SERMON 
Pour le jour du IVSNE ordonné par 
le SYNODE tenu a AMBRVN , en Septembre 
1662. au 3. de Decembre , & 
celebré ce jour là par les Eglises Reformées 
de Dauphiné. 
 
 Sur l' APOC. Chap. III. ꝟ.  1.2.3. 
 
  Ecri außi a l'Ange de l'Eglise qui est en 
Sardes. Celuy qui a les esprits de Dieu & les 
sept estoiles, dit ces choses : Ie connoy tes œuvres, 
C'est que tu as le bruit de vivre & tu es 
mort .   Sois veillant & confirme le reste qui s'en 
va mourir,car je n'ay point treuvè tes œuvres 
parfaittes devant Dieu .   Ayes donc souvenance 
quelles choses tu as ouïes & receuës & les 
garde & te repen. Que si tu ne veilles,je 
viendray a toy comme le larron, & tu ne 
sçauras a quelle heure je viendray contre toy . 
  
 CHERS FRERES;
  
S'il est vray que nous avons tous de la 
[pante] 
  
pante pour la terre,& que comme nôtre 
corps s'en approche par sa pesanteur, nôtre 
ame bien que spirituelle quant a son 
essence,n'a que trop d'inclination de s'y 
attacher ; on peut dire qu'elle ne paroît 
gueres plus evidemment , que quand on 
jette les yeux sur les assemblées que 
Dieu a honoré de son alliance. Lors que 
premierement il dissipe les tenebres espaisses 
qui les environnent, on void des 
peuples entiers prendre une merveilleuse 
ardeur pour se ranger aux ordres 
de Iesus Christ;on les void avec un zele 
brulant pour l'interest de leur salut , avec 
une resolution heroïque a suivre son 
Evangile. Mais s'ils continuënt a jouïr 
paisiblement du flambeau de la veritè, il 
ne faut aller gueres loin pour voir du relaschement 
en cette vigueur spirituelle. 
A mesure qu'on s'eloigne de ces premiers 
temps,on y reconoit une decheance 
visible. Ceux qui succedent degenerent 
beaucoup de la valeur de leurs devanciers, 
comme une eau de grande 
vertu perd peu a peu ses qualités, autant 
qu'elle s'écarte de sa source & qu'elle se 
mesle avec les ruisseaux qu'elle treuve en 
son chemin. Autrefois cela parut en l'Eglise 
[glise] 
 
d'Israël;on la vit retomber souvent 
dans ses desordres, aprés qu'elle eut été 
en quelque façon restablie; Et il a fallu 
qu'on reconût encore cette verité dans 
les Eglises qui furent dressées peu de 
temps aprés l'Ascension de nôtre Seigneur 
Iesus Christ. Aprés qu'elles eurent 
embrassé le Christianisme avec une 
grande affection, aprés qu'elles eurent 
donné beaucoup de marques d'un vray 
attachement pour le Redempteur , des 
exemples d'une haute pieté & d'une 
constance extraordinaire ; l'ennemi du 
salut qui cherche incessamment a trauerser 
les œuvres de Dieu , fit en sorte 
qu'on les vid retourner en grande partie 
aux mœurs de leur vie precedente ; Ce 
grande effort de zele s'étant rattiedi on y 
apperceut presques les mesmes manquemens 
qui étoyent parmi le reste des 
hommes.La memoire du Seigneur Iesus 
& de sa conversation & de tout ce qu'il 
avoit fait ,étoit encore toute fraische;ils 
pouvoyent avoir comme presente dans 
leurs esprits la voix & les enseignemens 
des Apôtres qui leur avoyent Evangelisé; 
il n'y avoit par fort long-temps qu'ils 
s'étoyent veus agreablement surpris de 
[passer] 
 
passer en la merveilleuse lumiere de 
Dieu,ce qui leur avoit donnè beaucoup 
d'empressement pour son service : Et 
neantmoins ils s'étoyent fort ralentis 
dans l'exercice des fonctions spirituelles; 
on n'y voyoit plus cette mesme ardeur 
a s'avancer dans les voyes du salut. 
Cela obligea le Seigneur qui regardoit 
l'Estat de ses troupeaux du haut de son 
Sanctuaire , de leur addresser sa voix 
d'une nouvelle maniere.
  
Il ne leur parle pas seulement par l'organe 
des serviteurs qu'il avoit établis au 
milieu d'eux ; Afin d'operer plus fortement 
sur leurs esprits, il employe encore 
S. Iean celuy de tous les Apostres qui 
vêcut le plus long-temps; Il se sert de 
l'une de ses trompettes qui avoyent publié 
son Evangile sur la terre. Il luy ordonne 
par une admirable vision de leur 
representer les choses qu'il entendoit de 
sa propre bouche,afin de remedier a ce 
qu'ils avoyent de manquements. Voicy 
comment il luy parle au suject de ceux 
qui s'étoyent rangés a luy dans la ville 
de Sardes , qui étoit la capitale de la 
Province de Lydie & fameuse dans le 
païs de l'Asie mineur.  Ecri a l'Ange de 
[ l'Eglise ] 
 
 l'Eglise qui est en Sardes. Celuy qui a les  
esprits de Dieu & les sept estoiles dit ces choses. 
Ie conoy tes œuvres ; c'est que tu as le 
bruit de vivre & tu es mort. Sois veillant & 
confirme le reste qui s'en va mourir,car je n'ay 
point treuvé tes œuvres parfaittes devant 
Dieu: Aye donc souuenance quelles choses tu 
as ouïes & receuës, & les garde & te repen: 
que si tu ne veilles je viendray a toy comme le 
larron,& tu ne sçauras a quell'heure je viendray 
contre toy . 
  
Grande & excellente leçon , capable, 
s'ils l'eussent receuë avec assez d'obeïssance, 
de remettre cette Eglise dans sa 
premiere beauté & de la faire éclatter 
long-temps comme un exemple de sa 
protection & de ses Divines largesses.Il 
a voulu qu'elle fût enregistrée pour les 
siecles a venir , afin qu'elle servit a resveiller 
ceux qui font profession de son 
nom, & qui laissent decheoir leur zele. 
Si jamais il a eté temps d'écouter cette 
voix du Fils de Dieu , c'est sans doute 
 aujourd'huy, mes Freres, que nous voyõs  
la corruption étre allée si avant parmi 
ceux qui se disent les disciples du Sauveur 
& les depositaires de son alliance. 
Au siecle passé , lors qu'il fit voler son 
[Ange] 
 
Ange pour annoncer cet Evangile eternel 
qui avoit eté comme enseveli, & 
qu'il eut fait la grace a nos Peres de l'embrasser, 
laissant les inventions de la creature; 
on vid alors comme une nouveaus 
ce de l'Eglise du Seigneur.Ces la predi- enfans qu'il s'étoit formé par renaissan- cation de sa verité qu'il envoya au mon- de comme une abondante rosée,se mon- trerent 
un peuple tout rempli de franc 
vouloir, & nonobstant les resistances de 
la chair & les oppositions du siecle qui 
sembloyent insurmontables , ils se tindrent 
fortement attachés aux interests 
de Iesus Christ:ils vescurent avec grande 
soumission sous les regles de sa discipline; 
la sainteté de leurs mœurs se rendit 
recommandable par toute la terre,& 
éblouït par sa splendeur les yeux de leurs 
plus grands ennemis. Mais combien est- 
ce que nous nous sommes ecartés de ce 
haut degré de vertu & de pureté? Où 
est-ce que paroit si expressement cette 
reformation de mœurs qu'avoit produit 
l'Evangile ? Nous nous sommes, il faut 
l'avouër , nous nous sommes etrangement 
eloignés de ce bien-heureux estat; 
nous sommes au contraire revenus a la 
[conduite] 
 
conduite des enfans du siecle. Puis que 
Dieu nous a fait sentir desja un plus long 
support qu'il n'avoit fait a ceux de Sardes, 
lors que Iesus Christ leur addressa 
ceste reprehension, qui ne void qu'estant 
pour le moins autant corrompus 
qu'ils étoyent, il est de toute necessité 
que nous la prenions pour nous. Il est 
vray que le Fils de de Dieu ne nous envoye 
pas des Apôtres pour nous reveiller. Il 
ne parle pas a nos Conducteurs en des 
visions prophetiques , veu que ces dons 
là ont cessé depuis long-temps ; mais 
nous pouvons dire pourtant qu'il s'adresse 
a nous d'une maniere extraordinaire 
& qui doit toucher nos esprits tout 
autrement qu'ils ne l'ont esté jusqu'icy; 
Il nous met devant les yeux une assés 
grande vision pour nous emouvoir. Car 
qui est-ce qui n'avouëra que les chastimens 
qu'il deploye en divers endroicts 
sur les Eglises de ce Royaume ne soyent 
un object assés puissant pour operer efficacement 
sur nos ames? Considerés attentivement 
leur etat , & d'un costé 
vous trouverés qu'elles sont destituées 
des appuys du monde, de ceux-là mesmes 
qui sembloyent par cy devant contribuer 
[tribuër] 
 
quelque peu a leur soûtien , qu'il 
n'y a plus que la merveille de la providence 
de Dieu qui leur donne de subsister; 
que sa main seule les soûtient & les 
empeche de tomber , comme une pierre 
pesante que vous tiendriés de vostre 
main suspenduë au milieu des airs. Mais 
de plus vous verrés une foule d'adversaires 
qui se presentent pour les mettre 
en ruïne ; Vous verrés qu'on fait toute 
sorte d'efforts, qu'on fait valoir tous les 
conseils, qu'on ne laisse en arriere aucun 
artifice, qu'on employe la faveur des 
Grands, qu'on se sert des pretextes les 
plus plausibles, qu'on croit d'offrir un sacrifice 
agreable a Dieu de faire tout ce 
qui se peut , pour sapper les fondements 
de cet edifice. Il faudroit que nous fussions 
aveuglés au dernier point pour ne 
remarquer pas aujourd'huy la main de 
Dieu qui est levée contre nous , quand 
nous entendons parler de diverses Eglises 
fort considerables qui ont eté depuis  
peu de temps dans l'épreuve ; lors qu'on 
nous parle de celles où l'on a osté les 
moyens d'instruire la Ieunesse dont elles 
jouïssoient avec grãde commodité;la où 
nombre de familles ont êté extremement 
[ment] 
 
affligées & reduites a la povreté 
par des hostes violens & impitoyables 
de celles dont une grande partie a eté; 
contrainte de chercher des autres demeures 
que celles où ils avoyent habité 
depuis long-temps ; alors que nous apprenons 
qu'on se tremousse avec tant de 
passion contre l'exercice public du culte 
de Dieu , & qu'on donne tant de fâcheries 
a ceux qui en sont les organes; Alors 
que nous apprenons que de celles qui ont 
jouï plus long-temps de la predication 
de l'Evangile ont eu leurs sanctuaires 
fermés,& sont sur le point a cette heure 
de les voir dans la desolation derniere; 
que beaucoup d'autres sont aussi dans la 
même apprehension; que quelques unes 
encor les ont veus employés a d'autres 
usages,lors que tant d'autres singularités 
paroissent de jour en jour , & qu'on void 
que ce n'est pas là où l'on pretend que le 
mal s'arreste ; Certes c'est alors que l'on 
peut dire avec toute sorte de sujet que le 
Souverain Maître de l'Eglise nous parle 
assés hautement & nous presente a tous 
une apparition capable d'arrester les 
puissances de nôtre ame. La verge nous 
parle aujourd'huy,comme disoit le Prophete 
[phete] 
 
Michée autre-fois , & celuy qui 
l'a assignée & qui la manie, puis que la 
voix ordinaire qu'il nous fait ouïr par ses 
serviteurs nous laisse sans emotion. Il 
nous parle par cette verge , qui est tellement 
desployée sur les autres qu'elle 
nous donne aussi des ressentimens de 
douleur,puis que nous sommes conjoins 
dans un mesme corps par des liens si 
estroits.Il crie qu'elle viendra nous frapper 
nous-mesmes avec beaucoup de rudesse, 
si aprés avoir veu commencer ses 
coups ailleurs nous demeurons dans le 
mesme estat de desobeïssance. Puis que 
le Fils de Dieu s'adresse en cette maniere 
a nous,& fait sentir par les effects 
de sa main la censure a ceux qui abusent 
de sa patience , ne faut-il pas que nous 
disions icy comme Moïse autre-fois lors 
qu'il apperceut l'apparition du Seigneur 
au buisson ardent ;  Ie me detourneray & 
verray cette grande vision ? Ne faut il pas 
que nous pensions a nous mesmes & 
nous recueillions dans les actes d'une 
saincte humiliation , comme fit David 
voyant l'Ange qui etendoit sa main sur 
Ierusalem pour detruire ses habitans? 
C'est pour cela , mes Freres , que cette 
[journée] 
 
journée a esté choisie,afin que nous nous 
occupions avec tout l'effort duquel nous 
sommes capables a contempler les graces 
que Dieu nous a faittes , & l'ingratitude 
dont nous avons usé envers luy, 
& jusques a quel point nous nous sommes 
corrompus ; Il nous faut considerer 
en ce jour ici les demarches de la colere 
de Dieu qu'il fait voir sur la face de la 
terre,& qui s'approche de nous a grands 
pas; Il nous faut en ce jour faire la reveuë 
& la confession la plus humble de 
nos crimes ; mais sur tout nous devons 
pousser vers le Ciel nos gemissements du 
plus profond de nos cœurs , pour implorer 
la merci de ce grand Dieu que nous 
avons tant offencé ; Nous devons prendre 
tellement garde a la voix de ses châtimens, 
qu'elle nous ouvre l'oreille & 
nous porte a écouter plus soigneusement 
les enseignements de sa bouche ; qu'elle 
nous forme a les recevoir avec tant de 
soumission que nous passions a des resolutions 
plus fortes que nous n'avons eu 
contre le peché , que nous reprenions le 
vray zele Evangelique au lieu des relaschements 
qui font méconoître le Christianisme 
au milieu de nous , afin de 
[montrer] 
 
montrer à la suite en nôtre vie cette 
belle pureté que nous avons dans la doctrine : 
Autre-fois au temps du Roy Iosias 
aprés une grande corruption qu'il y 
avoit eu pour le service de Dieu,les Iuifs, 
a l'exemple de ce Prince religieux,traitérent 
alliance avec l'Eternel , & s'obligerent 
par des protestations nouvelles a 
vivre selon la sainteté de ses Loix, ayans 
ouï la lecture de sa volonté en une grande 
assemblée.Ils firent encore le mesme 
aprés la captivité sous la conduite d'Esdras. 
Ils apposérent mesme leurs seings 
a la protestation qui en fut couchée 
d'une maniere authentique. Vous devés 
 aujourd'huy, mes Freres , renouveller  
vostre Alliance avec Dieu. Si vous avés 
violé celle où vous estes entré par vôtre 
baptesme ; si vous avés enfraint a diverse 
fois ce que vous luy avés promis lors 
que vous avés participé à sa table ; si 
d'autre-fois vous avés paru avec abbatement 
devant son throsne,vous obligeans 
à plus de fidelité envers luy ; Voicy ce  
grand Dieu qui vous supportant par sa 
benignité , n'ayant pas fait , comme il 
pouvoit avec Iustice, tomber sur vous sa 
vengeance, vous donne le moyen de luy 
[promettre] 
 
promettre vôtre obeïssance encore cette 
fois. Si nonobstant le peu de correction 
qu'il y a eu dans vôtre train, il vous fait 
subsister jusqu'a cet heure, ne vous imaginez 
pas qu'il continuë a tolerer pour 
toûjours la rebellion de ceux qui se disent 
ses enfans, & qu'il ne vienne jamais 
vanger la perfidie de ceux qui se moquẽt 
de luy aprés luy avoir fait de belles promesse. 
Il ne nous donne aucun garant, 
que nous aurons plus de temps a nous 
repentir, & qu'il se presentera une autre 
journée aprés celle cy pour recourir à luy 
par une devotion solennelle. Prenons 
celle-cy comme la derniere que sa Patience 
nous offre,afin de l'employer avec 
d'autant plus de soin à ces importantes 
actions. Estans venus au bout du support 
de Dieu, ne le tentons plus par une 
audace temeraire & qui seroit a nostre 
confusion. Plustost pensons a traitter 
avec luy de bonne foy une alliance qui 
ne soit jamais plus rompuë par ces vices 
qui paroissent au milieu de nous , mais 
qui soit suivie d'une fidelité constante & 
d'un inviolable attachement, autant que 
le permet la mesure de la sanctification 
qui nous est accordée en cette vie. Nous 
[avons] 
 
avons cy devant jusné pour arrester le 
cours de nostre peché , sans qu'il en ait 
paru gueres de succez a cause de nôtre 
peu d'application ; on void assés l'avantage 
que nous avons laissé reprendre a la 
chair dans nôtre vie. A l'avenir ne laissons 
en arriere aucun de nos soins , employons 
tout ce que nous aurons de puissance, 
afin que cette sainte occupation 
ait des suittes plus considerables, en sorte 
qu'on voye rompu le cours de nôtre 
securité ; Que ce jour icy soit comme 
une nouvelle naissance a ceux qui le solennisent, 
suivie d'un constant exercice 
des operations de la vie spirituelle jusques 
a ce qu'elle soit engloutie par celle 
du parfait bon-heur ; que ce soit un jour 
de serenité , qui écartant les nuages de 
nos pechés,nous face jouïr sans interruption 
aucune des rayons agreables de la 
face de Dieu qui sont la delivrance 
méme. Pour nous disposer a ces devoirs, 
vous m'advouërés sans difficulté qu'il n'y 
a rien de plus propre que cette instruction 
que donnoit nôtre Seigneur a ceux 
qui composoyent l'Eglise de Sardes , & 
qu'elle est la plus convenable à l'estat où 
nous nous trouvons. Nous y rencontrons 
[le tableau] 
 
le tableau des maux dont nous sommes 
travaillés, des devoirs qui nous sont les 
plus necessaires, & du malheur où nous 
tomberons si nous negligeons le remede 
que Dieu nous ordonne. Nous y voyons 
le Fils de Dieu examinant la conduitte 
de son Eglise, luy reprochant l'abus de 
ses dons & le peu de fruict qu'elle a fait 
de sa connoissance, la decheance où elle 
est tombée pour sa pieté,les mouvemens 
qu'elle doit prendre pour repõdre mieux 
a sa vocation , & les menaces terribles 
qu'il luy fait,si elle continuë dans l'oubli 
de sa conduite. C'est ce qu'il vous faut 
écouter, Mes Freres, avec une profonde 
attention, comme nous tascherons 
de vous en faire brievement cõprendre 
le sens, y remarquant premierement la 
reprehension ; en deuxiesme lieu l'exhortation, 
& pour un troisiesme la menace 
qu'il leur addresse; puis que ce sont là 
les trois parties qui remplissent ce divin 
oracle , & que nous devons nous appliquer 
pour nous mettre en l'etat que Dieu 
demande de nous.
  
Dés l'entrée il veut qu'on le considere 
comme  celuy qui a les Esprits de Dieu & les 
sept étoiles ; qu'on le regarde comme le 
[depositaire] 
 
depositaire des graces du Pere, & le 
dispensateur des dons de son S. Esprit, 
qui étant un en sa personne, deploye en 
chaque troupeau, & mesmes en chaque 
fidelle la diversité des operations selon 
qu'il le treuve bon; Il veut qu'on le reconoisse 
comme l'Auteur de toute la 
conoissance & des dons spirituels qui 
avoyent paru parmi eux en suitte de la 
predication de la Veritè, comme celuy 
duquel depend le Ministere qui est établi 
en l'Eglise, celuy qui fait luire sur 
nous les Astres qui nous eclairent de la 
lumiere du salut & qui l'empruntent de 
luy qui est le Soleil infini & la source 
inépuisable. Il les veut dés l'abord persuader 
que c'est luy qui donne des Pasteurs 
a ses troupeaux & qui les ôte 
quand il est de son bon plaisir , qu'il a 
toute leur conduitte presente , comme 
s'il les tenoit en sa main , qu'il les peut 
proteger & châtier : Ce qui devoit porter 
les Pasteurs a une sainte regularité  
dans l'exercice de leurs charges, & les 
troupeaux aussi a prendre toutes les precautions 
necessaires pour ne l'obliger pas 
a retirer du milieu d'eux la lumiere qu'il 
y faisoit resplendir. C'est sans doute aux 
[uns &] 
 uns & aux autres qu'il veut donner ses ordres 
dans cette divine Lettre : il regarde 
aux conducteurs quand il commande a 
S. Iean d'écrire a l'Ange de cette Eglise, 
puis que ce nom leur est donné a cause 
qu'ils sont envoyés de la part de Dieu, 
comme ces esprits bien-heureux qui 
contemplent a l'ordinaire sa face. Quoy 
qu'il ne parle en apparence que d'un, 
cela regarde tous ceux qui étoyent dans 
cette charge ; comme souvent de semblables 
termes, qu'on appelle indefinis, 
enferment la pluralité. 
 Les levres du Sacrificateur  
                             
                                Mala. 2. 
                             
                         
 gardoyent la science , & qu'il étoit le 
messager de l'Eternel des armées , disoit le 
Prophete ; Ou bien le Seigneur consideroit 
dans le College des Pasteurs,l'un 
d'entr'eux qui presidoit, auquel on s'addressoit 
en diverses occurrences pour 
tout le corps. Mais aussi il regarde le 
general des Chrestiens qui étoyent en 
Sarde, puis qu'il proteste a la fin de cette 
lettre de même qu'en d'autres,que ce 
qu'il dit est en commun pour les Eglises. 
Et il est aisé de comprendre que ce qu'il 
dit en celle cy,concerne principalement 
l'état du troupeau : 
 Ie conoy tes œuvres; 
C'est que tu as le bruit de vivre & tu ês 
[ mort, ]   
 mort, tes œuvres ne sont point parfaittes 
devant Dieu  . Il semble que nous devions 
avoir grande conoissance de nous-mêmes, 
& qu'il n'y ait rien de plus aisé, 
puis que nous avons un esprit qui portant 
sa veuë au dehors , peut se reflechir au 
dedans de nous,afin d'en appercevoir les 
dispositions : mais nous vivons pour l'ordinaire 
en l'ignorance de nous mesmes. 
Si nous avons de l'industrie , nous la deployons 
plustôt a chercher d'examiner 
les fautes d'autruy; Nous nous flattons 
en ce qui procede de nous ; Nous extenuons 
ce qu'il y a de plus criminel;Nous 
appellons le bien mal, & le mal bien;
les 
  
                             
                                Esa.5. 
                        tenebres lumiere , & la lumiere tenebres, 
cõme parle le Profete : C'est pourquoy 
le Fils de Dieu qui veut depouiller 
les hommes des fausses pensées qu'ils 
pouvoyent avoir d'eux-mesmes,leur fait 
comprendre que s'ils cachent devant 
luy leurs fautes, ou s'ils ne les ont pas apperceuës, 
c'est luy qui les void a découvert; 
que si les autres hommes les louënt 
& leur encensent comme ayans d'excellentes 
qualités , il penetre a travers la 
couverture de leur hypocrisie. Il est bien 
necessaire que nous nous ramentevions 
[la]   
la conoissance infinie du Souverain: 
C'est-là le vray moyen pour nous porter 
a l'adveu de nôtre crime quand nous l'avons 
offensé ; c'est le vray moyen de 
nous contenir dans les bornes du devoir. 
Si tout un troupeau , si tous ceux qui 
composent, avoyent incessamment devant 
leurs yeux celuy qui chemine au 
milieu des chandeliers , sans contredit 
on y verroit beaucoup plus d'ordre & de 
sainteté. C'est ce qui l'oblige a commencer 
son discours en cette maniere. 
  Ie conoy tes œuvres, c'est que tu as le bruit de 
vivre & tu es mort; Ie n'ay pont treuvé tes 
œuvres parfaittes devant Dieu  . Vous comprenés 
assez qu'il ne leur veut pas ôter 
l'avantage de la vie qui resulte de la 
conjonction de l'ame & du corps, mais 
qu'il leur parle de cette vie & de cet 
étre spirituel qui se trevue en ceux qui 
ayans eté eclairez d'en haut,ont par une 
vraye foy,qui embrasse Iesus Christ, le 
sentiment & la jouïssance de l'amour de 
Dieu, qui se donne a eux comme l'ame 
de leurs ames, & qui les anime en sorte 
que son Esprit leur fait déployer des 
actions d'une vraye pieté, convenables 
a la hautesse de leurs esperances. Cõme 
[la] 
 la vie est un principe d'operation, & ne 
peut quasi se concevoir autrement,celle 
des enfans de Dieu est merveilleusemẽt 
active & feconde en bonnes œuvres: 
Ayant son centre au dedans d'eux par la 
foy,par le sentiment de l'amour de Dieu  
& par l'habitation de son Esprit qui y 
met les vertus Chrestiennes, elle se repand 
au dehors par des productions de 
Sainteté & de Iustice en toute sorte de 
rencontres. C'est en cela proprement 
que consiste l'estre que nous avons dans 
la grace. Le fidele sans doute doit avoir 
soin de regler son exterieur, & de se 
maintenir en bonne odeur au milieu des 
autres hommes;dans sa conduite il doit 
donner des exemples qui servent a edifier 
le prochain & a l'exciter a la vertu,  
 
                        1. Thess.1. 
                    comme ceux de Thessalonique , qui 
avoyent 
étè pour patrons a tous les 
croyans de leur voisinage. Mais ce n'est 
pas assez pour posseder cette qualité devant 
Dieu:Il faut avoir eu une nouvelle 
naissance, il faut avoir un nouveau principe 
qui nous porte continuellement 
a tâcher de complaire a Dieu & a nous 
employer a ce qu'il ordonne. Cette 
Eglise de Sardes avoit acquis de l'estime 
[me]   
parmi le reste des Chrestiens. La lumiere 
qui y brilloit de toutes parts,les 
commoditez qu'ils avoyent pour l'avancement 
de leur foy, le zele qu'on y avoit 
veu paroître en quelques rencontres, 
avoyent établis dans les esprits une opinion 
favorable de leur pieté. Mais Dieu 
qui est le vray arbitre des choses & qui 
prononce infailliblement, n'y rencontre 
pas des qualitez qui soyent egales a cette 
reputation, & ne veut pas qu'ils s'endorment 
sur le jugement des hommes.  Tu as 
le bruit de vivre, leur dit-il,  mais tu es mort ; 
Tu as bien l'apparence de la regeneration, 
mais tu n'en as pas la vraye forme 
& les fonctions les plus necessaires , avec 
tous les avantages desquels tu te glorifies 
& tout ce qu'on s'imagine de ton estat, tu 
n'as pas la vraye vie que Dieu donne a ses 
enfans, qui met tellement la paix & la 
tranquilité dans leur conscience, qu'ils 
sont excitez comme par un tres-puissant 
ressort aux devoirs de la sanctification; 
Tu n'es pas animé par l'Esprit de Dieu; 
Quoy que paré au dehors ; il y a en toy 
beaucoup de corruption, & tu exales une 
puanteur la plus fascheuse a mes narines. 
Ce n'est pas que dans cette Eglise il n'y 
[eût] 
 
eût encore des personnes qui etoyẽt conduittes 
par l'Esprit de Dieu & qui n'avoyent 
pas tout a fait quitté les vrayes 
fonctions du Christianisme: Il les decouvroit 
fort bien entre tous les autres,quãd 
il dit,  Tu as quelque peu de personnes qui 
n'ont pas souïllé leurs vestemens  , cest a dire 
qui ne sont pas engagez dans les ordures 
du vice ainsi que les autres : mais le plus 
grand nõbre êtoit sous l'empire de la corruption. 
Il y en avoit quelques-uns qui 
avoyent le bon principe de la regeneration, 
mais qui étoyent dans un extreme 
foiblesse, qui se laissoyent surmonter par 
les desordres regnans,& entrainer peu a 
peu a suivre l'exemple des autres.C'estoit 
un corps où il y avoit voirement des 
membres vivans mais des autres entierement 
morts & pourris , d'autres  qui s'en 
alloyent mourrir  comme le Seigneur le dit 
a la suitte, qui etoyent presque saisis de 
paralysie & dans la perclusion,ou plustost 
qui s'en alloyent être gagnez par une gangrene 
violente. Ainsi il ne faut pas s'êtonner 
si le Fils de Dieu dit a cette Eglise, 
  Ie n'ay point treuvé tes œuvres parfaittes devant 
Dieu . Ils eussent eté voirement coupables, 
mais ils n'eussent pas merité un si 
[grand] 
 grand blasme , si tout leur defaut eût 
consisté a n'avoir pas cette perfection sublime 
que Dieu demande en sa Loy, qui 
ne se treuve en aucun des enfans d'Adam; 
mais bien loin que leurs œuvres fussent 
parvenuës a ce haut degré , elles n'avoyent 
pas seulement celuy qu'il faut 
avoir de toute necessité dans l'Alliance 
de grace. Elles n'étoyent pas parfaittes a 
cét égard,parce qu'elles ne répondoyent 
point a la connoissance qu'ils avoyent receuë, 
qui n'étoit pas celle des enfans au 
bas
'aage, mais des hommes parfaits & 
adultes,comme S.Paul dit, 
 qu'il préchoit  
                             
                                1. Cor.2 
                             
                         
 la sapience entre les parfaits ; Elles n'avoient 
pas mesmes cette integrité sans laquelle 
nos actions ne peuvent qu'estre rejettées  
de la part de Dieu; La profession 
du dehors n'étoit pas accompagnée d'un 
attachement reel pour le service de Dieu; 
Leurs affections n'étoyent pas soûmises a 
ses saintes Ordonnances : Leurs actions 
pouvoyent tromper les hommes , par 
quelques couleurs specieuses qui y paroissoyent, 
mais elles ne pouvoyent point être 
approuvées devant Dieu, qui sonde les 
reins & les cœurs & qui veut la sincerité 
dans son culte;&par consequent elles ne 
[devoient]   
point les satisfaire comme les 
mettant en assez bon êtat.Le Fils de Dieu 
les en dêtrompe & les amene a d'autres 
dispositions , aprés qu'il leur a fait connoître 
le mal qu'ils avoyent dans leur sein. 
  Sois veillant & confirme le reste qui s'en va 
mourir; aye souvenance des choses que tu as 
ouïes & receuës, & les garde & te repens  . 
  
Ils étoyent dans une espece de profond 
assoupissement; Ils êtoyent dans un 
danger assez present & ils n'y prenoyent 
pas garde. Le Diable avançoit son œuvre 
& detruisoit au milieu d'eux celle de 
Dieu; La dissolution y croissoit & s'étendoit 
au long & au large; la piété diminuoit, 
& les jugements de Dieu en 
méme temps s'approchoyent. Les Pasteurs 
pouvoyent s'être oubliez en l'exercice 
de leurs charges, aussi bien que le 
troupeau dans ses mœurs. C'est ce qui 
oblige le Fils de Dieu a entonner cette 
forte voix. Il les appelle avec grand cri 
afin qu'ils ouvrent les yeux,& qu'ils fassent 
reflexion sur eux-mesmes , sur les 
maux qui les ont déja atteins & sur ceux 
qui les suivoyent de bien prés:  Sois veillant , 
leur dit-il, non seulement pour leur 
faire secouër une fois la pesanteur de leur 
[sommeil] 
 
sommeil, mais pour les porter a une vigilance 
Chrestienne, dans laquelle ils se 
devoyent maintenir sans se laisser de 
nouveau accabler par le dormir de la 
chair,prenant tous les soins imaginables 
pour s'opposer aux desseins de l'ennemy 
de leur salut, & de leur propre corruption, 
qui vouloyent eteindre en eux 
tout ce qu'il y restoit de lumiere & de 
vie spirituelle : D'où vient qu'il tient ce 
langage,  Confirme le reste qui s'en va mourir . 
Comme il y avoit desja beaucoup de personnes 
tout a fait plongées dans la mort 
du vice & entierement esclaves du Diable, 
il falloit faire effort a conserver dans 
la pieté ceux qui en avoyent quelque residu; 
Quoy qu'ils fussent dans une grande 
foiblesse & qu'ils semblassent defaillans, 
il ne falloit omettre aucun soin pour 
les ramener a quelque degré de la vigueur 
spirituelle. C'est ce que chaque 
fidelle devoit faire en sa personne, fortifiant 
sa conoissance, excitant sa foy, & 
ralumant son zele , sa charité, ses prieres, 
renouvellant sa repentance, son renoncement 
au vice & l'exercice de toutes les 
vertus Chrestiennes , s'armant de toute 
l'armure de Dieu contre le pechè, prenant 
[nant] 
 tous les moyens & preservatifs qui 
sont ordonnez pour affermir & pour 
avancer le bon estat de nôtre ame. C'est 
ce que chacun devoit faire aussi a l'egard 
de son prochain, par exemples & par un 
saint accouragement. C'est a quoy les 
Pasteurs devoyent travailler avec chaleur, 
en les instruisant de plus en plus, en 
les effrayant par les menaces de Dieu,en 
les ramenant par ses reprehensions, en les 
prenant de toutes manieres,&avec douceur 
& avec severité , pour n'encourir 
pas le blâme de ceux 
 qui pensoyent a la legere 
la maladie du peuple de Dieu , & auxquels  
 
                         
                            Ier.6&8. 
                         
                            Ezech. 34. 
                    le Seigneur reproche 
 qu'ils ne medecinoyent 
pas les brebis malades, qu'ils ne 
renforçoyent pas les langoureuses, & qu'ils 
ne bandoyent pas celles qui avoyent la jambe 
rompuë . Afin que chacun d'eux y travaillât 
avec tant plus de succez, il leur donne 
encore cette leçon importante. 
 Souvien 
toy quelles choses tu as ouïes & receuës 
& les garde . Il leur enseigne le moyen de 
confirmer la pieté de ceux qui jusques 
alors l'avoyent conservée,& de rapeller 
ceux qui s'êtoyent oubliez dans les egarements 
du monde. C'êtoit de se remettre  
devant leurs yeux ce qu'ils avoyent 
[receu]   receu de la largesse de Dieu dés qu'il les 
avoit retirez du paganisme, qui les obligeoit 
a une vie toute pleine d'ardente 
reconnoisssance;Mais sur tout de reprendre 
en leur memoire les enseignements 
qu'ils avoyent ouïs de sa Verité. Il les 
avoyent beaucoup negligez;ils s'accoutumoient 
a les entendre sans en être fort 
peu touchez ; Ils en avoyent quelque 
theorie pour la pluspart sans les appliquer 
a la prattique. Mais ils devoyent 
les rendre presens dans leur esprit, les 
garder non seulement au tresor de la 
memoire,mais sur tout en la conduitte 
des actions, & faire paroître en leur vie 
la forme de cette Divine & excellente 
tablature qu'il leur donnoit en son Evangile; 
veu 
 que ceux-là sont bien-heureux qui  
                             
                                Luc II. 
                         
 oyent la parole de Dieu & qui tout ensemble 
la gardent . Et pour comprendre en peu 
de mots tous leurs devoirs & les ramener 
tous a des meilleurs mouvements, il 
les somme a la repentance quand il dit,  
 Garde les & te repens  ; C'est le moyen que 
Dieu presente a l'homme de se raprocher 
de luy quand il s'en est 
êloigné par 
les emportements du vice,qu'il n'accorde 
point aux Anges rebelles : C'est la 
[planche]   
planche qu'il nous fournit dans nôtre 
naufrage pour nous garantir de submersion, 
non seulement dans une rencontre 
ou deux, mais toutes les fois que par 
nôtre infirmitè nous revenõs a l'offenser 
& a nous détourner de luy. Il ne laisse 
pas cet Ange de Sardes & ceux qui 
étoyent commis a ses soins , abandonnez 
a eux mesmes : Il a la bonté de les 
rappeller ; luy-mesme les va chercher 
dans leurs egarements:Il leur crie qu'en 
premier lieu ils changent d'advis & 
prennent des autres pensées , qu'ils reconoissent 
l'horreur de leurs crimes où 
ils prenoyent leur plaisir , l'extravagance 
de leurs mouvements , le desordre 
de leur conduitte, le malheur où ils se 
vont precipiter , qu'au lieu des plaisirs 
du monde où ils attachoyent leurs affections, 
ils apprennent a estimer les biens 
de la vie a venir, pour les rechercher de 
toute leur force, comme êtans les seuls 
biens solides. Mais de plus,qu'ils prennent 
toute une autre maniere de vie, 
qu'ils changent toute leur conversation , 
qu'ils reforment leur mouvements 
selon la reigle de la volonté de 
Dieu, & qu'ayant quitté les voyes du 
[vice] 
 
vice qui sont celles de la perdition, ils 
rentrent & avancent tous les jours dans 
celles de Dieu qui les conduiront au 
parfait bon-heur:Car c'est là ce qu'emporte 
necessairement une vraye repentance.
  Il ne falloit pas beaucoup de discours 
pour les convaincre de la Iustice de ce 
devoir : l'autorité de celuy qui leur parloit 
estoit assez evidente pour la leur 
persuader.Mais parce que nous sommes 
tous tres-lasches au bien & que la chair 
y apporte grande resistance, & que le 
Diable se remuë,afin de nous tenir dans 
ses pieges, Iesus Christ presse les Chrêtiens 
de Sardes par ses menaces : 
 Si tu 
ne veilles,je viendray a toy comme le larron, 
& tu ne sçauras a quell'heure je viendray 
contre toy . Il s'estoit presenté a eux par la 
premiere predication de son Evangile, 
comme il disoit par son Prophete ; 
 Ie me 
suis fait trouver a ceux qui ne me demandoyent  
                             
                                Esa. 65. 
                         
 point,j'ay dit, me voicy, a la nation qui 
ne s'appelloit point de mon nom  ; Il y êtoit 
venu a la suitte par beaucoup de benefices, 
& en reïterant ses instructions , il 
leur êtoit encore presẽt en cette maniere 
tandis qu'il conservoit au milieu 
[d'eux]   d'eux le ministere de sa Verité pour les 
exhorter a leur devoir , comme il dit a  
 
                         
                            Apoc.3. 
                    ceux de Laodicée, 
 Ie me tiens a la porte & 
frappe . Mais il leur declare que si cette 
venuë de douceur n'opere pas leur 
amandement ils en ressentiront une de 
severité,qui sera pour leur ôter les avantages 
dont ils jouïssoyent ; Ils avoyent  
beaucoup de commoditez en la profession 
de son service,mais parce qu'ils abusoyent 
de ses dons , comme des serviteurs 
debauchez qui employent ce qu'ils 
ont receu de leur maistre a jouër & a 
yvrongner pendant son absence, au lieu 
de le faire valoir pour sa satisfaction ; Il 
denonce qu'il leur ravira ce qu'ils tournoient 
en licence, comme il avoit dit 
a ceux d'Ephese 
 qu'ils leur osteroit son chandelier , 
& mettroit ce troupeau en dissipation, 
aprés avoir attendu long-temps 
les effects de ses semonces. 
 Ie viendray a 
toy comme le larron & tu ne sçauras a quelle 
heure . Non qu'il ne soit le Maistre absolu 
de tout ce que nous possedons, & 
qu'il ne le puisse ôter avec toute sorte 
de Iustice, mais parce qu'ils s'en verroyent 
depouillez inopinément & reduits 
dans une honteuse povreté, lors 
[qu'ils]   
qu'ils se promettoyent une paix inebranlable ; 
parce que lors qu'ils croiroyent 
d'être dans une entiere asseurance 
contre toute sorte d'ennemis, il viendroit 
faire l'œuvre determinée sur eux, 
par les moyens qu'il treuveroit bon 
d'employer , sans que plus il y eût de 
ressource pour la restauration de cette 
Eglise.
  
C'est le langage qu'il tenoit a ceux 
qu'il avoit etabli sur ce troupeau, & par 
leur organe a tous les membres qui le 
composoyent, afin qu'ils apprissent ce 
qu'il y avoit de plus important pour eux; 
& c'est le mesme qu'il nous tient encore 
en cette saison.Representez-vous le Sauveur 
avec ces ornements magnifiques 
qu'il avoit quand S.Iean eut cette vision, 
êtant vestu d'une longue robe jusques 
aux pieds, ayant une ceinture d'or 
le long des mammelles, sa teste & ses 
cheveux blancs comme la neige,ses yeux 
comme flamme de feu, son regard comme 
le Soleil quand il est dans sa grande 
force, ses pieds comme de l'airain tres- 
reluisant enflammé dans une fournaise, 
ayant une espée sortant de sa bouche & 
en sa main sept estoiles. Portez vos yeux 
[encore] 
 
encore plus haut & le regardez elevé sur 
le trône de la gloire, environné de ses 
Anges,armé d'une puissance invincible, 
& gouvernant par sa providẽce tout cet 
univers. Contemplez-le dans la parfaitte 
lumiere qu'il possede avec le Pere & 
le S.Esprit,& dans l'etenduë immense de 
sa sagesse. Voyez-le avec ses yeux penetrans 
qu'il tient fichez sur son Eglise, qui 
font resplendir ses tenebres, qui en découvrent 
l'état en tous les endroits du 
monde où elle se treuve épanduë. Et 
alors saisis de reverence, vous vous arresterez 
a luy par une sainte attention: 
Alors vous entendrez sans difficulté 
qu'il reïtere ces paroles qui doivent nous 
frapper d'une salutaire frayeur & abbatre 
tout ce qui s'eleve contre son empire; 
  Ie conoy tes œuvres, c'est que tu as le bruit de 
vivre &c . Sous ombre que je suis entré 
dans le Ciel pour ne converser plus avec 
les hommes sur la terre, vous ne croyez 
pas que je porte ma veuë au delà de ces 
voutes azurées; vous pensez qu'ayant 
ôté d'avec vous ma presence corporelle 
je ne decouvre pas ce qu'on fait dans ma 
Maison ; Le plus souvent vous jugez de 
moy comme si je dormois dans cet 
[espace] 
 
espace qui est entre ma premiere & 
ma dernier venuë; vous-vous mocquez 
de mes ordres,comme si je n'êtois qu'une 
idole morte; & parce-que je vous ay 
supporté,vous croyez que je ne vous regarde 
plus.Ostez cette folle imagination 
de vôtre ame.  Ie conoy, dit-il a chacun, 
 tes œuvres . Representez-vous encore ce 
même Dieu dans sa sublimité incomprehensible, 
considerant aujourd'huy en 
quels termes sont les troupeaux qu'il a 
recueillis en ce Royaume, & celuy qui 
est aujourdhuy assemblé en ce lieu icy; 
Regardez-le seant sur son tribunal, afin 
de les examiner, & les appeller a rendre 
conte de ses graces;Et vous reconnoîtrez 
sans doute qu'il dit le mesme a 
cette assemblée qui paroît devant sa 
face ; qu'il dit a tout-autant que nous 
sommes dans ce temple afin d'ecouter sa 
voix & nous humilier devant luy, qu'il 
nous crie de son Ciel ;  Ainsi a dit celuy qui 
a les esprits de Dieu ,qui est l'auteur des lumieres 
dont jouïssent les assemblées 
Chrestiennes, Celuy qui a les sept étoiles en 
sa main , qui y établit le ministere de sa 
Parole pour les eclairer, & qui l'y conserve 
par sa bonté,  Ie conoy tes œuvres. 
[Bien] 
 
Bien que j'aye retiré mon humanité 
dans le domicile celeste, je ne suis point 
éloigné de ce troupeau ; Bien que les 
sens de la chair ne m'y voyent pas , mes 
yeux voyent & examinent tout ce qui se 
fait au milieu de luy ; Tout ce qui est de 
plus caché dans les cœurs , tout ce qui 
est dans les obscuritez des plus profondes 
pensées des hommes,m'est dans une 
parfaitte evidence.
  
Ie luy avois accordé de grands avantages; 
Ie l'avois fait depositaire de beaucoup 
de riches talens, y ayant êtabli depuis 
plus de cent ans la pure conoissance 
de mon Evangile, & en ayant dissipé 
les tenebres de la superstition. Si 
dans quelque intervalle de temps plus 
fascheux il y a eu de l'interruption en la 
liberté publique de mon service que je 
luy avois donné,je luy ay envoyé depuis 
des tẽps favorables ; Ie lui ay suscité des 
Puissans du monde,afin de le mettre au 
large, de l'êtablir avec quelque fermeté 
& de le mettre mêmes en consideration 
devant les yeux de ses ennemis ; Ie 
luy ay fait avoir dans ses sacrez exercices 
une telle cõmodité qu'en aucun autre 
lieu de tout cet êtat, il n'y a pas eu de 
[plus] 
 plus grande;sans discontinuation j'ay repandu 
sur luy l'abondance de ma lumiere 
par mes serviteurs ; je l'ay fortifié 
par diverses voyes ; je luy ay donné de 
l'éclat par des Magistrats fidelles que j'ay 
rendu instruments de ma benediction 
au milieu de luy ; & lors qu'il a semblé 
qu'il fut dans le panchant de sa ruïne 
pour n'avoir plus dans son sein les Grãds 
qui le favorisoyent,par la douceur & l'equité 
de ceux qui ont eté dans une autre 
communion ; je l'ay maintenu en tranquillité 
pendant l'agitation des autres 
Eglises ; Ie l'ay deffendu contre les mauvais 
desseins de ses envieux en des rencontres 
les plus difficiles ; Ie l'ay mêmes 
rendu l'organe du soûtien que j'ay donné 
a beaucoup d'autres troupeaux , & 
l'ay fait être jusques a present par ma faveur 
l'estonnement d'un chacun. 
 Que 
restoit-il a faire a ma vigne que je ne luy aye  
                             
                                Esa.5. 
                         
 fait  pour la dispensation de ces comoditez 
externes ? Sans doute elle êtoit obligée 
a me rendre des productions qui repondissent 
a cette soigneuse culture, 
par lesquelles je fusse glorifié & mon 
Evangile rendu honorable. Mais combien 
est-ce que j'y trouve de sterilité & 
[d'ingra-]   
d'ingratitude ? Il est vray que je decouvr'encore 
quelque petit residu de ceux 
qui n'ont pas souillé, comme d'autres, 
leurs vestemens dans les ordures du siecle ; 
Il est vray qu'il y a en aucuns quelque 
reste de vray zele , d'attachement 
sincere pour ma verité,d'affection pour 
le soûtien de l'Evangile,& de charité envers 
le prochain ; I'y voy quelques bonnes 
ames qui gemissent des abominations 
d'Israël : Mais pour le general, je 
n'y apperçoy que refroidissement de 
cette premiere ardeur qu'on avoit pour 
mon service,& une grande indifference 
pour ma sainte Religion que plusieurs 
seroyent prests d'abandonner a la moindre 
difficulté ; I'y apercois un mépris 
opiniâtre de ma parole, beaucoup de rebellion 
contre les semonces portées par 
mes serviteurs dont on se mocque souvent 
quand ils pensent se roidir contre 
le torrent de corruption ; I'y vois la profanation 
de mes Sabbats dont il devroyent 
faire leurs delices ; les actes de 
devotion , de l'ouïe de ma Parole, de la 
participation de mes Sacrements, des 
prieres & du chant des divins Cantiques 
qui se font seulement par coutume & 
[sans] 
 
sans qu'on y apporte la moindre partie 
de l'application & de l'ardeur qu'il y 
faut avoir;I'y voy le peu d'estat que font 
plusieurs de l'entretien de mon service 
public,pour lequel ils seroyent marris de 
donner quelque offrande volontaire de 
ce qu'ils tiennent de mes biens,de sorte 
qu'il faut que par contrainte & par des 
voyes de la Iustice seculiere,on extorque 
d'eux quelque petite portion de ce 
qu'ils depensent sans scrupule & souvent 
auec profusion , pour les moindres de 
leurs fantaisies. Ie decouvre que cette 
Eglise, qui comme une chaste épouse, 
devoit être attachée de ses affections a 
moy, qui suis son Seigneur & son Epoux, 
s'est etrangement corrompuë;Elle est allée 
aprés le monde ; Elle s'est jettée dedans 
ses plaisirs ; Elle est entrée dans son 
luxe & dans sa despence pour les habits, 
pour les parures,& pour les festins, Elle a 
voulu avoir sa part de ses divertissemẽts 
criminels ; On ne l'a peu empescher de  
la profaneté des Bals & des Comedies, 
comme si elle devoit vivre en Courtisane ; 
Elle s'est mocquée, avec une effrenée 
licence,de tout ce qu'on luy a dit 
pour arrester ses enragées passions ; Elle 
[s'est] 
 
s'est meslée dans ses jeux y employant son 
argent & son temps par une manie incorrigible, 
jusques là qu'il y en a eu qui 
n'ont pris autre occupation que de passer 
les jours dans une infame academie de 
berlan. Si je regarde ceux qui sont de la 
plus haute condition, je n'y voy pas les 
bons exemples qu'ils devroyent donner 
aux moindres ; Ie n'y vois pas le bon usage 
qu'il faudroit faire de mes benedictions 
pour m'en rendre des justes reconoissances; 
j'y treuve tant de commerce 
avec la vanité du siecle , un attachement 
invincible a ses coustumes , une forte resistance 
aux ordres de la juste discipline 
qui doit estre en ma Maison. Si je jette 
les yeux sur tous indifferemment, je n'y 
treuve qu'empressement pour les interests 
de la terre ; j'y rencontre des haines 
qu'on n'a jamais peu êteindre, des esprits 
qui depuis plusieurs années ne se laissent 
porter a aucune reconciliation ; j'y treuve 
des gens plongez dans le bourbier infame 
de la paillardise & de l'adultere, & 
qui bien loin d'être confus de leur honte, 
publient pas une continuation effrontée 
leur vilenie devant un chacun ; j'y 
treuve des friponneries dans le cõmerce 
[des] 
 des uns et des autres, des obliquitez en 
grand nombre, & des gens qui sous pretexte 
d'aider ceux qui recherchent la Iustice, 
font métier d'enveloper leur prochain 
dans des chicanes inifinies, qui ne 
font aucvn scrupule & ont converti 
mêmes en habitude de donner des conseils 
d'iniquité & de vexation; j'y treuve 
des enfans sans education raisonnable 
qui ont de l'instruction pour le monde, 
mais nullement pour la pieté , une jeunesse 
licentieuse & insolente qui ne 
cherche qu'a satisfaire ses bouillantes 
passions;L'Aage & le sexe qui devroyent 
être le vray miroir de la modestie & de la 
pudeur, prennent un effort qui tient trop 
de la dissolution. Enfin chacun en son 
rang n'a plus la retenuë & cette crainte 
de mon Nom que j'attendois d'eux. Le 
pis est que je les ay continuellement exhortez 
de se deporter de ces vices & de 
mener une vie Evangelique ; je les ay 
pressez jusqu'a leur estre importun ; je 
les ay charpenté par mes Profetes, sur 
tout dans les rencontres où ils ont voulu 
 
                         
                            Hosée 6. 
                     têmoigner quelque solennité de devotion, 
& jusques a present il ne paroît aucun 
changement en leur conduitte.N'ay 
[je pas]   
je pas donc grand suject de dire a cette 
Eglise rebelle & méconoissante, & qui 
s'affermit dedans sa securité ,  Tu as le 
bruict de vivre & tu es morte : Ie n'ay point 
trouvé tes œuvres parfaittes devant Dieu  . 
  
S'il y a quelque peu de personnes qui 
ayent la force de la pieté, la plus-part en 
ont renié la vertu ; La multitude que tu 
as, n'a que l'apparence de la vie spirituelle. 
Où sont en ces gens là les parties 
& les operations de l'homme nouveau? 
Ils ne sçavent ce que c'est de vraye foy, 
de sincere repentance, du renoncement 
a soy-mesme ; Ils ne sçavent ce que c'est 
d'une droitte invocation , de la vehemence 
du zele , du detachement du 
monde, de la resolution qu'il faut avoir 
a souffrir pour l'Evangile,de la vraye celebration 
de mes Sabbats, des tendresses 
de la charité , de la soumission qu'il 
faut rendre a ma Parole & des vrays 
mouvements d'une vie reformée a mon 
image. Tu peux avoir de la reputation 
devant les hommes, comme si tous ceux 
qui sont les membres de cette assemblée 
avoyent fort avancé en la sainteté, ainsi 
que tu as beaucoup d'autres avantages 
qui eclatent a leurs yeux. Sous ombre 
[que] 
 
que tu est logée en une place eminente, 
que Dieu te fasse resider dans le lieu 
principal de la Province , dans le centre 
d'où emanent les Arrests de la Iustice, 
tu te figures peut-estre de jetter de tous 
côtez tes raions fort resplendissants. 
Parce que tu as au milieu de toy des 
personnes êlevées en autorité,en richesses 
& en connoissance,que tu jouïs de diverses 
commoditez pour le service de 
Dieu,on peut concevoir de toy des pensées 
plus avantageuses que tu n'as en effet 
de zele , de lumiere, & de vertu. 
Ainsi tu te peux flatter toy-mesme & 
te croire en bon êtat. Mais moy qui ne 
suis pas sujet a être trompé & qui sonde 
les enfans des hommes, conoy que tu es 
morte en grande partie ; qu'il n'y en a  
que trop au milieu de toy qui ne sont 
pas animez par mon Esprit , & qui ne 
peuvent avoir que des productions de 
mauvaise odeur devant moy. Tes œuvres, 
a les regarder pour le general, ne 
répondent point a l'honneur de mon alliance 
& de la Reformation de laquelle 
tu te glorifies ; Les hommes en peuvent 
juger favorablement , mais êtans pesées 
a la balance de mon Sanctuaire , non 
[certes] 
 
selon la rigueur de la Loy, mais 
seulement selon la teneur de l'Evangile, 
pour la pluspart elles n'ont rien qui soit 
recevable au fonds.
  
Voilà ce que dit nôtre Seigneur a 
tout ce troupeau; Voilà le discours 
qu'il fait retentir à ses oreilles. Ce ne sont 
plus les hommes qui parlent pour vous 
amener a la connoissance de vous-mêmes. 
C'est le Souverain & le Tout- 
Puissant , aux yeux duquel vous ne pouvez 
vous soûtraire ou vous deguiser. 
Pecheurs faittes tous vos efforts pour 
vous cacher dans l'epaisseur des tenebres , 
Envelopez-vous tant qu'il vous 
plaira dans les sinuositez de vôtre malice : 
Esloignez tant que vous pouvez de 
vous les rayons de ses regards par vôtre 
securité ,ou avec le manteau de la dissimulation : 
Vous n'avancerez rien pourtant; 
Car c'est luy qui vous enceint devant 
& derriere ; Il decôuvre toutes vos 
voyes avant que vous y avez pensé ; Il 
ouvre les portes de vôtre cœur que vous 
luy tenez fermées par vôtre endurcissement ; 
Il met en la clarté de sa face tous 
vos manquements plus enormes , voire 
ceux qui sont plus avant dans les plis & 
[dans] 
 dans les replis de vôtre ame. Prenons 
plustost d'autres mouvements , & puis 
que nous sommes convaincus de son intelligence 
infinie , que nous contemplons 
sa hautesse & les yeux de sa providence 
arrestez sur nous, a mesure qu'il 
nous fait de telles declarations, jettons 
nous, comme S.Iean , aux pieds de sa 
 
                         
                            Apoc.I. 
                     Majesté avec une frayeur religieuse;Presentons 
luy des cœurs ouverts ; Decouvrons 
luy toute la misere de nos maladies ; 
Disons luy tous tant que nous sommes ; 
Il est donc vray , O glorieux Redempteur , 
que tu vois parfaittement 
toute nôtre desobeïssance. Il est vray 
que ton regard,comme le Soleil,lors qu'il 
est en sa grande force , perce a travers 
nos deguisements & met en la clarté 
toutes nos souillures. Nous ne voulons 
plus nous en fuïr de devant toy comme 
nôtre premier Pere & nous derober a 
tes yeux. Puis que tu conois nos œuvres 
& eclaires toutes nos tenebres , nous ne 
voulons plus les méconnoître dangereusement 
ainsi que nous avons fait ; Nous 
en voulons avouër l'horreur ; Nous souscrivons 
sans contredit a ton oracle; 
 Elles 
ne sont point parfaittes devant Dieu . La plus 
[part]   part de celles qui paroissent au milieu 
de nous,ne sont pas des œuvres de vrays 
enfans : Il n'y en que trop d'entre nous, 
qui n'ayans pas le principe de ton Esprit, 
manquent de la verité qu'on s'imagine 
entr'eux a cause de la profession qu'ils 
font de ton Evangile. Ceux-là mesmes 
qui ont quelque commencement de la 
regeneration, n'ont qu'une vie languissante, 
laissent déchoir leur pieté , donnans 
tant d'avantages a la chair en beaucoup 
d'occasions,& ont tant de foiblesse, 
que si tu ne les secours par ta grace, 
nous-nous en allons tous dans une totale 
destruction des mouvements de ta  
 
                         
                            Esdras 9. 
                     crainte. 
 Nous voicy donc devant toy avec 
nôtre coulpe  ,comme disoit autre-fois ton 
peuple;Nous voicy dans la franche confession 
des iniquitez qui temoignent 
contre nous devant ton tribunal ; Nous 
voicy qui reconoissons que tu aurois 
grand suject de nous ôter ta lumiere,que 
nous combattons par nôtre perversité, 
que tu pourrois avec toute-sorte de Iustice 
jetter dés ce moment sur nous les 
foudres de ton epouvantable vengeance, 
détruire ce troupeau , & chacun de 
nous en ta malediction.
  [C'est]   
C'est bien par là où il nous faut commencer 
Mes Freres;mais il nous faut 
passer plus avant ; Et comme nous avons 
ouï de la bouche de la verité eternelle, 
l'êtat où nous-nous trouvons,& la misere 
qui nous travaille,apprenons de la même 
verité le remede propre a nous garantir 
de l'extremité des maux où nous serions 
precipitez infailliblement ;  Sois veillant, 
nous dit-il, & confirme le reste qui s'en va 
mourir; souvien-toy quelles choses tu as ouïes 
& receuës,& les garde & te repen . Ne sommes- 
nous pas convaincus en nos consciences, 
que nous avons eté jusqu'a cet 
heure endormis par la longue attente de 
Dieu que nous avons vescu dans une profonde 
securité, a cause du calme duquel 
nous avons jouï,& de la liberté qu'il nous 
a continuée? Non seulement les folles 
vierges ont êté gagnées par le sommeil; 
Les sages mêmes , les plus sanctifiez d'entre 
nous,se sont laissez aller a ne prendre 
pas garde comme il falloit a leur êtat,& a 
se relascher en leur sanctification. La parole 
de Dieu a resonné a nos oreilles,il a 
redoublé de fois a autre ses cris;& les uns 
n'ont rien peu entendre, les autres n'ont 
fait que lever en quelque façon la teste & 
[sont] 
  
sont retombez d'abord dans leur premiere 
pesanteur par la force de la chair. Les 
chastiments que Dieu a deployé sur nos 
freres en divers endroits , qu'il nous a 
montré d'assez prés , n'ont pas peu nous 
reveiller de la bonne sorte ; Quoy qu'il 
semble que nous en ayons êté touchez en 
quelque maniere, nos sens sont demeurez 
assoupis.Le voicy donc ce benin Sauveur , 
qui ne veut pas que nôtre sommeil 
devienne une letargie pernicieuse & absolument 
incurable,qui ne veut pas qu'il 
soit suivi de nôtre destruction. Le voicy 
qu'il crie de nouveau , qu'il fait retentir 
sa voix plus haut qu'il n'a fait encore:Reveilles- 
toy toy qui dors dans le sommeil 
du peché: Pense aux maux que tu porte 
dans ton sein , qui s'augmentent journellement 
par ta negligence , & qui s'en 
vont être au comble ; Pense a la peste que 
tu entretiens,a la perversité qui s'enraciner 
en ta persõne pour se rẽdre maistresse 
de toy , & t'entrainer dans un eternel 
malheur ; Pense a l'heure de la mort qui 
te talonne tous les jours ; Pense a une infinité 
d'ennemis que tu as a l'entour de 
toy & qui sont prés a te surmonter, au 
Diable qui te berce dans les plaisirs de la 
[convoitise] 
 convoitise, & qui avec tout cela est un 
lyon rugissant qui circuit pour te devorer. 
Regarde au jugement eternel qui 
se deployera sur ceux qui ne l'auront 
point prevenu par amendement. Mais 
ouvre les yeux principalement pour appercevoir 
ton juge qui te regarde , ton 
Souverain qui a toutes tes infametez 
presentes devant ses yeux , afin que tu 
en prẽnes une confusion secrette.Ne fay 
pas comme le paresseux qui s'eveille en 
quelque façõ,mais qui ne fait que 
 se tourner 
sur son lict, cõme une porte se tourne pendant  
                             
                                Prov.26.&6. 
                         
 qu'elle demeure sur ses gons   ,qui tirant 
ses bras hors du lict , incontinent les y 
remet disant, 
 encore un petit de sommeil, 
encore un petit de sommeil ,Reveille-toy une 
bonne fois & tien tes sens dans l'action, 
avec force & avec constance ; tien-toy 
toûjours dans la sentinelle. Tu es appellé 
a soutenir de grands assauts ; les 
ennemis sont armez de ruze & de force, 
Persevere dans la vigilance, afin que tu 
ne sois jamais surpris inopinément ; 
Exerce sans cesse les devoirs ausquels tu 
es appellé , ayant ta lampe fournie de 
l'huile de la pieté , de la foy,de la repentance, 
de l'attente de Iesus Christ, afin 
[que]   
que tu puisses aller au devant de l'Epoux 
lors qu'il viendra.
  
C'est le devoir sur tout de ceux qui 
sont appellez a la conduitte de l'eglise. 
Dieu les a establis pour guettes sur sa 
Maison, afin qu'ils regardent soigneusement 
de tous côtez , qu'ils decouvrent 
l'ennemy quand il s'approche , qu'ils observent 
de loin tout ce qui peut arriver 
de funeste a un chacun ; Ils en doivent 
avertir les autres,afin de s'y precautionner ; 
Et cecy est dit premierement a 
l'Ange de Sardes,afin que comme le mal 
vient souvent du Sanctuaire , le remede 
prenne de là son commencement. Aussi 
nous,que Dieu a êtablis sur sa Maisõ,devons 
prendre icy nôtre leçon avant tous 
les autres , pour nous tenir dans la vigilance. 
Quand nous voyons le mal s'accroître 
dans le troupeau,quand les particuliers 
se débordent & se licentient a 
outrager le Nom de Dieu & a deshonorer 
la profession de son Evangile, faudra- 
t-il que nous demeurions plongez dans 
nôtre assoupissement;que nous fermions 
les yeux a ces choses , que par complaisance 
ou par crainte nous demeurions 
dans le silence, & que nous soyons des 
[chiens] 
 
chiens muets? Certes l'ame de ceux qui 
periroyent nous seroit redemandée. 
C'est a nous d'être toûjours au guet, de 
tenir les autres dans la circonspection, 
de crier lors que le jugement de Dieu 
s'aproche,& de faire tous nos effors afin 
qu'il soit eloigné. Lors qu'on voit que 
Dieu est prés de venir en sa colere,il ne 
faut nous donner aucun repos, il faut 
nous mettre a la breche , il faut animer 
les autres pour combattre avec luy par 
les armes qui sont d'efficace , c'est a dire 
par la repentance , par la contrition & 
par des ardentes prieres ; Il faut reparer 
la cloison,afin de retarder encore s'il est 
possible l'entrée de sa vengeance , ou du 
moins nous approuver par nos efforts 
devant Dieu. Nous sommes appellez 
par le Fils de Dieu,des Anges, qui sont 
aussi qualifiez les Veillans. Imitons leur 
attachement a la volonté de Dieu,leur 
zele a son obeïssance, leur punctualité 
dans leur ministere , la pureté de leurs 
desirs,& l'elevation de leurs pensées ; Et 
nous souvenons que comme celles d'entre 
ces Intelligences qui desobeïrent au 
commencement, devindrent par leur 
crime les plus miserables de toutes les 
[creatures;] 
 
creatures; autant que Dieu nous êleve 
en nous faisant ses Messagers & Ambassadeurs, 
d'autant plus grand sera nôtre 
supplice si nous n'avons point de vigilance 
pour l'œuvre de Dieu, si nous nous 
attachons davantage aux Interests de la 
chair , si nous ne taschons de fortifier 
les autres dans toute sorte de devoirs, 
aprés avoir combattu nos propres foiblesses, 
pour nous garantir tous ensemble 
de tomber dans une entiere defaillance ; 
  sois veillant, dit Iesus Christ,& confirme 
le reste qui s'en va mourir . 
  
Mais icy nous ne pouvons pas travailler 
sans vous,mes Freres ; Ne vous figurez 
pas que ce soit a nous seuls de remettre 
ce qu'il y a de defectueux & d'éteindre 
le feu de la colere de Dieu qui 
s'allume ; c'est a vous a nous seconder 
dans ce grand dessein, & a ne nous laisser 
pas jetter des cris & prendre des peines 
pour vous garantir de destruction, 
qui soyent inutiles. Vous qui avez encore 
quelque reste de pieté & quelque estincelle 
de zele,qui gemissez dans vos ames 
de l'abatardissement du peuple de Dieu; 
Recueillez-vous en vous-mesmes & tout 
ce que vous avez encore de vigueur, 
[ Confirmez ] 
 
  Confirmez le reste qui s'en va mourir . Renforcez 
au dedans de vous les mouvements 
du nouvel homme qui sont languissans ; 
Ralumez le feu de vôtre zele 
qui est comme couvert de cendres , & 
autant que vous voyez de corruptions 
qui vous environnent , fortifiez d'autant 
plus vôtre ame dans toutes les parties de 
la crainte du Seigneur ; Soyez les colonnes 
de cet edifice qui menace d'un horrible 
cheute. Soyez l'appuy de ce troupeau 
par vôtre sainte conduitte,l'heureuse 
semẽce qui le fera subsister encore, 
qui empechera que Dieu ne le fasse être, 
comme Sodome & Gomorrhe;Voulons- 
nous tous ensemble nous employer avec 
succez a écarter l'orage qui nous menace , 
a dissiper la tempête qui se forme,& 
conserver la protection de Dieu sur 
nous ;  Aye souvenance, nous dit le Seigneur 
de gloire,des choses que tu as ouïes & 
receuës, & les garde & te repen . Vous avez 
receu d'illustres presens de ma liberalité 
pour la conoissance de la doctrine 
celeste ; Vous avez êté instruicts longtemps 
aux leçons de mon Evangile.Mais 
vous avez êté des auditeurs oublieux de 
mes oracles ; Vous avez ouï predication 
[sur] 
 
sur predication sans en tirer aucun 
fruict.C'est pour cette raison que je vous 
fay voir tant de vexations qu'on reçoit 
pour maintenir le flambeau de la verité, 
tant de troupeaux qui sont sur le point de 
le perdre , d'autres qui s'en sentent privez 
par une lamentable calamité. C'est 
pour cela mêmes que je fay venir jusqu'à 
vos oreilles le trouble que vous- 
même pouvez recevoir,les diverses menaces 
de ceux qui envient vôtre bonheur, 
qui desirent avec une extreme passion 
de vous voir privez des commoditez 
que je vous conserve en ce lieu , qui 
font l'object de l'admiration publique. 
Voulez-vous empêcher l'effect de leur 
mauvaise volonté ; Voulez-vous que 
mon Chandelier subsiste au milieu de  
vous & repande toûjours sa splendeur 
avec les avantages que vous avez maintenant ; 
Faittes mieux vôtre profit que 
vous n'avez fait de sa precieuse lumiere. 
Remettez devant vos yeux mes benefices; 
Repassez dans vôtre memoire les 
veritez que vous avez entendu de moy, 
reconoissans avec un regret sensible 
que vous n'y avez que trop fierement resisté 
Prenez une fois, aprés tant de reïterées 
[terées] 
 
semonces,la ferme resolution d'obeïr 
a ma parole , d'amener vos mouvemens 
les plus rebelles captifs sous ma 
volonté , de ranger tout ce qu'il y a de 
resistance sous les ordres de mon Evangile. 
Vous devez bien garder ma parole 
par une ouverte & constante profession , 
mais j'enten que vous la gardiez 
sur tout, faisant qu'elle regle toute 
vôtre vie & la compose a sa forme ; Ie 
veux qu'elle soit en vôtre memoire,mais 
sur tout qu'elle regne en vos affections, 
qu'elle paroisse en tout ce que vous ferez, 
comme une modele qui vous imprime 
toute sa façon & vous donne mon 
image.Si vous la gardez ainsi,ce sera elle 
qui vous gardera; Elle vous sera une deffense 
assurée pour le jour mauvais ; Elle 
vous garantira au temps de la tentation, 
& rendra inutile les mauvais desseins de 
vos plus passionnez adversaires ; Ie veilleray 
moy-mesme sur vous pour les confondre 
& aneantir ; Ie vous arroseray 
de mes graces comme un Iardin de mes 
delices.
  
C'est ainsi que nous viendrons, Mes 
Freres,a ce grand devoir de la repentance 
que le Fils de Dieu nous prescrit 
[comme] 
 comme le dernier remede a nos maux, 
le moyen de preserver & d'augmenter 
ce qu'il y a de vie au milieu de nous, & 
de tirer du tombeau de mort ceux que 
le vice tient encore sous son Empire & 
qui sont envelopez des pieges du Diable. 
Aujourd'huy ce grand Sauveur nous 
vient chercher dans nôtre eloignement 
d'avec luy; Il nous rappelle de nos egarements ; 
Il nous offre sa grace nonobstant 
la continuation de nos crimes ; Il 
nous ouvre la porte pour nous raprocher 
de Dieu ; Il nous presente le moyen de 
conserver toûjours les effects de sa faveur 
qui s'enfuïront autrement de nous;  
 
                         
                            Apoc.3. 
                    Il nous dit, 
 Ie repren & châtie ceux que 
j'aime: Pren donc zele & te repen ; Et serons 
nous si depourveus de bon sens , si ennemis 
de nôtre propre repos , qu'aprés 
avoir ouï tant d'autre-fois cette exhortation, 
nous la rejettions maintenant 
par un nouveau degré de rebellion & 
d'ingratitude ? Qui est-ce de nous qui 
scait si Dieu nous fera ouïr derechef 
cette voix en d'autres rencontres? Qui 
est-ce qui peut assurer que ce ne soit icy 
la derniere fois? Que sçavons-nous si la 
mort nous donnera plus de loisir , ou les 
[fioles]   
fioles de sa vengeance qui ont a estre 
versées. On a dit souvent,par une calomnie 
des plus injustes qu'on peut vomir 
contre nous,que quãd nous venions 
a jusner , nous formions quelque grand 
dessein contre la tranquillité publique 
& l'autorité des Puissances superieures; 
Dieu nous est tesmoin combien nous 
sommes eloignez de cette pensée , & 
nous la devons toûjours avoir en detestation. 
Mais voicy un grand dessein 
qu'il nous faut faire aujourd'huy ; c'est 
de rompre le commerce que nous avons 
avec le peché, de nous soulever vigoureusement 
contre tant d'inclinations vicieuses 
de la chair, de n'avoir plus tant 
d'attachement pour ses interests & pour 
ses suggestions. Faisons hardiment une 
sainte conspiration pour rétablir l'autorité 
de Dieu dans nôtre ame, pour mettre 
en bon etat ce que nos desordres ont 
gâté & amené bien prés d'une totale destruction , 
pour nous efforcer d'avoir la 
verité de la vie des enfans de Dieu , & 
des operations qui la doivent suivre, au 
lieu des œuvres mortes où nous avons 
êté occupez , & pour avoir la pureté 
d'une conduitte convenable a la vocation 
[tion] 
 
celeste. Concourons a l'envi, Mes 
Freres , dans cette heureuse pensée,puis 
que le Souverain nous en presse au dernier 
temps de son support?Faisons luy un 
vœu solennel que nous aurons plus de 
dependance pour sa volonté , plus de 
passion pour son service , plus d'ardeur 
pour toutes les parties de l'obeïssance 
que nous luy devons , que nous ne vivrons 
plus a la chair , au monde, a nous 
mêmes ; mais que nous vivrons pour 
l'honorer & pour le glorifier desormais. 
Gardons nous bien de nous contenter 
de promesses & de belles protestations; 
Nous n'en avons pas manqué jusques a 
cette heure. Le principal est que nous 
mettions tous la main a l'œuvre,& qu'aprés 
les bonnes resolutions que nous faisons 
aujourd'huy,nous combattions courageusement 
nôtre peché , nous corrigions 
chaque jour nos manquemens, 
avec toute la diligence & l'application 
possible , nous fassions paroître une vie 
toute nouvelle , & nous môntrions que 
ce jour nous a donné une forme & des 
desseins bien differens de ceux que nous 
avons eu. Ioignons-nous tous ensemble 
en cette sainte occupation, Tres-chers 
[& bien-] 
 
& bien-aimez Freres ; Dieu nous en 
somme tous, & les Pasteurs & le Troupeau, 
& les Magistrats & le Peuple, & 
les grands & les petits, & les riches & 
ceux qui ont un moindre partage , les 
peres & meres avec les enfans ; & ceux 
d'un aage plus meur & ceux qui sont 
dans la Ieunesse, de quel degré, de quel 
aage , de quel sexe , de quelle vocation 
que nous soyons , mettons-nous en état 
de faire une sainte violence a Dieu par 
nos gemissemens & par nôtre conversion, 
afin qu'il ne vienne a êpandre son 
courroux sur nous.
  
Que si toutes ces exhortations qu'il 
nous fait encore ne produisent aucun 
effet, si vous demeurez au même estat 
où vous êtiez auparavant, si vous y tombez 
de nouveau aprés avoir pris quelque 
pante plus raisonnable ; en un mot si le 
train de vôtre vie ne se change,Ecoutez 
pour la fin ce que vous proteste de dessus 
son trône le Supreme Dominateur ;  Ie 
viendray a toy comme le larron & tu ne sçauras 
a quell'heure je viendray contre toy . Ie 
suis venu vers vous en ma grace & en 
ma faveur ; I'y viendray finalement en 
ma colere & en ma vengeance : I'y viens 
[encore] 
 encore a cette heure par mes reprehensions 
& par mes menaces , pour vous 
donner le moyen de prevenir de plus 
grands maux, & je vous dõne le loisir de 
prendre d'autres movuements ? Mais 
quand la mesure sera comble , Ie viendray 
pour faire voir l'effect de mes protestations , 
Ie viendray avec tout l'attirail 
de mon courroux , Ie vous ecraseray 
par la pesanteur de mon bras , Ie vous 
transperceray par les traits de ma colere; 
Ie viendray renverser ce logis plaisant 
que je me suis consacré au milieu de 
vous; Ie viendray depouiller cette Eglise 
de ses ornemens ; Ie viendray pour luy 
oster ses appuis, pour aprés vous dissiper 
sans ressource, & pour vous ôter le pain 
de ma Parole dont vous abusez. 
 Ie seray 
  
                             
                                Osée 5. 
                         comme un Lyon a Ephraïm, comme un Lyonceau 
a Iuda , Ie déchireray, j'emporteray la 
proye & il n'y aura aucun qui me l'ôte . Ie 
viendray contre vous comme contre ces 
gens de Sardes auxquels je disois les 
mêmes choses que je vous dis maintenant 
aprés qu'ils eurent par trop lassé ma 
benignité ; Vous sentirez de même 
qu'eux la verité de ce que j'ay prononcé, 
& un jour par une experience funeste 
[vous]   vous direz que je suis enfin venu contre 
vous, aprés en avoir ouï les menaces si 
long-temps. Vous-vous estes mocqué de 
moy quand je vous ay voulu rappeller 
de la vanité du monde , & je viendray 
pour vous detruire par ceux avec lesquels 
vous avez voulu avoir trop de 
communion;
 Ie me mocqueray de vous quand  
                             
                                Prov.I. 
                         
 vôtre dernier effroy surviendra . Estant venu 
tandis que vous me pouviez aller au devant 
pour m'arrester par humiliation & 
par amandement de vie ; Ie viendray 
enfin lors qu'il n'y aura plus aucun remede , 
lors qu'il faudra faire mon œuvre 
ordonnée sur vous,n'y ayant plus de 
lieu de retarder mes Iugements ? Ie me 
suis approché souvent par quelques fascheries 
que je vous ay fait voir en vos 
freres & dont je vous ay fait goûter des 
commencements a vous-mesmes : Mais 
finalement je viendray pour vous faire 
boire la coupe de mon indignation. Ie 
vous surprendray lors que vous croirez 
avec le plus de repos,& rendray inutile 
vos plus grandes confiances. Vôtre credit 
& vôtre sagesse , vos Offices & vos 
Alliances , vos moyens, vôtre prudence 
& toutes vos inventions , & tout ce qu'il 
[y a]   
y a au monde , ne pourra point vous garantir 
de ma main quand je voudray 
vous mettre pour l'exemple de mes lugements, 
comme vous l'avez êté de ma patience.
  
N'attendons pas, mes Freres, les horreurs 
de cette derniere calamité. Prevenons- 
les par une repentance veritable 
& perseverante. Prenons-en tandis qu'il 
est temps toutes les dispositions, pour en 
continuer l'exercice , non pendant un 
jour seulement , & quelques autres qui 
suivront une solennité comme celle-cy, 
mais pour nous y occuper tout le reste 
de nôtre vie ; Afin que ce grand Dieu 
qui veut plûtost nôtre amandement que 
nôtre destruction , & qui nous sollicite 
avec tant d'instances pour nôtre profit, 
nous voyant en état d'être encore les objects 
de son support & de ses misericordes , 
flechi par nôtre humiliation , soit 
porté à esloigner ses coups loin de nous, 
& conserve ses Eglises en sa benediction, 
& maintienne a celle cy toutes 
ses prerogatives,qu'il la fasse fleurir en 
toute sorte de vertus , l'accroissant en 
nombre, & affermissant sa tranquillité: 
Qu'ainsi il rende des temps meilleurs a 
[ceux] 
 
ceux qui sont dans l'epreuve & dans la 
souffrance, & mette sa Sion hors de detresse. 
Iusqu'a ce que vienne le jour de 
l'œuvre magnifique que nous attendons, 
de la destruction de son Adversaire, & 
qu'il fasse triompher toute son Eglise en 
la recueillant dans le palais de l'Eternité ; 
là où êtant affranchie du peché & 
de l'ignorance, de la misere & de la persecution, 
voyant tous ses ennemis sous 
ses pieds , tous ses desirs accomplis & 
ses esperances satisfaittes ; Elle ne sera 
plus dans l'exercice du Iusne & de la 
priere ; elle ne sera plus dans le combat 
avec la chair , elle n'aura plus a recevoir 
des châtimens & a voir venir son Dieu 
avec un visage d'ennemi ; Mais sera 
dans l'occupation eternelle des loüanges 
& des actions de graces, ayant le parfait 
rassasiement des biens incomprehensibles 
qu'il luy donnera dans la plus haute 
mesure que la creature puisse recevoir, 
puis qu'il fera tout en tous. AMEN.
  
 FIN