SERMON PREMIER* * Prononcé
le
Dimanche
3.
jour
d'Aoust
1664. a
Charenton.
I. COR. X. 1.2.3.4.5.
I. Or Freres, je ne veux pas que vous
ignoriez, que nos Peres ont tous été sous la
nuée, & ont tous passé par la mer ,
2. Et ont tous été battisez en Moïse en la
nuée & en la mer ,
3. Et ont tous mangé d'une mesme viande
spirituelle .
4. Et ont tous beu d'un mesme breuvage
spirituel ; Car ils beuvoyent de la pierre spirituelle,
qui les suivoit & la pierre étoit
Christ .
5. Mais Dieu n'a point pris plaisir en plusieurs
d'entr'eux. Car ils ont été accablez* * abbatus
dans le desert .
CHERS FRERES ;
Nous lisons dans l'Evangile qu'vn
[jeu-]
Math.
19.21.22.
jeune homme ayant entendu le
commandement, que luy fit le Seigneur de
vendre tous ses biens & de les distribuer
aux pauvres, & de le suivre pour
avoir la vie eternelle, s'en alla tout triste ;
parce dit l'Ecriture, qu'il avoit de
grands biens. Son aveuglement fut extréme
d'avoir preferé la joüissance temporelle
d'une chose caduque & perissable
a la compagnie du Fils de Dieu & a la
vie eternelle. Mais il eut pourtant
assez de jugement pour reconnoistre,
qu'il ne faut rien attendre de Iesus
Christ, si l'on n'obeït a ses ordres, &
si l'on ne se conforme à sa discipline.
C'est pourquoy il se retira ; triste de ne
pouvoir estre riche & Chrétien tout
ensemble ; mais aprés tout aymant
mieux avoir ses biens sans le salut, que
le salut sans ses biens. Nous condamnons
tous la foiblesse & la lascheté de
ce jeune homme, & nous avons raison ;
Et cependant je ne sçay si l'on ne peut
pas dire avecque verité, que nous sommes
la pluspart dans vne erreur aussi
pernicieuse, mais beaucoup plus impudente,
que n'estoit la sienne. Iesus Christ
nous commande si nous voulons vivre
[avec-]
avecque luy de nous défaire de nos vices,
a l'vn de son animosité & de sa haine ;
a l'autre de sa vanité & de son luxe,
a l'vn de ses larcins & de ses rapines ; a
l'autre de sa médisance , a l'vn de son
yvrognerie, & a l'autre de ses sales & illegitimes
plaisirs. Combien peu y en
a-t-il qui obeïssent a cette parole du
Seigneur ? qui ne retiennent la passion
qu'il leur defend ? Iusques là nôtre faute
est égale a celle de ce jeune homme.
Ny luy ny nous ne faisons pas ce que le
Seigneur nous ordonne ; Mais il me
semble que pour le reste, sa faute fut
moindre que n'est pas la nôtre : Car au
lieu qu'il se retira, & eut assez de modestie
pour ne pas s'attacher à vn Maistre,
a qui il ne pouvoit se resoudre d'obeïr,
nous avons si peu de pudeur, que nous
nous vantons de suivre Iesus Christ &
de demeurer en sa compagnie,en faisant
sous ses yeux & dans sa maison tout le
contraire de ce qu'il nous commande.
Il vaudroit mieux & pour sa gloire &
pour nôtre interest, que nous pechassions
hors de sa communion ; parce que
la profession que nous faisons,deshonore
son nom, & aggravera nos peines.
[Mais]
Mais comme la passion que nous avons
pour nos vices, est ingenieuse a nôtre
malheur, elle nous flatte d'une vaine esperance
d'impunité ; nous inspirant cette
fausse pensée , que le Seigneur est
trop bon pour perdre des personnes,
qui quelque desordre qu'il y ayt dans
leur vie, portent néantmoins avecque
tout cela les livrées de sa maison & les
marques de son alliance, & ont receu
en leur personne le seau de la plus grande
grace,qu'il ayt jamais faite aux hommes.
C'est cette trompeuse imagination,
que l'Apôtre combat dans le texte, que
nous venons de vous lire. Dans la fin du
chapitre précedent, il avoit montré aux
Corinthiens par son exemple la diligence
& la solicitude, dont il nous faut vser
dans la conduite de nôtre vie pour obtenir
du Seigneur la couronne, a laquelle
nous aspirons ; avec quelle force &
quelle constance il faut renoncer a nos
inclinations, a nos commoditez & a
nos plaisirs pour garder religieusement
la discipline de l'Evangile, sans jamais
manquer pour quelque raison que ce
soit, a aucun des legitimes devoirs de la
sainteté, qu'elle nous prescrit. Maintenant
[nant]
pour arracher du cœur de ces
Chrétiens tous les vains pretextes, que
la chair pourroit leur suggerer pour
relascher en eux l'étude de cette réelle
& evangelique sanctification , il leur
montre, que rien ne les en peut dispenser,
Et parce qu'ils avoyent embrassé le
Christianisme avecque joye, la doctrine
du Seigneur se preschant & ses Sacremens
s'administrant au milieu d'eux,
& la connoissance de ses mysteres y
fleurissant , accompagnée de diverses
graces extraordinaires ; afin que ces signes
& ces ornemens exterieurs ne leur
donnassent de la presomption , leur
faisant negliger le principal, il leur presente
dés l'entrée l'exemple des anciens
Israëlites, qui ayant aussi receu de precieux
& illustres témoignages de l'amour
de Dieu ne laisserent pas avecque
tout cela d'éprouver la juste rigueur de
ses jugemens, pour avoir abusé de ses faveurs
par vne extréme ingratitude.Cét
exemple doit avoir d'autant plus de force
sur nous, que l'alliance faite avec cét
ancien peuple étoit la figure de la nouvelle,
sous laquelle nous vivons,comme
l'Apôtre nous l'a dit expressement.Dieu
[y avoit]
y avoit representé, de bonne heure le
dessein, la condition & les qualitez de
Iesus Christ & de son Eglise ; si bien
que nous en devons regarder l'histoire,
comme vne chose, qui nous appartient ;
& fait état que c'est pour nous qu'elle a
été écrite & conservée jusques a nous.
L'Apôtre donc nous met premierement
devant les yeux, dans les quatre premiers
versets quelques vns des principaux
& plus illustres avantages , dont
Dieu avoit autresfois favorisé les Israëlites ;
leur baptesme en Moïse dans la
mer rouge, & sous la nuë, & leur nourriture
dans le desert par le moyen de la
manne, qui leur pleuvoit du Ciel, & de
l'eau dont vn rocher ouvert par la verge
de Moïse, consoloit les secheresses de
ces lieux vastes & solitaires,où ils voyageoyent.
Puis il nous represente dans
le verset cinquiesme que nonobstant
toutes ces grandes & admirables prerogatives ,
Dieu n'eut point de complaisance
pour laisser impunis ceux d'entr'eux,
qui méconnurent ses bontez, &
violerent son alliance ; Mais Dieu ( dit
l'Apôtre ) n'a point pris plaisir en plusieurs
d'entr'eux . Car ils ont été abbatus ou accablez
[ blez ]
dans le desert. Nous traiterons s'il
plaist au Seigneur, le plus clairement &
le plus briévement, qu'il nous sera possible,
ces deux parties dans nôtre action,
les avantages des anciens Israëlites ;
puis la colere & la vangeance de Dieu
sur ceux d'entr'eux, qui abuserent de ses
graces. Pour la premiere partie, l'Apôtre
la commence ainsi,
Freres, dit-il, je
ne veux pas, que vous ignoriez que nos Peres
ont tous été sous la nuée, & ont tous passé
par la mer. Il entend, qu'ils doivent se
ressouvenir de cette histoire ; la remarquer,
& y faire les reflexions qu'il leur
va representer. Car elle est si connuë
dans l'Eglise, qu'il y a peu d'apparence
qu'aucũ des fideles de Corinthe l'ignorast.
Mais l'Apôtre prend quelque fois
le mot de
sçavoir, pour dire se remettre
dans l'esprit ce que l'on sçait desja, le
considerer pour en vser, & pour en tirer
quelque fruit spirituel a nôtre edification ;
comme quand il dit aux Romains,
Ne sçavez vous pas , que , nous tous, qui avons
Rom. 6. 3.
été baptisez en Iesus Christ, avons été
baptisez en sa mort ? Il veut dire, que de
ce principe , qu'ils sçavoyent, ils devoyent,
conclure ce qui s'en ensuit
[evi-]
evidemment que par le baptesme nous
sommes morts au vice, & a ses convoitises,
pour cheminer desormais en nouveauté
de vie ; bien loin de nous imaginer,
comme faisoyent quelques profanes,
que nous devions demeurer dans le
peché. Icy pareillement, il ne veut pas
que les Corinthiens ignorent ; il veut
qu'ils sçachent, & qu'ils meditent cette
histoire de l'ancien peuple ; pour en tirer
la leçon, qu'il leur va donner, que
toutes les faveurs & gratifications qu'ils
ont receuës de Dieu, ne pourront s'ils
en abusent, les exempter de sa juste colere,
& des peines que merite un si grand
crime. D'où vous voyez, pour vous le
dire en passant, combien sont éloignez
de l'esprit de S. Paul , premierement
certains heretiques anciens, qui rejettoyent
toute l'Ecriture du vieux Testament ;
& secondement ceux qui defendent
au peuple Chrétien la lecture des
livres divins, L'Apôtre tout au contraire,
bien loin de nous arracher des mains
les Ecritures du nouveau Testament,ne
veut pas que nous ignorions celles de
l'ancien ; Il veut que nous les considerions
exactement, & comme nôtre Seigneur
[gneur]
nous l'avoit expressément commandé,
que
nous les sondions , pour y découvrir
les salutaires leçons , que le S. Esprit
y a semées ; ce qui ne se peut faire
sans les lire & relire plusieurs fois
avec soin. Pour nous recommander ce
devoir, il appelle les anciens Israëlites
nos Peres ; parce que les enfans sont naturellement
curieux de sçavoir l'histoire
de leurs ancestres, & d'étudier avec
affection & avecque plaisir les écrits qui
la racontent. Mais j'estime, qu'il leur
a aussi donné ce nom pour fortifier la
raison qu'il employe icy, nous avertissant
par ce mot,qu'il l'a tirée d'un exemple
non étranger , mais domestique.
Car je ne puis gouter l'exposition de
ceux,qui rapportent ce nom a la personne
de Saint Paul & a celles de quelque
Estius
sur ce
lieu
peu de Iuifs , qui pouvoyent selon leur
conjecture se treuver meslez dans l'Eglise
de Corinthe. Si l'Apôtre eust eu
cette pensée, qui l'empeschoit de l'exprimer
nettement,en disant simplement
les Peres des Ebreux , ou les
anciens Israëlites ,
ou mes Peres,ou quelque autre chose
semblable ? Et quant aux Iuifs de
Corinthe à l'égard desquels on pretend,
[que] que S. Paul les ayt appellez
nos Peres & non
mes Peres simplement, I'avouë
Act. I8.
8.
qu'il y a grand' apparence par les choses
que S. Luc raconte dans le livre des
Actes, que des Iuifs qui habitoyent a
Corinthe & qui y avoyent mesme vne
Synagogue, quelques vns se fussent convertis
a Iesus Christ , aussi bien que
Crispe, le principal d'entr'eux ; Mais
asseurement le nombre en étoit fort
petit, comme il paroist par la furieuse
resistance, que leur corps entier y fit
a la predication de S. Paul, comme S. Luc
le décrit dans le mesme lieu. Ainsi
l'Eglise de Corinthe, qui estoit grosse &
populeuse, consistoit toute en familles
& en personnes Payennes de naissance.
L'Apôtre parlant donc a eux tous,comme
il fait, & non a ce peu de Iuifs seulement,
qui étoyent clair semez dans cette
grande multitude de Gentils convertis
a la foy, il me semble qu'il n'y a point
de raison de s'imaginer , qu'en disant
nos Peres , il entende que les Israëlites
dont il parle soyent les
Peres , non de
tous les fideles a qui il addresse son discours
mais de sept ou huit d'entr'eux
seulement, & je ne pense pas qu'en tous
[les] les écrits divins & humains, il se puisse
treuver,dans vne rencontre pareille,vne
expression comme celle-cy, employée
au sens que l'on attribue a ces paroles
de l'Apôtre. Confessons donc, qu'il entend
que ces anciens Israëlites, dont il
rapporte icy l'histoire, étoyent les Peres,
non de ceux de sa nation seulement,
mais de tous les fideles de Corinthe,
de quelque naissance qu'ils fussent selon
la chair ; & non seulement d'eux, mais
encore generalement de tous les Chrétiens,
en quelque lieu & en quelque siecle,
qu'ils vivent. Souvenez vous de l'olivier
franc , dans lequel S. Paul nous
enseigne ailleurs, que nous avons été
entez par la foy de l'Evangile de Iesus
Rom. II.
17.
Christ, & il vous sera aisé de comprendre,
que de quelque peuple que nous
soyons venus & de quelque terroir, que
nous ayons été tirez , nous sommes tous
enfans d'Abraham,& des autres Patriarches,
& en un mot d'Israel,où la semence
de la foy d'Abraham se conserva.
Car cet olivier mystique n'est autre
chose, que l'ancien Israël. S'il en a été
coupé quelques branches,ou autresfois,
ou depuis en la plenitude des temps,
[tant] tant y a que c'est comme dit l'Apôtre,
la racine, & la tige de cet arbre, qui
nous porte. La racine & la tige dans
vn arbre est la mesme chose que dans
vne genealogie les Patriarches , & le
corps de la famille ou de la nation , qui
en sort. Puis qu'Abraham est nôtre
racine, & que le peuple descendu de
luy est nôtre tige, asseurement ils sont
nos Peres , & nous sommes leurs enfans.
Leur Abraham est le Pere de tous
ceux qui croyent, soit dans la circoncision,
soit dans le prepuce;& leur Sion est
nôtre mere , & nous mesmes portons
tous leur nom,étãt appellez dans l'Ecriture
L'Israël de Dieu , &
les Iuifs dont la
Gal.6.
I6.
Rom. 2.
29
louange est de Dieu, & non des hommes.
C'est donc en ce sens, selon
l'esprit , &
non selon la
chair , que l'Apôtre donne
icy le nom de
nos Peres a ces anciens
Israëlites, qui
furent tous sous la nuée, &
qui passerent tous par la mer . Mais l'on
dit , qu'il ne semble pas raisonnable,
que ces vieux Iuifs charnels & rebelles,
soyent nommez
Peres des Chrétiens
croyans & obeïssans. Ie l'avouë, mais
je répons que ny S. Paul, ny nous apres
luy ne l'avons jamais entendu ainsi. A
[Dieu] Dieu ne plaise. Car pour ceux-là bien
loin d'estre nos Peres, Ils n'ont pas été
eux mesmes enfans d'Abraham. Vn de
leurs Prophetes leur dit, que
leur pere
Ez. I6.
3
estoit Amorrhéen & leur mere Ethienne .
Leur incredulité les a retranchez de la
tige, où nous avons été entez, par foy.
Nous n'avons, & Dieu veüille que nous
n'ayons jamais a l'avenir rien de commun
avec eux. Mais quelque grand
qu'ayt été dans le desert le nombre de
ces Israëlites bâtards, tant y a que Dieu
se conservoit au milieu d'eux vn Moïse,
vn Phinées, vn Iosué, vn Caleb, & plusieurs
autres, qui faisoyent sinon la plus
grande, au moins la meilleure partie
de ce peuple; & c'est à l'égard, de ceux-cy
& non des autres, que l'Apôtre honore
icy les anciens Israëlites du nom
de
nos Peres . Voyons maintenant ce
qu'il nous en dit. Il touche premierement
la merveille de la nuë , que Dieu
étendit sur eux pour les couvrir contre
les ardeurs du jour, pour les éclairer durant
les tenebres de la nuit, pour les
guider dans leurs marches, pour cacher
leur camp aux ennemis & pour marquer
la pavillon de la Majesté Divine au milieu
[lieu] d'eux, se tenant suspendue au dessus
autant de temps que leur armée demeuroit
campée en quelque lieu : & cela
continua quarante ans entiers depuis
leur sortie de l'Egypte jusques a leur
entrée en Canaan.C'est cette nuë qu'entend
l'Apôtre, quand il dit qu'
ils furent
tous sous la nuée ; parce qu'ils l'avoyent
continuellement au dessus d'eux,quand
ils campoyent , & élevée au devant
d'eux , quand ils marchoyent. C'est le
premier avantage des Peres, que S. Paul
nous represente ; grand, & surnaturel,
& non jamais veu ny ouï dans aucune
autre nation. D'où vient aussi que Moïse
touchant les merveilles de son Israël
qui avoyent étonné les Egyptiens & les
peuples de Canaan, ne manque pas de
faire mention de celle-cy,
Ils ont (dit-il)
entendu, que ta nuée s'arreste sur nous, &
Nombr.
I4. I4.
que tu chemines devant nous de jour en vne
colonne de nuée & de nuit en vne colonne
de feu. L'autre avantage des Peres icy
raporté par l'Apôtre est leur miraculeux
passage par la mer ; lors qu'étant
sortis d'Egypte, & poursuivis par l'armée
de Pharao, la mer rouge sur le rivage
de laquelle ils étoyent arrivez,se fendit
[dit] en deux, & leur laissa entre ses eaux
le passage libre pour gagner son autre
bord, comme ils firent sous la conduite
de Moïse, avec autant de facilité, que
s'ils eussent marché dans un grand chemin
sur la terre. C'est ce qu'entend &
a quoy regarde l'Apôtre, quand il dit,
qu'
ils passerent tous par la mer. Le troisiéme
de leurs avantages touchez par S. Paul,
est qu'ils mangerent tous d'une
mesme
viande spirituelle . Il est clair, que
c'est la manne qu'il entend , que Dieu
leur envoyoit tous les matins du ciel,
& dont ils furent nourris durant les quarante
ans, qu'ils vesquirent dans le desert ;
miracle tant de fois celebré dans
les Ecritures,non par Moïse seulement,
qui en décrit exactement l'histoire, mais
aussi plusieurs siecles depuis par David
dans ses Pseaumes , comme l'vne des
plus rares & des plus divines faveurs
que ce peuple ayt receues du Seigneur.
Leur quatriéme & dernier avantage
est,
qu'ils beurent tous d'vn mesme breuvage
spirituel de la pierre ou du rocher qui les
Exod. I7.
5. 6.
suivoit . Vous voyez bien qu'il veut dire
l'eau miraculeuse, qui sortit du rocher
d'Horeb frappé de la verge de Moïse
[se-] selon l'ordre du Seigneur, pour abbreuver
le peuple dans le desert.On demande
ce qu'entend l'Apôtre, en disant que
cette pierre les suivoit . Car nous ne lisons
point dans l'Ecriture , que ce rocher
d'Horeb ayt changé de place, ny qu'il
se soit arraché du lieu, où il étoit , & où
il est encore aujourd'huy,pour accompagner
le camp d'Israël; & ce seroit a mon
avis , une extravagance de s'imaginer
rien de semblable. Vn ancien auteur
Grec, l'un des plus scavans & des plus
Photius
dans
Oecumenius
déliez esprits de son siecle, & de sa nation ,
considerant que l'original de ce
texte porte simplement, que les Peres
beuvoyent tous de la pierre, qui suivoit , &
non comme nos Interpretes l'ont suppleé,
qui
les suivoit ; prend icy le mot
de
suivre pour dire
obeïr & seconder le
mandement , ou la volonté d'autruy ;
La pierre qui suivoit , c'est a dire qui obeïssant
au commandement de Dieu,
suivant l'intention de Moïse, s'ouvrit &
luy donna en abondance les eaux qu'il
luy demandoit pour le breuvage de son
peuple. Il est certain que le mot de
suivre se prend souvent ainsi, dans le langage
Grec ; & l'on ne peut nier que
[cette] cette interpretation ne soit belle & ingenieuse ;
Mais parce qu'elle semble
vn peu subtile & venue de l'esprit de
cet interprete, plûtost que de la pensée
de l'Apôtre, il vaut mieux s'arrester a la
solution commune. Avouant donc que
c'est aux Peres que se rapporte le mot
de
suivre & lisant avecque nos Bibles
la pierre qui les suivoit ; je répons qu'en
parlant ainsi l'Apôtre entend, non que
la substance mesme du rocher dure &
pesante & immobile comme elle est naturellement ,
se soit remuée de son lieu
pour marcher & s'arrester selon les
traittes des Israëlites ; mais que les eaux
qui en sortoyent , faisoyent des ruisseaux,
qui courant çà & là dans le desert
y accompagnoyent Israël , luy fournissant
son breuvage, selon ce que chante
le Prophete dans
le Pseaume soixante &
dixhuitiesme , où celebrant ce grand
miracle de Dieu
Il a (dit-il) fait sortir des
Ps.78.I6.
Pse. I05.
41.
ruisseaux d'vn Rocher,& en a fait découler des
eaux,comme des rivieres. Et ailleurs encore,
Les eaux coururent en rivieres,ou comme
des rivieres par les lieux secs . C'est ainsi
que le Rocher suivoit, ou accompagnoit
les Israëlites,non en la masse mesme
[me]
de sa pierre ce qui leur eust été inutile ,
mais dans les courans de ses eaux,
qui conduits par la providence divine
tournoyent dans les lieux, où leur camp
marchoit & où il s'arrestoit, ce qui leur
étoit necessaire, dans un desert aride,
& naturellement destitué de sources,de
fontaines & de ruisseaux. Ce sont là
chers freres, les quatre faveurs de Dieu
envers les anciens Israëlites, que l'Apôtre
a icy touchées. La seule veuë
des choses, & l'vsage naturel qu'ils en
tiroyent pour la commodité & la necessité
de leur vie, en découvre assez
l'excellence & la merveille ; de la nuë,
pour le refraischissement , & pour la
protection, qu'elle leur procuroit ; de
la mer, par la delivrance qu'elle leur
donna , s'ouvrant a eux , pour les sauver
des mains d'vne armée ennemie ; de la
manne & de l'eau du rocher , pour le
soûtien de leur vie, qui sans ce secours
fust bien tost defaillie en des deserts où
ils ne trouvoyent le plus souvent ny
viande, ny fruits, ny breuvage. La lettre
mesme de cette histoire est magnifique;
C'est un riche fond, capable de fournir
a ceux qui s'arresteront a la considerer
[di-]
divers sujets d'admiration pour la puissance,
bonté & sagesse de Dieu en toute
cette conduite, & d'instruction & de
consolation pour nos ames. Mais ce
n'est pas icy le lieu de nous étendre sur
ce sujet. Il nous faut suivre l'Apôtre &
nous attacher a ce qu'il y a remarqué.
Car laissant là le reste , il touche seulement
icy l'vsage & le dessein moral &
spirituel de ces merveilleuses graces de
Dieu ; & des quatre qu'il nous a representées,
il les reduit a deux couples, joignant
ensemble premierement le nuë
& la mer ; & puis en second lieu pareillement
la manne & l'eau du rocher.
Des deux premieres, il dit que les Peres
furent tous baptisez en Moïse en la nuée &
en la mer ; & des deux secondes, que la
manne & l'eau de la pierre étoit vne viãde
& vn breuvage spirituel ,& que la pierre
d'où sortoit l'eau, étoit Christ. Examinons
maintenant chacune de ces deux
choses en son ordre. La premiere regarde
Moïse ; & la seconde Iesus Christ.
Pour le premier l'Apôtre dit qu'en la
nuée & la mer (c'est a dire selon le stile
de l'Ecriture, par la nuée & par la mer),
les Peres furent battisez en Moïse ; Cela
[don-]
donne de la peine aux Interpretes; Premierement
parce qu'il semble rude de
dire, que le peuple de Dieu soit battizé
en vn homme ; Secondement parce
qu'encore que les Israëlites ayant été
sous la nuée, & qu'ils ayent passé par la
mer, qu'ils n'en ont pas été moüillez,comme
sont ceux que l'on battise. Pour resoudre
la premiere difficulté, plusieurs
prennent ce que dit l'Apôtre, que
les
Peres furent battisez en Moïse , pour signifier
simplement, qu'ils furent battisez
par Moïse, c'est a dire par le ministere
de Moïse ; tout de mesme que nous
venons de dire qu'
en la nuée & en la mer ,
signifie par la nuée & par la mer. Mais
cette glosse ne peut subsister. Car la
* εις particule icy employée,
* quand l'Apôtre
dit
en Moïse , est toute autre,que celle,
dont il se sert, quand il dit
en la mer
† εν & en la nuée ,
† encore que la disette de
nôtre langue nous ayt contraints d'vser
d'vn mesme mot pour l'exprimer l'vne
& l'autre. Dans l'vsage de l'Ecriture la
seconde se prend pour dire
par dans
vne infinité de lieux, comme tout le
monde en est d'accord ; au lieu que la
[pre-]
premiere , ne s'y treuve jamais employée
en ce sens ; au moins qu'il me
souvienne ; & si elle s'y treuve quelque
fois, c'est si rarement, que l'on n'en
peut tirer aucune consequence pour ce
passage. Et la maniere dont ces particules
sont rangées & construites , comme
parlent les Grammairiens,est pareillement
differente , la premiere avec
vne forme de nom, & la seconde avec
vne autre, ce qui induit encore de la
difference en leurs sens. En effet s'il se
pouvoit dire, que les Israëlites ont été
battisez en Moïse , pour signifier simplement
qu'ils l'ont été par luy & par son
ministere ; rien n'empescheroit non
plus, que l'on ne dist pareillement, que
les Samaritains furent battisez en S.Phillipe,
& Stephanas en S. Paul, & chacun
des fideles en celuy des ministres duquel
il ont receu le battesme. Et néantmoins
c'est vn langage inouï dans l'Ecriture
& dans l'Eglise, & dont S. Paul
nous témoigne assez qu'il auroit horreur ,
quand il demande aux Corinthiens ,
Avez vous été battisez au nom
de Paul ? & quand il rend graces a Dieu
de ce qu'il ne luy est arrivé de battiser,
[que]
que fort peu de personnes,
afin (dit-il)
I. Cor I.
13. 15.
que quelcun ne die que j'aye battizé en mon
nom . Car
estre battisé en quelcun, ou
au
nom de quelcun , veut dire une mesme
chose, autant que nous le pouvons remarquer
dans l'Ecriture. Enfin quand il
en seroit autrement , toûjours seroit-il
difficile de justifier que ce battesme de
la nuë, ayt été donné aux Peres par le
ministere de Moïse. Pour celuy de la
mer, Moïse y eut part, puis que ce fut sa
main, qui fendit les eaux de la mer , &
que ce fut luy encore qui y conduisit
les Israëlites , marchant le premier a la
teste du peuple dans les abysmes ; Mais
pour la nuë , nous ne lisons point, que
Moïse y ayt agy, ny qu'il ayt prété ny sa
main ny sa verge , ny mesme sa voix
Exod. 14.
19. 20.
pour élever cette nuë en faveur d'Israël,
ny la premiere fois qu'elle se mit entre
le camp de ce peuple & l'armée des Egyptiens,
ny depuis. I'estime donc que
laissant ces mots
en Moïse dans leur sens
ordinaire, pour resoudre la difficulté il
faut s'addresser au mot de
battiser , &
en éclaircir le sens. Car il est assez evident ,
qu'a prendre ce mot dans la rigueur
de son sens ordinaire & legitime
[ny]
ny le passage d'Israël par la mer, ny son
état sous la nuë ne fut pas proprement
un battesme ; cette parole grecque signifiant
proprement ou plonger dans
l'eau, ou du moins en arroser celuy que
l'on battize ; choses qui n'ont point eu
de lieu ny dans l'une ny dans l'autre de
ces deux rencontres. Qu'est-ce donc
que veut dire l'Apôtre par le mot de
battiser ? Chers Freres, pour le bien entendre,
il faut se souvenir , que c'étoit
anciennement vne coûtume ordinaire
non seulement entre les Iuifs,mais aussi
entre plusieurs peuples Payens d'employer
le battesme , c'est a dire ou le
plongement dans de l'eau, ou l'aspersion
simple de l'eau, pour recevoir les personnes
en la profession de leur religion,
& dans le corps de leurs societez religieuses.
Pour les Iuifs , ceux qui sont
tant soit peu versez dans leurs antiquitez
sçavent, que pour faire leurs proselytes
de la loy, c'est a dire pour les consacrer
au Iudaïsme, & de Payens qu'ils
étoyent les admettre en leur corps, ils
employoyẽt trois ceremonies,la circoncision,
le battesme & l'oblation. Pour
les Payens, les scavans ont remarqué
[dans]
dans leurs livres, que c'étoit aussi leur
coûtume en plusieurs villes & nations
pour recevoir les personnes dans la confrairie
de leurs pretendus mysteres, ce
qu'ils appelloyent leur initiation, de les
baigner dans de l'eau vive, ou de les en
laver, ou de les en arroser. Vous sçavez
que le Precurseur de Iesus Christ battisoit
ceux, qui vouloyent faire profession
de sa discipline, & que le Seigneur luy
mesme a aussi institué, que ses disciples
soyent dediez & consacrez a sa communion
par le battesme. Le battesme étant
donc presque par tout, mais particulierement
& nommément entre les Chrétiens
vne dedication & consecration
des personnes a vne certaine loy & religion ;
j'estime que l'Apôtre regardant
a cet vsage si vniversel, a icy employé le
mot de battiser en ce sens general,pour
dire dedier & consacrer quelcun a vne
discipline religieuse ; si bien, qu'en disant ,
que les Peres furent battisez en
Moïse par la nuë & par la mer ,il n'entend
autre chose a mon avis sinon, qu'ils furent
alors consacrez, & dediez,& comme
parloyent les Grecs & les Latins
apres eux, initiez en la loy & discipline
[de]
de Moïse, pour le reconnoistre pour
leur chef, leur liberateur & leur conducteur,
pour l'interprete de la volonté
de Dieu, & leur Legislateur, & mesme
en quelque fasson leur Mediateur,comme
il est appellé par l'Apôtre dans l'Epitre
aux Galates ; s'obligeant par cette
Gal. 3.
19.
profession qu'ils faisoyent en le suivant
dans la mer, de se mettre sous sa conduite
& de recevoir la foy & le service,
qu'il leur declareroit, comme vne doctrine
& religion venuë & ordonnée
de Dieu , ainsi qu'elle l'étoit en effet.
I'avouë, que tous les autres miracles témoignoyent
les mesmes veritez aux
Israëlites assavoir,que Moïse étoit le serviteur
de Dieu, & envoyé par luy pour
faire cette grande œuvre, pour les tirer
de la servitude de l'Egypte, & pour les
conduire dans l'heritage promis a leurs
peres, & pour leur publier ses ordonnances.
Mais il n'y en a point qui l'ayt
declaré plus magnifiquement & d'vne
maniere plus éclatante, que cette divine
nuë, qui se mettant entre l'armée des
Egyptiens, & le camp d'Israël, fut une
tenebreuse & impenetrable obscurité
aux premiers, & vne claire lumiere aux
[der-] derniers ; & ce miraculeux passage de la
mer rouge qui sauva Israël, & qui engloutit
tous ses ennemis devant ses
yeux. Il n'étoit pas possible de donner
aux Peres des signes ou des argumens
de la faveur de Dieu, & de la vocation
de Moïse plus convainquans, que ceux-là.
Aussi voyez vous, que c'est justement
en cet endroit, apres le passage de
le mer rouge, que l'Ecriture remarque
expressement, qu'Israël ayant veu cette
grand'puissance de Dieu déployée d'vne
maniere si terrible contre les Egyptiens,
Exod. 14.
19.
creut a l'Eternel & a Moïse son serviteur.
C'est le plus haut de tous les effets
de cette faveur de Dieu. C'étoit beaucoup
qu'elle les eust delivrez d'une mort
toute asseurée ; Mais c'étoit bien plus,
qu'elle les battisast en Moïse , c'est a dire
qu'elle les consacrast a estre le peuple
de Dieu, seuls de toutes les nations du
monde; leur envoyant un serviteur pour
leur declarer sa volonté ; & traitter avec
eux vne alliance particuliere en son
nom, & de sa part. C'est la raison pourquoy
l'Apôtre a particulierement mis
en avant cette nuë & cette mer, & le
battesme, dont elle battisa les Israëlites;
[com-]
comme la plus grand' & la plus precieuse
faveur, qu'il leur ayt faite. Cela ainsi
éclaircy l'autre difficulté tombe d'elle
mesme ; chacun voyant desormais qu'au
sens que l'Apôtre prend icy le mot de
battiser , pour pouvoir dire que les Peres
furent battisez en la nuë & en la mer,
il n'a pas été besoin qu'ils fussent ny
plongez dans les flots de la mer, ny arrosez
de la pluye ou de l'aspersion des
nuës. C'est assez, que l'vne & l'autre
merveille étoyent des signes , qui les
dédioyent a la discipline de Moïse. Et
cette metaphore est d'autant plus propre
& plus elegante, qu'encore que cette
consecration ne les ayt ny plongez dans
la mer, ny arrosez de l'eau des nuës,elle
s'est pourtant faite avecque de l'eau.
Car la mer par où ils passerent est de
l'eau,& la nuée qui les couvrit, étoit un
reservoir où se gardoit, ou du moins où
se formoit de l'eau ; Si bien que ce qui
se passa alors, outre la fin & l'effet d'un
battesme, qui y étoit tout entier, approchoit
encore de fort pres de sa forme ;
puis qu'étant sous la nuée, ils avoyent
de l'eau sur leurs testes, & qu'en traversant
la mer, ils en avoyent a leurs côtez;
[com-]
comme les personnes,qui reçoivent le
battesme ainsi proprement nommé ;
sur tout en la maniere, qu'il se donnoit
solemnellement & le plus souvent dans
l'Eglise ancienne , en plongeant les
croyans dans l'eau.Mais quelque grande
que fust la faveur de Dieu, que la nuë
& la mer où les Israëlites passerent, leur
signifioit & leur communiquoit en les
battisant en Moïse, il faut avouer pourtant,
que ce n'est pas le plus haut point
de la declaration de l'amour de Dieu,
que faisoyent ces symboles mystiques,
Moise étoit le Mediateur d'une alliance
de Dieu ; & c'est la raison pourquoy l'Apôtre
n'a point feint de dire, que les
Israëlites furent battisez en luy, & il n'y
a jamais eu aucun autre homme, simplement
homme, que luy seul qui ayt été
Mediateur d'aucune des alliances de
Dieu avecque les hommes ; & c'est la
raison pourquoy il n'est dit d'aucun autre
homme simplement homme,que les
hommes ayent été battisez en luy . Mais
de quelle alliance Moïse a-t-il été Mediateur ?
Certainement il ne l'a été que
d'vne alliance charnelle , terrestre &
temporelle ; qui delivroit de la servitude
[de]
de Pharao, tyran mortel & charnel ;
qui conduisoit dans l'heritage terrestre
de Canaan, qui sanctifioit la chair, qui
rétablissoit l'homme dans le commerce
d'un sanctuaire mondain, qui contenoit
les ombres , & non le corps mesme du
secret de Dieu ; qui n'étoit faite que
pour vn temps,afin d'ẽtretenir l'enfance
de l'Eglise sous les exercices de sa pedagogie,
& qui devoit prẽdre fin apres cela ;
& qui en vn mot étoit incapable d'amener
ny les choses, ny les hommes a leur
perfection. Ainsi quelque avantage que
la nuë & la mer donnast aux Peres en
les battisant en Moïse, il faut avouër,
que si ces symboles mystiques ne signifioyent
autre chose, ils ne les élevoyent
pas dans la participation du bonheur,
que nous cherchons en la Religion.
C'est pourquoy l'Apôtre apres nous avoir
representé cette premiere partie
de la signification de ces symboles,nous
propose l'autre bien plus sublime dans
les deux autres signes qu'il ajoûte, assavoir
la manne & l'eau du rocher. Car il
dit, premierement de la manne,que c'étoit
vne viande spirituelle , & de l'eau du
rocher pareillement , que c'étoit vn
[ breu- ]
breuvage spirituel . Il n'entend pas, que
ce fussent des choses d'une nature incorporelle
& immaterielle. Car la veuë
& les autres sens, montroyent assez le
contraire ; & plus encore l'vsage pour
lequel on les prenoit, qui étoit de nourrir
le corps, ce qui ne se peut faire que
par le moyen d'vne substance materielle,
& d'vne pasture semblable a celle de
nos corps. Mais il appelle
la manne &
l'eau vne viande spirituelle & vn breuvage
spirituel ; a cause de leur signification
mystique & spirituelle. C'étoyent des
sujets
spirituels non en eux mesmes, mais
dans les choses qu'ils signifioyent. C'est
ainsi que S. Iean dit de la grand' Cité,
qu'elle est appellée Sodome & Egypte
Apoc. II.
8.
spirituellement , c'est a dire mystiquement.
Mais l'Apôtre pour nous le faire mieux
entendre touche icy brievement le
mystere de ces choses , lors qu'ayant
nommé
spirituel , le breuvage, que les
Peres beuvoyent de la pierre, il ajoûte,
& la pierre étoit Christ ; nous expliquant
clairement, que nôtre Seigneur Iesus
Christ est ce que signifioit le rocher,
versant les eaux dont furent abbreuvez
les Israëlites dans le desert. Car comme
[me] le rocher frappé du baston de Moïse,
jetta une grande abondance d'eaux,
claires & saines, qui garentirent ce pauvre
peuple de la plus cruelle de toutes
les morts, qui sans cela leur étoit inévitable ;
de mesme aussi le Fils de Dieu
fait homme pour nous, le vray Rocher
de l'Eglise, ayant receu sur sa personne
tres-sainte le coup mortel de la loy,
c'est a dire la malediction , dont elle
*
Aug.
ep. I02.
ad Evod.
L.Locut.
de Gen. Locut.
I43.
Quaest.
in Pentat.
Q. 57. in
Lev.
L.2.
Quaest.
ad Simpl.
Q. 3 .
L. 18. de
Civ. D.c.
48.
L. 2.
contr.
Adv. leg.
c. 6.
Tract.
63. in
Ioann.
Serm.
44
de
divers.
6.2I.
menace les pecheurs, a répandu dans
ce desert où nous languissons, la justice,
la sagesse, la sanctification & la redemption,
les divines & salutaires eaux,
sans lesquelles nous ne pouvions eviter
de perir eternellement. A cause de ce
rapport de la pierre du desert avecque
le Seigneur, S. Paul n'a point feint de
dire, que
la pierre étoit Christ , selon le stile
de l'Ecriture, tant de fois remarqué
par S. Augustin,
* & par plusieurs autres
Theologiens anciens & modernes,
de donner aux signes & aux sacremens
les noms des choses mesmes qu'ils signifient.
Ie ne m'arresteray pas icy a
refuter l'erreur de ceux, qui contre l'intention
toute evidente de l'Apôtre, qui
est de nous parler du rocher d'Oreb,
[ren-] renversent l'ordre mesme de ses paroles
sans aucune necessité, & luy font dire,
que
Christ étoit la pierre , au lieu de ce
qu'il a écrit, que
la pierre étoit Christ . Vne
bonne partie des Interpretes mesme de
la communion Romaine, abandonnent
cette interpretation , & prennent les
paroles de S. Paul, comme nous avons
fait ; quelques vns des plus estimez reconnoissant
mesme de bonne foy en ce
Estius
sur ce
lieu.
lieu, que quand le nom d'vn sujet est attribué
a vn autre de differente nature,
comme en ce lieu, il faut de necessité
entendre l'vn des deux figurément &
improprement. Et quant a ce qu'ils
ajoûtent, que pour bien resoudre ces
paroles de S. Paul, il les faut expliquer,
non que la pierre signifioit Christ, mais
que la chose signifiée par la pierre étoit
Christ , cela dis-je n'est de nulle importance ,
ne voyant pas qu'il y ayt au fond
aucune diference entre ces deux interpretations.
Il nous suffit, qu'ils avouënt,
que cette proposition & les autres semblables
se doivent prendre figurément
& non proprement ; en quelque maniere,
que l'on veuïlle en resoudre la figure,
& en quelque partie de l'oraison qu'on
[la]
la mette. Au reste ce que l'Apôtre n'applique
icy la signification mystique de
Iesus Christ, qu'a la pierre seulement,
ne l'exclut pas des autres symboles qu'il
a nommez ; Au contraire en nous ouvrant
le sens de cette pierre spirituelle ,
il nous apprend a entendre les autres,
tout de mesme , puis que la nature en
est toute semblable. Comme la viande
des Peres par exemple, c'est a dire la
manne, qu'il a aussi nommée spirituelle .
Cette ancienne manne étoit aussi Christ
sans doute , le pain descendu du ciel
dans nôtre desert pour donner la vie eternelle
aux hommes, comme le Seigneur
nous le montre au long dans le sixiesme
chapitre de S. Iean.Et selon cette
analogie, il faut dire le mesme de la
nuë & de la mer en laquelle les Israëlites
furent battisez.Cette nuë étoit aussi
Christ , l'vnique rafraischissement & l'vnique
protection du vray Israël ; la vraye
nuë, qui l'éclaire dans ses adversitez, qui
le conduit dans ses voyages, qui ne l'abandonnera
jamais jusques a ce qu'il soit
entré dans sa Canaan mystique. Enfin la
mer rouge des anciens étoit aussi nôtre
Christ, qui a sauvé les fideles & abysmé
[leurs]
leurs ennemis dans vn mesme sang, celuy
qu'il répandit sur la croix. Ainsi
vous voyez chers Freres, que Dieu par
vne admirable sagesse a tellement formé
les gages de son amour donnez aux
Israëlites, que si d'vne part ils les battisoyent
en Moïse confirmant la verité de
sa vocation, afin qu'ils receussent l'alliance
charnelle qu'il alloit traiter avec
eux ; de l'autre ils contenoyent de beaux
& excellens crayons de Iesus Christ, &
de sa nouvelle alliance spirituelle & éternelle.
Mais delà mesme paroist, que
si l'Eglise Iudaïque a cause de son enfance
étoit encore sujette a la pedagogie
de la Loy, elle ne laissoit pas pour
cela d'estre heritiere des vrays biens de
Dieu, & d'avoir part en Iesus Christ,
qui nous les a acquis en son temps. Car
l'Apôtre nous enseigne icy clairement,
que leurs sacremens étoyent aussi en
quelque sorte les sacremens de Iesus
Christ ; puis qu'il dit, que la pierre d'où
ils beuvoyent, étoit Christ. Dieu est fidele.
Il ne represente rien en vain a son
peuple, & ne manque jamais de tenir
& d'accomplir ce qu'il promet, ou qu'il
declare, soit par sa parole, soit par ses signes,
[gnes,]
a ceux qui les reçoivent avecque
la foy & la reverence, qu'il leur demande.
Il ne faut donc point douter, que
ceux des Israëlites, qui rendirent alors
au Seigneur la foy , l'amour, le respect
& l'obeïssance, que meritoyent ces admirables
témoignages qu'il leur donnoit
de sa grace , ne receussent le pardon
de leurs pechez, la paix de la conscience,
la joye & la consolation de
l'Esprit, avecque le droit de la vie celeste,
que la mort de Iesus Christ nous a
meritée ; le tout dans vne mesure proportionnée
a la bassesse de l'age où étoit
alors l'Eglise. I'avouë qu'ils n'avoyent,
qu'vne connoissance fort generale &
fort confuse de Christ. Mais pourveu
qu'ils s'acquittassent sincerement des
devoirs,que Dieu leur demandoit alors,
l'imperfection de leur connoissance
étant involontaire & innocente, ne les
empeschoit pas de toucher ce qu'il leur
falloit des biens de Christ. Et puis qu'il
est l'
Agneau immolé dés la fondation du
Apoc. I3.
8.
Hebr. I3.
8.
monde , mesme hier & aujourd huy & eternellement,
l'vnique principe & l'vnique
source de tous les biens spirituels, qui
ont jamais esté communiquez aux pecheurs ;
[cheurs;] il est clair qu'il faut ou nier
contre l'expresse & evidente lumiere
des Ecritures , que les Peres ayent eu
part a la vie eternelle , & aux biens spirituels,
qui nous y conduisent, ou confesser
que c'est par la grace de Christ,
qu'ils y ont eu part. D'où il s'ensuit
qu'ayant receu des graces acquises au
prix du sang de Christ,on peut fort bien
dire en ce sens, qu'
ils ont beu le sang
de Christ ; Comme David autresfois disoit
de l'eau, que trois de ses gens-d'armes
avoyent puisée au grand peril de leur
vie dans vne citerne de l'ennemy, que
c'étoit
leur sang ; Boiray-je, disoit-il, le
2. Sam.
23.I7.
sang de ces hommes là ? Et néantmoins
ces gens là n'y avoyent perdu aucune
goute de leur sang ; Ils s'étoyent seulement
mis en danger de le perdre. Combien
plus fortement pouvons nous dire
de chacune des graces de Iesus Christ,
que c'est
son sang, & des ames , qui les
reçoivent & les goûtent pour leur rafraischissement
spirituel ; qu'
elles boivent
son sang , puis que ces graces luy coûtent
en effet tout son sang , qu'il a répandu
sur la croix, pour les acquerir par ce
grand prix ? Le dessein de l'Apôtre
[nous]
nous oblige a prendre ainsi ses paroles.
Car de cet exemple des Peres,
qui pour avoir receu des signes si excellens
de l'amour de Dieu, n'ont pas laissé
d'estre severement punis, quand ils en
ont abusé, il veut conclurre, que sous
ombre que nous avons reçeu les sacremens
de Iesus Christ, nous ne devons
pas presumer, que si nous en abusons
nôtre ingratitude doive demeurer impunie.
Or l'induction ne sera pas bonne ,
si vous ne supposez, que les Peres
avoyent leur part aux sacremens de
Christ, & a ses biens. Et en effet vous
voyez que l'Apôtre pour le montrer, a
expressement choisy d'entre les symboles
des Peres ceux qui ont le plus de
rapport a nos sacremens ; la nuë &
la mer , avec nôtre battesme ; la manne &
la liqueur du Rocher,avecque le pain &
la coupe de sa sainte Cene ; comparant
ainsi ensemble les declarations de l'amour
de Dieu, qu'il a données a l'vn &
a l'autre peuple. Ayant donc representé
les admirables témoignages dont
Dieu avoit tous battisez en Moïse par la nuë
& par la mer, qu'il avoit tous nourris de
[sa]
sa manne, & abbreuvez de l'eau de son
Rocher , symboles & figures de son
Christ ; il ajoûte enfin dans la seconde
partie de nôtre texte, qu'avec tout cela,
il en avoit rejetté & puny vn grand
nombre.
Mais (dit-il) Dieu n'a point pris
plaisir en plusieurs d'entr'eux. Car ils ont
été accablez dans le desert .
Il n'a point pris
plaisir en eux ; c'est a dire qu'il ne les
eut pas agreables , mais que tout au
contraire ils luy dépleurent grandement ;
ce qu'il montre par la punition
qu'il en fit ;
Car ils furent (dit-il) accablez
dans le desert . C'est justement la peine,
que Dieu leur denonce expressement
dans le livre des Nombres.
Vos corps
Nomb.
I4. 29.
(leur dit-il) tomberont dans ce desert , Ils
furent exclus du pays de Canaan. L'Apôtre
nous laisse a sous-entendre ce que
l'histoire sainte nous apprend, que ces
miserables avoyent allumé contre eux
cette colere du Seigneur , & attiré ce
juste jugement sur eux par leur ingratitude
& incredulité épouvantable, ayant
aprés tant de tesmoignages qu'il leur
avoit donnez de sa faveur, murmuré diverses
fois contre luy & contre ses serviteurs,
& commis vne infinité d'autres
[cri-] crimes avec vne opiniastreté & vne dureté
de cœur incroyable ;
Ils ont veu ma
Nombr.
I4. 22.
gloire (dit le Seigneur,en leur faisant leur
procez) & les signes que j'ay faits en Egypte,
& dans le desert, & apres cela ils m'ont desja
tenté par dix fois, & n'ont point obey a ma
voix . Voyla leur crime , & en voicy la
peine ;
Ils ne verront jamais (dit-il) le
pays, que j'ay juré a leurs Peres de leur donner.
Pas vn de ceux, qui m'ont irrité par
mépris, ne le verra. Ce jugement fut punctuellement
executé , comme il avoit
été prononcé. Le grand nombre de ces
criminels est aussi vn argument de la juste
severité de Dieu ; & c'est la raison
pourquoy l'Apôtre l'a expressement
touché, disant que
Dieu ne prit point plaisir
en plusieurs, ou en la pluspart d'entr'eux .
* Έν
ϖλείοσιν
αίτων
Nombr.
I4. 29.
30.
Car l'histoire sainte nous raconte, que
de tous ceux qui étoyent sortis d'Egypte,
a l'age de vingt ans & au dessus, qui
faisoyent sans doute vne grande multitude,
il n'y eut que deux hommes, sçavoir
Iosué & Caleb, qui ne demeurassent
enveloppez dans ce jugement. Voyla
le tableau de la grande bonté de Dieu
envers nos Peres, & de sa juste severité
contre ceux, qui abusant de ses faveurs
[veurs,]
l'offensent en méprisant ses loix
& s'abandonnant aux folles & injustes
passions de leur chair. Au nom de Dieu,
Freres bien aymez faisons en nôtre
profit. Ne nous fions point a cette exterieure
profession, que nous faisons de
son service, ny a la part que nous avons
a l'ouïe de sa parole, & aux sacremens
sensibles de sa grace. Tout cela ne nous
servira de rien ; il nous nuira mesme
beaucoup, si le cœur & le dedans de nôtre
vie n'y répond : C'est une vieille erreur,
presque commune a tous les siecles
& a tous les climats du genre humain ,
de s'imaginer qu'il suffit pour ne
perir point, de porter les marques de la
religion, & d'en avoir receu les symboles
exterieurs. Ie laisse là les erreurs des
Iuifs en cét endroit , qui sont si souvent
notez & censurez par les Prophetes.
Mais qui se seroit imaginé, que dans l'Eglise
Chrétienne, qui a reduit toute l'adoration
de Dieu a l'esprit & a la verité,
& qui abolissant les ceremonies, & les
cultes charnels du premier peuple, ne
nous a chargez d'autre service, que d'vne
pure & sincere sanctification de
corps & d'esprit, vn abus si grossier peust
[en-]
encore treuver ce lieu ? Et néantmoins
la verité est , qu'il s'y fourra bien tost.
S. Augustin nous témoigne que de son
temps il y avoit des gens, qu'il reconnoist
Aug.de
Civ.D. L.
21.c.I9.
ailleurs pour estre de la communion
de l'Eglise Catholique, qui abusant
du nom de ces deux sacremens si purs &
si simples, que le Seigneur nous a instituez,
promettoyent la vie eternelle a
quiconque en a été une fois participant ;
en quelque secte , heresie, ou impieté
qu'ils vivent sur la terre. Qu'il y en avoit
ibid. c. 20.
d'autres qui resserroyent vn peu
leur indulgence , ne donnant le salut,
qu'a ceux qui auront receu les sacremens
dans l'Eglise orthodoxe & Catholique,
& non chez les heretiques ; Que
d'autres demandoyent encore qu'vn
homme pour estre sauvé demeurast jusques
a la fin dans la communion de l'Eglise ,
ibid. c. 2I.
quelque mal qu'il vesquist quant
au reste ; seulement disoyent ils qu'avant
que d'entrer , dans l'heritage celeste,
il luy faudroit souffrir pour quelque
temps les tourmens des damnez ; &
ibid. c. 23.
Voyez
aussi
Enchir.
c 67.
d'autres enfin, qui flattoyent d'une pareille
esperance ceux,qui donnent l'aumosne
quelque meschantes & corrompuës,
[puës,] que soyent leurs mœurs ; Et ne
croyez pas qu'il n'y eust que quelques
ignorans du menu peuple , qui eussent
ces fantaisies si étranges. Il en paroit des
traces bien claires dans quelques vns
mesmes des Docteurs, dont les écrits
*
Hier. a
la fin de
son comment.
sur Esaïe.
Et
L. I. cõtr.
Pelag.
T.2.p.97.
med.
&
dans
S.
Ambr. le
commẽt.
sur I. Cor.
3.I5. &
2.
Tim.2.
26.
& dãs
S. Aug.
les
Quaest. sur le V.
Test. Q.
III. I26.
Le Cõc.6.
de Paris
rapporte
& refute
cette erreur.
L.2.
c.9.T.2.
des Conc.
des Gaul.
sont venus jusques a nous.
*Et il y a grand
apparence, que de la troisiesme & quatriesme
erreur, s'est peu a peu formée
entre les Latins l'opinion du Purgatoire,
en les ramenant vn peu des extremitez
où elles s'emportoyent , & resserrant
les excés de leur indulgence. Au
moins est il bien certain, par les choses
que S. Augustin rapporte que les vns
& les autres bâtissent leurs doctrines sur
les mesmes fondemens & abusent des
mesmes passages pour les soûtenir. Mais
S. Paul refute icy clairement ces opiniõs
& les vaines esperances dont se flattent
les Chrétiens charnels. Il établit par l'exemple
de ces anciens Israëlites, qu'en
quelque lieu, & en quelque communion,
que nous ayons receu les declarations
de la grace de Dieu en Iesus Christ, c'est
a dire sa parole & ses Sacremens, nous
n'entrerõs pas pour cela dans son royaume,
si nous n'en avons fait nôtre profit,
[vi-] vivant sincerement & constamment
dans la foy de sa verité & dans l'obeïssance
de sa discipline. Car comme le
desert des peres étoit la figure de cette
terre où nous vivons, ainsi le pays de
Canaan où ils alloyent, étoit le type du
royaume celeste auquel nous aspirons.
Comme donc ceux des Israëlites , qui
après avoir veu & receu les anciens sacremens
de Moïse, tenterent Dieu &
murmurerent contre luy, & desobeïrent
a sa voix, furent exclus pour jamais du
pays promis a leurs peres ; Pas vn d'eux
ne le vit, ny avec Iosué & Caleb, ny depuis ;
il faut tenir pour certain & indubitable,
que tout de mesme maintenant
des Chrétiens charnels, qui aprés avoir
participé aux sacremens de la nouvelle
alliance menent vne vie mondaine &
scandaleuse, pas vn n'entrera dans le
royaume celeste, ny au sortir de ce siecle
ny en l'autre. Ce n'est pas icy seulement
que l'Apôtre explique ainsi cette
ancienne figure ; Il l'entend tout de
mesme dans le troisiesme chapitre de
l'epitre aux Ebreux ; Concluant de l'exemple
Hebr. 3.
& 4.
des incredules & murmurateurs
d'Israël exclus du repos de Dieu en Canaan,
[naan,] que ceux des Chrétiens qui se seront
endurcis par la seduction du peché,
seront pareillement privez pour jamais
du grand & bien - heureux repos , que
nous attendons dans le royaume de Iesus
Christ. S. Iude nous represente
semblablement ce vieux exemple avecque
Iud.4.5.
le mesme dessein,
Vous sçavez (dit-il)
que le Seigneur ayant delivré le peuple
du Pays d'Egypte, detruisit puis apres ceux
qui n'avoyent point creu , pour nous apprendre,
que tous ceux, qui dans la profession
du Christianisme, auront vescu
sans pieté & changé la grace de Dieu en
dissolution, tomberont inevitablement
dans vne semblable destruction & dannation.
Mais le Sauveur du monde prononce
encore plus clairement, que pour
entrer en son royaume, il ne sert de rien
de luy dire,
Seigneur, Seigneur , c'est a dire
de faire profession de la bouche de le
reconnoistre pour nôtre Maistre si
avec
cela nous ne faisons la volonté de son Pere
celeste , qui est nôtre sanctification que
nous vivions saintement & innocemment :
sans cela nos sacremens nos discours,
nos sciences, nos miracles mesmes,
quand nous en ferions autant que
[ses] ses Apôtres, ne nous serviront de rien.
A ceux qui luy allegueront simplement,
qu'ils ont receu son battesme & participé
a sa table sacrée,& écouté son Evangile
dans les assemblées de son peuple,
mais ce qui est bien plus encore, qu'ils
ont mesmes prophetisé, jetté hors les
Math. 7.
21.22.23
diables & fait plusieurs vertus en son nom,
il répondra, comme il nous le dit
dans le mesme lieu ;
Ie ne vous ay jamais
connus, Departez vous de moy, ouvriers d'iniquité .
Prenons donc garde a nous Freres
bien aymez , & faisant état selon
cette doctrine divine , que personne
sans la sanctification ne verra Dieu &
le royaume de son Fils, cheminons devant
luy avec reverence & nous employons
a nôtre salut avec crainte &
tremblement ; renonçant a l'impieté &
aux convoitises mondaines, & purifiant
nos ames & nôtre conversation entiere
de toutes les ordures du vice, afin que
nôtre Sauveur nous avouë & reconnoisse
pour ses vrays Israëlites a qui il donnera
sa paix, sa vie & sa gloire.
Amen.