de troupeaux qui sont sur le point de
le perdre , d'autres qui s'en sentent privez
par une lamentable calamité. C'est
pour cela mêmes que je fay venir jusqu'à
vos oreilles le trouble que vous-
même pouvez recevoir,les diverses menaces
de ceux qui envient vôtre bonheur,
qui desirent avec une extreme passion
de vous voir privez des commoditez
que je vous conserve en ce lieu , qui
font l'object de l'admiration publique.
Voulez-vous empêcher l'effect de leur
mauvaise volonté ; Voulez-vous que
mon Chandelier subsiste au milieu de
vous & repande toûjours sa splendeur
avec les avantages que vous avez maintenant ;
Faittes mieux vôtre profit que
vous n'avez fait de sa precieuse lumiere.
Remettez devant vos yeux mes benefices;
Repassez dans vôtre memoire les
veritez que vous avez entendu de moy,
reconoissans avec un regret sensible
que vous n'y avez que trop fierement resisté
Prenez une fois, aprés tant de reïterées
[terées]
semonces,la ferme resolution d'obeïr
a ma parole , d'amener vos mouvemens
les plus rebelles captifs sous ma
volonté , de ranger tout ce qu'il y a de
resistance sous les ordres de mon Evangile.
Vous devez bien garder ma parole
par une ouverte & constante profession ,
mais j'enten que vous la gardiez
sur tout, faisant qu'elle regle toute
vôtre vie & la compose a sa forme ; Ie
veux qu'elle soit en vôtre memoire,mais
sur tout qu'elle regne en vos affections,
qu'elle paroisse en tout ce que vous ferez,
comme une modele qui vous imprime
toute sa façon & vous donne mon
image.Si vous la gardez ainsi,ce sera elle
qui vous gardera; Elle vous sera une deffense
assurée pour le jour mauvais ; Elle
vous garantira au temps de la tentation,
& rendra inutile les mauvais desseins de
vos plus passionnez adversaires ; Ie veilleray
moy-mesme sur vous pour les confondre
& aneantir ; Ie vous arroseray
de mes graces comme un Iardin de mes
delices.
C'est ainsi que nous viendrons, Mes
Freres,a ce grand devoir de la repentance
que le Fils de Dieu nous prescrit
[comme]
comme le dernier remede a nos maux,
le moyen de preserver & d'augmenter
ce qu'il y a de vie au milieu de nous, &
de tirer du tombeau de mort ceux que
le vice tient encore sous son Empire &
qui sont envelopez des pieges du Diable.
Aujourd'huy ce grand Sauveur nous
vient chercher dans nôtre eloignement
d'avec luy; Il nous rappelle de nos egarements ;
Il nous offre sa grace nonobstant
la continuation de nos crimes ; Il
nous ouvre la porte pour nous raprocher
de Dieu ; Il nous presente le moyen de
conserver toûjours les effects de sa faveur
qui s'enfuïront autrement de nous;
Apoc.3.
Il nous dit,
Ie repren & châtie ceux que
j'aime: Pren donc zele & te repen ; Et serons
nous si depourveus de bon sens , si ennemis
de nôtre propre repos , qu'aprés
avoir ouï tant d'autre-fois cette exhortation,
nous la rejettions maintenant
par un nouveau degré de rebellion &
d'ingratitude ? Qui est-ce de nous qui
scait si Dieu nous fera ouïr derechef
cette voix en d'autres rencontres? Qui
est-ce qui peut assurer que ce ne soit icy
la derniere fois? Que sçavons-nous si la
mort nous donnera plus de loisir , ou les
[fioles]
fioles de sa vengeance qui ont a estre
versées. On a dit souvent,par une calomnie
des plus injustes qu'on peut vomir
contre nous,que quãd nous venions
a jusner , nous formions quelque grand
dessein contre la tranquillité publique
& l'autorité des Puissances superieures;
Dieu nous est tesmoin combien nous
sommes eloignez de cette pensée , &
nous la devons toûjours avoir en detestation.
Mais voicy un grand dessein
qu'il nous faut faire aujourd'huy ; c'est
de rompre le commerce que nous avons
avec le peché, de nous soulever vigoureusement
contre tant d'inclinations vicieuses
de la chair, de n'avoir plus tant
d'attachement pour ses interests & pour
ses suggestions. Faisons hardiment une
sainte conspiration pour rétablir l'autorité
de Dieu dans nôtre ame, pour mettre
en bon etat ce que nos desordres ont
gâté & amené bien prés d'une totale destruction ,
pour nous efforcer d'avoir la
verité de la vie des enfans de Dieu , &
des operations qui la doivent suivre, au
lieu des œuvres mortes où nous avons
êté occupez , & pour avoir la pureté
d'une conduitte convenable a la vocation
[tion]
celeste. Concourons a l'envi, Mes
Freres , dans cette heureuse pensée,puis
que le Souverain nous en presse au dernier
temps de son support?Faisons luy un
vœu solennel que nous aurons plus de
dependance pour sa volonté , plus de
passion pour son service , plus d'ardeur
pour toutes les parties de l'obeïssance
que nous luy devons , que nous ne vivrons
plus a la chair , au monde, a nous
mêmes ; mais que nous vivrons pour
l'honorer & pour le glorifier desormais.
Gardons nous bien de nous contenter
de promesses & de belles protestations;
Nous n'en avons pas manqué jusques a
cette heure. Le principal est que nous
mettions tous la main a l'œuvre,& qu'aprés
les bonnes resolutions que nous faisons
aujourd'huy,nous combattions courageusement
nôtre peché , nous corrigions
chaque jour nos manquemens,
avec toute la diligence & l'application
possible , nous fassions paroître une vie
toute nouvelle , & nous môntrions que
ce jour nous a donné une forme & des
desseins bien differens de ceux que nous
avons eu. Ioignons-nous tous ensemble
en cette sainte occupation, Tres-chers
[& bien-]
& bien-aimez Freres ; Dieu nous en
somme tous, & les Pasteurs & le Troupeau,
& les Magistrats & le Peuple, &
les grands & les petits, & les riches &
ceux qui ont un moindre partage , les
peres & meres avec les enfans ; & ceux
d'un aage plus meur & ceux qui sont
dans la Ieunesse, de quel degré, de quel
aage , de quel sexe , de quelle vocation
que nous soyons , mettons-nous en état
de faire une sainte violence a Dieu par
nos gemissemens & par nôtre conversion,
afin qu'il ne vienne a êpandre son
courroux sur nous.
Que si toutes ces exhortations qu'il
nous fait encore ne produisent aucun
effet, si vous demeurez au même estat
où vous êtiez auparavant, si vous y tombez
de nouveau aprés avoir pris quelque
pante plus raisonnable ; en un mot si le
train de vôtre vie ne se change,Ecoutez
pour la fin ce que vous proteste de dessus
son trône le Supreme Dominateur ; Ie
viendray a toy comme le larron & tu ne sçauras
a quell'heure je viendray contre toy . Ie
suis venu vers vous en ma grace & en
ma faveur ; I'y viendray finalement en
ma colere & en ma vengeance : I'y viens
[encore]
encore a cette heure par mes reprehensions
& par mes menaces , pour vous
donner le moyen de prevenir de plus
grands maux, & je vous dõne le loisir de
prendre d'autres movuements ? Mais
quand la mesure sera comble , Ie viendray
pour faire voir l'effect de mes protestations ,
Ie viendray avec tout l'attirail
de mon courroux , Ie vous ecraseray
par la pesanteur de mon bras , Ie vous
transperceray par les traits de ma colere;
Ie viendray renverser ce logis plaisant
que je me suis consacré au milieu de
vous; Ie viendray depouiller cette Eglise
de ses ornemens ; Ie viendray pour luy
oster ses appuis, pour aprés vous dissiper
sans ressource, & pour vous ôter le pain
de ma Parole dont vous abusez.
Ie seray
Osée 5.
comme un Lyon a Ephraïm, comme un Lyonceau
a Iuda , Ie déchireray, j'emporteray la
proye & il n'y aura aucun qui me l'ôte . Ie
viendray contre vous comme contre ces
gens de Sardes auxquels je disois les
mêmes choses que je vous dis maintenant
aprés qu'ils eurent par trop lassé ma
benignité ; Vous sentirez de même
qu'eux la verité de ce que j'ay prononcé,
& un jour par une experience funeste
[vous] vous direz que je suis enfin venu contre
vous, aprés en avoir ouï les menaces si
long-temps. Vous-vous estes mocqué de
moy quand je vous ay voulu rappeller
de la vanité du monde , & je viendray
pour vous detruire par ceux avec lesquels
vous avez voulu avoir trop de
communion;
Ie me mocqueray de vous quand
Prov.I.
vôtre dernier effroy surviendra . Estant venu
tandis que vous me pouviez aller au devant
pour m'arrester par humiliation &
par amandement de vie ; Ie viendray
enfin lors qu'il n'y aura plus aucun remede ,
lors qu'il faudra faire mon œuvre
ordonnée sur vous,n'y ayant plus de
lieu de retarder mes Iugements ? Ie me
suis approché souvent par quelques fascheries
que je vous ay fait voir en vos
freres & dont je vous ay fait goûter des
commencements a vous-mesmes : Mais
finalement je viendray pour vous faire
boire la coupe de mon indignation. Ie
vous surprendray lors que vous croirez
avec le plus de repos,& rendray inutile
vos plus grandes confiances. Vôtre credit
& vôtre sagesse , vos Offices & vos
Alliances , vos moyens, vôtre prudence
& toutes vos inventions , & tout ce qu'il
[y a]
y a au monde , ne pourra point vous garantir
de ma main quand je voudray
vous mettre pour l'exemple de mes lugements,
comme vous l'avez êté de ma patience.
N'attendons pas, mes Freres, les horreurs
de cette derniere calamité. Prevenons-
les par une repentance veritable
& perseverante. Prenons-en tandis qu'il
est temps toutes les dispositions, pour en
continuer l'exercice , non pendant un
jour seulement , & quelques autres qui
suivront une solennité comme celle-cy,
mais pour nous y occuper tout le reste
de nôtre vie ; Afin que ce grand Dieu
qui veut plûtost nôtre amandement que
nôtre destruction , & qui nous sollicite
avec tant d'instances pour nôtre profit,
nous voyant en état d'être encore les objects
de son support & de ses misericordes ,
flechi par nôtre humiliation , soit
porté à esloigner ses coups loin de nous,
& conserve ses Eglises en sa benediction,
& maintienne a celle cy toutes
ses prerogatives,qu'il la fasse fleurir en
toute sorte de vertus , l'accroissant en
nombre, & affermissant sa tranquillité:
Qu'ainsi il rende des temps meilleurs a
[ceux]
ceux qui sont dans l'epreuve & dans la
souffrance, & mette sa Sion hors de detresse.
Iusqu'a ce que vienne le jour de
l'œuvre magnifique que nous attendons,
de la destruction de son Adversaire, &
qu'il fasse triompher toute son Eglise en
la recueillant dans le palais de l'Eternité ;
là où êtant affranchie du peché &
de l'ignorance, de la misere & de la persecution,
voyant tous ses ennemis sous
ses pieds , tous ses desirs accomplis &
ses esperances satisfaittes ; Elle ne sera
plus dans l'exercice du Iusne & de la
priere ; elle ne sera plus dans le combat
avec la chair , elle n'aura plus a recevoir
des châtimens & a voir venir son Dieu
avec un visage d'ennemi ; Mais sera
dans l'occupation eternelle des loüanges
& des actions de graces, ayant le parfait
rassasiement des biens incomprehensibles
qu'il luy donnera dans la plus haute
mesure que la creature puisse recevoir,
puis qu'il fera tout en tous. AMEN.
FIN