SERMON
SVR CES PAROLES
du Ps. XCV. vers. VII.
Aujourdui, si vous oyez sa voix , n'endurcissez
point vôtre cœur.
DIEV, MES FRERES,
qui est infiniment sainct, &
souverainement juste,
n'a pas seulement ordonné
un certain jour, auquel il
doit juger le monde Vniversel en justice,
& punir de perdition éternelle ceux qui
sont rebelles à ses commandemens; mais
il déploye dés ici bas divers jugemens,
& revele tout à plein du Ciel sa colere
sur toute impieté. Il descend quelques
fois de son throne,pour visiter les enfans
des hommes, & envoye ses fleaux par la
terre, pour chastier leur iniquité. Il
est vray que la fin & la cause de ces
jugemens est extremement differente:
Le premier ne tend qu'à satisfaire sa justice,
qui a esté irritée ; les seconds sont
destinez à la correction des pecheurs:
Les peines de l'un sont éternelles & irrevocables;
depuis que ce grand Iuge a
une fois prononcé son Arrest, & livré les
criminels entre les mains des Exécuteurs
de sa haute justice, il n'est force aucune
qui delivre de sa main ; il n'est larmes, ni
regrets de l'avoir offensé qui le puissent
flêchir ; quand il a une fois aiguisé la lame
de son espée, il ne la rangaine iamais,
qu'il ne l'ait enyvrée du sang de ses ennemis,
& qu'il n'ait rougi la terre des effets
de sa foudroyante colere : Mais les
chatimens des autres peuvent estre destournez
par des prieres, & par la repentance.
Dieu en use envers l'homme icy bas
comme les Princes agissent quelques fois
envers les Criminels de Leze Majesté:il
lui a donné vn certain terme,à sçauoir la
durée de la vie de chacun, pour retourner
à lui, & rentrer en ses bonnes graces.
Si durant cet espace, il s'humilie en sa
[presence,]
presence, & pleure ses fautes,& s'estudie
à amendement; Dieu l'asseure dés ici bas
de sa grace & de sa clemence, & lui promet
sa gloire au siecle à venir : Mais s'il
mesprise ses inuitations & ses exhortations,
& s'obstine en ses pechez ; il ne lui
reste plus qu'a estre lié de chaisnes éternelles,
pour estre plongé en l'estang ardent
de feu & de souffre, & tourmenté
jour & nuict éternellement avec le Diable
& ses Anges. Voila pourquoy l'Eglise,
instruite en la conoissance des secrets
de Dieu, toutes les fois qu'elle a senti sa
main extraordinairement appesantie sur
elle,a eu recours aux prieres, & aux jusnes,
pour rallumer sõ zele& sa pieté,pour
implorer la misericorde du pere celeste,
& pour appaiser son courroux par une
humble confession de ses fautes, par
pleurs, & lamentations.
FRERES bien aimés en nôtre Seigneur
Iesus Christ, S'il y eut jamais un
temps où nous ayons deu penser à ce procedé
de Dieu, & à nous humilier ainsi
devant lui ; la calamité pour laquelle
nous gemissons nous avertit assez que
c'est celuy-ci. Il eut bien esté sans contredit
de nôtre devoir, de prevenir ce
funeste coup de la main de Dieu,il avoit
parlé à nous des long temps,il nous avoit
souvent menacé, & monstré mesmes la
verge de loin, par les chastimens dont il
a visité plusieurs de nos Freres : Mais,
comme Achaz demeura toûjours Achaz,
nous avons vescu comme si nous eussions
esté d'intelligẽce avecque la mort,& que
le fleau debordé ne nous deust jamais
attraper. Dieu n'avoit rien oublié pour
nous attirer à soi par des
cordages d'humanité;
il nous conservoit nôtre liberté temporelle;
Il nous dõnoit des saisons fertiles
pour nous nourrir avecque plaisir, il faisoit
fleurir les arts,& rouler heureusemẽt
le negoce:Et ce qui est infiniment plus,il
nous entretenoit de sa mãne, des paroles
de vie éternelle;tandis que nos voisins estoient
en lãgueur faute de pâture,& que
leur ame s'assechoit par le defaut de ces
Esa.I.
eaux salutaires. Mais,
O Cieux ! Soyez étonnez ;
& Toi, Terre, sois saisie d'horreur. Le
bœuf conoist son possesseur, & l'asne la creche
de ses maistres; mais Israel n'a point de conoissance,
mon peuple n'a point d'intelligence. Au
lieu de le benir,pour tant de graces dont
nous lui estions redeuables, Il nous en a
[pris] pris comme à ces profanes Iuifs, qui
pour
s'estre faits gros, gras, & espais, par
Deut.32
les benefices de Dieu, ont regimbé contre
lui, & ont deshonoré le rocher de leur salut.
Que falloit-il attendre apres vne ingratitude
si noire ? sinon de voir changer la
patience de Dieu en fureur, & succeder
les coups de sa justice, aux effets de sa
bonté ? Vous l'avez veu, Mes Freres, &
vous le sentez avec douleur : mais qui
sçait si c'est vne douleur selon Dieu ? Qui
sçait si elle vient d'une serieuse detestation
de vos fautes ? Qui sçait si elle est
accompagnée d'une ferme resolution de
mieux vivre à l'avenir ? C'est pourtant
l'unique voye de remedier à vos maux;
C'est l'unique moyen de détourner les
autres verges de Dieu. Et c'est pour
vous former à cette sainte disposition,
que nous avons pris l'exhortation du
Profete, pour en tirer les vsages propres
à l'estat où nous nous trouvons.
Aujourdui,
si vous oyez sa voix, n'endurcissez point
vôtre cœur .
Vous tous, qui estes icy presents,
prestez l'oreille aux paroles de sa
bouche, & sa langue degorgera un bon
propos. Venez, & lui disons tous ensemble
avec Samuel, en resolution de lui
fidelement obeïr ; Parle, Seigneur, car
tes Serviteurs escoutent. Et toi, Dieu
des bontez, source de lumiere & de grace ,
condui tellement nos pensées &
nôtre discours, que nos cœurs fondus en
larmes d'une vraye repentance esteignent
le feu de ta colere, & qu'estants
convertis à toi nous t'aimions & t'adorions
tous les jours de nôtre vie, pour
jouïr sous ton ombre de paix & de prosperité.
L'escriture Saincte, MES FRERES,
nous apprend que Dieu ne parle pas aux
hommes d'une mesme maniere, & elle
fait mention de diverses sortes de voix.
Il y a premierement la voix de la nature,
qui sont ces beaux ouurages du monde
& l'admirable conduite de la Prouidence,
par laquelle Dieu manifeste ses vertus.
Ce qui fait dire au Prophete,au
Pseaume I9. que
les cieux preschent la gloire de Dieu,
& l'estendue donne a conoistre l'ouurage de ses
mains, Il n'y a point en eux de langage & il
n'y a point de paroles : toutesfois sans cela leur
voix est ouie, leur parole est allée par toute la
terre, & leur propos jusques au bout du monde .
En effet , pour peu que nous y appliquions
nos esprits,Que sont toutes ces
[belles] belles creatures qui composent l'vniuers,
& ce merveilleux ordre dans lequel elles
ont esté agencées & se maintiennent encore
aujourdui ? sinon autant de herauts,
qui d'vne puissance voix appellent les
hommes à la conoissance de la divinité
& de ses perfections infinies : & si vous
considerez la maniere dont il entretient
le genre humain ; les pluyes & la fertilité
de la terre, la production des fruicts,
la beauté des fleurs, la generation des
animaux destinez à leur service, & ces
inombrables benedictions qu'il verse incessamment
ici bas ; que sont tous ces
biens, sinon autant de tesmoignages de
la benignité de Dieu, autant d'effets de
sa grace,par lesquels il les rappelle de leur
esgarement ? C'est ce que S. Paul dit
au
I4. du livre des Actes ,
Dieu ne s'est jamais
laissé sans tesmoignage envers les hommes, en
bienfaisant, envoyant les pluyes du ciel, & les
saisons fertiles, & remplissant leurs cœurs de
viande, & de joye .Ajoûtez à cela les maux,
dont il afflige le genre humain : Car il en
est de Dieu comme d'un Maistre, qui
voyant la débauche de ses serviteurs,lors
que sa bonté & ses douces remonstrances
ne servent pas à les en retirer, y employeroit
les coups & la correction de la
main:d'ou vient que l'Autheur de
l'Epitre
aux Ebreux,au I2.ch.appelle les châtimẽs,
une discipline & reprehension du Seigneur: &
Ier.au 5.de ses Profeties, se pleint des Israelites
de ce qu'ils estoiẽt sourds&rebelles
à cette voix,
Eternel,dit-il, tu les as frappez,
& ils n'en ont point sẽti de douleur.tu les as
cõsumez,& ils ont refusé de recevoir instructiõ,
ils ont endurci leurs faces,plus qu'une roche,ils
ont refusé de se convertir .
Ie sçai bien que le
monde bouche ordinairement l'oreille à
cette voix : je sçai bien que la pluspart
prennent les afflictions, comme des
coups du hazard & de la fortune, ou des
effets de l'imprudence & de la foiblesse
des hommes : Mais pour vous, Fideles,
sachez que tous ces evenements sont dispensez
par la sagesse de la Providence
divine,pour vous avertir de vôtre devoir,
& pour vous convertir à Dieu.Ie confesse
que nous ne voyons pas tousiours les
raisons de ce qui arrive aux Particuliers;
mais il est certain, & c'est une chose reconüe
par les Payens mesmes, que les calamitez
publiques & extraordinaires
sont des effets de la colere de Dieu, qui
fait monter les peuples, commes des Criminels,
sur de grands eschaffauts, pour
faire voir sa justice, & donner de la terreur
à tout le reste du monde. Car quand
vous voyez les miseres qui sont de temps
en temps sur la face de la terre,ne croyez
pas qu'elles viennent simplement d'une
certaine disposition des corps ou des
esprits des hommes. C'est un secret jugement
de Dieu, qui, à cause de leurs pechez,
chastie tantost ceux-ci, & tantost
ceux-là ; les uns d'une maniere, & les autres
d'une autre. Toutes les fois donc que
vous entendez parler de desolations de
Villes,d'Estats, & de Royaumes ; Toutes
les fois que vous voyez les ravages, que
font les pestes,les guerres, les orages, &
les incendies, soyez persuadez que c'est
Dieu qui les met ainsi en mõstre, non pas
qu'ils soiẽt plus grans pecheurs que vous,
mais pour vous dire, que si vous ne vous amendez,
vous perirez tous semblablemẽt . Mais
il y a une seconde sorte de voix, je veux
dire celle de la Loi,qui declare aux hommes
la remuneration que Dieu promet à
la sainteté,& les peines dont il punira les
pecheurs. Vous sçavez quel en fut le redoutable
appareil, ayant esté prononcée
parmi les éclairs, les tonnerres & les foudres:
la montagne trẽbloit jusqu'aux fondemens:
l'air retẽtissoit d'un son effroyable
de cornet, & ne presentoit aux yeux
des Israelites que flammes & fumées:
Dieu luy mesme paroissoit au dessus , en
forme d'un feu consumant.Et pourquoy
pensez-vous qu'il apparut en un estat si
terrible ? sinon pour apprendre, à vous
tous pecheurs, ce que c'est que de tomber
entre les mains du Dieu Vivant; car
que peuvent attendre ceux qui desobeissent
à sa voix, sinon des supplices, & des
tourmens éternels ? Enfin, il y a la voix
de l'Evangile, les enseignemens, les promesses,
& les remonstrances, que Dieu a
faites aux hommes par la bouche de son
propre Fils,& par celle de ses Serviteurs,
les Prophetes, les Apostres, & les Pasteurs
à qui ces divins hommes ont remis
le bon depost de la foi. Ce sont là
les trois Dispensations, par lesquelles
Dieu s'est communiqué aux hommes:les
vns n'ont rien veu que ce qui se peut conoître
de lui par les ouvrages de la creation,
& par les effets generaux de sa providence,
les autres, comme les Israelites,
ont esté instruits plus clairement de sa
volonté, & de ses vertus, par la predication
de la Loy & de l'Evangile ; d'ou
vient que le Prophete exaggerãt leur felicité,
[licité,]
& l'amour de Dieu envers eux, dit
au
Ps.I47. Il declare ses paroles à Iacob, ses
statuts, & ses ordonnances à Israel ; il n'a pas
ainsi fait à toutes les nations, & pourtant ne
conoissent-elles point ses ordonnances. Les
troisiémes sont ceux à qui les derniers
temps sont parvenus, & à qui Dieu
a parlé par son fils manifesté en chair;
qui n'ont pas seulement toutes les lumieres
de la Nature & de la Loy,mais outre
cela des revelations infiniment plus claires
& plus excellentes. Quelle est donc
la voix que le Prophete entend en ce
lieu ? Certainement, on ne peut nier que
nous n'entendions tous la voix de la nature :
Ne voyons-nous pas tous ce magnifique
theatre du monde, qui publie
de toutes parts la bonté, la puissance, &
la sagesse de l'Ouvrier qui l'a formé ? Ne
voyons-nous pas tous ce soin paternel,&
cette benignité inestimable, avec laquelle
il nous conserve, & nous fournit les
biens necessaires à nôtre entretien ? Et
de plus, nous sçavons desormais par sa
parole, que c'est lui qui a formé le soleil
& les estoilles , qui couvre de nues les
cieux : qui appreste la pluye pour la terre ;
Ps.147.
qui fait produire le foin aux montagnes :
qui donne au bestail sa pasture;qui
espard la neige, & les frimas ; qui fait
souffler les vents , & trembler la terre:
qui benit, & qui maudit : qui destruit,&
qui conserve : qui appourit, & qui enrichit :
qui fait mourir, & qui fait vivre:
qui fait monter sur le throne, & qui en
fait descendre : qui tient en un mot toutes
choses en sa main, & qui en dispose
comme bon luy semble. D'ailleurs, nous
avons les Paroles de la loi, les preceptes
qu'elle ordonne, les choses qu'elles defend,
les promesses qu'elle fait à ceux
qui l'accompliront, les menaces qu'elle
denonce à ceux qui la transgresseront.
Ce n'est pas neantmoins de ces deux sortes
de voix que le Profete parle proprement
en ce lieu ; Il entend particulierement
& expressément la parole de l'Evangile.
Il est bien vrai que le Profete
s'addresse dans ce Pseaume aux Israelites :
il est bien vrai qu'il leur fait cette
exhortation;mais comme les revelations
de l'Ancien Testament regardoyent
principalement le Christ, & les mysteres
de la Nouvelle Alliance ; la pluspart des
choses contenuës dans les Profetes, appartiennent
tellement aux Israelites, que
[neant-]
neantmoins elles ne se verifiẽt pleinemẽt
qu'en l'Eglise du N.T. Et il est évidẽt que
ce Pseaume est entieremẽt Profetique, &
que ses expressiõs ne s'ajustent,qu'avec le
temps de la nouvelle Alliance.Car 1°.des
l'entrée le Profete convie les fideles à se
réjouïr,à cause du regne de Dieu,& à jetter
des cris de joye, au rocher de nôtre
delivrance : or il est constant parmi les
Iuifs mêmes, que le regne de Dieu est le
regne du Messie;& il est certain,que c'est
le Messie, qui est le liberateur & le redempteur
de la nation. En second lieu,
Quand le Profete à la fin de ce Pseaume
exhorte les hõmes à n'endurcir pas leur
cœur, de peur d'estre privez du repos de
Dieu;quel peut estre ce repos dont il menace
que les rebelles serõt exclus,sinon le
royaume des cieux,figuré par la terre de
Canaan,& promis pas l'Evãgile?puis que
David vivoit long-tems apres que le peuple
fut entré au repos de la Terre de Canaan.
Ioignez encore à cela,que le terme
d'aujourdui, employé par le Profete, designe
sans doute un jour singulier & considerable
par dessus les autres;& quel est
ce jour memorable dans les écrits des
Profetes,sinon le jour du N. Testament ?
[C'est]
C'est ce que l'Apostre monstre au
6. de la
2. Corint. où il applique au temps du
Nouveau Testament, ce qu'
Esaie avoit
dit au 49. de ses Propheties,
Ie tai exaucé,
dit Dieu, en temps agreable, & t'ai secouru au
jour de salut,voici maintenant le temps agreable,
Voici maintenant le jour de salut. D'ou
paroist que la voix, dõt le Prophete nous
parle, est l'Euangile de Christ. C'est la
declaration de la volonté de Dieu touchant
le salut du genre humain ; C'est la
reuelation de son Fils, de la dignité de sa
Personne, de la verité de sa doctrine, de
ses Charges, & de ses benefices, & de la
vertu de sa mort, & de sa resurrection
glorieuse, & de ces autres mysteres ; Ce
sont les exhortations à la foi, & à la repentance;
C'est la promesse du salut & de
la vie à ceux qui croirõt en lui;& les menaces
de la mort, & de la perdition eternelle,
à ceux qui s'obstineront dans l'impenitence, &
dans l'incredulité. Car c'est
là la voix de Dieu parlant en l'Evangile ;
Act.3
Amendez vous, & croyés à l'Evangile, &
vos pechés seront effacez ;
Qui croit au
Fils a la vie éternelle, mais qui desobëit au
Jean.3.
Fils ne verra point la vie, mais la colere de
Dieu demeure sur lui .
[C'est] C'est doncques à vous,Mes FRERES,
que Dieu parloit il y a desia pres de trois
mille ans par la bouche de David : & il
ne faut pas vous en estonner. Il en vse
de la sorte,à cause de la Maiesté & de la
gloire de son Fils, pour preparer de bonne
heure le monde à lui obeïr ; comme
les Princes envoyent des Herauts longtemps
auant leur arrivée,pour avertir les
peuples de les recevoir conformément à
leur qualité.Et il le fait encore pour nôtre
propre bien : parce qu'il n'est rien de plus
important à nôtre bon-heur, que d'ouir
sa voix, & de nous soumettre à ses commandemens.
Voilà pourquoi le Profete
s'exprime en des termes si précis,
Aujourdui,
dit-il, si vous oyez sa voix. Comme
s'il disoit, en ce jour, où je parle à vous par
mõ Fils,où je vous declare tous les secrets
de mon Conseil, où je vous manifeste
mon infinie misericorde, & nous mets
devant les yeux la severité inexorable de
ma justice:En ce jour,dis-je, où il s'agit si
fort de ma gloire,& où vôtre salut est interessé
au dernier point, obeissez à ma
voix. C'est là evidemment le sens de cet
oracle
: aussi le Seigneur tesmoigne lui
mesme au
4.de S.Luc, que ce jour est le
temps de l'Evangile : quand il explique
du iour de sa manifestation,
ce qu'Esaie
auoit dit au 6I.de ses Reuelations,
l'Esprit
de l'Eternel est sur moi,d'autant qu'il m'a oint,
pour Evangelizer aux debõnaires, pour publier
l'an de la bienveillance de l'Eternel,& le jour
de la vengeance de nôtre Dieu ; pour consoler
ceux qui meinent duëil;& medeciner ceux qui
ont le cœur froissé .
Et c'est le stile des écriuains
du Nouveau Testament d'appeller
par excellence,
le j
our, le temps auquel
le Messie, l'Orient d'enhaut, & le Soleil
de iustice, a eclairé la terre : comme au
contraire les Prophetes, & les Apostres
appellent
tenebres,le temps sous lequel les
Israelites & les autres hommes viuoyent
auant la venue de Iesus Christ, tout cet
interualle estant dans l'obscurité,au prix
de la splendeur de la lumiere, que Christ
a epandue sur nostre horison. Ce n'est
pas que les Anciens Iuifs n'ayent oüi
l'Evangile : car ils ont esté sauuez par sa
doctrine comme nous : mais le Prophete
porte sa pensée nommément sur le temps
de la manifestation du Seigneur Iesus:
parce que c'est le jour le plus illustre, &
le plus important de tous : l'accomplissement
des temps, & le periode qui sera
suiui de l'Eternité.
[Mais]
Mais comme le discours de nôtre Profete,
ne s'adresse pas seulement en general
à l'Eglise, mais mêmes à chaque fidele
en particulier, ce terme marque tellement
le temps du Nouveau testament,
qu'il signifie aussi l'espace accordé
à chaque peuple, & à chaque homme,
pour venir à la repentance. C'est
pour vous apprendre, Chrestiens, que
toutes les fois que l'Evangile vous est annoncé,
toutes les fois que Dieu vous exhorte
à renoncer au peché, à croire à
l'Evangile, & à vous sanctifier, vous ne
devez point differer vôtre amendement
& vôtre conversion : mais aujourdui,puis
que vous oyez sa voix,n'endurcissez point
vôtre cœur : Car que sçais tu, ô homme,
si tu l'entendras encore en un autre jour ?
Que sçais-tu, si tu orras encore une fois
les mêmes exhortations ? Ne vois-tu pas
la brieveté & l'incertitude de ta vie ?Qui
est-ce qui se peut asseurer du lendemain ?
Regarde combien de gens ont esté fauchez,
lors qu'ils estoyent pleins de santé
& de vigueur ; & l'experience funeste
que nous en voyons en plusieurs de nos
freres , ne nous en est qu'un trop pitoyable,
mais criant, enseignement. Puis
donc que tu n'ignores pas qu'il est ordonné
à tous les hommes de mourir une
fois, & que tu ne sçais ni l'heure, ni le
jour, pourquoi differerois-tu une chose,
où la nonchalance te peut plonger dans
le dernier & le plus espouvantable de
tous les malheurs, & où le soin & la vigilance
au cõtraire te procureront un bien
eternel & souverain ? Aujourdui doncques,
en cette mesme heure, dit le Proféte,
à chacun de vous, puis que vous
oyez la voix de Dieu,n'endurcissez point
vôtre cœur.
L'Escriture, MES FRERES, entend
quelques fois par le cœur, l'entendement;
C'est à dire, cette noble faculté
de l'ame, où reside la conoissance ; comme
quand S. Paul dit des Gentils
I.Rom. que leur cœur destitué d'intelligence a
Deut.29
esté rempli de tenebres ; Et ailleurs, des
Iuifs,Dieu ne leur a point donné
vn cœur pour entendre : Quelques fois il se prend
pour la volonté, & les affections;comme
quãd l'Apôtre dit
4.de l'Ep.aux Eph. qu'
ils
õt leur entẽdemẽt obscurci de tenebres,
estans estrangers de la vie de Dieu,à cause
de l'ignorance qui est en eux, par l'endurcissement
de leur cœur. Ez quand Ioel
[dit] dit,
Rompez vos cœurs & non point vos
Ioël 2
vestements. D'autres fois aussi,il signifie
l'ame & toutes ses facultez ; parce qu'en
effect , leurs operations dependent les
unes des autres, & qu'elles mesmes ne
sont differentes, qu'à l'égard de leurs objets,
& de leur maniere d'agir:C'est ainsi
que Dieu dit par Ieremie,
je mettrai
ma Loi au dedans d'eux, & l'escrirai
Ier 3I.
en leur cœur. Et c'est en ce dernier sens
que David l'employe en ce lieu, pour marquer
la volonté, l'entendement, &
les affections ; Mais que veut dire le Profete ,
quand il defend d'endurcir son
cœur?Il est evidẽt, que c'est une similitude
tirée des corps, que l'on appelle durs,
quand
il ne se laissent pas facilement penetrer:
ce qui est une belle image de l'obstination
de l'ame, qui se roidit, pour ne
pas admettre les objets estrangers, qui y
seroyent autrement de l'impression:c'est
en ce sens, que les hommes s'en servent
dans le langage ordinaire, & l'Escriture
qui begaye avec nous, & qui represente
les qualitez, & les mouvements des choses
spirituelles, sous l'embleme de celles
qui frappent nos sens, l'employe particulierement
pour signifier l'opiniastreté,
l'affermissement de l'ame dans le mal.
Comme nous sommes naturellement
portez au peché, l'homme s'endurcit,
quand il fortifie ces mauvaises habitudes,
resistant aux enseignements & aux exhortations,
qui destruiroyent le vice, &
rempliroyent son cœur de lumiere, &
de saincteté. Ce qui se fait par les erreurs,
par les prejugez, & par l'amour du
monde, & de ses convoitises ; lors que
l'homme aveuglé par ses mauvaises affections
prefere le mensonge à la verité,
& les biens, les honneurs,& les voluptez
de ce siecle, à la felicité du royaume de
Dieu ; & qu'apres ce jugement corrompu,
il s'attache opiniastrément au monde,
& rejette avecque fierté la voix de
Dieu, qui le vouloit convertir des tenebres
à la lumiere, de l'infidelité à la foi,
du peché à la justice : Et c'est ce qui
arrive infailliblement en tous ceux, qui
sont abandonnez de Dieu à eux mesmes:
parce qu'estans aueugles aux choses de
Dieu, & attachés à la terre, Ils ne reçoivent,
& n'estiment que ce qui est conforme
à leurs inclinations.
Mais remarquez bien,MES FRERES,
que le Profete attribuë ici à l'homme l'action
[ction,]
par laquelle son cœur s'endurcit,
quand il nous dit, n'endurcissez point vôtre
cœur : Parce qu'en effet c'est l'homme,
qui s'endurcit soi mesme : C'est lui, qui
apres avoir consideré l'Evangile d'un costé,
& de l'autre les affections de la chair,
prefere par un choix aveugle, mais libre
pourtant, les doctrines, & les biens du
monde, à la verité de l'Evangile, & aux
avantages du royaume des cieux ; Et
c'est lui, qui ayant ainsi jugé, embrasse
le bien apparent, quoi que faux en soi, &
rejette l'autre, pour excellent & veritable
qu'il soit. Ainsi les Iuifs desesperants
de conquerir la terre de Canaan, à cause
de la force des Villes & de leurs habitants,
s'obstinerent par une lasche timidité,
à n'entrer pas dans le païs ; aimants
mieux retourner honteusement en arriere,
que de marcher à cette conqueste,
sous l'estendart du Dieu des armées,
quelque effort que fissent sur leur esprit
ces deux genereux espions Iosué & Caleb.
Et lors qu'Esau vendit son droit
d'aisnesse, pour manger d'un potage de
lentilles ; figure de la folie & de la profaneté
de l'homme, qui prefere les biens
de cette vie, à la felicité eternelle du
Paradis ; vous voyez qu'il consulte, qu'il
delibere, qu'il examine le bien qui lui
peut revenir de ce qu'il demandoit à Iacob,
& contrepese la perte qu'il faisoit
en vendant le privilege qu'il avoit d'estre
l'aisné : mais enfin, son avidité prevalant
en lui, & considerant l'incertitude de sa
vie, il se resout de son bon gré par un infame
mespris à vendre son droit d'aisnesse
pour vne chose de neant. Il est bien
vrai que l'Escriture dit ailleurs, que
Dieu endurcit le cœur de l'homme : Moyse
ne le dit-il pas expressément de Pharao :
Ex. 4.
Rom.9.
& S. Paul, ne prononce-il pas que Dieu
endurcit celui qu'il veut, & qu'il fait misericorde
à qui il veut. Comment dirons
nous donc que l'homme s'endurcit soi
mesme ? Ne croyez pas,MES FRERES,
que Dieu epande les tenebres en l'entendement
de l'homme, ou qu'il ploye sa
volonté, & les affections au mal : arriere
de nous une pensée si fausse & si injurieuse
à sa gloire : Mais Dieu parle de soi
de cette maniere, quand il permet que
l'homme s'endurcisse, quoi qu'il n'y opere
pas : parce que c'est luy seul qui peut
amollir, & que neantmoins il ne le fait pas,
pour de bonnes & sages raisons, &
parce d'ailleurs qu'un homme abandonné
de Dieu, s'endurcit infailliblement lui
même.Pour vous apprendre, Chrestiens,
que rien n'arrive que par le juste jugement
de ce Souverain Gouverneur du
monde ; & qu'il faut le glorifier du bien
que nous voyons dans les fideles ; & lui
demander le secours de sa grace pour resister
au peché : Mais au reste, bien que
l'homme avecque son franc arbitre ne
face jamais aucune chose loüable, parce
qu'il est vicieux au dernier point,jusques
à estre
vendu à peché ,c'est pourtant l'homme
Rom.7.
seul, & son franc arbitre, qui est la
cause de tous ses crimes ; Et qui jugeant
que le bien est mal, & que le mal est
bien, s'accoustume à n'embrasser que le
mal, où il se plaist, & s'obstine : & ainsi
s'endurcit contre la lumiere & les commandements
de la Parole de Dieu. Souvenez
vous de cette leçon, MES
FRERES, pour vous humilier devant
Dieu pour toutes vos fautes, puis que
vous seuls en estes coupables, & pour
prendre garde à vous, de peur de tomber
dans le peché. Le profete donc prevoyant
la mauvaise disposition des hommes,
car helas ! Elle est la mesme en tous,
tandis que Dieu ne les distingue pas par
sa grace,leur crie avec vn saint empressement,
Aujourdui,si vous oyez la voix de
Dieu , n'endurcissez point vôtre cœur.
Gardez-vous, vous dit le Seigneur, de
rejetter ma verité,pour demeurer en vos
fausses religions ; Gardez-vous, en recevant
mon Euangile, de perseverer au peché ;
& ce n'est pas assez de ne le traitter
pas avecque mespris ou profaneté ; mais
embrassez le,comme vne doctrine venue
du ciel; croyez à ses promesses : tremblez
à ses menaces : recherchez ses biens:
obeissez à ses commandements : & vous
soumettez à ses remonstrances : faites
qu'il entre en vos cœurs,qu'il esclaire vos
entendements, qu'il sanctifie vôtre volonté,
qu'il purifie vos affections, qu'il
s'establisse en vôtre ame, & en toutes ses
parties, pour en chasser l'erreur, & le vice,
& y gouverner vos pensées,& tous vos
mouuemẽts.Quand il parle ainsi, ce n'est
pas seulement à ceux qui sont encore incredules :
mais aussi à nous, & à tous les
autres, qui font desia profession du vrai
service de Dieu, mais en qui il ne reste
que trop de ce cœur de pierre, & de ces
mauvaises habitudes, qui nous empeschent
de recevoir la semence de l'Evangile,
[gile,]
aussi avant qu'il faudroit pour la
faire fructifier. Ouvrez donc l'oreille, ô
Chrestiens, puis que Dieu vous fait entendre
sa voix : Rendez vous dociles à ses
enseignements : & employez la lumiere
de sa verité, pour dissiper les tenebres du
vice,pour vaincre la rebellion de vos convoitises,
& pour obeir desormais à Dieu,
qui vous appele à la foi, à la Sainteté, & à
la possession de sa gloire.
Voila l'exhortation que Dieu vous
adresse , par le Saint Profete David.
Vous en avez oui en peu de paroles le
sens ; nostre principale tasche est de
l'appliquer à vôtre vsage, & pour vous,
Fideles, vôtre devoir est, d'en faire vôtre
profit, & de la rapporter à la sanctification
de vos mœurs, pour le reste de vôtre
vie. Representez-vous qui est celui qui
parle à vous; ce n'est ni un homme, ni un
Ange ; c'est le Maistre de l'univers , le
Monarque des cieux, le souverain juge
du monde ; Si ceux qui ont mesprisé
celui,qui parloit sur la terre,ne sont point
Ebr. I2.
eschappez ; combien plus serons-nous
punis, si nous mesprisons celui qui parle
des cieux ? Certes, MES FRERES, vôtre
conscience vous est tesmoin, que Dieu
[vous] vous a adressé sa voix : Car où est le peuple,
à qui il ait esté Evangelisé plus purement,
& plus clairement ? Nous pouvons
Act.20.
vous dire,ce que S.Paul disoit aux fideles
d'Ephese,que nous ne sommes point
retenus, que nous ne vous ayons annoncé
tout le conseil de Dieu : Mais si nous
regardons l'effect que cette parole a produit,
quel endurcissement, quelle obstination
n'y verrons-nous point ? Car quel est
le vice, que nous ayons corrigé,depuis
tant de temps qu'il y a , que Dieu parle à
nous ? Quel est le peché dont nous nous
soyons amendés ? Dieu ne nous a pas seulement
appellé à soi par ses benedictions
terrestres ; Il ne nous a pas seulement
adressé ses remonstrances,& par sa parole,
& de vive voix par ses Serviteurs;mais
il a mesme comme levé la main pour nous
punir par les divers maux de guerre,& de
mortalité, qui ont travaillé nos freres, &
dont nous avons esté depuis peu menacés :
& il nous avoit encore supportez en
ses grandes misericordes, nonobstant
l'enormité de nos pechez passez : cependant,
au lieu de profiter de sa benignité,
& des chastimens de nos freres,& de devenir
sages à leur exemple ; comment
[avons-]
avons-nous vescu jusques ici, tous tant
que nous sommes? N'avons-nous pas esté
sourds à ces voix de Dieu ? N'avons-nous
pas esté du nombre de ceux, qui ont veu
la verge sans l'escouter,& la froisseure de
Ioseph, sans s'en esmouvoir, pour requerir
l'Eternel & se corriger. Quel vice y
a-il parmi les Mondains, qui ne regne au
milieu de nous ? Combien d'impieté,
d'injustice, & de fraudes ? Combien de
negligence pour le seruice de Dieu ?
Combien de froideur envers le prochain ?
Combien de crimes atroces, & de pechez
criants ? Enfin, enfin, Dieu lassé du
mespris de sa parole, & de nôtre mauvaise
vie, a tonné du haut de son ciel, & a
lancé ses foudres, & ses eclairs, qui ont
mis en cendre nos maisons, & leurs habitans.
Parce que nous n'avons pas marché
en la lumière de sa parole, il nous a fait
voir vne autre lumiere, mais vne lumiere
terrible, & dont la seule veue nous a fait
fremir : parce que nous avons abusé de
ses graces temporelles & spirituelles, il
nous a changé le feu,qui nous est en joye
en cette saison, en vn sujet d'horreur, &
de desolation : parce que nous avons
vescu dans la securité de la chair, il nous
a esueillés au plus fort de nostre sommeil
aux cris tragiques de nos concitoyens.
Vous avez veu l'vn des plus florissants
quartiers de la ville embrasé, deffiguré,
destruit, & evanoui en un instant de devant
vos yeux : il n'en est resté que des
ruines affreuses pour estre un monument
de la colere de Dieu. Vous avez veu les
biens de ce grand nombre de familles
qui y habitoyent, rauis, consumez, &
aneantis en vne nuict : pour vous dire,
I.Pier.I.
que,
Toute chair est comme l'herbe, & toute la
gloire de l'homme, comme la fleur de l'herbe,
l'herbe est bruslée, & la fleur est cheute. Mais
ce qui vous doit demeurer eternellement
au cœur, pour en pleurer devant Dieu;
& devant les hommes,est la mort lamentable
d'une si grande multitude de gens.
Ionas 4.
Dieu s'indigna autresfois contre Ionas,
& espargna la ville de Ninive,à cause des
petits enfans innocents,qui ne sçauoyent
pas discerner entre la droite & la gauche :
mais ici, ô douleur
! la colere de
Dieu a passé par dessus ; & comme si nous
estions plus indignes de sa grace, que ces
payens d'autresfois, il a enleué par ce feu
deuorant les femmes aux maris, & les
maris aux femmes, & a tranché le fil de la
[vie]
vie aux plus tendres enfans,sous les yeux
des peres & des meres. Vous tous passants,
venez, & contemplez ma playe,
voyez s'il est aucune douleur qui soit
semblable à la mienne ! Escrions-nous
auec le Profete, certainement la journée
de l'Eternel est grande, & fort terrible,
& qui la pourra soustenir ? O vous, habitants
de Geneue, à qui l'odeur en a esté
portée dãs vos propres maisons plusieurs
jours durant, Asseurez-vous que c'est vn
auertissement qui vous dit , que vous
aviez tous merité vn semblable traittement ;
qu'vn feu encore plus redoutable
vous est preparé, si vous ne vous amendez;
que celui qui commande à la nature,
& aux elements, les peut employer
aussi aisément contre vous, que contre
vos freres; & que si vous subsistez encore,
ce n'est qu'vn effect de sa patience & de
sa gratuité. Benissez le donc de vôtre
conseruation, & vous reconciliez avec
lui à l'avenir. Car d'ou pensez-vous que
vienne cet horrible embrasement ? n'en
cherchez pas la cause, ni dans le hazard,
ni dans l'imprudence des hommes ; ce
sont nos pechez qui ont fait separation
entre nous,& nôtre Dieu;ce sont nos iniquitez
qui ont fait, qu'il a caché sa face
arriere de nous. Ie n'entreprends pas
d'en faire le denombrement,apres ce qui
vous a esté dit par les Serviteurs de Dieu,
qui ont parlé devant nous ; & le jour ne
suffiroit pas pour les decrire : car il faut
avouer à nôtre grande confusion, & à la
gloire du support de Dieu, que depuis la
plante du pied jusques au sommet de la
Esa. I.
teste, il n'y a rien de sain,ni d'entier,mais
meurtrisseure de toutes parts, & playes
pourries. I'en toucherai seulement quelques vns,
dont nous avons tous les jours
des sujets de pleinte. Et pour commencer
à parler avec des vices secrets, & que l'on
couure avec soin ; où est-ce que l'envie &
les animositez regnent avecque plus de
fureur ? ces passions malignes qui nous
font penser jour & nuict aux moyens de
causer du prejudice, & de donner de
l'ennui à nôtre prochain ; Et qui est-ce
qui n'en sent les tristes effets ?Ne voit-on
pas encore que les familles se dechirent
les unes les autres ; le mari & la femme;
les Peres, & les Enfans ; les alliez & ceux
qui sont d'un mesme sang;Ne voit on pas
que tout ce que la nature&la societé devroit
unir le plus estroittement,est en des
[divisions]
divisions, comme eternelles & implacables ?
O Dieu ! où est la marque des vrais
Disciples de Christ : je veux dire cette
amour pure & sincere,si agreable à Dieu,
& si utile à chacun ? Encore nôtre fierté
n'en demeure pas là : mais quand les amis
communs,les Pasteurs, & les Consistoires
s'employent à les reünir : Nous ne
t'escouterons point, disent-ils en eux-mesmes,
encore que tu parles au nom
de l'Eternel, nôtre interest & nôtre passion
prevaudra. Est-ce ainsi, que vous
obeissez à la voix de Dieu, Peuple fol, &
qui n'estes pas sage?Est-ce ainsi que vous
honorez Iesus Christ vostre Seigneur,
qui ne vous a rien tant recommandé,que
l'amour fraternelle, & qui vous a donné
sa paix, pour le plus doux tesmoignage
de sa faveur, & pour la plus illustre livrée
de la profession de sa verité ? Que dirai-je
des autres pechez ? Le premier qui a
perdu les hommes, c'est l'orgueil : & la
premiere vertu du Chrestien, c'est l'humilité :
Mais, où la trouverez-vous cette
divine vertu ? Ie ne parlerai pas des ornements
excessifs de nos maisons, des tapisseries,
des licts, des riches ameublements,
plus dignes pour la pluspart des
Princes du siecle, que d'un vrai Chrestien,
qui doit estre humble devant Dieu,
& modeste en sa condition. Ie ne dirai
rien du luxe de nos habits, de ces modes
affectées, & bien souvent deshonnestes,
plus conformes aux gens du monde, que
convenables à la profession des saincts:
Vne chose ne puis-je taire, autant commune
parmi nous, que honteuse à nôtre
religion ; c'est que l'on forme les enfans
à cette vanité, avec autant ou plus de
soin, qu'a l'honnesteté & aux bonnes
mœurs ; comme s'ils degeneroyeut de
leur condition, & n'entendoyent pas la
civilité necessaire entre les hommes,
pour ne sçavoir pas imiter les gens du
monde en des choses contraires à la pieté,
incompatibles avec la modestie de
l'un & de l'autre sexe, condamnées par
toutes les Eglises, & scandaleuses à ceux
de dedans & de dehors. Pourquoi donc,
ô mondains, faites-vous profession de la
religion du Seigneur Iesus ? vous craignez
le monde ! Vous apprehendez son
mespris ! & ne sçavez vous pas, que
si vous avez embrassé la croix de Christ,
[le monde]
le monde vous doit estre crucifié,& vous,
au monde ? N'est-ce pas plustost vne occasion
que vous devez prendre, de rendre
la doctrine de nôtre Sauveur honorable
entre les hommes, en faisant Voir
qu'à cause de lui, & de sa parole, vous ne
voudriez pas faire la moindre démarche
contre l'honnesteté & les bonnes mœurs.
Iusques à quand clocherez-vous des deux
costez ? Vous voudriez faire profession
de la doctrine de Christ, & cependant
imiter la vie de ceux qui le deshonorent:
non, non, ne vous flattez pas ; si l'Eternel
est vôtre Dieu, si Iesus est vôtre Sauveur,
si sa parole est la regle de vôtre vie ; Vous
ne pouvez separer ce que Dieu a conjoint,
la pureté de la foi,& la saincteté de
la conversation. Mais il y a bien plus.
Car que dirons-nous des pechez crians,
des crimes odieux parmi les Idolatres
mesmes, foudroyez en cent endroits de
la parole de Dieu, & qui plongent le
corps & l'ame des hommes dans l'abysme
de perdition ? I'entends les adulteres &
les paillardises, qui sont des sortes de vices
pour lesquels Dieu perdit autrefois
Sodome & Gomorre. Oui, le bruit en
est monté jusqu'au ciel,l'Eglise en gemit,
les Estrangers s'en scandalisent : & il n'y
a, ni avertissement de la parole de Dieu,
ni remonstrance de ses Seruiteurs, qui
operent pour nous amender : Misérables!
I.Cor.6.
Avez-vous oublié la sentence de l'Apostre,
que les paillars, & les adulteres,
n'heriteront point le royaume de Dieu ?N'avés-vous
jamais leu vôtre procés dans le Profete
Ierem.5.
Ieremie,
ils sont cõme des chevaux bien
repeus, quand ils se levent le matin : chacun
hennit apres la femme de son prochain : ne
punirois-je ces choses-là, dit l'Eternel,
mon ame ne se vengeroit-elle point d'vne nation
qui est telle ? Tairai-je les fraudes &
les iniustices qui se font entre quelques
vns des marchands & des artisans ? Au
lieu de la sincerité & de la candeur que
nous devons avoir en toutes nos affaires,
combien y en a-il qui n'occupent leur
esprit qu'a tromper leur prochain ? tantost
en vendant à vn prix excessif, & surprenant
l'innocent ; tantost en falsifiant
les marchandises ; ou fraudant les poids,
& les mesures. Il y en a mesmes qui ne
font pas conscience de frustrer les ouvriers
de leurs salaires ; soit en retenant
le juste prix de leurs peines, soit en leur
donnant en payement des choses qui
[leur] leur sont à charge, au lieu de leur aider à
soustenir leur vie. Injustes:qui, parce que
vôtre condition vous met à couvert de
leur ressentiment, mesprisez le cri de
leurs familles ; vn cri pourtant qui entre
jusqu'aux oreilles de l'Eternel des armées,
& qui fera descendre sa malediction sur
vous, & sur vos biens. N'y en a-il pas
aussi qui despouïllent les poures,pour enrichir
leurs maisons ? les vns par de specieux
proces, les autres de vive force,
à cause de leur authorité, les autres avec
artifice.Cruels,qui ne craignez pas Dieu,
parce que vous ne craignez pas les hommes !
mais sachez que vous ne demeurerez
pas impunis : la sentence en est desia
pronõcée:c'est Dieu lui même qui declare
par son Profete
Hab.
Que la trauaison de
c.2..v.II
la paroi criera d'entre le bois, & que pour vrai
il l'orra, pour en faire la punition .Ie n'aurois
jamais fait, si je voulois tout parcourir:
Ie ne puis pourtant passer sous silence
deux autres defauts , autant frequents
parmi nous, que parmi ceux qui ne connoissent
point Dieu : ie veux dire les
blasphemes, & les juremens, les détractions,
& les mesdisances. Entrez dans
les compagnies, discourez en particulier,
qu'entendrez-vous autre chose,que
des serments, & des execrations ? Vous
diriez qu'ils ont pris à tasche de profaner
le saint nom de l'Eternel, & que c'est
vne marque d'esprit, & de valeur, que
d'offenser sa Souveraine Maiesté : vous
diriez, que pour orner leur langage, ils
vont chercher les fleurs de la Rhetorique
des Demons. Est-il possible que des
gens enroollez sous les enseignes de
Christ,arrosez de son Baptesme, nourris
de son pain, eslevez & entretenus en sa
maison,tiennent des discours qui l'outragent
en face,& qui feroyent horreur à ses
propres ennemis? Est-il possible que nous
soyons si aveugles, & si perdus de sens
que d'irriter ainsi vne Maiesté, qui n'a
qu'a vouloir nous perdre,pour nous écraser
à l'instant ? Ce n'est pas tout : car la
matiere ordinaire de nos entretiens,
qu'est-ce sinon des discours de mesdisance :
tantost ouvertement,& à haute voix:
tantost adroittement & avec finesse,
comme ces empoisonneurs qui cachent
le venin. Ainsi qu'estes-vous, ô hommes,
à juger de vous par vôtre langage?Certes,
non plus des Reformés, mais pires que
des Idolatres : non plus des Chrestiens,
[mais]
mais des profanes : non plus des hommes,
mais des Diables : car le propre du
Diable est de blasphemer Dieu, & de calomnier
les hommes. N'adjousterai-je
point à cela l'yvrognerie & la gourmandise,
que l'on voit en la pluspart du commun
peuple ? Malheureux, qui portez
l'image de Dieu, & qui viués cependant
comme si vous n'estiez que des bestes :
car si Dieu vous a donné la raison,
pourquoi la noyez-vous dans le vin?
pourquoi l'offusqués-vous des fumées de
la debauche ? Quelle honte, quelle indignité !
qu'ayants vne ame spirituelle &
immortelle, vous l'abbaissiez au rang de
celle des animaux, qui sont depourveus
d'intelligence; au lieu de la conserver pure
& nette, & tousiours capable de contempler
les vertus & les ouvrages de
vôtre Createur,de mediter les merveilles
de vôtre redemption, & de glorifier par
les pensées de vôtre cœur, & par les expressions
de vos bouches celui par la faveur
duquel vous subsistez. Parlerai-je
encore des friponneries & des larrecins,
que tant de gens commettent?qui au lieu
de s'occuper au travail d'une honneste
vacation, & de se contenter de ce qu'il
plaist à Dieu leur donner par des voyes
legitimes,employent les vns l'infidelité&
la tromperie,les autres la violence, pour
avoir ce qui appartient à autrui : comme
si, parce qu'ils ne sont pas apperceus des
hommes, ils se pouvoyent cacher aux
yeux de Dieu, qui voit tout & en tout
temps, perçant jusqu'aux plus profondes
cachettes du cœur, & decouvrant toutes
choses dans les plus epaisses tenebres,
comme dans la plus claire lumiere. Ie ne
puis m'empescher de deplorer ici le crime
odieux de ces malheureux, qui ont
osé mettre la main sur le bien de ceux,
qui l'ostoyent de devant les flammes. I'ai
honte d'ouir encore proclamer par la ville
des choses que l'on devroit rẽdre avec
empressement. O execrable peché ! de
violer la Loi de nostre Dieu, tandis que
sa verge nous frappoit si rudement ; O
iniquité criante ! d'adiouster affliction à
l'affligé: iusques à quãd demeurerez-vous
endurcis ? Voulez-vous sçavoir le iugement
qui vous est preparé ? N'avez-vous
Ios.7
jamais leu l'histoire d'Achan: pour avoir
caché vn lingot d'or & vne manteline,
il fut condamné à estre bruslé avec sa
maison, & tout ce qui estoit à lui : Allez,
[Allez] Allez des à present restituer ce que vous
avez, si vous ne voulez estre jettez en de
plus horribles flammes, qui sont celles de
l'Enfer. Enfin,mais par où finirai-ie dans
cette corruption generale? I'aime mieux
vous renvoyer à vôtre propre conscience,
car qui pourroit dire nos pechez cachez?
Qui pourroit exprimer tant de crimes
commis par erreur, par ignorance,
& par fierté ? regardez qu'elle est vôtre
vie,considerez vos déportemens,comparez
vos mœurs avec la loi de Dieu ; Mais
ne vous flattez point ; vous pouvez surprendre
les hommes, mais vous ne sçauriez
tromper Dieu
; il sonde vos reins &
vos cœurs, & il est incorruptible en son
jugement:& quand vous vous ferez examinez,
vous verrez, vous verrez iusques
où vous l'avez irrité:vous verrez combien
de fois, & en combien de sortes vous
l'avez offensé. Ah ! MES FRERES, si
Dieu prenoit garde à nos iniquitez, qui
est-ce de nous qui subsisteroit
? Confessons,
confessons ici devant lui l'enormité
de nos fautes;confessons
que ce sont les gratuitez
Lam.
Ier.3.
de l'Eternel, que nous n'auons pas esté
consumez . Car ne vous vantez pas, ie vous prie,
de la profession que vous faites de
l'Evangile, cela ne feroit qu'aggraver
vôtre condamnation : vous escoutez l'Evangile,
dites-vous; vous n'estes ni Turc,
ni Payen, ni Idolatre : voilà qui va bien:
mais cet Evangile, n'a-il pas vne voix de correction
& d'amendement, aussi bien
que de doctrine? de sanctification, aussi
bien que de verité?Que faites-vous donc
en suivant l'vne en apparence, & rejettant
l'autre en effect;sinon vous rendre
doublement coupables ? car le seruiteur
qui aura conu la volonté du maistre, &
ne l'aura pas faite, sera batu de plus de
coups. Que reste-il donc dans ce lamentable
estat ? sinon que nous nous iettions
aux pieds de la Majesté de Dieu, & que
nous arrestions sa colere par nos larmes
& par nôtre repentance ? venez disons-
lui vn chacun de nous, car nous n'en
avons tous que trop de besoin ; Dieu ! sois
appaisé envers moi qui suis pecheur ; & puis,
eslevez vos coeurs à lui,pour lui dire comme
S-Paul, Seigneur, que veux-tu que ie face?
Il y a encore lieu à la repentance ; Il y a
encore moyen d'appaiser nôtre Dieu;
car il pardonne tant & plus à ceux qui
ont l'esprit froissé & qui tremblent à sa
parole. Nous voyons au liure des Nombres,
[bres]
que Dieu irrité contre les Iuifs, fit
deuorer par le feu quelques Israëlites au
bout du camp, pour estre sanctifié par les
autres. C'est ce que Dieu demande de
vous ; que vous vous purifiez desormais
de toute iniquité.Les Anciẽs, & sur tout
les peuples du Septentrion brusloyent
les corps morts, au lieu de les enterrer ;
soit pour les nettoyer de ce qu'il y avoit
de terrestre ; soit pour eslever plus facilement
au ciel, comme sur vn chariot de
feu, ce qu'il y avoit en eux de divin. Ce
que ces idolatres ont fait en leur ignorance ;
faisons le, MES FRERES, dans
la lumiere de la verité : bruslons tout ce
qu'il y a de mauvais en nous, toute cette
crasse de vice qui nous retient en la terre;
& tenons tousiours nos pensées & nos
affections eslevées vers le ciel. On dit
qu'vn jour les Perses, qui adoroyent le
feu pour leur Dieu, ayans esté batus par
les Grecs qui en tuerent vne prodigieuse
multitude, esteignirent leurs feux par
tout le pays,comme ayans esté profanez
par cette défaite, & en envoyerent
querir au temple de Delphes pour se
sanctifier de nouveau. Nous n'avons pas
besoin, MES FRERES, d'esteindre les
nôtre, ni d'en apporter de dehors, comme
ces Barbares : Mais il y a vn feu au
dedans de nous, qu'il nous faut necessairement
esteindre : Ie veux dire nos convoitises
& leurs flammes : & il y a un autre
feu qu'il faut rechercher avec empressement,
pour esloigné qu'il soit ; j'entends
le feu de l'Esprit de Dieu,qui éclaire,
qui échauffe,qui purifie,& qui viuifie:
montons par nos oraisons iusques aux
voutes celestes au temple de la Divinité
où il reside , pour en faire descendre
quelques portion ici bas, & ne nous donnons
point de repos, que nous ne l'ayons
obtenu. Le temps presse, Mes freres,
Car aujourdui, si vous oyez la voix de
Dieu,n'endurcissez point vôtre cœur. Le
feu s'approche : Gardez-vous de differer:
l'Ange de Dieu vous crie, ou plustost
Dieu lui mesme & l'Ange de sa face, Sauvez-vous
de cette generation peruerse . Voici
encore le jour agreable : voici encore
le jour de salut: Mais si vous le mesprisez, si
vous endurcissez vos cœurs, si vous
perseverez en vos vices ; il viendra vn autre
jour , jour de tenebres & d'obscurité,
jour de nuées & de brouillars espais,
jour de vengeance & de destruction,
[auquel]
auquel vous chercherez l'Eternel ; mais
il ne sera plus temps. Considerez que
Dieu va par degrez en ses jugements : &
tout ainsi que le Seigneur, voulant quitter
le peuple des Iuifs à cause de leurs
iniquitez,enleva premierement sa gloire
de dessus les Cherubins, & la mit sur le
seüil du Tẽple;du seüil,sur la porte Oriẽtale ;
de là, sur la montagne : d'oú enfin
il disparut : de mesmes en est-il de ses
Eglises ; il menace pour un temps ; en
apres il chastie ; & si l'on s'obstine , il
retire enfin sa protection, & abandonne
à l'erreur, au peché, à toutes les miseres
de cette vie, & à toutes les horreurs du
siecle à venir.Represẽtez-vous la cõduite
de l'ancien monde;Dieu le fit avertir par
Noé Heraut de justice , l'espace de six
vingt ans ; que s'il continuoyent en leur
train, il abysmeroit la terre par les eaux
de deluge : durant ce temps-là,qui estoit
leur aujourdui, les choses allèrent leur
train, on vivoit comme auparavant, on
mangeoit, on beuvoit, on bailloit en mariage,
on se mocquoit de la predication de Noë;
mais enfin le deluge vint qui les fit tous
perir. Lot pareillement avertit ceux de
Sodome, que Dieu les alloit destruire:
mais il sembloit à ses gendres qu'il rioit;
jusques à ce que le Ciel s'esmeut, & que
les flammes, & le souffre reduisirent en
cendre Sodome , & Gomorre, leurs
campagnes, & leurs habitans. Ierusalem
fut menacée quarante ans avant sa
desolation, mais chacun continua en sa
mauvaise vie ; jusques à ce que les Romains
vinssent assieger, piller, saccager,
& brusler le Temple & la Ville, où perirent
jusques à onze cent mille personnes.
Voyez ce que c'est que d'avoir negligé le
jour de la visitation de Dieu ! ce que c'est
que de fermer l'oreille à sa voix, & de
laisser échapper l'occasion ! L'Espouse au
Cantique des Cantiques, pour avoir refusé
d'ouvrir à son bien-aimé, le vit retirer ;
c'est à dire,pour avoir mieux aimé
ses plaisirs & son repos, que d'obeïr à sa
parole : & lors qu'estant parti, elle voulut
l'avoir, elle ne le trouva plus;elle courut
bien apres luy, par les ruës ; mais en
vain;elle n'en remporta que des playes &
des coups.Les Vierges de l'Evangile,pour
n'avoir pas eu assez d'huile,figure de la lumiere
de la foi & des bonnes œuvres, attendirent
[tendirent]
bien l'Espoux, en dormant;
mais elles ne purent pas entrer en la
chambre des noces. O mes Freres bien-aimez ;
Ces choses sont escrites pour vôtre
instruction:Escoutez la voix de Dieu,
tandis que
ce j
ourdui est nommé : Qui sçait
si vous serez encore demain? Vous n'eussiez
pas dit il y a quinze jours, que tant
de personnes, qui ne pensoyent à rien
moins qu'a mourir , eussent dû estre presentement
consumées.Passez des choses
de ce monde à celles du Ciel ; & des
chastimens de cette vie, au jugement à
venir.Ne sçavez-vous pas que le Seigneur
viendra comme le larron en la nuit,c'est
à dire, au jour & à l'heure qu'on ne l'attend
point ? Et que sera-ce,lors que Dieu
sera assis sur son throne de justice ? Que
sera-ce, lors que les cieux passeront avec
2.Pier.3
un bruit sifflant de tempeste, que les elemens
se fondront de chaleur, & que la
terre, & toutes les œuvres qui sont en
elle brûleront entierement ? Que sera-ce,
lors que le Seigneur Iesus, assis sur vn
tribunal dans les nuës, precipitera les impies
en l'abysme de la geenne du feu ? Car
il viendra , n'en doutez point , & il ne
retarde point sa promesse, comme disent
les mocqueurs, mais il est patient envers
nous, ne voulant point qu'aucun perisse,
mais que tous viennent à repentance.
Quels vous faut-il donc estre en sainctes
conversations, & en œuvres de pieté,
en attendant & vous hastant à la venuë
du jour de Dieu ? Que le meschant
delaisse son train, & retourne à l'Eternel
nôtre Dieu : Que le juste, s'il y en a, se
sanctifie encore.Allons, MES FRERES,
brûlons, consumons, & mettons en poudre
aujourdui tous nos vices ; qu'il ne
s'en voye plus de traces au milieu de
nous. Offrons cét holocauste à Dieu.
C'est à vous,MAGISTRATS,à le faire les
premiers : comme vous estes les Lieutenants
de Dieu au milieu de ce peuple,
vous en devez porter une plus vive image :
si dans le monde,ceux à qui les Princes
ont communiqué quelque charactere
de leur Majesté, ne voudroyent pas
faire aucune chose qui le deshonorast:
Combien plus faut-il prendre garde à
soustenir avec honneur la qualité que
Dieu vous a donnée ? Il ne vous a pas
seulement appellés à exercer des œuvres
de foi, de pieté, & de sainteté, comme
les autres fideles : mais aussi à administrer
[strer]
la justice, pour maintenir la vertu,
& pour exterminer le vice. Arriere donc
de vos conseils la precipitation & les
jugemens sans conoissance de cause;
Arriere l'acception des personnes, la faveur,
& la haine. Vous n'exercerez pas la
judicature de par un homme, mais de
par Dieu qui est parmi vous. Comme il
est incorruptible en ses jugements, vous
le devez estre dans les vostres. Bannissez
la chicane, ce monstre d'enfer qui espuise
de biens les familles, & qui éteint la
crainte de Dieu. Faites desormais que par
une inviolable equité on voye les bonnes
loix observées, les meschans punis, & la
cité de Dieu nettoyée d'iniquité : à la
joye des gens de bien, & à la confusion
des impies. Vous, Peres & Meres, sanctifiez
vos maisons : Qu'elles soyent des
escholes où l'on n'entende que des leçons
de pieté & de sainteté : Que la Parole
de Dieu y habite richement ; Que
son saint Nom y soit tous les jours invoqué :
Que le chant de ses louanges, & la
lecture de sa parole y resonne ordinairement ;
afin que vos enfans & vos serviteurs
profitent en sa crainte, & soyent
come autant de Seraphins devant la
face de Dieu.Monstrez leur, sur tout,
les premiers toutes sortes de bons exemples.
D'où croyez-vous que vienne la corruption
des familles ? C'est de ce que les
Chefs ne prennent pas le soin d'eslever
leurs enfans en la pieté, & de les former
aux bõnes mœurs.Lors que nous avõs leu
quelque passage de la Parole de Dieu,ou
que nous avons oüi vn Sermon ; qui est-ce
qui leur en fait remarquer les leçons,
afin de les pratiquer ? On leur parle de
toute autre chose. Lors qu'ils rendent
raison de leur foi à leurs Pasteurs, pour
estre receus à la communion de la Sainte
Cene ; pensez-vous que les peres ou les
meres daignent s'y trouver pour voir leur
capacité ? nullement : on se contente
d'y envoyer vn ami, ou vn domestique.
Pourquoi cela ? sinon parce que tout nôtre
cœur est au monde, & que nous n'avons
de religion & de pieté, qu'autant
qu'il en faut pour passer pour gens de
bien devant les hommes. Encore ce defaut
ne seroit pas si odieux,s'ils voyoyent
au moins en nos mœurs des exemples de
vertu: mais qu'entendent-ils pour la plûpart,
de la bouche des Peres & des Meres,
sinon de tres-mauvaises paroles ?
[Que]
Que voyent-ils en leur conduite, sinon
de vicieuses actions ? cependant Dieu
vous redemandera conte de vôtre vie &
de leur education : Appliquez-vous donc
desormais à purifier & vous & les vôtres,
pour rendre vos maisons comme autant
de temples de Dieu,& vos personnes autant
de vaisseaux consacrez à son service.
Si Dieu vous a donné des richesses, s'il
vous a eslevez aux honneurs ; que vôtre
premiere pensée pour vous, & le premier
enseignement pour les vôtres,soit, non de
s'enorgueillir, non de mespriser vos freres,
non de vous jetter dans les excez du
luxe, ou des débauches du monde ; mais
de leur apprendre la grace que Dieu
vous a faite:de leur representer, qu'estants
ainsi honorez de Dieu, vous & eux estes
d'autant plus obligez à seruir avec soin à
sa gloire, & à celle de son Euangile : Il ne
vous a pas donné des biens, pour en abuser,
pour avoir dequoi fournir à vos vices,
pour satisfaire à vos appetits ; mais
pour le glorifier par des actions de graces,
par pieté, & par modestie : Il vous a
rendu considerables entre les hommes;
mais, afin que vôtre lumiere luise devant
eux, afin que voyans vos bonnes œuvres
ils glorifient vôtre Pere qui est aux cieux.
Vous tous,MES FRERES,renonçans aujourdui
à vôtre vie passée, & à toutes les
corruptions de ce monde, faites paroistre
que vous avez veritablement escouté
la voix de Dieu, & que vous lui
voulez desormais fidelement obeir:Que
le luxurieux renonce à ses débauches, &
possede son vaisseau en honneur & en
sanctification : Que l'avare & le trompeur
leve ses mains en sincerité & en innocence :
Que le vindicatif quitte ses
querelles, & ses haines, & se reconcilie
avec ses freres. Bannissez la mesdisance,
les juremens, & les calomnies ; & mortifiez
en vn mot tous les autres vices, qui
attirent la colere de Dieu sur les enfans
de rebellion. Soyez saincts, car Dieu est
sainct : il vous appelle à la repentance, &
à la saincteté:Que vos mœurs soyent pures
& nettes, confites en pieté, en charité.
en temperance, & en honnesteté.Pleurez
vos pechez passez, & vous amendez pour
l'avenir : Et alors Dieu aggréera vôtre
jeusne,& se laissera toucher à vos larmes.
Il vous regardera de son sanctuaire d'vn
œil de compassion & d'amour : & espandra
sur vous ses plus pretieuses faveurs.
[Car]
Car quoi ? N'y auroit-il point de baume
en Galaad?Oui,MES FRERES;cet Evãgile
a vne voix de grace pour tous ceux
qui se convertissent à Dieu. Ne craignez
point pourveu que sa discipline vous
rende participans de sa saincteté. Il
vous mignardera comme vne nourrice mignarde
son enfant qu'elle allaite : & il
vous réjouira, au lieu des jours ausquels
vous avez senti vos maux. Il ne vous
sera plus vn feu consumant ; mais vne
muraille de feu pour vous proteger. Et
quand les costaux crosleroyent, & que
les montagnes se renverseroyent, sa gratuité
ne bougera point arriere de vous.
A vous, qui craignez son nom, se levera le
Soleil de justice, & santé sera en ses
aisles. Consolez vous, Fideles, qui avez
perdu vos biens : qu'estoyent-ils sinon des
choses perissables ? & qu'est-ce de vôtre
vie ? n'est-ce pas vne vapeur & vne fumée,
qui se dissipe en vn moment? qu'est-ce,
sinon vne barque de poste, & son
cours comme celui de la navette d'vn
Tisseran ? Pourquoi vous affligeriez-vous
pour des avantages d'vne si courte
durée ? O si vous estiez du nombre de
ceux, dont le partage est en cette vie, &
dont la portion est au monde, i'advoüe
que vôtre douleur seroit inconsolable:
mais quoi ? N'estes-vous pas estrangers,
& voyageurs en la terre? Ne vous suffit-il
donc pas, auec vn Apôtre S. Paul, d'avoir
dequoi vous nourrir & dequoi estre
vestus ? Ne faites vous pas profession de
chercher vn meilleur pays & de meilleures
richesses reservées au ciel?N'est-ce
pas là, où vous devez mettre vôtre cœur
& establir vôtre joye ? Vous craignez
peut-estre de manquer des choses necessaires
à cette vie ? Mais rasseurez vous, &
vous reposez en Dieu : rejettez tout
vôtre souci sur lui : il aura soin de vous.
Humiliez-vous seulement sous sa main
puissante, & il vous eslevera quand il en
sera temps. Vous, dont les entrailles
bruyent à cause de la mort de vos maris,
de vos femmes, & de vos enfans ; appaisez
le trouble de vôtre ame : Vous les
avez perdus d'vne maniere tragique ; il
est vrai ; mais, ne sçavez-vous pas que
toute sorte de mort est pretieuse devant
les yeux de Dieu ? ne sçavez-vous pas
qu'il en ordonne en son conseil le temps
& la maniere ? elle nous peut bien estonner
sur l'heure ; mais elle ne laisse pas
[d'estre]
d'estre determinée de Dieu de toute
éternité : Et quel avantage a celui dont
le corps est mis en terre, où il est rongé
par divers insectes, au prix de celui qui
est dissout en un moment ? Non, MES
FRERES , que ce funeste accident ne
vous inquiete point : il n'a rien,à le bien
prendre, de plus triste, qu'vne mort ordinaire.
Pensons tous seulement, à reconoistre
la vanité de cette vie sujette à
vne infinité de malheurs, pour en détacher
nos affections. Adorons avec humilité
les jugements de Dieu, pour en
prevenir les suites, par nôtre amendement :
Sanctifions nous de corps & d'esprit ;
& nous assurons qu'apres avoir veu
nôtre repentance, il tournera sa face sur
nous en joye, & nous envoyera les eaux
salutaires de sa grace, pour nous consoler
& nous réjouïr : jusques à ce qu'apres
nous avoir instruis par sa parole, & fait
passer par diverses épreuves, il nous face
voir sa face, & nous introduise en son
repos ; où il essuyera toutes larmes de nos
yeux, & nous fera vivre éternellement
avec lui en felicité & en gloire.Dieu des
misericordes, qui es juste en tes jugemens,
mais pitoyable en toutes tes œuvres,
Vueilles regarder de l'œil de ta pitié
le sacrifice de nos cœurs contrits, que
nous te presentons aujourdui.Exauce les
vœux & les supplications de ton peuple.
Aye pitié, Aye pitié de nous: Pardonne
nous nos iniquitez : Gueri en tes compassions
la playe que tu nous as faite au
jour de ta colere : Détourne de dessus
nous les maux que nous avons merité.
O Dieu ! fai bien selon ta bienveillance
à Sion, & edifie les murs de ta Ierusalem.
Espan tes benedictions sur ce peuple
abbatu en ta presence : sanctifie le de plus
en plus pour l'œuvre de ta grace : fai
qu'estans conservez sous l'ombre de
tes aisles, nous ayons dequoi nous éjouir
en ton Nom, & de presenter des sacrifices
éternels d'actions de graces & de
loüanges. Ainsi soit-il.