LE
SALVTAIRE LEVER
DV
SOLEIL DE IVSTICE.
OV
Sermon sur ces paroles de MALACHIE,
Chap. IV. Vers. 2.
Mais à vous, qui craignez mon Nom, se
lévera le Soleil de Iustice : Et la santé sera
dans ses ailes .
FRE'RES BIEN-AIMEZ
en nôtre Seigneur IESVS ;
L'Histoire Sainte nous aprend, qu'au
Dan 3.
milieu de la fournaise ardente du Roy
[Nébu-]
Nébucadnetsar, le Fils de Dieu se montra
miraculeusemẽt aus trois Princes Ebreus,
que l'on y avoit jettez : Et que par sa
glorieuse presence il leur aporta une consolation
si puissante, & un rafraichissement
si admirable, que la fournaise devorante
leur devint comme un jardin
délicieux, où ces bien-heureuses personnes,
sentans la douce chaleur d'un favorable
Soleil, se promenoient avec sureté &
avec plaisir.
Qu'il me soit permis de dire, que Malachie
nous fait voir aujourduy quelque
chose de sẽblable, dans ses peintures profétiques.
Voicy une fournaise mystique,
vne fournaise alumée, non par la superstitiõ
d'ũ Prince de la terre, mais par la justice
du Roy des Cieus : fournaise sans comparaison
plus redoutable que celle du Roi
de Babylone. C'est la fournaise de la colére
de Dieu, alumée contre le Iuifs. Le Iour
est venu ardẽt cõme vn four ? & les orgueilleus
& les méchans seront de l'éteule : Et ce Iour-là
les embrasera, a dit l'Eternel des armées, qui
ne leur laißera ni racine ni rameau. Mais au
milieu de cette fournaise ardente, & de
ce feu consumant, c'est à dire, au milieu
de ces jugemens & de ces vengeances,
voicy le Fils de Dieu qui paroist à Sadrac,
[drac]
Messac, & Habed-négo, c'est à dire,
aus vrais Israëlites ; pour leur aporter un
rafraichissement, une consolation, un
salut, infiniment plus considerable que
toutes les délivrances temporelles. Ecoutez
ce que dit l'Oracle : Contemplez,
Luc 2.
avec les Bergers de Betléhem, cette merveille
que le Seigneur nous à donnée à
connoitre.
Mais à vous, qui craignez mon
Nom, se lévera le Soleil de Iustice : Et la santé
sera dans ses ailes.
C'est là, Fidéles, ce que l'Ange de
Dieu nous propose, pour être maintenant
le digne sujet de notre entretien &
de notre joye. Par cet Ange de Dieu, je
n'entẽs pas icy, avec Origéne, qui ne laisse
échapper nule ocasion d'alégorie, vn Ange
céleste, descendu en Terre pour nous
parler des choses magnifiques de Dieu :
comme l'Ange qui aparut aus Bergers. Il
Luc 2.
est vray que Malachie est le nom d'vn
Ange : Mais c'est vn Ange terrestre,
monté dans le Ciel pour y contempler
ce que ses yeus ne pouvoient découvrir
icy-bas. C'est vn Ange mortel, vn homme
Angélique ; en vn mot, c'est l'un des
Profétes de l'ancien Peuple ; dont la vois
a retenty dans la Iudée, sous le Regne
[d'Ar-]
d'Artaxerxés prémier ; & comme on l'estime,
aprés la rédification & du Temple
& de la ville de Iérusalem : c'est à dire,
vn peu plus de quatre cens ans avant la
naissance du Rédempteur.
Cét Ange de la Terre Sainte promet
donc aus fidéles Israëlites, vne faveur qui
passe tout prix, vne merveille qui surmonte
toute admiration. Soyons, je vous
en conjure, & tout oreille pour entendre
& tout cœur pour embrasser ce grand
mystere. Envoyé du Ciel, Homme de
Dieu, nous sommes tous icy présens devant
Act. 10.
Dieu, comme Corneille & sa compagnie,
à la prédication de Saint Pierre,
pour ouïr tout ce qu'il t'est commandé
de nous dire au nom du Seigneur.
A
vous, dit l'Eternel, qui craignez mon Nom,
se lévera le Soleil de Iustice : Et la santé sera
dans ses ailes.
Il y a quatre choses principales à considérer
dans cet Oracle. Premierement,
quel est ce Soleil de Iustice . Secondement,
quel est son Lever . En troisiéme lieu, quel
est l'éfet de son Lever, c'est la santè qui
est dans ses Ailes. Et ceus enfin à qui ce
Soleil de Iustice est destiné, ce sont
Ceus qui craignent le Nom de Dieu.
Les Naturalistes nous disent, que
[l'Aigle]
l'Aigle a les prunelles assez fortes, pour
regarder fixement le Soleil. Chrêtiens,
Matt 24
puis que l'Evangile vous nõme des Aigles,
contemplez de prés, contemplez atentivement,
le Soleil de la Grace, que Dieu
vous présente aujourduy. Et ne craignez
Ps. 34.
point, en le contemplant, d'en être éblouïs.
Au contraire, l'a-t-on regardé, on
en est tout éclairé, on en est rendu tout
lumineus. Adorable Soleil ! remply toy-méme
nos yeus de ton feu & de ta Lumiére,
pour soutenir les splendeurs de
ton Orient. Donne-nous les ailes, aussi
bien que les yeus des Aigles, pour voler
à toy.
PREMIERE PARTIE.
Dés les premiers âges du Monde, les
hommes ravis par la contemplation du
Soleil, ont pris cette admirable Créature
pour le Créateur luy-méme, & luy ont
rendu des honneurs divins. D'où vient
qu'il semble, que pour détourner les Israëlites
d'vne si commune idolatrie ; au
lieu que les Orientaus Idolatres apelloi-
Baal,
on
Bel, & Molec.
le Soleil, Roy & Seigneur, Dieu ait voulu
qu'en la langue Sainte, le Soleil fut expressément
nommé vn Serviteur. Oüy,
Schemesch.
ce grand Astre qui vous éclaire, ô Hommes !
[mes]
n'est pas le Maitre de la Nature : ce
n'en est que le Serviteur, qui par l'ordre
de son Maitre, porte incessamment le
flambeau sur l'vn & sur l'autre Hémisfére
pour en dissiper les tenebres. Mais au
reste, c'est vn Serviteur si noble, c'est vn
Serviteur si excellent, que le Souverain
Maitre ne dédaigne pas, d'en prendre
parfois & l'emblême & la qualité. Il se represente
souvent en sa Parole sous l'Image
de la Lumiere. Il dit qu'il habite en vne
1. Tim 6
Lumiére inaccessible, qu'il s'envelope de
Ps 104
Lumiére comme d'vn vétement ; qu'il est
Iaq. 1
le Pére des Lumiéres ; qu'il est la Lumiére
1. Iean 1.
elle-même. Enfin, il se qualifie formellement
vn Soleil, au
Pseaume quatre vint-
quatriéme ;
Dieu nous est vn soleil , dit l'Eglise
animée par son Esprit. Mais ce Soleil
n'est pas seulement nôtre Soleil : Il est
aussi le Soleil du Soleil ; & le Soleil n'est
qu'vne ombre, & sans luy, & devant
luy.
L'image artificielle du Soleil, n'est
qu'vn Soleil en peinture, qui n'a ni lumiere
ni chaleur. Et son image naturelle,
n'est qu'vne lueur qui paroît en la surface
des eaus : ou qu'vn Parélie, c'est à dire,
qu'vne legére ressemblance du Soleil &
qu'vne couleur imprimée dãs la nuë, & rẽvoyée
[voyée]
jusqu'à nous, par la répercussiõ des
rayons de cet Astre du jour. Mais ô mystére
inéfable ! l'Image du Soleil éternel,
c'est à dire, l'Image de Dieu invisible, &
la Resplendeur de sa Gloire, c'est Dieu
même ; c'est son Fils, éternel comme luy,
Dieu de Dieu, Lumiére de Lumiére, Soleil
de Soleil, qui n'est qu'vn en Essence &
en Majesté avec Dieu son Pere. Oüy, ce
que les Manicheens disoient folement
du Soleil corporel, nous le pouvons dire
aveque raison, & sans être Manichéens,
du Soleil spirituel, qui est Dieu. C'est
que Iesus-Christ est dans le Soleil.
Toy
Pére és en moy, dit-il, & moy je suis en toy ,
Iean 17.
Rome, votre Version Vulgate du
Pseau- dix-neuviéme, est veritable à cet égard,
Dieu a mis son tabernacle dans le Soleil : c'est
à dire, en Iesus-Christ ; puis qu'en luy
habite corporellement toute plenitude
Colos. 2.
de Divinité.
Cõme donc Dieu le Pere est represẽté
par la lumiére & par le Soleil, c'est tres-justement
que son Fils, qui est le Caractére
éternel de sa subsistance, nous est peint
aujourduy par Malachie comme vn Soleil.
Ebr 1.
Car c'est precisément le Fils vnique
de Dieu, qui nous est icy marqué par
le
Soleil de Iustice . Aussi outre que cét eloge,
[ge,] & l'éfet qui est exprimé dans la suite
de nôtre Texte, nous confirment cette
verité ; il est ordinaire aus Profétes de representer
la Redemption de l'Eglise,
sous l'emblême de la lumiere du Soleil.
Et vous savez, Chretiens, que l'Auteur
de cette Redemption, & par conséquent
le Soleil, qui nous aporte cette lumiere,
& de la Grace & de la Gloire,
c'est Iesus-Christ, le Fils éternel de Dieu.
Tu n'auras point, dit Esaïe à l'Eglise, au
soissantiéme de ses Revelations, tu n'auras
point le Soleil, pour la lumiére du jour : Et
la lueur de la Lune ne t'éclairera plus. Quoy
donc ? Demeureras-tu dans l'horreur des
ténebres ; sans Soleil, pour faire ton jour ;
sans Lune, pour te consoler de l'absence
du Soleil ? Nullement.
L'Eternel, adjoute
le Proféte, te sera pour lumiére éternelle : Et
ton Dieu sera pour ta gloire. Voilà ta Lune
& ton Soleil.
A cela se raporte le titre que Iesus-
Christ nôtre Seigneur se donne souvent
en l'Evangile, lors-qu'il s'appelle
la Lumiere
Iean 2.
du Monde. Et c'est de ce mystique
Soleil, que la Femme, qui est l'Eglise, est
revetuë au douziéme de l'Apocalypse.
Ie ne m'étonne donc pas si le visage du
Fils de Dieu resplendissoit comme le Soleil,
[leil,] dans sa Transfiguration de la Montagne,
& dans son aparition de l'Apocalypse,
puis que le Fils de Dieu est vn Soleil.
Il est dans la Nature, comme Dieu
éternel avec son Pére vn Soleil invisible,
par la clarté duquel nous voyons clair,
comme chante le Psalmiste. Mais il est
dans la Grace vn Soleil visible, entant
Ps. 36.
qu'il est l'Emmanuel, Dieu avéque nous,
Ma . 1.
vray Dieu & vray Homme, en vne même
personne. En éfet, si nous considerons
le fils de Dieu à ce dernier égard, qui est
celuy que son Proféte nous met icy devant
les yeus, nous y trouverons des traits
admirables de ressemblance, avec la
sublime & la nompareille Creature dont
il prend le nom dans ce Texte.
Pour en toucher seulement quelques-
vns des principaus, tout ainsi premierement
qu'il n'y a qu'vn Soleil en la Nature
d'où vient que les Latins l'ont nommé
d'vn nom qui est derivé de celuy de
Seul :
Sol.
Ainsi en la Grace il n'y a qu'vn Soleil,
c'est à dire, qu'vn seul Mediateur entre
1 m
2
Dieu & les Hommes, qui est Iesus-Christ,
Dieu & Homme. Et comme en la Nature,
le Soleil, bien qu'il soit seul, sufit à
éclairer tout l'Vnivers ; de sorte que l'vne
& l'autre partie du Monde sont renduës
[par-] participantes de sa lumiere : Ainsi en la
Grace, vn seul Soleil, vn seul Iesus Christ,
est sufisant pour illuminer l'Ancien & le
Nouveau Monde, c'est à dire, en l'Eglise
Iudaïque, & la Chretienne. Il est le Sauveur
capable de retirer tous les Hommes
des tenebres de la perdition éternelle :
Actes 4.
Et il n'y a point de salut en aucun autre
qu'en luy.
Vous savez, aprés cela, qu'il n'est rien
ni de si beau ni de si glorieus, dans tous
les objets visibles, que le Soleil. Sa beauté
est si éclatante & si singuliére, qu'elle
ne se peut peindre que par ses propres
rayons. Et l'on peut dire avec verité, que
la gloire de Salomon, la pompe de tous
les Monarques, la blancheur de toutes
les perles, & le feu de toutes les pierres
precieuses, n'ont rien de comparable à
la splendeur & à l'éclat de la lumiere
dont il brille dans les Cieus. N'est-ce pas
la vne vive image de l'incõparable beauté
du Soleil mystique, c'est à dire, de Iesus-
Christ nôtre Seigneur, qualifié par
Esa. 9.
Esaïe,
l'Admirable ; & par David,
le plus
Ps. 45.
beau de tous les fils des Hommes ? Ce qui
donne sujet à l'Epouse de s'écrier, toute
Cant. 5.
ravie, en le contemplant,
Tout ce qui est
en luy ce sont autant de souhaits , autant de
[perfe-] perfectious, d'attrais, & de graces.
Te
Cant. 1.
voila beau, te voilà agreable, mon Bien-aimé.
Oüy, beau d'vne beauté ; oüy, agreable
par des traits & des qualitez ; oüy, éclatant
d'vne lumiere & d'vne gloire, que
luy seul est capable de representer. C'est-
pourquoy il a pris luy-méme le pinceau,
pour nous tracer vn crayon de son visage
glorieus, dans les Ecrits de ses Profetes
& de ses Apôtres.
La pureté du Soleil est extrême ; &
de plus, elle est constante & incorruptible,
Act. 2.
elle ne peut recevoir d'alteration ni
2. Cor. 5
de changement. Illustre emblême de la
parfaite pureté de Iésus-Christ, le Saint
de Dieu, qui n'a jamais connu le peché ;
qui n'a jamais senty, & qui ne peut jamais
sentir, la moindre ateinte de sa corruption ;
qui étoit le même hier ; qui l'est,
Ebr. 13.
aujourduy ; & qui le sera, éternellement ;
Iob 15.
& en comparaison duquel, les Cieus mêmes
n'ont point de pureté. Les Astrologues
modernes remarquent, avec leurs
yeus de verre, des taches dans le Soleil.
Mais le Rédempteur est le Soleil, aussi
bien que l'Agneau, sans tache : Et il n'y
1. Iean 1.
a en luy aucun mélange des tenebres avéque
la lumiere.
Le Soleil comme Roy des Astres, est
[assis]
assis au milieu des autres Planétes, dans
le Pavillon superbe que luy a dressé le
grand Architecte du Monde. C'est le
plus riche Ornement du Ciel & de la
Terre : c'est le Flambeau vivant, le Flambeau
volant de l'Vnivers, le Pere du Iour
la Loy du Tens, & le Prince des Saisons.
Noblesse & dignité sublime, qui nous
marque excellemment la divine Majesté
Ps. 89.
de Iesus-Christ, le David céleste, dont le
Psalmiste chante, que son Trône est cõme
le Soleil. Oüy, le Sauveur du Monde
est le mystique Soleil, assis sur vn Trône
pompeus, en l'Eglise, au milieu des Saints
& des Anges ; comme le Roy des Rois,
Apoc 19
& le Seigneur des Seigneurs, à qui Dieu
Philip. 2.
a donné vn Nom par dessus tout nom :
Et qui non seulement, comme le Prince
de notre salut, domine sur le grand Iour
de l'Evangile : Mais qui, comme le Pere
d'Eternité, illumine tout Homme venant
Iean 1.
au Monde, & tient également avec
son Pere, & les tens & les saisons en sa
puissance.
Les propriétez & les éfets du Soleil
sont dignes d'une admiration singuliére.
Ce qui a donné sujet aus Poëtes, de le
nommer le Dieu visible, & l'Ame de l'Vnivers.
Ainsi Iesus-Christ n'est pas seulement
[lement]
l'admirable, comme l'vn des Profétes
vient de le qualifier : Il est veritablement
Esa. 9.
le Dieu visible, puis-que c'est
la Parole qui a été faite chair, & qui a
Iean 1.
habité entre nous : Si bien que nous
avons contemplé sa gloire comme la
gloire de l'Vnique issu du Pére. Et
il est veritablement aussi comme Redempteur,
l'Ame des nouveaus Cieus
& de la nouvelle Terre ; c'est à dire,
de l'Eglise Chrétiene, puis-qu'il
l'entretient & qu'il la gouverne, par sa
vertu.
Le Soleil posséde seul la lumiére dans
soy-même, sans l'emprunter d'aucune
des Creatures : Et le Createur, en le formant,
a rassemblé en luy toute la lumiere,
cõme dans son principe & dans sa source
inépuisable. Brillante image du Soleil
de l'Eglise, c'est à dire, du Sauveur ; en qui
Dieu a voulu, pour ainsi dire, que toute la
Iean 1.
lumiere du salut fût concentrée afin que
de sa plénitude nous puisassiõs tous grace
sur grace. Et comme le Soleil, qui illumine
toutes choses, ne peut être veu que
par sa propre lumiere, & par ses propres
rayons : Ainsi, nul ne peut considerer
1. Cor 2
salutairement Iesus-Christ, comme la
Lumiere du Monde, nul ne peut dire que
[Iesus]
Iesus est le Seigneur, si ce n'est par la lumiere
& par l'operation de son Esprit.
Le Soleil nous fait apercevoir les
beautez & les merveilles de l'Vnivers,
entant qu'il répand sa lumiere sur les objets,
pour les rendre colorez ; & qu'il
remplit nos yeus de cette même lumiére,
pour recevoir les images des objets.
De sorte qu'il est tout ensemble, & comme
2. Tim 1.
le Peintre & comme l'œil de la Nature.
Ephes. 1.
Ainsi Iésus-Christ, nôtre Soleil en la
Grace, a mis en lumiere la Vie & l'Immortalité
par l'Evangile, & il nous donne
les yeus de notre entendement illuminez,
pour savoir qu'elle est l'espérance
de sa vocation, & quelles sont les richesses
de la gloire de son Héritage dans
les Saints. Il nous fait contempler en l'evangile
Act. 12.
les choses magnifiques de Dieu :
Il nous y fait envisager Dieu, comme vn
Pére & comme vn Sauueur ; Au lieu que
depuis le peché, nous ne pouvions l'apercevoir,
que comme vn Iuge & comme
vn Vengeur, & en la nature & en la Loy.
De sorte qu'à cet égard nul ne connoit
Matt. 11.
le Pére, sinon le Fils, & celuy à qui le
Fils l'aura voulu reveler.
Le Soleil n'expose pas seulement les
objets à notre veuë, il conduit aussi nos
[pas]
pas, & il dirige nos actions par sa lumiére.
De méme, Iésus-Christ, par les rayons
de sa Verité & de sa Iustice, c'est à dire,
Ps. 119.
par sa Parole, sert de lampe à nos piez,
Iean 8.
& de lumiére pour nos sentiers : Et qui
le suit, ne marchera point dans les tenebres,
mais il aura la lumiére de la vie. O
merveille ! ce Soleil est tout ensemble &
la Lumiére qui nous montre la Voye, &
Iean 14.
la Voye qui nous est montrée par la lumiére.
Les rayons du Soleil, en perçant
l'air, pour nous aporter la lumiére,
ne l'illuminent pas seulement ; ils le purifient
encore, & ils nous le rendent
salutaite en méme tens. Ainsi Iesus-
Christ, notre divin Soleil, ne dissipe pas
seulement les ténébres de notre intelligence ;
mais en faisant reluire la lumiére
de sa Grace dans nos cœurs, il purifie par
sa vertu nos consciences des œuvres
mortes, pour servir le Dieu vivant.
Le Soleil, en élançant ses rayons, n'échaufe
pas seulement la surface de la
Terre & de la Mer. Il pénétre, & dans les
entrailles de la Terre, & le dans fond de
la Mer, par la force de ces mêmes rayons ;
& il y déploye magnifiquement sa vertu,
pour y former & les tresors & les joyaus
[les]
les plus précieus de la Nature. Ainsi
Iesus-Christ ne frape pas seulement de sa
lumiére nos sens extérieurs, par la prédication
de sa Parole, & par les Sacremens :
Il entre aussi, par son Esprit, dans le cœur
Fili. 2.
de ses Eleus : & il y agit avec éficace selon
son bon plaisir, pour y produire les
plus admirables & les plus exquis éfets
de la Grace. Les Disciples d'Emaüs avoient
bien senty la pointe & le feu des invisibles
rayons de ce Soleil, dans la plus
intime partie de leur ame, lors qu'ils s'écrioient,
Notre cœur ne brûloit-il pas au dedans
Luc 24.
de nous, tandis que Iésus parloit à nous,
& qu'il nous déclaroit les Ecritures ? Comme le Soleil est le principe de la
chaleur, aussi bien que de la lumiére, c'est
aussi luy qui, comme le Mary de la Nature,
concourt, & par sa lumiére & par
sa chaleur, à la generation des Plantes &
des Animaus. De même, c'est en Iésus-
Christ, & par Iésus-Christ, le Soleil de
nos ames, que nous sommes créez pour
les bonnes œuvres, & que nous sommes
Efes. 2.
faits de nouvelles Créatures.
2. Cor. 5.
Et comme le Soleil nous fait jouïr de
tous les biens de la Nature : & que dans
l'ordre de la dispensation des causes secondes,
il nous est si necessaire, que nous
[ne] ne pouvons vivre sans luy : Ainsi en la
Grace, Iésus-Christ nous à eté fait par
1. Cor. 1.
Dieu, Sapience, Iustice, Sanctification,
Redemption, & toutes choses. Et il y a
vne si grande necessité d'avoir part à sa
bien-heureuse communion, que si celuy
qui a ce Fils de Dieu, a la vie, celuy qui
1. Iean 5.
n'a point ce Fils, n'a point la vie, & demeure
dans les tenebres & dans la region
d'ombre de mort.
Enfin, si le soleil est qualifié à bon
droit, la joye & l'amour de la Nature,
l'Eglise en contemplant son Soleil, c'est
à dire, son Redempteur, se réjouït en
1. Pier. 1.
luy, comme dit Saint Pierre, d'vne joye
inenarrable & glorieuse : Et toute éprise
qu'elle est de ses feus sacrez, elle ne peut
s'empescher de s'écrier au Cantique des
Cantiques :
Filles de Iérusalem, ie vous conjure
Cant. 5.
de raporter à mon Bien-aimé : Et quoy ?
L'halene luy manque dans son transport.
Raportez-luy, acheve-t-elle, Que je me
pâme d'amour .
Iésus-Christ est dõc à nos ames, ce que
le Soleil est à nos corps : Et il nous est en la
Grace, ce que le Soleil nous est en la Nature.
Envisageõs-le s'il se peut encore de
plus pres, cet adorable Soleil ; & nous
sentirõs augmenter notre alégresse avec
[nô-]
notre admiration.
Pour nous aider dans vn dessein si salutaire,
voicy vn nouveau rayon de sa
face, qui nous est envoyé par l'entremise
du Profete. C'est, dit-il, non seulement
vn Soleil, mais le Soleil de Iustice , ou le
Soleil Iuste. Car ce mot de Iustice fait icy
vne Frase qui sent le genie des Ebreus. Et
cette qualité, ou cette Iustice, à la prendre
en general, peut convenir à Iesus-
Christ en trois maniéres.
Premierement, si par la
Iustice on entend
cette Vertu particuliére, qui donne
à chacun ce qui luy apartient, soit
pour la recompenser, ou pour la péne,
Iésus-Christ est
Iuste, puis que comme
Mat. 16.
Iuge de l'Vnivers, il rendra, au dernier
2. Cor. 5
Iour, à chacun selon ses œuvres ; & que
de son Siége Iudicial nous devons tous
remporter en nos corps, selon que nous
aurons fait, ou bien, ou mal. Mais ce
n'est pas cette
Iustice de rigueur que Malachie
propose icy à l'Eglise ; puis-qu'au
contraire il veut consoler l'Eglise par vne
promesse de grace.
Secondement, si par la Iustice on entend
cette droiture ou cette Vertu génerale,
qui comprend toutes les Vertus, &
qui est vne parfaite conformité avéque
[la]
la Loy, Iésus Christ est
Iuste, & même
le
Iuste par excellence, pour deus raisons.
Premierement, parce qu'il est parfaitement
Saint en luy-même. De sorte que
ce Soleil ne s'éloigne jamais, tant soit
peu, ni à droite ni à gauche, de la Ligne
de la Iustice. C'est-pourquoy il est apellé
par Esaïe,
le Serviteur Iuste : & par Zacarie,
Esa 53.
le Roy Iuste . Oüy, tout ensemble, &
Serviteur
Zac. 9.
Iuste, &
Roy Iuste parce qu'il est également
Iuste, également Saint, & dans
son abaissement, & dans son exaltation.
Aussi les anciens Iuifs, pour exprimer le
Messie, nommoient simplement
le Iuste.
Et c'est sous ce nom seul que Saint Pierre,
Actes 3.
& 7. &
22.
que Saint Etienne, & que Saint Paul, le
désignent au livre des Actes. Secondement,
Iésus-Christ est
Iuste d'vne façon
toute singuliére, entant qu'il est la Source,
l'Auteur, & la Cause méritoire de
toute la Iustice des Fidéles, répandant
sur eus les rayons de sa propre Iustice, &
pour les absoudre devant Dieu, par le
mérite de ses soufrances ; & pour les rendre
Saints & irrepréhensibles devant luy,
par la vertu de son Esprit. Ce qui fait
dire à Esaïe, que ce
Serviteur Iuste en justifiera
plusieurs : Et à Zacarie, que ce
Roy
Es. 53
Iuste est vn Sauveur oüy, vn Sauveur qui
Zac. 9.
[par] par sa
Iustice nous afranchit de la loy du
Rom. 8.
peché & de la mort. A quoy se raporte
Dan. 9.
ce qui est dit ailleurs par les Profétes, que
Esa. 45.
le Messie amenera, qu'il fera pleuvoir,
Ps. 72.
qu'
ils fera germer, qu'il fera fleurir la
Iustice.
Mais bien-que cette seconde explication
de la
Iustice du Seigneur Iésus, soit
aussi véritable que la premiere, si ne semble-
t-il pas encore, que ce soit là proprement
celle que nous devons appliquer à
nôtre Texte. Pour demeurer donc plus
precisément dans les termes de la Figure
& de la comparaison du Soleil, il faut
chercher icy, non pas dans les Livres des
Filosofes, mais dans les Auteurs sacrez,
vne troisiéme signification du mot de
Iustice, qui puisse convenir plus juste à cet
éloge de
Soleil de Iustice . C'est qu'au stile
du Vieus Testament, imité même dans
le Nouveau,
la Iustice exprime souvent
la grace, la bonté, la faveur, & la liberalité.
Ie n'en alégueray que deus preuves,
pour abréger
: l'vne du Vieus, l'autre du
Nouveau Testament. La premiere est
du
Pseaume cent-douziéme,
Il a répandu,
il a donné aus pauvres : Sa Iustice, c'est à dire,
sa largesse & sa charité, demeure éternellement.
L'autre preuve est
du neuviéme
[de la]
de la seconde aux Corintiens,
Celuy qui
fournit de semence au semeur veüille augmenter
les revenus de vôtre Iustice ; c'est à dire,
de vôtre bonté & de vôtre liberalité envers
les pauvres. A quoy se raporte ce
que Iosef est nommé vn homme
Iuste,
Mat. 1.
c'est à dire, dous & charitable.
Suivant cette explication donc,
Iésus-Christ est icy qualifié
le Soleil de
Iustice , par vne riche allusion à l'Astre
du Iour, qui ayant des qualitez vives,
mais excellẽment moderées, est vn Astre
merveilleusement dous & salutaire, &
qui méme verse liberalement & en abondance,
sur toutes les Creatures inférieures,
les favorables influences de sa lumiére
& de sa chaleur. Ainsi Iésus-Christ
est
le Soleil de Iustice , c'est à dire, le Soleil
de la Grace & de la Charité de Dieu,
l'Astre dous & favorable & comme en
parle saint Simeon,
le Salutaire, qui presente
Luc 1.
libéralement à tous les Hommes,
qui repand abondamment sur tous les
Hommes, & Iuifs & Gentils, sans distinction
de climat, de qualité, ni de sexe,
les celestes & les heureus éfets de sa puissance
& de sa bonté, pour leur donner
la Vie éternelle. C'est le Redempteur misericordieus,
qui leur offre, qui leur communique
[mu-] charitablement pour leur salut :
& le merite de son sang, & la vertu
de son Esprit. Oüy, comme en la Nature
le Soleil se trouve logé entre les Planétes
de Mars & de Vénus, qui selon les caracteres
de l'Antiquité Payenne, marquent
& la puissance & l'amour
: Ainsi Iesus-
Christ, qui en la Iustice de la Loy, est,
Ebr. 12.
comme Dieu éternel, vn feu consumant
pour les Pecheurs, tempere en telle sorte
ses rayons en la Iustice Evangelique,
c'est à dire, en la Grace, comme le soleil
des Fideles que nous éprouvons tout
ensemble, & les éfets de sa puissance, &
les éfets de son amour. Contemplons-le
donc icy, auec assurance & avéque joye,
admirable Soleil de nos ames, puisque
le voicy qui se léve sur notre Horison
Le
Soleil de Iustice se lévera il se va lever, dit
le saint Proféte
,
SECONDE PARTIE.
Le Lever de ce soleil présupose, comme
vous voyez, que nous étions auparavant
dans la nuit : Et cette nuit, ce sont
les tenebres de la Loy, du Peché, & de
la Mort. Pour nous en r rirer, Dieu promet
icy à son Eglise, qu'il fera lever sur
elle le soleil de Iustice.
[Certai-] Certainement, Iésus-Christ, qui est
ce soleil, ne
se léve pas sur nous, comme
le soleil se leva le quatriéme iour de la
Creation ; c'est à dire, comme n'ayant
point d'existence auparavant. A cet égard,
Mich 5.
Iésus-Christ est vn soleil qui n'a
jamais eu d'Orient, puis-que ses Issuës
sont des jadis, des les jours éternels. Mais
il
se léve sur nous, comme le soleil fait
tous les matins sur l'Horison, depuis le
cinquieme jour de la Création, lors
que de caché seulement qu'il nous
étoit sous l'Hemisfére, il se rend visible
à nos yeus. C'est à dire en general,
que Iésus-Christ, le Soleil de Iustice,
se
léve sur nous, lors-qu'il se manifeste &
qu'il se fait sentir au Monde, comme
Dieu-Homme, dans son Ofice de Médiateur
entre Dieu & les hommes, &
dans ses vertus de Redempteur du Genre
humain. Au-lieu qu'auparavant il étoit
caché pour nous, dans le sein de Dieu
son Pere, comme le Roy des Siecles, Immortel,
1. Tim. 1.
Invisible.
Mais considerons maintenant de pres,
tous les degrez du Lever, ou de l'Ascendant,
de ce Soleil sur l'Horison de l'Eglise.
Le premier degré de cet Ascendant
[ou]
ou le premier
Lever de ce soleil, est l'Incarnation
bien heureuse du Fils de Dieu ;
Iean 1.
par laquelle, comme Saint Iean nous disoit
tantôt, nous avons contemplé la
Gloire du Seigneur Iésus, comme la Gloire
de l'Vnique issu du Pere, plein de Grace
& de verité, & ainsi vray soleil de Iustice.
Selon
quelques
uns,
Samson signifie,
Petit Soleil. Oüy, Iésus Naissant est le veritable
Samson, c'est à dire,
le petit Soleil. Soleil
qui a logé neuf mois dans la Vierge, avant
que de montrer sa Lumiere aus
Hommes : mais dans vne Vierge que ce
Soleil-même a rendu fertile, puisque
Vierge elle la produit au Monde. L'Astre
du jour se léve, en montant sur l'Horison.
Mais le Soleil de Iustice
se léve icy, en
descendant du plus haut des Cieus, dans
Efes 4.
les parties les plus basses de la Terre.
C'est-pourquoy il est apelé par Zacarie,
Luc 1.
Pere de Iean Baptiste,
l'Orient d'enhaut ,
pour distinguer ainsi le Soleil de la Grace
d'avec le Soleil de la Nature, qui
est l'Orient d'embas. Que si la Divinité
est descenduë par cette manifestation
en chair, l'Humanité certes est montée,
non seulement entant qu'elle a eté elevée
à la Gloire de l'Vnion personelle avec la
Nature Divine, mais aussi entant qu'elle
[a paru] a paru au monde par la Naissance. Car
comme le soleil Levant semble sortir du
sein des tenebres & des eaus de la Mer :
ainsi Iesus-Christ Homme,
se levant par
sa Naissance, est sorty de l'obscurité du
Ventre de la sainte Vierge Marie, comme
d'une Mer semblable à celle du quinziéme
de l'Apocalypse ; c'est à dire, d'une
Mer symbolique de verre & de feu, en
laquelle, au travers de la pure Virginité,
on voit clairement le Feu de l'amour de
Dieu envers nous. Et comme le lever du
soleil est marqué par une Etoile matiniere :
ainsi une Etoile miraculeuse a
marqué aus Sages en Orient,
le lever de ce
Matt. 2
soleil de Iustice.
Aussi, depuis plusieurs siecles, Israël
atendoit cette aparition du Messie, comme
le lever d'un Astre glorieus. N'ayons
point de honte d'en apprendre la verité
par un faus Proféte.
Vne Etoile , dit Balaam,
en stile Profetique, vne Etoile est
procedée de Iacob : c'est à dire, elle se levera
Nom. 24
en Israël. Et cette Etoile est la
plus grande de toutes les Etoiles ; c'est
le soleil, & même le soleil de Iustice ;
qui comme le soleil fut formé le quatrieme
jour de la Creation, commença à
paroitre icy-bas au quatriéme Age,
[& au] & au quatriéme milier des années du
Ps 90.
Monde. Or vous savez que mile ans sont
devant Dieu comme un jour. Ie veus dire,
que Iesus-Christ nôtre Seigneur nâquit
prés de la fin du quatriéme millenaire
de la durée de l'Vnivers ; environ
l'an trois-mile-neuf-cens-cinquante, un
peu plus, ou un peu moins ; selon la supputation
la plus exacte de la Chronologie.
Mais, ô incroyable abaissement ! ce
Soleil de Iustice n'a point paru à sa naissance,
comme le Soleil de la Nature,
dans un Pavillon lumineus, mais
dans vne Etable obscure. C'a été-là son
premier Palais : C'est-là où il a fait
relui- ses premiers rayons.
Mais comme le Soleil, aprés s'être
couché le soir, remonte le matin sur
l'Horison ; ainsi il y a vn second Lever du
Soleil de Iustice, qui aprés avoir été couché
dans le tombeau, est remonté pompeusement
sur l'Horison de l'Eglise, par
sa glorieuse Resurrection. Et comme
nous avons dit que le Soleil semble se lever
du profond de la Mer, icy il est véritable
encore, que ce Soleil de Iustice, en
remontant du tombeau, est comme sorty
de la Mer de la colére & de la malédiction
de Dieu, dans laquelle il s'étoit
[vo-]
volontairement plongé pour nous. Que si
le Soleil de Iustice est demeuré prés de
quarante heures à se relever du sepulcre ;
au lieu que l'Astre du Iour n'est, à regagner
l'Horison, qu'vne partie de vint-
quatre heures, cet Astre naturel est sujet
à se recoucher tous les soirs, mais
l'Astre surnaturel, qui est le Soleil de Iustice,
ne s'est couché qu'une fois, & il est
remonté pour toûjours sur nôtre Horison.
Iesus-Christ étant ressuscité, ne
Rom. 6.
meurt plus : la Mort n'a plus de domination
sur luy. Mais admirez icy la ressemblance
de la Nature & de la Grace. En
la Nature, le Soleil a deux mouvemens :
l'un d'Orient en Occident par la rapidité
du premier Mobile, qui l'entraine
pour faire le Iour. L'autre qui luy est propre,
d'Occident en Orient, pour faire les
quatre Saisons de l'Année. En la Grace,
le Soleil de Iustice a deux mouvemens
tout de même ; l'un est un
mouvement d'Orient en Occident, c'est
à dire, de la Naissance à la Mort, par la
volonté du Pere Eternel, qui l'y a engagé :
L'autre mouvement, qui convient à
la Gloire de sa personne, est vn mouvement
d'Occident en Orient, c'est à dire
de la Mort à la Resurrection.
[Ce] Ce premier & ce second
Lever du Soleil
de Iustice, n'ont eu lieu proprement
que dans la Iudée. Mais il y en a un troisieme
qui a lieu en tous lieus. C'est celuy
qui se fait par la Predication de l'Evangile.
A cet égard, l'Orient est par tout le
Monde : Et à cet égard encore, le Soleil
de Iustice ne s'est pas
levé vne seule fois ; il
se
léve tous les jours. Ainsi Iesus-Christ,
prêchant luy-même la Parole de son
Royaume, s'étoit levé sur le Païs de Zabulon
Mat. 4.
& Neftali ; comme saint Matieu
nous le temoigne, en disant à ce sujet,
Le Peuple qui gisoit dans les tenebres, a
veu vne grande Lumiére, & à ceux qui gisoient
dans la région & dans l'ombre de la
Mort, la Lumiére s'est levée. Oüy, c'est
par cette Prédication salutaire de la
Grace de Dieu en Iesus-Christ, que se
dissipent les tenebres de la Loy, les tenebres
de l'ignorance, les tenebres du
vice, les tenebres de la condannation, &
de la mort. Et de la Iudée, la Lumiére
de ce Soleil s'est répanduë sur tous les autres
Climats. Douze Langues de feu,
Actes. 2.
descenduës des Cieus, comme autant de
rayons de ce Soleil, en ont porté la lumiére
& la chaleur tout ensemble, à tous
les Peuples de l'Vnivers. C'est à dire, que
[le] le son de l'Evangile est alé par toute la
Rom 10.
Terre, & que les paroles des Ministres
de Iesus ont retenty jusqu'aus extrémitez
du Monde. Ainsi a été acomply l'Oracle
adréssé au Messie,
Ie t'ay donné pour
Esa. 49.
Lumiére aus Nations, afin que tu sois mon Salut
jusques au bout de la Terre. Ce qui fait
Rom. 13.
dire aus Saints Apôtres, que la nuit est
1. Pier. 2.
passée ; que le jour est arrivé ; que Dieu
nous a apelez des tenebres à sa merveilleuse
Lumiére ; & comme nous l'avons
alegué, que Iesus-Christ a mis en lumiere
2. Tim. 1.
la Vie & l'Immortalité, par l'Evangile.
Pour jouïr de la lumiere du Soleil, ce
n'est pas assez que l'air en soit illuminé.
Vous avez oüy, qu'il faut qu'elle
entre dans nos yeus, & qu'elle remplisse
nos prunelles. Les Aveugles, &
ceux qui ferment volontairement les
yeus, demeurent dans les tenebres,
bien-que le Soleil soit levé sur l'Horison.
Ainsi pour être rendus salutairement
participans de la lumiere du
Soleil de Iustice, il nous faut un
quatrieme
Lever de ce Soleil : C'est à dire,
qu'il faut que sa Lumiere penetre les
yeus de notre entendement, comme
S. Paul le souhaitoit aus Efesiens. Il faut
Efes. 1.
[même] même que cette Lumiere du Soleil de
Iustice, entre jusques dans le fond de nos
2. Cor. 4.
cœurs.
Dieu qui a dit que la Lumiére resplendît
des ténèbres, est céluy, dit l'Apôtre,
qui a reluy dans nos cœurs, pour donner illumination
de la connoissance de la Gloire de
Dieu, en la face de Iésus-Christ. Et c'est ce
lever de l'Etoile du matin, c'est à dire, de
notre Soleil luy-même, dans les cœurs,
que Saint Pierre nous représente, au Prémier
de sa Seconde.
Enfin, comme en la saison du Printens,
le Soleil paroissant avec vne pompe
nouvelle, & dans le Signe d'Ariés, qui
marque sa force, se léve sur l'Horison,
pour changer & renouveller
toutes la face
Act 3
de l'Vnivers : Ainsi, au grand Iour de
la restauration de toutes choses, qui sera
vn véritable Printens, le Soleil de Iustice
2. Thess.
1.
se lévera en sa Gloire la plus brillante : Il
se
lévera, en descendant des Cieus, avéque
les Anges de sa puissance, sur vn Char
pompeus de lumiére & de flame, pour
faire de nouveaus Cieus & vne nouvelle
2. Pier.
3.
Terre. Ce Soleil, en
se levant alors, fera
disparoitre & la Lune & les Etoiles. Que
dis-je ? Le grand Luminaire du jour sera
luy-même obscurcy, s'il n'est tout à fait
éteint, à l'aparition de ce Soleil : les Cieus
[passe-]
passeront cõme vn bruit siflant de tempête :
les Elémens seront dissous par la
chaleur & la terre brulera entiérement
avéque toutes ses œuvres. Et comme
au Printens, le Soleil fait germer les Plantes,
qui étoient mortes en la Terre. Ainsi
en ce dernier Iour, notre divin Soleil
ranimera, par la force de ses rayons, la
cendre de nos tombeaus, & fera fleurir
nos corps en immortalité & en gloire.
O que les rayons de ce Soleil sont puissans !
O que leurs éfets sont admirables !
Considerez-les atentivement, Ames
Chretiénes, puis-que la voix de l'Oracle
vous y apelle, en disant, Le Soleil de justice
Se lévera ; & la santé sera dans ses ailes.
TROISIEME PARTIE.
Il y a icy vne Figure dans la Figure :
C'est à dire, que
les Ailes de ce Soleil,
qui représẽte Iésus-Christ, sont figurées.
Et c'est à cette Figure que se raporte ce
que chante le Psalmiste au
Pseaume
cent trente-neuviéme,
Si je prens les ailes
de l'Aurore . Les Poëtes s'égayent a peindre
diversement le Soleil, & à nous en
faire de magnifiques descriptions : Comme
lors qu'ils luy donnent vn char de
[feu]
feu & de lumiére, vne couronne de
rayons, & des cheveus étincelans. La
sainte Poësie elle-même, dans vn seul
Pseaume, qui est le dix-neuviéme, en
fait deus tableaus diferens. Elle le fait
sortir du pavillon de l'Orient, & comme
vn Epous de son cabinet nuptial : Et elle
le représente comme vn vaillant Guerrier,
qui entre avec alegresse dans la lice,
& qui se hâte de fournir sa noble carriére.
Icy il nous est peint avec des ailes,
étant comparé à vn Oiseau ; à cause de
la rapidité inconcevable de son cours,
par laquelle en vingt-quatre heures il
acheve le tour du Monde. Que si les Rabins,
par vne fable grossiére, & digne
de ses auteurs, feignent vn Oiseau d'une
grandeur si prodigieuse, qu'en étendant
les ailes il cache aus Hommes la veuë
du Soleil ; on peut dire avec verité, que
le Soleil, à qui Iesus-Christ est comparé
en ce Texte, est vn Oiseau symbolique,
qui sous la vaste étenduë de ses ailes,
couvre efectivement toute la face de la
Terre.
Les Ailes de ce Soleil ne sont, comme
vous voyez, autre chose que ses rayons.
Et lors que le Prophete dit, que la Santé,
[ou]
ou le Remede & la Guerison, est dans les
Ailes du Soleil de Iustice, il fait alusion
à deus choses, comme quelques Theologiens
l'ont remarqué. Premierement
à ce que les lieus où les rayons du Soleil
ne penetrent point, sont d'ordinaire malsains
& dangereus. Et puis à ce que
le Soleil, lors-qu'il se léve, & qu'il fait
voir la beauté de ses rayons, réjouït les
mélancoliques, soulage les malades,
adoucit les maus, & semble inspirer l'alegresse
& la force, non seulement aux
Oiseaus qui en chantent de joye, mais à
toute la Nature. Ce qui est cause que les
Payens ont fait de leur Apollon, qui est
le Soleil, vn Medecin, vn Dieu de la Medecine.
Ce puissant éfet, atribué au Soleil de
Iustice, c'est à dire à Iesus-Christ, que la
santé est dans ses ailes, se trouve icy veritable,
à deus égars diférens.
Premierement, à la lettre & précisement
la Santé est dans les Ailes du Soleil
de Iustice, à l'égard de la délivrance des
maladies corporelles. Car nôtre Seigneur
Apoc. 1.
tenant dans ses mains les clez du Sépulcre
& de la Mort, comme en parle l'Ecriture,
il est aussi par consequent le
Maitre de la Santé, & le Prince de la
[Vie.] Vie. De sorte qu'il n'a qu'à dire la parole,
pour nous guérir, & même pour nous
ressusciter. N'en a-t-il pas autentiquement
confirmé la verité, par vne infinité
de cures & de guérisons miraculeuses,
lors-qu'il a paru icy-bas entre les Hommes ?
O Astre du Iour ! le Soleil de Iustice
a produit, par la vertu de ses rayons,
ce que tu n'as jamais fait, & que tu ne
saurois jamais faire. Il a chassé des Corps
les Démons, qui ne sont point sous tes
lois. Il a rendu la veuë aus Aveugles,
dont tu ne peus qu'augmenter l'aveuglement.
Il a ressuscité les Morts, que tu
n'és capable que d'empuantir.
Secondement,
la Santé est dans les Ailes du Soleil de Iustice, à l'égard de la délivrance
des maladies de l'Ame, & des
playes spirituelles, faites par l'ancien Serpent.
Elles sont particuliérement de
deus sortes. La premiére est l'assujétissement
à la colere de Dieu, & à la malédiction
de la Loy, par le Peché ; d'où
naissent en nos Ames l'horreur & le desespoir.
Rom. 8.
A cet égard,
la Santé est dans les
Iean 5.
Ailes du Soleil de Iustice, puis qu'il n'y
a point de condannation pour ceus qui
sont en Iesus Christ : mais qu'ils sont passez
de la mort à la vie. La seconde maladie
[ladie] de l'Ame, ou la seconde playe spirituelle,
est l'habitude vicieuse que nous
avons contractée à ofenser Dieu, & qui
a mis dans nos ames la soüillure & l'infection
du Vice. Habitude qui nous assujétit
aus accés des Passions ; à l'aveuglement
de la Volupté, à l'hydropisie de l'Avarice,
aus Vertiges de l'Ambition, aus
convulsions de la Colére, à la létargie de
la Sécurité, au calus de l'Impenitence &
de l'Endurcissement, & aus autres pestes
semblables. A cet égard aussi
la Santé est
dans les Ailes du Soleil de Iustice, puisque
comme dit saint Paul, nôtre vieil-
Homme est crucifié avec Christ ; & que
Rom. 6.
si quelcun est en Christ, il est nouvelle
2. Cor. 5.
Creature.
Que si nous nous arrêtons particulierement
à l'expression des Ailes de ce Soleil,
nous aurons encore icy deus alusions
considérables.
La premiére est à la protection & à la
force que les Oiseaus donnent à leur
petis, en les couvrant de leurs ailes. A
quoy nôtre Seigneur luy-même regarde
au vingt-troisieme de S. Matieu, lors-
qu'il parle de rassembler en vn les Enfans
de Ierusalem, comme la Poule rassemble
ses poussins sous ses ailes.
[Mais] Mais la seconde & la plus importante
alusion, caché sous
les Ailes de ce Soleil
de Iustice, est sans doute celle qui est
faite aus ailes des Cherubins d'or, qui
couvroient le Propiciatoire. Icy il faut
remarquer, que le mot Ebreu que nous
traduisons
Santé, peut bien être expliqué
par celuy de
Remission, puis qu'il vient
d'un verbe qui signifie
pardonner, aussi
bien que
guerir. D'où vient que l'Interprete
Caldeen a traduit formellement,
Rom 3.
Et le Salut sera dans ses Ailes. Oüy, c'est
sous les Ailes de ce Soleil que se trouve la
Propiciation, puis-que Dieu a ordonné
Iesus-Christ, de tous tens, pour propiciatoire
par la foy en son sang. C'est
sous les
Ailes de
ce Redempteur, c'est à dire,
sous ses bras étendus en la Croix, que
nous sommes à couvert des traits de la
colere de Dieu. Si bien-que poursuivis
par les menaces & par les foudres de la
loy, nous pouvons dire à ce Sauveur,
Ie
Ps. 61. &
84.
me retireray sous l'ombre de tes ailes .
Tu m'és
vn Soleil & un bouclier .
La Santé est dans les Ailes de ce soleil
de Iustice, en tous les degrez de son Lever
que nous avons marquez auparavant.
En sa Manifestation en chair. Car
Ebr. 2.
comme les Enfans participent à la chair
. [& au] & au sang, Iesus-Christ aussi a participé
aus mêmes choses, afin que par sa Mort
il détruisit celuy qui avoit l'Empire de la
Mort, c'est à dire le Diable, & qu'il en
délivrât tous ceux qui, pour la crainte de
la Mort, étoient toute leur vie assujétis
à la servitude. En sa Resurrection. Car
1. Pier. 1.
Dieu nous a régenerez en esperance vive,
par la Résurrection de Iésus-Christ
d'entre les morts : Et ce Fils de Dieu est
ressuscité pour notre justification. En la
Rom. 4.
Predication de l'Evangile. Car l'Evangile
Rom. 1.
est la puissance de Dieu, en salut à
tout Croyant. En l'Entrée de ce Soleil
Rom. 8.
dans nos cœurs. Car si Christ est en nous,
l'Esprit est vie, à cause de la Iustice : Et
1. Iean 5.
nous auons oüy, que qui a ce Fils à la
Fil 3.
vie. Enfin, en son Aparition au dernier
Iour. Car nous atendons des Cieus le
Seigneur Iesus, qui transformera notre
Corps vil, & qui le rendra conforme à
son Corps glorieus.
QVATRIEME PARTIE.
Mais pour qui est-ce enfin que se doit
lever ce Soleil ? à vous, dit l'Eternel, qui
craignez mon Nom, se lévera le Soleil de Iustice :
Et la santé sera dans ses ailes . Examinons
[nons]
en peu de mots, ceus à qui il parle :
Et puis, comment la promesse leur apartient
en particulier.
Sans nous arrêter, pour cette heure,
aus diverses significations du
Nom de
Dieu, il nous exprime icy Dieu même ;
parce-qu'en éfet, c'est le nom qui donne
à connoitre la chose. Et c'est ainsi que le
Nom de Dieu se prend souvent en l'Ecriture :
Comme au
second de Ioel,
Quiconque
invoquera le nom de l'Eternel sera sauvé .
Et
au second de la seconde à Timotée,
Quiconque invoque le Nom de Christ, qu'il se
retire d'iniquité.
Ceux
qui craignent le Nom de Dieu, c'est
à dire,
ceux qui craignent Dieu, ne sont pas
en cét endroit les Impies & les Reprouvez :
qui semblables aus Demons, croyent
Iaq. 2.
qu'il y a un Dieu, & en ont horreur.
Ceux-là ne
craignent Dieu que comme
vn Iuge & vn Vengeur : Ils ne le craignent
que d'une crainte servile, que d'une
crainte d'Esclaves ; en redoutant les
coups terribles de sa main, & les jugemens
éternels de sa vengeance. Et cette
crainte est ordinairement accompagnée
d'aversion & de haine. Mais il s'agit en
ce lieu d'une crainte Filiale, d'une crainte
de respect & d'amour ; par laquelle
[ceus] ceus qui en sont remplis, se défiant de
Satan, & du Monde, & de leur propre
chair, les Ennemis de leur salut ; & regardant
Dieu, comme leur Dieu & leur
Pere ; craignent saintement d'ofenser un
si grand Dieu, & un si bon Pére : Et qui
par la consideration de sa grandeur, & le
ressentiment de sa bonté, s'éforcent continuellement
à luy plaire, & à imiter ses
vertus ; s'employant à leur salut avec
Fil. 2.
crainte & tremblement. En un mot,
ceus qui craignent Dieu, ce sont icy les gens de
bien, les Ames saintes & pieuses, les vrais
Fidèles, & les vrais Enfans de Dieu, qui
vivoient en Israël au tems du Proféte
Malachie.
A vous, donc, qui craignez mon
Nom, dit le Seigneur, se levera le Soleil de
Iustice : Et la santé sera dans ses ailes.
A vous, c'est à dire,
pour vous, pour votre
bien, pour votre consolation, pour
votre salut. Comme quand Esaïe disoit
en esprit profétique, dans la veuë du lever
de ce Soleil,
L'Enfant nous est né : le
Esa. 9.
Fils nous a été donné : & l'Ange aus Bergers,
Luc 2.
Aujourd'huy, en la Cité de David,
vous est né le Sauveur, qui est Christ le Seigneur.
Non, ce divin Soleil n'avoit pas
besoin de se lever pour luy-même, comme
si par là il eust dû augmenter sa felicité
[té]
& sa gloire ; Veu que dans le sein de
Dieu son Pere, il possedoit de toute
Eternité, comme Dieu avéque luy : la plénitude
de la félicité & de la gloire. C'est
donc à vous, dit l'Eternel pour vous, qui
craignez mon Nom, que se levera le Soleil
de Iustice, puis-qu'en tous les degrez
de son Ascendant ce grand Astre vous
aportera la santé dans les ailes.
Sur cela vous demanderez aussi-tôt,
Mais puis-que le Lever de ce Soleil présupose
les tenebres & qu'il n'a du se lever
qu'à l'aurore de l'Evangile, quatre
cens ans aprés Malachie, & prés de la fin
du quatriéme millenaire du Monde ; Et
qu'il est dit, pour l'avenir seulement, que
la santé sera dãs ses ailes ; Ceus qui vivoiẽt
& avãt la Loi & sous la Loi, n'avoyent-ils
donc aucune lumiere ? Et comment ont-
ils pû être retirez des tenebres du peché
& de la Mort : & trouver la santé dans les
ailes de ce Soleil ?
Chers Fréres, il est certain que depuis
le Peché, le tens qui a precedé la manifestation
de Iésus-Christ en chair, n'est
que tenebres, à l'égard de la revelation, si
vous le comparez à la lumiere de la dispensation
Evangelique. Neanmoins,
dans les trois premiers âges du Monde ;
[les]
les Fidéles n'ont pas été destituez des
lumieres necessaires de la Grace, au milieu
de leurs tenebres. Ils ont veu le Redempteur
de l'Eglise, comme au travers
du voile de l'esperance, & de la nuit de
l'avenir, à la lueur du Flambeau de la
Promesse. Ils ont contemplé le lever de
ce Soleil de Iustice, par anticipation &
par esperance.
Adam l'a veu, avant le Déluge, dans
les paroles de cet Oracle,
La Semence de
Gen. 3.
la femme brisera la teste du Serpent. Abraham
Gen. 22.
l'a veu, avant la Loy, dans cette promesse,
Toutes les Nations de la Terre seront benites
en ta Semence. Israël l'a veu, sous la
Loy, dans les ombres de ses Sacrifices &
de ses Céremonies ; la chandelle des Profétes
2 Pier. 1.
luisant en ce lieu obscur. Que dis-
je ? Ce lieu obscur n'étoit-il pas éclairé
par le Soleil-même ? Puis-que comme le
Soleil, étant sous l'Horison, éclaire la
Lune & les Etoiles de notre hémisfére,
comme pour faire du bien à tout l'Vnivers
en même tens : Ainsi le Soleil de Iustice,
avant son Lever, éclairoit par son
Esprit Profétique, durant les tenebres
de la Loy, tous les Astres de l'Eglise c'est
à dire, tous les Profétes. C'est à l'aide de
leur lumiére que l'ancien Peuple voyoit
[ce] ce Soleil, peint à ses yeus, avéque l'or de
l'Arche, & de son Propiciatoire. Aussi, à
la premiere veille de la nuit, Moïse leur a
Deut. 1.
montré ce Soleil, en disant,
L'Eternel votre
Dieu vous suscitera vn Proféte comme moy,
d'entre vos Fréres : Vous l'écoutéréz. A la
Ps. 110.
seconde veille, David le leur a representé
dans ce Cantique,
L'Eternel a dit à mon
Seigneur, Aßiez-toy à ma dextre, jusques à ce
que i'aye mis tes Ennemis pour le marchepié de
tes piez. Au dernier chant du coq, Malachie
le leur propose dans les paroles de
notre Texte. Et au point du jour,
Saint Iean Baptiste, l'Etoile des Iuifs, leur
a marqué, en se levant, l'arrivée de ce
Soleil.
Ainsi, Chretiens, les Fidéles de l'ancienne
Dispensation, anticipant des
yeus de leur foy & de leur esperance, le
Lever du Soleil de Iustice, ont été retirez
des tenébres du Peché & de la
Mort, par la vertu rétroactive de ses rayons :
Et la santé qui à son Lever est dans
ses ailes, a retrogradé sur eus, pour ainsi
parler : C'est à dire, qu'ils ont été sauvez
par le merite du Redempteur, qui devoit
paroitre au Monde en l'acomplissement
des Tens. En éfet, ce Soleil de
Iustice ne déploye pas la vertu de ses rayons,
[yons,]
pour nous sauver, comme vne Cause
fysique ; c'est à dire comme le Soleil
de la Nature, qui ne nous échaufe que
lors-qu'il est actuellement sur notre Horison.
Mais le Soleil de Iustice agit, pour
notre salut, comme vne Cause morale,
qui n'est astreinte, ni aus lieus, ni aus tens.
Vn foible rayon de cette admirable vertu,
2. Rois
20.
a paru dans le miracle qui fit retourner
le Soleil de dix degrez au quadran
d'Acas. Comme donc Iésus-Christ est
Apoc. 13.
l'Agneau immolé dés la
Fondatation du
Monde, il est aussi le Soleil de Iustice qui
dés le commencemẽt des Siécles a aporté
aus Hommes la santé dans ses ailes.
Mais, demanderez-vous en suite comment
la promesse du Rédempteur est-
elle icy restreinte aus Israëlites, & même
aus seuls Fidéles d'entr'eus ?
A vous, qui
craignez mon Nom, se lévera le Soleil de Iustice :
Et la santé sera dans ses ailes. Et quoy,
ce Soleil n'est-il pas le Soleil de tout le
Monde ? N'est-il pas également le Sauveur,
& des Iuifs, & des Gentils ? Et ne
s'est-il pas levé, non seulement pour les
Fidéles, qui comme Saint Siméon &
Luc 22.
Sainte Anne, atendoient la consolation
d'Israël ; mais aussi, comme Saint Paul
le disoit à Agrippa, pour ouvrir les yeus
Act. 26.
[des]
des Infidéles, afin qu'ils soient convertis
des tenebres à la lumiére, & de la puissance
de Satan à Dieu, pour recevoir la
remission de leurs pechez ?
Certainement, Fréres bien-aimez,
Iésus-Christ est qualifié à bon droit par
Iean 4.
les Samaritains,
le Sauveur du Monde , puis
que comme dit saint Iean, il est en éfet
la
1. Iean 2.
propiciation des pechez de tout le Monde ; Et
que comme dit saint Paul, il n'y a de distingué,
Col. 3.
en la communion de Iesus-
Christ, ni Grec, ni Iuif, ni Circoncision,
ni Prépuce, ni Barbare, ny Scyte, ni Esclave,
ni Libre
: mais que Christ y est
tout en tous. C'est donc par vne veritable
inspiration du S. Esprit, que Siméon
voyant éclater les premiers rayons de ce
soleil naissant, s'écria dans son extase,
Luc 2.
Lumiére pour l'éclaircissement des Nations ! Néanmoins, c'est pour trois raisons considerables
que Malachie, parlant icy au
nom du seigneur, dit particulierement
aus Fideles Iuifs,
A vous, qui craignez
mon Nom, se levera le Soleil de Iustice : Et la
santé sera dans ses ailes.
Premierement, il parle à des Iuifs en
particulier, parce que c'êtoient à eus que
le Messie avoit êté particulierement
promis par les saints Oracles, & figuré
[par]
par les Sacrifices de la Loy. Icy donc le
Proféte leur confirme autentiquement,
& leur assure de la part du Dieu de la
Verité, le proche acomplissement, & de
ces anciens Oracles, & de ces anciennes
Figures.
Secondement, il y avoit aussi quelque
chose de particulier aus Iuifs, dans le
Lever du Soleil de Iustice. A l'égard
du premier & du second Lever, c'est à
dire, de la Naissance & de la Resurrection
du Seigneur Iesus, il se devoit particulierement
lever aus yeus de leur
corps, & dans leur climat, c'est à dire,
dans la Iudée. A l'égard du troisieme Lever,
qui est la Predication de l'Evangile, le
Soleil de Iustice leur a aporté la lumiere,
& à eus les premiers, & immediatement
par luy-même : & non pas seulement par
l'entremise de ses Serviteurs. Ils ont veu
reluire cét adorable soleil en personne,
sur les rives du Iourdain, & de la Mer de
Tiberias ; lors-que le divin Iesus leur y
annonçoit de sa propre bouche l'Evangile
de sa Grace. A l'égard du quatrieme
Lever de ce soleil : qui est son Lever
dans les cœurs ; comme sa lumiere a été
presentée aus Iuifs plutôt qu'aus autres
Nations, c'est eus aussi les premiers,
bien-que de vray en fort petit nombre,
qui ont creu en luy. Que si les Sages
Mat. 2.
d'Orient, qui étoient Gentils, ont adoré
ce Soleil peu de jours aprés sa naissance ;
les Iuifs qui y avoient le premier droit,
les ont prevenus, & se sont hâtez de luy
rendre leurs hommages, en la personne
Luc 2.
des Bergers de Betléhem. Ie ne voy donc
que le dernier Lever de ce Soleil, où les
Iuifs n'ayent point de prérogative particuliere
sur les autres Peuples. Encore
pourroit-on dire, ce semble, qu'ils ont
déja receu en quelque sorte, comme par
anticipation, en la personne d'Elie, la
Glorification en Corps & en Ame, que
2. Rois 2.
nous atendons à la derniere Aparition
de ce Soleil.
Enfin, si l'Oracle de Malachie s'adresse
particulierement icy, aus Fideles d'entre
les Iuifs qui avoient la crainte de
Dieu, c'est pour les consoler & pour les
assurer tout ensemble, au milieu des jugemens
épouvantables dont le Seigneur
irrité avoit menacé l'impieté qui regnoit
alors en Israël ; & qui furent justement
déployez en suite, contre cette miserable
Nation : comme il paroit par son Histoire.
Voicy donc, au milieu de ces
nuages & de ces tempêtes, l'Arc-en-ciel,
symbole de paix, qui paroît aus Fidéles
[Israë-]
Israëlites. Voicy le renouvellement &
la confirmation de la promesse du grand
Messie, qui devoit rétablir l'Eglise, aporter
le Salut au Monde, & sauver éfectivement
ses Eleus. Et par consequent,
voicy l'adorable Objet de la foy, de l'assurance,
& de la consolation de ces Fidéles
Israëlites. A vous, qui craignez mon
Nom, se lévera le Soleil de Iustice : Et la santé
sera dans ses ailes .
APLICATION.
Chrétiens, quel bonheur & quelle
grace n'avons-nous point aujourduy, de
ce que la nuit de la Loy est entierement
passée, & que nous sommes parvenus au
grand Iour de l'Evangile. Tellement
que ce que plusieurs Rois & plusieurs
Profétes avoient desiré de voir, & qu'ils
Mat. 1.
n'avoient veu qu'en énigme, & sous un
2. Cor. 3.
voile ; nous le contemplons maintenant
comme en un miroir, à face découverte.
Leve toy donc, ô Eglise Chretienne ! sois
Esa. 60
illuminée. Car ta Lumiére est venuë ; & la
gloire de l'Eternel est levée sur toy .
Oüy, l'Eglise
Chretienne est la vraye Betsemés,
la Maison du Soleil, puis que Iésus-Christ,
le Soleil de Iustice, y fait sa demeure ;
[qu'il]
qu'il y est contemplé par la Fidéles ; &
qu'il y est adoré.
Ne puis-je pas appliquer cette même
verité à cette sainte Assemblée en particulier ?
Ne puis-je pas dire qu'elle est
aussi Betsemés Evangelique ; puisque par
Mat. 18
tout où il y a seulement deus ou trois
personnes assemblez au Nom de Iésus-
Christ, il est là au milieu d'eus ? Et combien
plus est-il au milieu de tant de Fidéles,
assemblez en ce lieu, par les ordres
de sa providence, pour luy rendre leurs
hommages ? Permettez-moy donc, Ames
Fidéles, de m'écrier icy dans le transport
de ma joye, O bien-heureus Iour,
puis-que c'est le Iour du Soleil ; c'est à dire,
le Iour du Seigneur, qui est le Soleil.
Bien-heureus lieu, puis-que Iésus-Christ,
le Soleil de Iustice, y paroit par la predication
de sa Parole, tel qu'il aparut à
Apoc. 1.
Saint Iean en l'Apocalypse ; avec sa ceinture
d'or, symbole de sa charité, dans l'union
de toutes les Eglises de cette Province
en un Corps : Et puis-qu'il y paroit
encore, tenant dans sa main, non pas
sept, mais sept fois sept Etoiles, qui sont
autant d'Anges ou de Pasteurs ; & marchans,
non pas au milieu de sept, mais de
sept fois sept Chandeliers d'or, qui sont
autant d'Eglises.
[Ren-]
Rendons-luy graces, mes Freres, de
ce que dans la mystique Betsémés, c'est à
dire, dans l'Eglise où nous sommes par la
misericorde dont cet Orient d'enhaut
nous a visitez, il a tellement purifié notre
Ciel, c'est à dire, nôtre Religion, que
nous pouvons clairement l'y contempler,
comme l'unique Soleil de Iustice,
qui porte la santé dans ses ailes ; sans qu'il
soit obscurcy à notre veuë par les noires
fumées du Puits de l'abyme ; c'est à dire,
par l'Erreur & par la Superstition, qui
font dans les esprits quelque chose de
semblable à ce que produisent les nuages,
dans la moïenne region de l'air.
Oüy, elles font voir aus Hommes des Parélies,
c'est à dire, de faus Soleils, qu'ils
prénent pour le veritable.
Les Payens, dans ces tenebres spirituelles,
ont pris la copie pour l'original.
Ils ont pris le Serviteur pour le Maitre, le
Soleil Creature pour le Soleil Createur.
Des Chrêtiens même, qui l'eust creu ? se
figurent aujourduy plusieurs Soleils, c'est
à dire, plusieurs Mediateurs envers
Bellarmin
l. 1.
de Indul.
cap.
4.
Denis
le Char.
Mdo-pze,
Aléxis
de
Salo, & autres Devots de la S. V.
Stellar. Coronæ B. Mariæ,
lib. 6. parte 1. Alain de la
Roche, Salazar &c.
Dieu ; & comme quelques uns d'eus en
parlent,
a en quelque façon plusieurs
Rédempteurs.
D'où vient que d'autres appellent
[pellent]
la Sainte Vierge, Sauveresse, Propiciatrice,
Redemptrice. Fatale meprise, de
prendre de simples Etoiles pour le Soleil !
Aveuglement étrange, de faire de la Lune
un Soleil ! Oüy, de poser qu'il y a deus
Soleils dans le Ciel de l'Eglise, c'est à dire,
deus Noms pour être sauvez, Iesus &
Marie.
Alexandre le Grand disoit fort bien,
que la Nature ne pouvoit soufrir deus
Soleils. La Grace n'en peut admettre
deus non plus. Tous les Saints & toutes
les saintes du Paradis, ne sont que de
petites images, & que de foibles rayons,
du Soleil, qui est le Sauveur du Monde.
Ils n'en ont ni la grandeur, ni la force, ni
les proprietez essencielles. Et bien loin
de nous aporter la Santé, c'est à dire le
Salut dans leurs ailes, ils sont malades
eus-mêmes, ils sont Pécheurs, ils ont besoin
d'un Soleil qui les guerisse. La Sainte
Bien-heureuse Vierge le reconnoit elle-
même.
Mon ame, dit-elle, glorifie le Seigneur :
Luc 1.
& mon esprit est ravy de joye en Dieu,
qui est mon Sauveur .
Ce pavillon du Soleil
de Iustice, pour saint & pour glorieus
qu'il puisse étre, n'est donc pas le Soleil
de Iustice luy-même : Et ce Temple de
Dieu ne doit pas être pris pour le Dieu
[du]
du Temple, comme a dit excellemment vn
Ancien.
A Dieu ne plaise, que nous entreprenions
jamais d'ôter l'unité au Soleil
de l'Eglise. Dans la Nature, le Soleil
est sans pair & sans égal. Dans la
Grace, quel autre soleil avons-nous au
Ciel, que toy, ô soleil de Iustice
? Nous
Ps 73.
n'en avons point d'autre, non plus, en la
Terre. Hommes, ne dites point, aprés
Boniface VIII. que le Pape est
le Grand
Luminaire . N'établissez point au Vatican
En sa
Bulle Vnam
sanctã.
vn soleil qui mêle la plenitude de son
Iour aus lumiéres de la conduite des
Evêques, comme vous l'avez écrit, il n'y a
pas encore deus ans. Ecoutez la sage
Lettre
Circulaire
de
l'Assemblée
tenue
à
Paris le
2. Octob.
1663.
Examẽ
de cette
Lettre.
remontrance de quelques Docteurs de
votre propre Communion. Ce n'est pas
"moy qui parle : c'est eux. Et voicy leurs
"propres termes. Iesus-Christ seul est le
"soleil de l'Eglise, parce que c'est luy
"seul qui ait en luy-méme la source de
"la Lumiére. Tous les autres, quelque
"éclairez qu'ils puissent être, ne sont
"que des Lampes qui tirent leur lumiére
"de ce soleil ; comme il dit luy-même
"de saint Iean Batiste,
Il étoit vne
"lampe ardente & luisante. Le propre du
Peu aprés.
"soleil est de posseder la lumiere dans
[soi-même,]
"soi-même, & de ne la point emprunter
"d'ailleurs. C'est ce qui ne convient qu'à
"Dieu : Et toute Créature, dit saint Augustin,
"peut bien être Lumiére, mais
"illuminée ; & non pas Lumiére illuminante
"par soy-même. La plenitude
"du Iour, est le Iour sans aucun mélange
"de tenebres : Ce qui est le propre de
"Dieu, selon saint Iean, Dieu est la Lumiére,
"& il n'y a en luy aucunes tenebres.
"Comment donc peut-on, sans une espéce
"de blasféme, attribuer la qualité
"de soleil, & la plénitude du Iour, à
"vn Homme revétu d'infirmité ; & qui,
"quelque saint qu'il pût être, se doit reconnoitre
"chargé de plusieurs pechez,
"qui sont les veritables tenebres de l'ame,
"comme dit le méme saint ?
Ces mémes tenebres de l'Erreur & de
la superstition, qui comme de funestes
nuages couvrent la face du soleil de Iustice,
sont cause que l'on alume des chandelles
en plein midy. Cela n'est pas seulement
vray à la lettre : Il l'est encore
dans la figure. C'est qu'en ce grand Iour
de l'Euangile, on ralume la lampe du
Sanctuaire Mosaïque ; c'est à dire, le Service
matériel & charnel, les Ceremonies
& le Culte de Loy, en plusieurs chefs :
[comme]
comme si nous êtions encore sous ses
ombres. Souvenez-vous, Chretiens, que
non seulement le Soleil de Iustice s'est
levé sur notre Horison, il y a déja plusieurs
siecles ; mais que même il est élevé
sur tous les Cieus, comme dans son
Apogée, par son Ascension trionfante.
Iean 4.
Aprenez à la resplendeur de la Lumiere
Evangelique, à servir Dieu en esprit &
en verité.
A ces mêmes figures, & à ces mêmes
ombres de la Loy, apartiendra la doctrine
de la manducation charnelle de la Victime,
c'est à dire, du Corps de Iesus Christ
notre Seigneur : comme autrefois sous
la Loy, on mangeoit de la bouche du
corps la chair des sacrifices. Mais qu'est-
ce autre chose, que ramener Christ d'enhaut ;
d'où cependant il ne doit descendre
Rom. 10.
qu'au dernier Iour ? Qu'est-ce autre
chose, qu'attribuer à ce Soleil de
Iustice, moins de vertu pour se communiquer
à nous, & pour nous aporter
la santé dans ses ailes, sans quiter
le sejour de sa Gloire, & sans faire
entrer sa substance corporelle au dedans
de nous ; que le Soleil de la Nature
n'a de force, pour nous faire sentir &
sa lumiere & sa chaleur, sans descendre
[de] de sa Sfére, & sans un atouchement corporel
de sa substance ? Chretiens, Iésus-
Christ est votre viande & votre bruvage,
comme il est votre Soleil : Et il n'est
votre Soleil que d'une maniére toute
spirituelle & toute céleste. Elevez donc
Col. 3
vos cœurs en haut, où Iesus-Christ est
assis à la Dextre de Dieu son Pére.
Efés. 1.
Vous tous, Chers Fréres, à qui Dieu
a donné les yeus de l'entendement illuminez,
admirez icy, avéque moy, ce
Esa 9.
Soleil, dont le nom est
l'Admirable. Vn
Filosofe Payen disoit faussement autrefois,
qu'il n'auoit été mis au Monde que
pour contempler le Soleil. Mais il est
veritable icy, Ames Fidéles, que la volonté
du Créateur est, que nous contemplions
Iean 6.
incessamment le Soleil de Iustice,
qu'il nous a manifesté ; & qu'en le
contemplant nous ayions la Vie éternelle.
O que le Soleil de la Nature est obscur,
qu'il est petit, qu'il est bas, qu'il
est impuissant, au prix de ce Soleil de la
Grace ! L'un n'a qu'une lumiére empruntée
du Créateur, le quatriéme jour
de la Création ; & qui doit être changée,
si elle ne périt pas, à la fin des Siecles.
Iean 17.
L'autre, a la source de la Gloire en
luy-même, avant que le Monde fust fait ;
[&] & il la possedera invariablement jusques
dans l'éternité. L'un, n'est que cent
soixante-six fois plus grand que la Terre.
L'autre, est si vaste que les Cieus des
1. Rois 8.
Cieus ne sont pas capables de le comprendre.
L'un, est plus bas que le Firmament.
L'autre, est plus haut que tous
les Cieus. L'un, n'a ni ame, ni sentiment,
ni intelligence. L'autre, est le Prince de
vie ; & c'est en luy que sont cachez tous
Actes 2.
les tresors de sagesse & de science. L'un,
Col. 2.
n'éclaire que les Corps, & ne fait voir
que les choses corporelles. L'autre, est
la Lumiére des Ames ; & il nous découvre
les choses que l'œil n'a point veuës,
1. Cor. 2
que l'oreille n'a point ouïes, & qui ne
sont point montées au cœur de l'Homme
: mais que Dieu a préparées à ceus
qui l'aiment. L'un, ne rend ni la Veuë
aus Aveugles, ni la Vie aus Morts. L'autre,
nous donne des yeus, & il ouvre
nos tombeaus. L'un, enfin, ne conduit
les Hommes que sur la Terre & sur l'Eau.
L'autre, n'est pas seulement & la Lumiére
& la Voye qui nous méne dans les
IeanF
& 14 8.
Cieus : il est aussi la Porte des Cieus ; &
Iean 10i
si quelqu'un entre par luy, il sera sauvé.
Ravis donc & transportez, à l'aparition
de ce Soleil, chantons-icy tous ensemble
Luc 1.
[semble] le Te Deum de Zacarie,
Benit soit
le Seigneur, le Dieu d'Israël de ce qu'il a visité
& qu'il a delivré son Peuple. Et mélant
nos voix au Concert des Anges, entonnons
Luc 2.
cette Hymne trionfale,
Gloire à Dieu
dans les Cieus tres hauts ; & en Terre paix ;
envers les Hommes bonne volonté. Que le
2. Cor. 5.
Lever de cet Orient d'enhaut, qui fait
toutes choses nouvelles, excite les aplaudissemens
de toutes les Creatures ; & fasse
naitre l'alegresse dans celles-là même
Ps. 98.
qui n'ont point de sentiment. Oüy, que
comme chante le Psalmiste, les Fleuves
même frapent des mains ; & que les montagnes
éclatent de joye.
Nous lisons dans les Histoires du
Huaina
écaac
Nouveau Monde, qu'un grand Roy du
Pérou, considerant la course journaliere
& invariable du Soleil, en tira cette
consequence, que sans doute, étant assujéty
comme il êtoit à une tâche si reguliere,
il faisoit l'ofice d'un Serviteur ;
& qu'ainsi il n'êtoit pas le Maitre de la
Nature qu'il falût adorer. Chretiens,
que ce que Iesus est nommé un Soleil,
c'est à dire, un Serviteur ; & que ce qu'il
a voulu, & se lever par par sa Naissance,
& se coucher par sa Mort, pour obeïr à
Dieu son Pere, ne vous empesche pas
[de]
de l'adorer religieusement, comme le
Createur de l'Vnivers. Il ne s'est fait
Serviteur icy-bas, luy qui n'estimoit point
rapine d'être égal à Dieu, que pour vous
Fil. 2.
faire regner la-haut dans la Gloire. Et
Dieu a dit luy-même,
Baisez le Fils , qui
Ps. 2.
est ce Soleil de Iustice ; c'est à dire, Adorez-
le. Car le baiser êtoit la marque de
l'adoration du Soleil, entre les Peuples
de l'Orient, qui ne pouvans atteindre
jusqu'à ce grand Astre, baisoient leur
Iob 31.
main par un acte religieus, en le regardans.
Mais baisez encore ce Fils de Dieu, ô
Hommes ! C'est à dire, recevez-le avec
foy & avec amour dans vos cœurs, comme
le Sauveur du Monde. Et demandez-
Cant. 1.
luy que reciproquement il vous baise
des baisers de sa bouche ; Car si vous
rejetez, par impenitence & par incredulité,
la Lumiere de ce Soleil, vous demeurerez
éternellement dans les tenebres
de la Mort. Qui ne croit point au
Iean 3.
Fils, la colere de Dieu demeure sur luy ;
Et
le Soleil de Iustice , qui est un Soleil de
Grace, devient pour luy
un feu consumant .
O Iuifs ! ô Payens ! qui tirez brutalement
Ebr. 12.
contre ce Soleil les invisibles
fléches de vos blasfemes, sachez
[qu'il]
Ps. 45.
qu'il a des rayons brûlans, des fléches
mortelles, qui percent le cœur des Iuliens
Mat.11.
ses Ennemis. Mais c'est à vous pauvres
Pecheurs, qui vous sentans travaillez
& chargez de vos maladies spirituelles,
aprochez devotement de ce Soleil,
pour en avoir la guerison ; c'est à vous,
dis-je que s'adresse veritablement aujourduy
la Promese de Malachie. Oüy,
soyez certains que vous trouverez, non
seulement la santé, mais l'Immortalité
même, dans les ailes de ce Soleil.
Que si, ô Chrestiens : vous vous vantez
que le Soleil de Iustice s'est déja levé
Iaq. 2.
dans vos cœurs, montrez votre foy par
1. Thess.
5.
vos œuvres : témoignez par vos actions,
que vous étes Enfans de Lumiere & Enfans
Fil. 2.
du Iour ; & vivez, durant la nuit de
ce Siecle, comme des Flambeaus alumez
Iude.
aus rayons de ce divin Soleil. Ne vous
servez point de sa Lumiere, pour faire
les œuvres des tenebres, & ne changez
point la Grace de Dieu en dissolution.
Au contraire, souvenez-vous que s'il y
a santé, c'est à dire, remission & Propitiation
dans les Ailes du Soleil de Iustice,
c'est afin que Dieu soit craint. Car
Ps. 30.
lors-qu'il dit,
A vous qui craignez mon
Nom se lévera le Soleil de Iustice : & la santé
[ sera ]
sera dans ses ailes , il nous marque dans
cette crainte, & une préparation à cette
Grace, & un éfet de cette Grace. Cette
crainte de Dieu est l'Etoile, & qui précede,
& qui suit notre Soleil : C'est à dire,
& qu'il y a une Repentance qui marche
devant la Foy, & qu'il y a une Repentance
qui marche aprés elle.
Nous tous, dit saint Paul, qui contemplons
2. Cor. 3.
comme un miroir la gloire du Seigneur,
à face découverte, sommes transformez
en la même image, de gloire en
gloire, comme par l'Esprit du Seigneur.
Mais helas ! que plusieurs de nous, éclairez
de cette sorte par la manifestation de
l'Evangile, portent une image contraire
à celle du Redempteur ! Qu'il y en a parmy
nous, qui dans leurs mœurs, portent
plûtôt l'image du Prince des tenebres,
que du Soleil de Iustice ! Qu'il y en a parmy
nous, qui par les noires vapeurs de
leurs vices & de leurs débauches, empeschent
les Etrangers d'apercevoir en
notre Betsémés la pureté de ce Soleil &
de son service ! Et qu'enfin nous avons
tous abusé, par notre ingratitude, de la
Lumiere de ce Soleil !
Pour de semblables abus, le Soleil de
Iustice s'est couché en Orient, & s'est
[levé]
levé en Occident : Et Dieu a permis, que
par un étrange prodige, le Croissant ait
obscurcy le Soleil. C'est à dire, que les
Eglises d'Orient s'êtans renduës, pour la
plûpart, indignes de la Lumiere de la
Grace, Dieu l'a retirée d'une infinité de
lieus, qui gemissent à present sous les tenebres
de l'Imposteur Mahomet. Mais
nous avons profité de leur disgrace : Et
l'adorable Soleil s'est avancé vers nous,
en les quittant. Craignons aujourduy,
mes Freres, qu'une ingratitude pareille
à la leur, n'atire sur nous une pareille vengeance.
Craignons que Dieu ne soit las
de se repentir de ses menaces, comme
Ieremie
15.
en parle elegamment Ieremie : Et que,
Amos 8.
comme dit Amos, il ne fasse coucher
notre Soleil en midy.
Mais comment l'arrêterons-nous, ce
Soleil qui nous menace de quiter notre
Iosué 10.
Hemisfere
? Iosué, par ses prieres, arrêta
le Soleil en Gabaon, pour vaincre les
ennemis d'Israël. Ainsi, Freres bien-aimez,
arrêtons au milieu de nous, par nos
vœus, le Soleil de Iustice, sans lequel
nous ne pouvons vaincre, ni la colere de
Dieu, ni Satan, ni le Peché, ni la Mort.
O incomparable Soleil ! qui est l'Ame
de nos ames, & la Lumiere de nos
[cœurs] cœurs, demeure avec nous, demeure au
Luc 14.
dedans de nous. Et si nous te chassons
par nos vices, purifie-nous toy-même de
Ebr 9.
nos soüillures, par la vertu de tes rayons ;
2. Cor. 5.
& nous faisant de nouvelles Creatures,
ren-nous dignes de ta presence.
En éfet, il est absolument necessaire
d'ajouter l'amendement à nos vœus, si
nous voulons conserver ce Soleil sur notre
Horison. Paresseus spirituels, réveillez-
1. Cor. 15
vous du sommeil des vices, afin de vivre
justement, puisqu'il y a si long-tens
que le Soleil s'est levé. Oüy, réveille-toy,
Efes. 5.
toy qui dors, & te releve d'entre les
Morts ; & Iesus-Christ t'éclairera. Chrêtiens,
que l'ardeur des rayons du Soleil
de Iustice fende les rochers de vos
cœurs, pour en faire sortir des eaus d'une
veritable repentance : Et que fondant la
glace de ces mêmes cœurs, elle vous embrase
tous des feus d'un divin amour.
Que comme le Soleil penétrant dans
les entrailles de la Terre, y engendre
l'Or & les Pierres précieuses ; & que
penétrant dans le fond de la Mer, il y
produit les Perles & l'Ambre-gris : Ainsi,
ce Soleil de Iustice ayant penétré vos
cœurs, il y engẽdre une Foy plus precieuse
que l'Or, une Esperance plus exquise
[que] que les Pierreries, une Integrité de conscience
dont la blancheur surpasse l'éclat
des Perles ; & une souëve odeur de Vertus,
dont le parfun soit plus dous que celuy
Cant.6.
de l'Ambre gris. O mystique Espouse
du Seigneur Iesus ! tu ne dois pas seulement
être belle comme la Lune, mais
Apolc2
aussi être pure comme le Soleil. Oüy, tu
dois être revêtue du Soleil de Iustice,
non seulement par la foy, mais aussi par
la sanctification ; foulant la Lune à tes
piez, c'est à dire, méprisant les choses
basses & inconstantes du siecle. Enfin,
mes Freres, soyons tous comme autant
d'Heliotropes, pour regarder constamment
notre Soleil : Et semblables à l'Etoile
du matin & du soir, ne nous éloignons
jamais de luy, ni au matin de la
Ps. 73.
prosperité, ni au soir de l'aversité.
Ceus
qui s'éloignent de toy periront. Mais
pour nous, d'aprocher de toy, & de demeurer
éternellement unis avec toy,
c'est notre souverain bien, ô Soleil unique
de nos Ames !
Heureus donc, & trois fois heureus ! si
le Soleil de Iustice se léue ainsi dans nos
cœurs ; & s'il y produit de si glorieus
éfets. Oüy, qu'aprés cela le feu de Sina,
c'est à dire, la malediction de la Loy
[nous]
nous poursuive ; nous trouverons sous les
Ailes de notre Soleil, par un éfet oposé
à celuy du Soleil de la Nature, le rafraichissement,
c'est à dire, la Propiciation
necessaire. Que notre air se trouble &
se noircisse ; les nuages des aflictions, &
publiques & particulieres, nous cachent
le Soleil de la paix & de la prosperité du
siecle ; les rayons de notre Soleil reluiront
toûjours dans nos Ames, en consolation
& en joye, au milieu de ces nuages.
Et lors même que nous aurons à
passer par la valée d'ombre de Mort, ces
divins rayons nous rendront la Vie, en
nous faisant lire, & sur les portes du
tombeau, & sur la plaque de nos cœurs,
Bien-heureus sont ceus qui meurent au Seigneur.
Apoc. 14.
Oüy, certes, dit l'Esprit : car dès maintenant
ils se réposent de leurs travaux, & leurs
œuvres les suivent . Ainsi, nous ne fermerons
icy-bas nos yeus au Soleil de la Nature,
que pour aller voir là-haut le Soleil
de Iustice dans la Gloire. Vn Filosofe
souhaitoit autrefois, de pouvoir envisager
de prés le Soleil, quand il luy en eût
dû coûter la vie. Ah ! que je meure, mon
Dieu ; mais plûtôt que je passe de la
Mort à la Vie ; pour aller contempler face
à face le Soleil du Soleil, que je ne vois
1 Cor. 13.
[icy]
icy qu'obscurément, par les yeus de la
Foy & de l'Esperance. Mon desir tend
à deloger, pour être avec Iesus-Christ
mon Soleil : car il m'est beaucop meilleur.
Ame fidele, te fâche-t-il neanmoins
de laisser ton Corps, pour voler à ton
Soleil ? console-toy dans l'atente du dernier
Lever de ce Soleil. Le Saint Esprit,
Gen. 1.
en la Creation, échaufoit par la vertu
de ses rayons, la masse informe & tenebreuse
du Caos, pour en faire éclorre
l'Vnivers. Mais à la fin du Monde, le Soleil
de Iustice, étendant ses Ailes, inspirera
& la chaleur & la vie aus cendres de
nos tombeaus. Alors, ô Saints bien-
heureus ! comme le Soleil frapant sur les
Ps 68.
ailes d'un pigeon, le couvre d'argent &
de fin or, & que donnant sur des globes
de crystal, il les change, en quelque sorte
en sa ressemblance : Ainsi par l'irradiation
du Soleil de Iustice, vôtre Corps
Fil 3.
vil sera fait conforme à son Corps glorieus :
& vous reluirez tous éternellement,
comme autant de Soleils, au Royaume
Mat. 13.
de votre Pere. AMEN, AMEN.