LE BONHEVRSermon
I.
DV
PEVPLE DE DIEV,
OV
SERMON SUR CES
Paroles du Ps. XXXII.
verset 12.
O que bienheureuse est la Nation de laquelle
l'Eternel est le Dieu, & le Peuple qu'il
s'est choisi pour heritage!
L'HISTOIRE Sainte
nous apprend , que la
Reine de Sçeba ayant
ouï parler de la gloire
de Salomon , eut la curiosité
de le voir, & qu'étant
venuë à Ierusalem , elle fut bien
[surprise]
Sermon
I.surprise de trouver , que la Renommée,
qui, pour l'ordinaire, exaggere les choses
au delà de ce qu'elles sont , ne luy avoit
pas dit la moitié de ce qu'il y avoit en effet.
Elle eut tant de plaisir d'entendre
les discours judicieux de ce sage Prince,
& de voir la magnificence de sa Cour,
les services de sa table , & l'ordre merveilleux
de ses Officiers , qu'elle ne pût
s'empêcher de s'écrier toute ravie en admiration ;
I. Rois
10. 8.
O que bienheureux sont tes gens,
que bienheureux sont ces tiens Serviteurs,
qui aßistent continuellement devant toi
oyant ta sapience ! Mes Freres, si cette
Auguste Reine avoit quelque raison de
tenir ce langage des serviteurs de Salomon,
qui n'estoit qu'un homme mortel,&
qu'un Prince de la terre;Que ne devons
nous dire des fideles qui sont dans le Regne
de la Grace,de ceux que le Dieu du
Ciel & de la terre reçoit dans sa Maison,
& à qui il fait l'honneur de les choisir,
non seulement pour ses serviteurs & ses
domestiques, qui assistent continuellement
devant luy;mais afin de les élever à
la dignité de ses enfans , pour être avec
luy assis à sa table & pour avoir part à
toutes ses graces ? Certainement il faut
[avouër]
avouër qu'il y a icy plus queSermon
I.
Salomon, & que tout ce qu'on voyoit là
de plus glorieux & de plus éclattant,
n'est qu'une ombre fort obscure & fort
imparfaite de la merveille de ce bonheur.
Car quelque avantage qu'on pût
avoir dans la Cour de ce grand Prince ;
il est vray qu'on n'y pouvoit point
trouver de solide felicité ; & les tristes
marques qu'il a données de son déreglement,
n'ont que trop fait voir sa foiblesse.
Mais il en est bien autrement de Dieu
que nous adorons , qui est le Roy des
Rois & le Seigneur des Seigneurs:Comme
il est tout-puissant & tout sage & la
source inépuisable de tout bien ; il n'est
pas possible d'entrer dans son alliance,
& d'estre receu dans sa communion, sans
estre parfaitemẽt heureux. Et au lieu qu'õ
ne peut chercher le bonheur que vainement
dans les Creatures,parce qu'elles ne
sont que vanité & rongement d'esprit ;
on ne manque jamais de trouver dans sa
possession tout ce qu'on peut souhaiter
de contentement & de joye ; parce qu'il
n'y a que luy seul,qui estant un Estre éternel
& infini, puisse remplir la vaste capacité
de nos desirs & nous mettre dans
[la]
Sermon
I.la jouïssance du souverain bien. Aussi
l'ame fidele ne l'a pas si tôt rencontré,
qu'elle s'y arrête uniquement;& en étant
parfaitement satisfaite, elle ne peut s'empêcher
de s'écrier avec un saint transport
de joye, O que bienheureuse est la nation,
de laquelle l'Eternel est le Dieu, & le peuple
qu'il s'est choisi pour heritage . C'est l'Oracle
que vous venez d'entendre , Mes
Freres , de la bouche d'un grand Roy &
d'un excellent Prophete, qui justifie clairement
ce que nous venons de vous dire
du bonheur de ceux que Dieu a pris pour
son peuple , & de l'avantage merveilleux
que les fideles rencontrent dans la
communion de ce bienheureux Seigneur ;
Et c'est ce qui fait sans doute le
principal sujet de ce saint Cantique ; car
quoy que le Psalmiste ait bien pour but
d'exhorter les fideles à benir Dieu pour
les merveilles qu'il a faites dans le monde
par la Creation , & pour celles qu'il y
déploye tous les jours dans la conduite
de sa Providence , comme il en a parlé
dans les versets precedens ; Il est certain
pourtant que le principal motif qu'il en
prend est tiré de l'œuvre admirable de la
Redemption , & du privilege glorieux
[qu'il]
qu'il donne à son Eglise,la recevant dansSermon
I.
son alliance. C'est pourquoy aprés avoir
parlé dans le verset precedent de l'immuable
fermeté du conseil de Dieu,& de
ses desseins qui durent d'âge en âge ;il en tire
l'assurãce infaillible de nôtre bonheur;&
pour faire voir qu'il n'y a rien qui le touche
si sensiblement , ny qu'il medite avec
plus de joye ; il ne s'en exprime qu'en
termes d'admiration. O que bienheureuse
est la nation de laquelle l'Eternel est le Dieu,
& le peuple qu'il s'est choisi pour heritage!
Nous avons crû, que puis que la Providence
de Dieu nous appelloit aujourd'huy
à vous porter la Parole d'exhortation;
nous ne pouvions vous entretenir
d'aucune doctrine plus importante ny
plus necessaire, que de l'Alliance bienheureuse
que Dieu a daigné traitter avec
nous , & des grands avantages qu'elle
nous procure. Et quoy que la devotion
& le zele que vous avez accoûtumé de
faire paroître dans ces saints exercices,
nous persuade assez que vous estes déjà
tout disposez à écouter ce que ce Saint
Prophete nous veut apprendre ; Nous
ne laissons pas de vous demander encore,
Mes Freres , vôtre religieuse attention
[pour]
Sermon
I.pour profiter de ces salutaires veritez;
& sur tout le secours de vos prieres,
pour implorer avec nous la grace du
S. Esprit ; afin que ce grand Docteur de
verité adresse tellement les pensées de
nos cœurs & les paroles de nôtre bouche ,
que nous n'avancions rien sur une
matiere si importante , qui ne soit à la
gloire de Dieu , & à vôtre edification.
Pour nous, si le Seigneur nous en fait la
grace , nous tâcherons de vous montrer
le sens & la verité de cet Oracle , dans
l'examen des deux principales parties
qu'il renferme ; Dans l'une nous verrons
la nature de cette divine Alliance , & ce
qu'emporte cet admirable privilege que
Dieu est nôtre Dieu, & qu'il nous choisit
pour son heritage ; Dans l'autre nous considererons
le bonheur de ceux ausquels
ce privilege est accordé , & pourquoy on
en doit faire le jugement que fait le Psalmiste.
Quoy que Dieu ait donné de tout
tems à son Eglise un grand nombre de
belles & de riches promesses pour sa consolation ;
il faut avouër pourtant , Mes
Freres, qu'il n'y en a point de plus grande
ny de plus glorieuse que celle,par laquelle
[il]
il l'assure qu'il veut estre son Dieu , &
Sermon
I. qu'il l'a prise pour son heritage. C'est le
centre où toutes les autres vienent
aboutir ; C'est l'appuy inébranlable de
nôtre foy & de nôtre esperance ; C'est la
source de toutes les benedictions que
Dieu nous donne dans la grace , & que
nous attendons dans la gloire ; En un
mot , c'est l'ame de l'alliance , & de la
mouëlle de tout l'Evangile : Et si nôtre
Seigneur, en parlant de l'amour de Dieu,
dit que c'est le premier & le plus grand commandement ;
nous pouvons bien dire
de cette promesse , que c'est la grande
promesse de Dieu, qui est le fondement
& l'abregé de toutes les autres. Aussi il
n'y en a point qui soit si souvent reïterée
en l'Ecriture , tant de l'Ancien que du N.
Testamẽt, devant la Loy,sous la Loy,sous
la Grace,& qui s'étend méme jusqu'à la
Gloire. Ce sont les termes de l'Alliance
que Dieu traitta au commencement avec
Abraham;
I'établiray mon alliance, dit-il,
entre moy & toy & entre ta posterité aprés
Gen. 15.
7.
toy, afin que je te sois Dieu , & à ta posterité
aprés toy ; d'où vient qu'il s'appelle si souvent
le Dieu d'Abraham , d'Isaac & de
Iacob. C'est ce qu'il confirme au peuple
[d'Israël] Sermon
I.d'Israël par Moyse en donnant sa Loy;
Exode
20 . 2
&
29. 45
Ecoute Israël , je suis l'Eternel ton Dieu ; &
ailleurs ;
I'habiteray au milieu des enfans
d'Israël, & je leur seray Dieu : Ieremie en
parlant de la nouvelle alliance que Dieu
devoit faire avec son Eglise au tems du
Messie , l'exprime de la même sorte ;
Ier. 31.33.
C'est icy l'Alliance que je traitteray avec la
maison d'Israël aprés ces jours-là, dit l'Eternel;
Ie mettray ma Loy au dedans d'eux, &
je l'écriray en leurs cœurs ; Ie leur seray Dieu
& ils me seront peuple . Et S. Paul faisant
voir l'accomplissement de cette promesse
dans le Nouveau Testament reïtére
la même verité dans son epître aux
Hebreux & dans la seconde aux Corinthiens ;
2. Cor. 6.
16
C'est ce que Dieu a dit , I'habiteray
au milieu d'eux, & y chemineray , je leur
seray Dieu , & il me seront peuple . Et pour
nous assurer qu'elle ne s'arrête pas en
cette vie , mais qu'elle passe jusques dans
l'éternité , S. Iean nous en declare l'accomplissement
dans l'Eglise triomphante:
Car aprés avoir representé la gloire de la
Ierusalem celeste , il dit au
chap. 21 de
l'Apocalypse qu'il ouït une voix du ciel
Apoc. 21.
3
disant ;
Voici le tabernacle de Dieu avec les
hommes, & il habitera avec eux & ils seront
[ son ]
son peuple, & Dieu luy mesme sera leur Dieu Sermon
I.
avec eux : d'où il n'est pas malaisé de juger
déja de l'importance de cette promesse :
mais nous la comprendrons
mieux , quand nous en aurons examiné
de plus prés le sens. Ie say bien
qu'on peut dire en general , que Dieu
est le dieu de tous les hommes du
monde , parce qu'il les a creés , & qu'il
les conserve par sa puissance , & parce
qu'il leur donne tous les jours divers
témoignages de sa bonté. Mais comme
le Prophete nous represente sous ces
termes quelque privilege particulier à
une nation , qui n'a pas lieu à l'égard des
autres ; ce n'est pas en ce sens qu'il le
faut entendre ; à cet égard Dieu n'est
pas le Dieu de quelque nation seulement ,
mais de tout autant qu'il y en a
sur la terre ; il l'est des Gentils aussi
bien que des Iuifs ; & des reprouvez &
des infideles, de même que des Fideles
& des Elûs ; & ces benedictions temporelles
qu'il répand sur la foule des hommes
n'empêchent pas qu'il ne les regarde
avec indignation & qu'il ne les
poursuive en sa colere, pour les punir de
leurs crimes. I'avouë encore qu'on le
[pourroit]
Sermon
I.pourroit bien rapporter en quelque
sorte au privilege que Dieu avoit donné
autrefois à Israël, & à la protection dont
il se favorisoit à l'exclusion de tous les autres
peuples de la terre : Vous savez que
c'est luy qu'il avoit choisi particulierement
pour luy étre un peuple peculier &
une nation sainte ; que c'est à luy qu'il
avoit donné ses statuts & ses ordonnances ,
& que c'est sur luy qu'il avoit déployé
les plus merveilleux effets de sa bonté
toute puissante ; c'est pour cela
Deut. 32.
9.
qu'il s'appelle le
Dieu d'Israël , & qu'il declare
qu'il l'a choisi pour son heritage &
pour son plus precieux joyau , quoy que
toute la terre luy appartienne. Mais ce
n'est pas pourtant là que nous devons
nous arrêter pour trouver la verité de
l'Oracle du Prophete : quelque faveur
que Dieu luy eut fait dans cette dispensation
par dessus tous les peuples de la
terre ; il n'a pas laissé d'étre l'objet de sa
severe justice, quand il est venu à en abuser
par son ingratitude. Ie say bien qu'à
considerer les avantages que Dieu luy
avoit donnés, & à regarder les merveilles
qu'il avoit faites en sa faveur , il ne se
pouvoit rien dire de plus heureux ; &
[Moyse] Moyse avoit bien sujet de s'écrier.
O que Sermon
I.
tu es bienheureux Israël! qui est le peuple
Deut. 33.
29.
semblable à toy ? Ouï veritablement heureux
peuple, s'il eut été fidele à son Dieu,
& s'il eut reconnu par son obeïssance ce
qu'il devoit à son bienfaiteur : il eut
été les delices du Ciel , & l'admiration
de la Terre. Mais dez qu'il a oublié ce
qu'il devoit à son Dieu, & qu'il s'est rebellé
contre luy, n'est-il pas devenu le
plus malheureux peuple de la terre , persecuté
des hommes,abandonné de Dieu,
& reduit dans la plus lamentable condition
qui fût jamais ; de sorte que l'on ne
voit plus que des restes déplorables de
cette ingrate nation dispersée par toute
la terre, qui sont un horrible spectacle de
la vengeance & de la malediction de
Dieu. Ce n'est donc pas encore à cet
égard qu'il faut entendre cet Oracle ; Si
nous en voulons trouver l'accomplissement ;
il faut que nous passions plus
avant , & que nous le rapportions à un
sens tout Evangelique ; je veux dire pour
nous marquer l'Alliance de la Grace que
Dieu a voulu contracter dez le commencement
avec son Eglise en son Fils, pour
la delivrer de sa misere , & pour l'élever
[à la]
Sermon
I.à la possession de l'éternelle felicité. Car
c'est alors qu'étant entré dans une sainte
confederation avec ses fideles, au lieu de
la triste separation que le peché avoit fait
entre luy & nous, il les a voulu unir à soy-
même & se donner à eux ; non pas seulement
en qualité de Createur comme
dans la Nature,ou de Legislateur comme
sous la Loy ; mais de Redempteur & de
Pere , qui aprés les avoir delivré de leurs
pechez & de leurs miseres , ne manquera
pas de les amener à la jouïssance de sa
gloire. C'est en ce sens qu'il est appellé
proprement le Dieu de son peuple , non
pas seulement à l'égard du soin general
qu'il en a par sa providence, mais principalement
par l'amour special qu'il luy
témoigne par sa grace ; non pas pour
les biens temporels & terriens , qu'il luy
communique de même qu'au reste des
hommes ; mais sur tout pour les biens
spirituels & celestes , dont il le fait participant
à l'exclusion de tous les autres. Il
n'y a point de graces ny de benedictions
salutaires , que cette expression ne renferme.
Quand vous direz que Dieu est
nôtre lumiere , & nôtre vie , nôtre bouclier
& nôtre force,nôtre Redempteur &
[nôtre]
nôtre Pere ; vous aurez dit beaucoupSermon
I.
sans doute : mais vous n'aurez rien dit
pourtant qui ne soit tout compris dans
ce seul mot , que Dieu est nôtre Dieu ;
Car si cela est , il n'y a rien en Dieu
qui ne soit à nous ; tout ce qu'il est
dans sa nature & dans ses incomprehensibles
vertus nous appartient ; nous
jouïssons de tous ses biens ; & il ne déploye
aucune merveille dans la nature ou
dans la grace , qui ne contribuë à nôtre
bonheur. Et si vous voulez en considerer
plus distinctement l'êtenduë,faites reflexion
sur ces trois incomparables avantages
qui nous y sont representez, l'Vnion
avec Dieu, la Communion à ses graces,
& la Conformité à ses vertus ; Car s'il est
nôtre Dieu nous ne devons pas douter
qu'il ne veuille s'unir à nous , pour nous
faire part de toutes ses graces, & pour
nous rendre semblables à luy. Ie dis premierement
que cette promesse emporte
necessairement nôtre Vnion & nôtre reconciliation
avec Dieu : Car, tandis qu'il
est separé de nous , & que nous sommes
éloignez de luy ; que nous le considerons
comme un Iuge irrité , & qu'il nous regarde
comme ses ennemis ; Nous ne
[pouvons]
Sermon
I.pouvons pas dire qu'il soit nôtre Dieu, &
que nous soyons son peuple ; mais dez
qu'il est appaisé & reconcilié envers nous
en Iesus Christ , dez qu'il nous regarde
comme ses enfans , & que nous le pouvons
contempler comme nôtre Pere ;
nous pouvons nous glorifier de luy appartenir
& de le posseder. Et s'il est vray
que dans le mariage qui est la societé la
plus étroite qui se voye dans le monde,le
mari se donne à sa femme, & que la femme
se donne à son mari ; pouvons-nous
douter que dans cette alliance bienheureuse
que Dieu fait avec nous , que l'Ecriture
represente souvent sous le symbole
de mariage , Dieu ne se donne tout
à nous , & que nous ne devions aussi nous
Cant. 2.
16.
donner tous entiers à luy ?
Ie suis à mon
Bien-aimé dit l'Epouse au Cantique des
Cantiques , & mon Bien-aimé est à moy .
Dieu nous regardant comme siens en
vertu du double droit qu'il a sur nous , &
de la Creation & de la
Redemtion,& par
la qualité de Pere & de Mari qu'il a voulu
prendre ; nous le considerons aussi
comme nôtre en vertu de l'alliance qu'il
a daigné faire avec nous , par laquelle il
nous unit si étroitement à luy , que nous
[pouvons] pouvons dire en quelque sorte , que tout
Sermon
I. ce qu'il a est à nous , comme tout ce que
nous avons est à luy. Et cette union merveilleuse
n'a pas lieu seulement à l'égard
de la Divinité en general ; mais aussi de
chaque personne de la sainte Trinité en
particulier , avec qui nous avons une
I. Iean
1. 3.
communion si intime , que comme nous-
nous glorifions de leur appartenir , nous
pouvons aussi nous assurer qu'elles nous
appartienne : C'est pour cela que
le Battême,qui est le seau de cette alliance,
nous est administré au Nom du Pere,
du Fils & du S. Esprit,pour nous apprendre ,
que comme nous sommes engagez
par ce Sacrement au service de ces trois
Personnes Divines ausquelles nous sommes
consacrez ; elles nous promettent
aussi leur benediction & leur grace , &
s'engagent, s'il faut ainsi dire,à travailler
toutes trois à l'accomplissement de nôtre
salut. En effet elles s'y employent toutes
selon la diverse maniere d'agir qui leur
est attribuée ; Le Pere par sa grace , le
Fils par son merite , & le S. Esprit par son
efficace ; Le Pere nous élit dans son Conseil ,
le Fils nous rachete sur la Croix, &
le S. Esprit nous sanctifie dans nos cœurs ;
[Le]
Sermon
I.Le Pere nous donne ses promesses,le Fils
les signe de son sang , & le S. Esprit les
scelle de son seau;Le Pere nous destine le
salut, le Fils nous l'aquiert, & le S. Esprit
nous l'applique ; Le Pere nous adopte
pour étre ses enfans , le Fils nous rachete
pour étre ses membres , & le Saint Esprit
nous regenere pour étre ses Temples.
Ainsi nous devenons les objets de l'amour
de ces trois adorables Personnes;
& comme le Pere prend un soin particulier
de nous comme de ses enfans , le
Fils & le S. Esprit se donnent à nous avec
toutes leurs graces : Iesus Christ se fait
nôtre dans tous ses offices ; il est nôtre
Pleige pour satisfaire pour nous ; nôtre
Chef pour nous vivifier ; nôtre Prophete
pour nous promettre le salut dans sa parole ;
nôtre Sacrificateur pour nous le
meriter par son sang ; & nôtre Roy pour
nous l'appliquer par sa vertu. Le S. Esprit
est nôtre avec tous ses dons ; il est nôtre
Docteur pour nous enseigner dans nôtre
ignorance ; nôtre Consolateur pour nous
réjouïr dans nos afflictions ; nôtre Sanctificateur
pour nous enseigner dans nôtre
ignorance ; nôtre Consolateur pour nous
réjouïr dans nos afflictions ; nôtre Sanctificateur
pour nous nettoyer de nous souïllures,
& nôtre Vie pour nous delivrer de
nôtre mort ; En un mot , nous ne
[trouvons]
trouvons rien dans la S. Trinité qui neSermon
I.
soit nôtre, & qui ne s'employe pour nôtre
bonheur. Mais cela n'est pas moins
vrai à l'égard des Proprietés de Dieu:
Car s'il est nôtre Dieu , nous pouvons
dire assurément que ses vertus sont à
nous, & qu'il n'y en a point qui ne serve
à notre salut. Par exemple , si Dieu est
tout bon , c'est pour nous bien-faire ;
s'il est tout sage, c'est pour nous conduire ;
s'il est tout puissant , c'est pour nous
défendre ; s'il est juste, c'est pour se vanger
de nos ennemis ; s'il est misericordieux,
c'est pour nous pardonner nos crimes ;
s'il est fidele , c'est pour nous donner
l'accomplissement de ses promesses;
Enfin, pour ne nous arrêter pas à la consideration
de tant d'autres excellentes
Vertus , qui ravissent en admiration &
les hommes & les Anges ; s'il est tout
parfait & suffisant à soy-même,c'est pour
nous assurer qu'il le sera aussi pour nous,
& que nous ne saurions rien desirer, que
nous ne trouvions dans cette source inépuisable
de biens. C'est là dessus que
sont fondées tant de promesses excellentes
que Dieu nous donne en sa Parole,
dont il n'y en a point qui ne se rapporte
[à quel-]
Sermon
I.à quelques unes de ces glorieuses proprietés,
que Dieu veut déployer en nôtre
faveur, & qui nous doivent servir d'autant
d'appuis inébranlables de nôtre foy,
& de nôtre espérance. C'est à quoy
l'Ecriture regarde,quand elle dit que Dieu
Ps. 27. 1.
& 18.
2.
& 36.10.
est nôtre lumiere, & nôtre force, nôtre
rocher,& nôtre forteresse, nôtre salut,&
nôtre vie , & comme parle excellement
le Prophete,pour comprendre tous
les effets de sa protection & de sa grace,
Ps. 84.
12.
nôtre Soleil & nôtre Bouclier . Soleil de benediction ,
Bouclier d'assurance ; Soleil
pour nous enrichir , Bouclier pour nous
défendre ; Soleil pour nous donner la
vie, & Bouclier pour nous la conserver.
Ainsi nous pouvons dire que nous avons,
s'il faut parler de la sorte , une ligue
offensive & défensive avec Dieu ; comme
nous sommes obligez en vertu de
cette alliance de prendre en main la
cause de Dieu , & de combattre pour sa
querelle ; Dieu nous promet aussi reciproquement
de nous maintenir contre
les efforts de nos Adversaires ; il se déclare
hautement en nôtre faveur ;il s'interesse
autant dans nos miseres , que si
elles le regardoyent luy-même; si nous
[sommes] sommes en angoisse , il est en angoisse
Sermon
I. avec nous ; si on nous touche , il dit
qu'on
touche la prunelle de son ϟil , c'est
Zach. 2.
8.
à dire la partie la plus chere & la plus
sensible ; & si on maltraite les disciples
Act. 9. 4.
du Seigneur , il crie du ciel que c'est luy
même qu'on persecute. O que cette
consolation est douce , Mes Freres , &
qu'elle est puissante pour dissiper tout ce
que nous avons de craintes & d'inquietudes
dans le monde : Car s'il est vray
que toutes les vertus de Dieu sont
à nous,qu'est-ce que nous pourrions craindre
desormais , ou que ne devons nous
esperer ; puis que nous y trouvons le remede
de tous les maux qui nous peuvent
travailler , & la source de tous les
biens que nous pouvons souhaiter ? Et
c'est ce qui nous conduit à la seconde
reflexion que nous avons à faire sur cette
promesse , pour vous faire voir que
toutes choses sont à nous , & qu'il n'y a
rien dans le Ciel , ni dans la Terre, sur
quoy nous n'avons droit , & dont nous
ne puissions disposer ; puis que nous sommes
à celuy qui est le Maître du monde,
& à qui toutes choses appartiennent
pour en disposer à sa volonté ; il est indubitable
[bitable] Sermon
I.qu'en le possedant nous possedons
tout , comme sans luy nous n'avons
rien : C'est ce qui fait dire à l'Apôtre
1. Cor. 3.
21. 22.
Que toutes choses sont à nous, soit Paul, soit
Apollos , soit Cephas , soit le monde , soit
la mort , soit les choses presentes , ou les choses
à venir,toutes choses sont à nous, & nous
à Christ ; & Christ à Dieu . Car comme
dez que l'homme se rebella contre
Dieu, toutes les Creatures se rebellerent
contre luy, & furent autant de ministres
de Dieu pour executer sa vengeance :
ainsi dez que nous sommes reconciliez à
luy , & qu'il le fait nôtre , nous entrons
dans la possession de tous ses biens. Toutes
les Creatures nous favorisent & sont
prestes à nous servir. Les Anges ne sont
plus à la porte du Paradis avec une épée
flamboyante , pour nous en empêcher
l'entrée ; mais ce sont des Esprits administrateurs,
qui sont envoyez pour servir
à ceux qui doivent recevoir l'heritage
de salut. Le Ciel n'est plus l'arsenal des
foudres & des maledictions de Dieu,
mais le thresor de ses benedictions & de
ses graces. La Terre n'est plus maudite à
cause de nous, mais elle nous donne ses
fruits en sa saison , autant qu'il est expedient
[dient] pour notre necessité. En un mot,
Sermon
I. comme il n'y a point de Creature qui ne
soit dans la main de Dieu pour dépendre
absolument de ses ordres ; il n'y en a
point aussi qui ne contribue à nôtre salut:
C'est pour cela que le Seigneur nous assure
par son Prophete Osée,
qu'il vouloit
Osée 2.
18.19.
traitter alliance avec les bêtes des champs,
& avec les oiseaux du ciel, & avec les reptiles
de la terre , afin que l'Eglise , qu'il
épouseroit à toûjours en justice, en jugement
& en compassions, y trouvât non
seulement sa paix & sa seureté,mais aussi
sa prosperité & son avantage.
Ie repondray,
dit-il, aux cieux, & les cieux répondront
à la terre, & la terre répondra au froment
& à l'huile , & eux répondront à
Iizrehel . Iugez donc par là, Mes Freres,
de la grandeur de cet avantage & de la
merveille de nôtre bonheur ; Que nous
puissions avoir droit sur tous les biens de
Dieu, & nous servir de toutes ses Creatures!
Iugez quelle amour & quelle charité
il faut qu'il nous ait porté, pour nous
faire part d'une faveur si considerable !
Si Dieu avoit fait une grande grace à
nôtre premier Pere de luy avoir donné
en partage toutes les Creatures pour en
[estre] Sermon
I.estre comme le Seigneur & le Maître ;
qu'est-ce je vous prie de cet avantage,au
prix de celuy qu'il nous accorde en cette
nouvelle alliance , où il ne nous donne
pas seulement le monde avec toutes ses
Creatures ; mais il se donne soy-même
à nous avec toutes ses graces? C'est ici
veritablement où nous devons admirer
la hauteur,la largeur & la profondeur de
cet amour, qui surpasse toute connoissance,
& nous écrier au bord de cet abyme ;
O profondeur des richesses de la Sagesse
& de la Misericorde de Dieu ! Mais
quoy que ces avantages soient sans doute
bien considerables,ce n'est pas encore
tout ce qu'emporte cette admirable
promesse. Voici le plus grand bien que
nous en recevons : C'est qu'en vertu de
cette alliance,Dieu se communique tellement
à nous , qu'il nous transforme en
son image,par l'impression de ses vertus.
Il ne se contente pas de nous donner les
effets de ses proprietés par les graces
qu'il épand sur nous ; mais il en veut graver
au dedans de nous la conformité &
la ressemblance ; Et c'est ce qui fait dire
2 Pier. 1.
4.
à S. Pierre ,
Que nous sommes faits participans
de la Nature Divine , parce que
[nous] nous en portons les traits & les caracteres;
Sermon
I. & à S. Paul
que contemplans comme en
2. Cor. 3.
18.
un miroir la gloire du Seigneur à face découverte ,
nous sommes transformez en la
méme image de gloire en gloire , comme par
l'Esprit du Seigneur . Ie sai bien que ce ne
sera proprement que dans le Ciel que
nous pourrons avoir cette parfaite conformité
avec Dieu , lors que le contemplant
face à face, nous seront rassasiez de
sa ressemblance : mais cela n'empêche
pas pourtant que nous ne commencions
à en avoir quelques traits sur la terre ,
quand il nous reçoit dans sa communion.
Voyez donc ici , Fideles, jusques où s'étend
la bonté de Dieu envers vous,
quand il veut étre vôtre Dieu & qu'il
vous choisit pour son peuple ; Ce n'est
pas seulement pour vous dire, que tout
ce qu'il est, & tout ce qu'il a , vous appartient ;
mais c'est pour vous assurer,
qu'il vous veut rendre semblables à luy,
afin que vous soyez en quelque maniere
ce qu'il est , autant qu'une nature finie
comme la vôtre le peut porter ; c'est à
dire, qu'il imprimera dans vos ames les
rayons de sa lumiere & de sa charité, de
sa sainteté & de sa justice, de sa patience
[& de] Sermon
I.& de sa douceur , de sa felicité & de sa
gloire. Or qu'il faille pousser jusques-là
le sens de cette excellente promesse , il
n'est pas malaisé de le justifier par le beau
passage que nôtre Seigneur employe en
S. Matthieu pour prouver l'immortalité
Matth.
22. 32.
de l'ame,& la resurrection du corps contre
les Sadducéens ; parce que
Dieu s'appelle
le Dieu d'Abrahã ,d'Isaac & de Iacob,
& qu'il n'est pas le Dieu des morts,mais des
vivans ; où il presuppose manifestement,
que cette Alliance tire aprés soy la communion
de la vie & de la gloire de Dieu,
non seulement dans une partie de l'homme,
mais en toute sa personne ; de sorte
que Dieu s'appellant le Dieu d'Abraham
apres sa mort , il estoit necessaire,
& que son âme fût immortelle , & que
son corps resuscitât un jour , pour jouïr
l'un & l'autre de la même felicité. C'est
sur ce fondement que l'Eglise s'appuye,
quand de l'éternité de Dieu elle tire l'éternité
Ps. 102.
28. 29.
de la vie des fideles.
Mais toy, tu
es toûjours le même , & tes ans ne seront jamais
achevez : Les enfans de tes serviteurs
habiteront près de toy , & leur race sera établie
Hab. 1. 12.
devant toy . Et le Prophete Habacuc;
N'est-tu pas dés jadis, O Eternel mon Dieu,
[ mon ]
mon Saint ; nous ne mourrons point , pour
Sermon
I. dire qu'il est impossible que les fideles
qui sont unis à Dieu qui est immortel &
vivant aux siecles des siecles , puissent
jamais perir ; parce qu'étant avec celuy
qui est la source de la vie , il ne se peut
faire qu'ils demeurent dans la mort ; la
communion que nous avons avec luy tirant
aprés soy infailliblement cette bienheureuse
conformité , comme S. Iean le
remarque expressement dans sa premiere
Epître ,
Dieu est la lumiere , & en luy il
I. Iean 1.
5. 6. 7.
n'y aucunes tenebres , si nous disons que
nous avons communion avec luy, & nous
cheminons en tenebres , nous mentons , &
verité n'est point en nous ; mais si nous cheminons
en lumiere ; comme luy est en lumiere ,
nous avons communion l'un avec
l'autre . Il en est à peu prés comme
d'un cristal , qui estant opposé au Soleil,
n'en reçoit pas seulement la lumiere ,
mais en devient tout lumineux pour en
renvoyer les rayons sur les objets qui se
presentent : Ainsi dez que le Soleil de
justice nous regarde en sa grace , il nous
donne des impressions si fortes de sa divine
lumiere,que nous en devenons nous
mêmes tout resplendissans , comme
[autant]
Sermon
I.autant de petits Soleils dans le Ciel de
l'Eglise , qui doivent jetter par tout l'éclat
de leur foy & de leur pieté , par laquelle
ils portent l'image de leur Redempteur.
Qui n'admirera donc , Mes
Freres, ce grand & incomparable avantage.
Comme si ce n'estoit pas assez à
Dieu de nous donner son Ciel & son Paradis ;
Il s'est voulu donner soy-mesme
à nous, & pour comble de bonheur , il
a voulu que nous fussions transformez
en luy. Autrefois le Démon , pour porter
l'homme au peché , le flatta de cette
esperance , que s'il mangeoit du fruit
defendu , il seroit comme Dieu ; & nôtre
miserable pere s'étant laissé surprendre
à cette trompeuse promesse,en voulant
étre comme Dieu , il devint semblable
au Démon. Mais ce que cet Esprit
de mensonge n'avançoit que faussement ,
c'est ce que Dieu nous promet
& qu'il nous donne effectivement dans
sa communion ; Dez qu'il s'est fait nôtre
Dieu , & que nous sommes son peuple ,
nous pouvons dire sans blaspheme,
que nous participons à sa nature , & que
nous devenons les enfans du Souverain.
Avoüons donc avec le Prophete , Que
[ bien ]
bienheureuse est la Nation de laquelle l'Eternel Sermon
I.
est le Dieu,& le peuple qu'il s'est choisi
pour heritage .
Le Psalmiste ne se contente pas d'avoir
dit que Dieu est nôtre Dieu, il ajoûte
qu'il se choisit un peuple pour heritage ;
non seulement pour confirmer plus expressement
ce qu'il venoit de dire, comme
c'est souvent la coûtume dans les
Pseaumes d'expliquer en d'autres termes
dans la seconde partie du verset ce
qui a été dit dans la premiere ; mais
principalement pour découvrir le principe
& la source de tout ce mystere.
Puis que tous les hommes sont naturellement
dans la même masse de corruption
& de misere,sans qu'ils en puissent
sortir d'eux mêmes , ny qu'ils soyent capables
d'en avoir seulement la volonté;
comment pourroyent ils devenir le peuple
de Dieu, si nôtre Seigneur ne leur en
faisoit la grace , & s'il ne les prevenoit
par sa misericorde ? C'est donc à ce souverain
bon plaisir qu'il faut remonter
comme à la source de toutes ces graces;
c'est-là où il nous faut arrêter uniquement ,
si nous voulons trouver la cause
de cette salutaire dispensation. Car Dieu
[voyant]
Sermon
I.voyant tous les hommes tombez en
Adam & coûpables de la mort , en a
voulu de toute éternité choisir un certain
nombre de son pur bon plaisir,quoy
qu'ils ne fussent en rien meilleurs ny plus
considerables que les autres , pour les
sauver par Iesus Christ : Et c'est pour
cela que dans l'accomplissement des
tems il a envoyé son Fils au monde pour
les racheter par sa mort ; c'est pour cela
encore qu'il leur donne son Esprit,&
qu'il les appelle par une vocation efficace,
afin que comme il les a élûs dez l'éternité,
pour estre son peuple, il les choisisse
aussi & les separe dans le tems pour
estre son heritage. Car c'est en ces deux
manieres que Dieu choisit son peuple ;
par l'Election qu'il en fait dez devant
les siecles ; & par la Vocation
qu'il leur adresse dans le tems ; L'une est
la cause, & l'autre l'effet ; L'une marque
le conseil de Dieu, & l'autre nous represente
son execution ; Par celle-là il a resolu
de nous separer du monde , & par
celle-cy il nous en separe en effet : Mais
il fait l'un & l'autre par un pur motif de
sa misericorde , sans que nous luy en
ayons donné aucun sujet ; Comme
[ancien]
anciennement ce ne fut ny la justice,ny
Sermon
I. la grandeur d'Israël qui porta le Seigneur
à le choisir sur toutes les nations
de la terre,pour l'honorer de son alliance
& pour luy faire part de ses graces ; Ce
fut son seul bon plaisir & son amour.
Ce
n'est pas, dit Moyse, que vous fußiés plus
Deut. 7. 5.
grands que les autres peuples , que l'Eternel
vous a élûs , car vous estiés un des plus petits
de tous ; mais parce qu'il vous a aimez . Il
en est de même de l'Israël mystique,
Dieu le prend pour son heritage , non
pas qu'il ait rien veu en luy qui l'y ait pû
obliger,mais parce qu'il luy plait de faire
ce choix ; car nous n'avons rien que
nous n'ayons receu , & toutes les choses
qui nous discernent d'avec d'autres,sont
des presents de sa grace , & non pas des
fruits de nôtre nature :
Ce n'est point
Rom. 9.
16.18.23
ny du voulant ny du courant, mais de Dieu
qui fait misericorde. C'est luy qui fait merci
à qui il veut , & qui endurcit qui il veut .
Il appelle son peuple celuy qui n'estoit
point son peuple , & sa bienaimée celle
qui n'estoit point sa bienaimée , comme
le Prophete Osée l'a remarqué il y a long
tems.
Ie diray à Lohammi , Tu es mon peuple ,
Osée 2.
23.
& il me dira mon Dieu , pour nous
[assurer] Sermon
I.assurer, que si nous sommes le peuple de
Dieu , ce n'est pas que nous l'ayons élû,
comme Iesus Christ disoit aux Apôtres,
Iean 15.
16.
mais c'est luy qui nous a élû , & qui nous
a choisi pour estre son heritage . Remarquez
bien cette vérité, Mes Freres, pour
l'opposer à l'erreur de ces miserables Pelagiens
& Demipelagiens anciens et modernes,
qui pour élever les forces de la
nature , abbatent tant qu'ils peuvent la
merveille de la grace , & qui , sous pretexte
de faire les hommes libres,les rendent
sacrileges, ravissant à Dieu la gloire
qui n'appartient qu'à luy seul , d'estre l'unique
cause de nôtre salut ; comme si
l'election que Dieu fait de nous dans l'éternité ,
étoit fondée sur la prevision de
nos œuvres ou de nôtre foy , & si le
choix qu'il en fait dans le tems,presupposoit
toûjours quelque bonne disposition
en nous , qui l'y puisse determiner.
Ie ne veux pas alleguer maintenant beaucoup
de raisons qui renversent cette
fausse doctrine, ni m'arrêter à vous montrer ,
comme elle combat directement
la gloire de Dieu , & la consolation de
l'homme. Mais quand nous n'aurions
que le seul passage que nous avons en
[main,] main , suffiroit-il pas pour la confondre?
Sermon
I. Car s'il est vray que Dieu ne nous élit
que sous la prevision de nos œuvres ou
de nôtre foy;Ce n'est plus Dieu qui nous
choisira , mais c'est nous qui le choisirons ;
Ce n'est plus luy qui nous aimera
1. Iean
4.10.
le premier , comme S. Iean le remarque,
mais c'est nous qui l'aimerons devant
qu'il nous ait aimez ; Ce n'est plus luy
qui se fera trouver à ceux qui ne le
cherchoyent point, mais c'est nous qui le
previendrons par nos desirs,devant qu'il
pense à nous. Iugez, Mes Freres, si cette
doctrine est bien cõforme au langage de
l'Ecriture , & à l'estat auquel nous étions
lors que Dieu nous a choisis: Qu'y avoit-
il en des chetives creatures toutes chargées
de crimes qui pût les rendre agréables
à Dieu ? Quelle disposition pouvoyent
avoir à chercher Dieu , ceux qui
étoyent ses ennemis en pensées & en
mauvaises œuvres ? Et que pouvoit-il
voir de bon & de saint dans ceux qui
n'étoient tout entiers qu'ordure & que
malice ? S'il y voyoit quelque chose , ce n'étoit
que de la rebellion & de la desobeïssance,
qui au lieu de l'attirer à nous
aimer , nous rendoit les objets de son
[indigna-]
Sermon
I.indignation & de sa colere. Pourquoy
demanderions-nous donc, Fideles, d'où
vient qu'il a choisi les uns plûtôt que les
autres ? Ce sont des secrets incomprehensibles
de sa sagesse, dont nous ne saurions
rendre autre raison que celle de sa
volonté ; car quant aux hommes , ils
étoyent tous également pecheurs, & par
consequent également coupables, & qui
meritoyent tous d'estre abandonnez
éternellement ; Ce qu'il choisit donc
les uns , tandis qu'il rejette les autres ,
est un effet de sa grace envers ceux-là,
& de sa liberté envers ceux-cy ; dont les
uns n'ont poins de sujet de se plaindre,
puis qu'ils ont bien merité la peine qu'ils
souffrent , & que Dieu ne leur estoit en
rien obligé ; mais les autres ont grand
sujet de le remercier , puis qu'il les a favorisé
par dessus les autres d'une grace,
dont ils étoyent tout à fait indignes ; Ils
étoient la proye des Démons & les victimes
de l'Enfer , & il les a choisis , pour
estre , non seulement les heritiers du
Ciel , mais l'heritage de Dieu méme,
le peuple qu'il s'est choisi pour heritage .
Il est bien clair, que par ces termes le
Psalmiste n'a voulu marquer autre chose
[que]
que le choix qu'il fait de quelque peuple,
Sermon
I. & le soin qu'il en prend : Mais parce
que l'expression qu'il employe est merveilleusement
belle , il faut en examiner
de plus prés la force. Ie say bien que l'Escriture
se sert fort souvent du mot
d'heritage, pour marquer le bonheur que Dieu
nous prepare dans le Ciel, afin de nous
apprendre , que nous ne pouvons pas le
meriter par nos œuvres, & que nous ne
le recevons,que comme un don gratuit
du Pere celeste , qu'il nous donnera en
vertu de l'adoption dont il nous a honoré.
Mais ce n'est pas à cet égard qu'il
est icy parlé de l'heritage: car dans ce
premier sens il est attribué aux choses
que nous devons posseder ; au lieu qu'en
cet endroit , aussi bien qu'ailleurs, il est
dit des personnes ; mais ce n'est pas toûjours
au même égard;Quelquefois le S.
Esprit l'attribuë à Dieu , & d'autrefois
aux hommes ; à Dieu quand il dit qu'il
est nôtre heritage ;
Le Seigneur, dit le
Ps. 16.5.
Psalmiste, est la part de mon heritage, &
de mon breuvage : aux hommes; quand
il est dit que nous sommes l'heritage de
Dieu ;
Aye souvenance de ton assemblée,
Ps. 74.2.
que tu t'es aquise d'ancienneté, & que tu as
[ prise ]
Sermon
I. prise pour estre la portion de ton heritage .
Et quoy que la chose revienne au fonds
à un mesme sens,qui va à nous representer
le fruict merveilleux de l'alliance
qu'il fait avec nous ; neanmoins on y
peut remarquer cette difference , que
l'une de ces expressions nous découvre
plus particulierement la communion
que nous avons avec Dieu, & l'autre celle
que Dieu a avec nous. Dieu est nôtre
heritage , parce qu'il se donne à nous ;
Nous sommes l'heritage de Dieu , parce
qu'il nous prend à soy, & qu'il veut que
nous nous donnions à luy. Il est nôtre
heritage,parce que nous prenons plaisir
en luy, comme dans la chose la plus precieuse
que nous ayons au monde, & qui
fait nôtre souverain bien ; Nous sommes
l'heritage de Dieu,parce qu'il prend
plaisir en nous, & qu'il nous regarde
comme l'objet de son amour,& son precieux
joyau. Ie say bien que comme
toute la terre avec ce qu'elle contient
est à luy, il n'y a point de peuple qu'on
ne puisse appeller en quelque sorte son
heritage ; Tout autant qu'il y a de nations
sous le Soleil, relevent de son empire,
& sont l'objet des soins de sa providence :
[dence]
Neanmoins comme l'Apôtre
Sermon
I. nous assure qu'encore que Dieu soit le
conservateur de tous les hommes , il
l'est d'une façon particuliere des fideles;
1. Tim. 4.
10.
ainsi nous sommes obligez de reconnoître,
que dans l'Empire general qu'il a sur
tous les hommes; il a une possession particuliere
qu'il regarde comme son heritage,
& qu'il cherit par dessus toutes les
autres choses du monde ; C'est l'Eglise
qui a ce glorieux privilege,comme Moyse
le declare en son Cantique ;
la portion
Deut. 32.
9.
de l'Eternel c'est son peuple, & Iacob est le
lot de son heritage ; Et c'est au même
sens que l'Apôtre parlant des fideles du
Nouveau Testament dit que nous sommes
faits en Christ
l'heritage de Dieu .
Eph. 1.11.
Aussi y avoit-il peu de termes qui fussent
plus propres pour nous montrer tout ensemble ,
& le droit absolu que Dieu a
sur nous , & le soin particulier qu'il en
veut prendre. Vous savez qu'il n'y a rien
qui nous appartiene plus legitimement
que l'heritage que nous avons de nos
Peres,puis que c'est la nature même qui
nous le donne ; & vous n'ignorez pas
qu'il n'y a rien qui nous soit plus cher ;
témoin ce que Naboth répondit au Roy
[Achab] Sermon
I.Achab, qui le vouloit obliger à vendre
sa vigne,
Ia ne m'avienne, dit-il, que je
1. Rois 21.
3.
vende l'heritage de mes Peres . C'étoit une
des choses que les Iuifs conservoient
avec le plus de soin, comme un bien inalienable ,
parce qu'ils la consideroient
comme un gage precieux de la benediction
de Dieu, & une marque bien expresse
de son amour. C'est pour cela
qu'ils ont donné dans leur langue le nom
d'heritage aux choses qui leur étoient
les plus cheres, & pour lesquelles ils
avoient une estime particulière , comme
Ps.119.
111.
quand le Psalmiste appelle
la Loy son heritage,
c'est à dire, comme il s'en explique
ailleurs, ce qui fait tout son bonheur
& toutes sa consolation, & qu'il prefere
volontiers à tout ce qu'il y a de plus excellent
au monde. Afin donc de nous
assurer que Dieu regarde son Eglise ,
comme la chose la plus chere qu'il ait
sur la terre , il dit que Dieu la choisit
pour son heritage. Et nous ne pouvons
pas en douter, puis que nous savons,que
c'est elle qu'il a élûe d'ẽtre tous les hommes,
pour luy être un peuple peculier
adonné à bonnes œuvres; C'est elle qu'il
cherit & qu'il garde comme la prunelle
[de]
de son œüil;& c'est elle qu'il cultive toûjoursSermon
I.
avec un soin extraordinaire ; S'il
déploye sur le reste des hommes des
marques de bonté & de faveur; c'est sur
elle qu'il verse les thresors de sa misericorde;
s'il est le Createur & le Conservateur
de tous les hommes , il est en particulier
le Sauveur des fideles ; les uns
sont ses sujets, qu'il gouverne avec une
autorité de Seigneur & de Maître ; les
autres sont ses enfans qu'il traitte avec
une tendresse de Pere ; Ceux-là sont
comme des terres steriles & infructueuses,
qui sont laissées en friche , & dont la
fin ne tend qu'à estre brûlées ; Ceux-cy
sont comme son Paradis & son jardin de
delices,qu'il prend plaisir de cultiver ;
C'est sur eux qu'il fait lever son Soleil de
justice pour les éclairer, & qu'il fait tomber
la pluye de sa grace pour les arrôser ;
C'est à l'entour d'eux qu'il pose la haye
de sa providence pour les garentir ; Enfin
c'est en eux qu'il travaille continuellement
par l'efficace de son Esprit,pour
les rendre fertiles en bonnes œuvres, &
pour leur porter des fruits de justice
dignes de son Royaume & de leur vocation.
C'est la grace qu'il promettoit
[autre-]
Sermon
I.autrefois à son peuple par la bouche de
Exod.
19.5.
Moyse ;
Si vous obeïssez à bon escient à
ma voix ; Vous me serez une nation sainte,
un Royaume de Sacrificateurs , & mon plus
precieux joyau,bien que toute la Terre m'appartienne ;
c'est à dire,encore que je sois le
Maître de tout le monde , je vous choisiray
par dessus tous les autres pour mettre
mon affection en vous, & pour vous
faire part de toutes mes graces. Et c'est
à cet égard que Salomon dans la belle
priere qu'il fait pour la dedicace du
Temple , dit en parlant de ce peuple,
1. Rois 8.
53.
Tu l'as mis à part pour toy d'entre tous les
peuples de la Terre , afin qu'ils fussent ton
heritage . Mais quoy que cet excellent
avantage pût bien appartenir en quelque
sorte à ce peuple , quant à la dispensation
exterieure , puis qu'il jouïssoit
de divers fruits de cette alliance ; Il faut
avouër pourtant, que ce n'est que dans
l'Israël selon l'esprit, qu'on en voit l'accomplissement ;
puis qu'il n'y a que luy
seul,qui possede la verité de ces merveilleuses
promesses. C'est pour cela que
S. Pierre applique aux fideles du Nouveau
Testament les eloges que le Seigneur
avoit donné autrefois à son peuple;
[ Mais, ] Mais, dit-il, vous estes la generation élue, Sermon
I.
la nation sainte , la sacrificature royale , le
1. Pier. 2.
9.
peuple acquis, afin que vous prêchiez les vertus
de celuy qui des tenebres vous appellez
au Royaume de sa merveilleuse lumiere .
C'est en vain que les Iuifs se glorifient
de ces augustes titres; c'est vous qui en
avez la verité, & qui possedez en esprit
tout ce qu'ils n'avoyent que dans la lettre :
aussi estes-vous obligez d'une façon
particuliere à reconnoître une si inestimable
faveur , & à vivre d'une façon qui
réponde à l'excellence de vôtre condition
& à la merveille de la grace que
Dieu vous a faite. C'est à cette consideration
que le Psalmiste nous veut aussi
amener par l'expression dont il se sert,
qui comprend tout ensemble, & les graces
que Dieu nous fait , & les devoirs
que nous sommes obligez de luy rendre;
c'est à dire, que comme il veut estre nôtre
Dieu, & qu'il nous choisit pour son
heritage; il faut aussi que nous soyons son
peuple , que nous le choisissions pour
nôtre Dieu, & que nous tâchions de répondre
à la culture de sa grace , par les
agreables fruits de nôtre pieté. Comme
toutes les Alliances sont reciproques,
[il]
Sermon
I.il faut que celle de Dieu avec l'homme
le soit aussi ; sa grace ne doit jamais estre
separée de nos devoirs , ny ses bienfaits
de nos services ; S'il nous favorise de sa
bienveüillance , il veut que nous apprenions
à le craindre & à le servir tous les
jours de nôtre vie ; S'il a pour nous les
tendresses d'un bon Pere ; il demande
aussi que nous luy rendions les devoirs
des bons enfants ; S'il n'épargne rien
pour nôtre salut ; c'est à condition que
nous ne fassions point de difficulté de
rapporter tout à sa gloire. En un mot
s'il est nôtre Dieu par sa protection &
par son amour ; il entend aussi que nous
soyons son peuple par nos hommages
& par nos seruices. C'est dans cette douce
correspondance que nous pourrons
experimenter la verité de cet Oracle du
Prophete ; Que bienheureuse est la Nation
de laquelle l'Eternel est le Dieu, & le peuple
qu'il s'est choisi pour heritage .
C'est le dernier point qui nous reste
à vous expliquer,& qui ne sera pas malaisé
à entendre : car apres avoir vû ce
qu'emporte cette admirable promesse,
[nous]
nous ne pouvons pas douter du bonheurSermon
I.
de ceux qui en sont faits participans. Si
la Beatitude consiste dans la delivrance
de toute sorte de maux, & dans la possession
de tous les biens; qui peut douter
que celuy qui a l'Eternel pour son Dieu,
ne soit parfaitement heureux , puis qu'il
trouve dans sa Communion ces deux
glorieux avantages ? Qu'il n'y a point
de mal,dont il ne le delivre,ny de bien
dont il ne le rende jouïssant. I'avouë que
s'il n'estoit question que des hommes,
& si nôtre esperance n'estoit fondée que
dans la terre , nous ne pourrions pas tirer
cette consequence , parce que nous n'y
trouvons que de la vanité & de l'inconstance ;
mais puis que le Dieu bienheureux
que nous servons, est bien éloigné
de toutes ces foiblesses, qu'il est puissant
& qu'il est fidele , qu'il a toute la bonté
& toute la force necessaire pour nous
faire du bien ; comment pourrions nous
douter du bonheur de celuy qui le possede,
& qui a esté receu dans sa communion ?
Non , Mes Freres, nous n'en pouvons
pas douter sans crime, puis que luy
même a la bonté de nous en assurer, &
puis qu'il nous proteste si souvent, que
[s'il]
Sermon
I.s'il est pour nous, il n'y a rien qui puisse
estre contre nous ; nous sommes en état
de ne rien craindre , & de tout esperer.
Car où est le mal , ou le danger qui soit
capable desormais de nous étonner ? Seroit-
ce la colere de Dieu & la rigueur
de sa justice inexorable ? Mais si Dieu est
nôtre Dieu , ne devons-nous pas estre
assurez,qu'il ne nous regarde plus en Iuge,
mais en Pere, & qu'il n'agit plus avec
nous en sa justice , mais en ses grandes
compassions ? Seroit-ce la malediction
de la Loy & les foudres effroyables qu'elle
lance contre les pecheurs ? Mais qui
ne sait que par cette bienheureuse alliance,
nous ne sommes plus sous la Loy,
mais sous la grace , & que Christ ayant
voulu estre fait malediction pour nous,
il n'y a plus desormais aucune condannation
pour ceux qui sont en luy ; Seroit-
ce la grandeur & l'énormité de nos crimes,
ou la violence de nos convoitises?
Mais aprés le pardon qu'il nous en accordé
pour l'amour de Iesus Christ , &
aprés la grace qu'il nous fait de nous regenerer
par son Esprit , pourquoy apprehenderions-
nous , puis que nous savons
que Christ a détruit son empire , & qu'il
[ne]
ne peut plus avoir de domination surSermon
I.
nous ? Seroit-ce encore la rage du
Diable & la haine du monde , qui font
tous leurs efforts pour nous perdre? Mais
que peuvent-ils contre nous,si nous sommes
en la main de celuy qui fait trembler
les Demons en leurs abymes , &
sans la permission duquel ils ne sauroient
rien faire , non pas même entrer dans un
troupeau de pourceau ? Seroit-ce enfin
les frayeurs de la mort & de l'enfer ?
Mais puis que nous sommes avec le Prince
de la vie, qui a les clefs de la mort &
de l'enfer , pourquoy craindrions nous?
Ne savons-nous pas que ce sont des Ennemis
vaincus,qui ne sont plus capables,
ni de nous faire peur, ni de nous nuire?
Ainsi il est constant, que quand il n'y auroit
que cette seule consideration , elle
nous doit obliger déja de reconnoître,
que la nation qui a l'Eternel pour son
Dieu , est parfaitement heureuse ; puis
qu'il n'y a point de mal qui la puisse faire
craindre. Mais que ne devrons-nous
dire, quand nous ferons reflexion sur les
avantages qui nous en reviennent , &
que nous n'y trouvons pas seulement la
delivrance des maux que nous pouvons
[craindre,]
Sermon
I.craindre , mais aussi la possession de tous
les biens que nous pouvons desirer ? Car
en possedant Dieu, n'est-il pas vray que
nous possedons tout ? Sa justice & sa vie,
sa sainteté & sa felicité , sa grace & sa
gloire nous appartienent ; Nous sommes
les heritiers de son Royaume , &
nous ne saurions rien souhaiter pour la
perfection de nôtre bonheur, que nous
ne trouvions abondamment dans cette
source inépuisable de benedictions.
Faut il s'étonner aprés cela, que le Psalmiste
s'écrie ,
Bienheureuse est la nation
de laquelle l'Eternel est le Dieu, & le peuple
qu'il s'est choisi pour heritage . Le livre
des Pseaumes est tout plein de ces saints
transports ; & jamais ce fidele serviteur
de Dieu ne pense à la grace qu'il fait à
ses enfans,qu'il ne tiene le même langage.
Ps. 40.5.
O que bienheureux est le personnage,
dit-il au Psaume quarantiéme, qui s'est
proposé l'Eternel pour son assurance , et ailleurs,
Ps. 146. 5.
O que bienheureux est l'homme à
qui le Dieu de Iacob est en aide ! O que
Ps. 73.
28.
bienheureux est celuy qui se fie en toy! Ceux
qui s'éloignent de toy periront, mais quant
à moy, dit-il en un autre endroit, d'approcher
de Dieu c'est mon bien . Et ainsi en
[une]
une infinité de lieux. Il avoit bien raisonSermon
I.
de le dire , puis qu'il n'y a que Dieu seul,
qui puisse étre nôtre Souverain Bien, &
qui en possede toutes les qualités. Car
s'il faut selon le sentiment des Philosophes,
que ce soit un Bien veritable,qui ait
de la realité, & non pas seulement quelque
apparence ; un Bien infini & universel,
qui puisse remedier à tous nos maux,
& satisfaire nous nos desirs; un bien éternel
& permanent, qui ne nous soit jamais
ôté ; Où pourrons-nous trouver qu'en
Dieu toutes ces conditions ? Pour les
Creatures quelques belles & excellentes
qu'elles soyent ; vous savez que depuis
le peché de l'homme , il n'y en a point
qui ne soit sujette à vanité, & par consequent
incapable de nous donner aucun
veritable bonheur : Et quand il s'en
trouveroit quelques unes qui ne fussent
pas vaines, tant y a qu'étant toutes finies
en leur essence , & imparfaites en leurs
qualités , elles ne sauroyent contenter
nôtre appetit, ni empêcher que nous ne
desirions toûjours quelque chose d'avantage :
Enfin il n'y a personne qui ne sache
que comme elles ont toutes commencé
d'estre , il faut qu'elles prennent
[toutes]
Sermon
I.toutes fin , sans qu'il s'en puisse rencontrer
aucune qui ne soit caduque & perissable :
Es. 40.
6.
Toute chair est comme l'herbe,
& la gloire de la chair est comme la fleur de
l'herbe , l'herbe est sechée , sa fleur est tombée .
Mais il n'en est pas de même de Dieu,
Mes Freres ; C'est un vray bien
qui n'a aucune part à la vanité des Creatures,
puis que c'est la verité même , qui
porte pour cela le nom de
Iehova,pour
dire celuy qui est de par soy-méme , &
qui ne dépend de personne. C'est un
bien infini & universel , car c'est le
Schaddai qui possede la plenitude de
toute sorte de biens, & dans qui nous
trouvons abondamment, dequoy pourvoir
à nous nos besoins. Sommes-nous
dans la souïllure , c'est une sainteté parfaite
pour nous purifier ; Sommes-nous
dans la misere, c'est un thresor de gloire
& de felicité pour nous enrichir ; Sommes
nous dans la mort, c'est le Prince de
Vie pour nous en delivrer. Ainsi ce que
les mondains cherchent vainement dans
la varieté des Creatures. C'est ce que
nous trouvons parfaitement dans l'unité
[du] du Createur, qui renferme dans son sein
Sermon
I. tous les biens que nous pouvons souhaiter.
Mais ce seroit encore peu de chose
d'avoir obtenu cet avantage , si nous
étions à toute heure en danger de le
perdre , ou s'il ne duroit que pour peu de
tems : mais c'est en cela que nous avons
nôtre plus grande consolation , que le
bien que nous avons dans la communion
de Dieu , n'est pas aussi éternel & permanent.
Comme Dieu est vivant aux siecles
des siecles , il veut nous faire part de
son immortalité;en se donnant à nous
une fois , il s'y donne pour toûjours ; &
ceux qu'il a aimez dez le commencement,
il les aime jusques à la fin ; l'alliance
qu'il fait avec nous est éternelle;comme
il promet qu'il ne se retirera jamais
Ier. 32.
40.
de nous ; il nous assure aussi qu'il nous
donnera sa crainte , afin que nous ne
nous retirions point arriere de luy. Iugez
donc , fideles , si étant appuyez sur un
fondement si ferme & si inébranlable,
nous avons quelque sujet de craindre,&
de nous défier du bonheur de nôtre condition ;
& si nous ne devons pas plûtôt
dire hardiment avec notre Prophete,
[phete,]
Sermon
I. Que bienheureuse la Nation
de laquelle l'Eternel est le Dieu & le
peuple qu'il s'est choisi pour heritage . Mais
il me semble sur cela , que j'entens la
chair qui s'oppose à cette verité , &
qui ne peut souffrir qu'on tiene ce langage.
Comment , dit-elle , peut-on appeller
bienheureuse une nation qui se
voit tous les jours dans le combat &
dans la souffrance ? N'est-il pas vray
que dez que Dieu se declare en faveur
de l'Eglise, la Terre & l'Enfer conjurent
contre elle , & n'épargnent rien pour la
perdre ? N'est-il pas vray qu'elle est haïe
& persecutée du monde,qu'il faut qu'elle
porte la croix de son Maître,& qu'elle
se charge de son opprobre ? Le Seigneur
Iesus nous l'a predit si expressément, son
Apôtre nous le confirme si souvent , &
l'experience de tous les siecles nous en
donne tant de preuves , que nous ne saurions
en douter raisonablemẽt : commẽt
donc seroit bienheureux un peuple qui
est exposé à tant de miseres ? C'est bien
ainsi qu'en juge nôtre sens aveugle &
charnel , qui ne s'arrête qu'à l'apparence,
& qui mesure le bonheur, ou le malheur
par l'adversité, ou par la prosperité temporelle
[porelle]
& exterieure : Mais le fidele quiSermon
I.
est éclairé par l'Esprit de Dieu, en raisonne
bien autrement ; Bien loin de croire
que les calamités ou les souffrances de
l'Eglise puissent l'empêcher d'être heureux ;
il est persuadé au contraire , que
c'est le chemin qui nous méne à la felicité ,
que c'est par là que Dieu nous témoigne
son amour , & qu'il nous rend
conformes à l'image de nôtre glorieux
Chef , qu'il avance tous les jours nôtre
sanctification , & qu'il nous fait entrer
dans son divin Royaume. D'ailleurs il est
constant que quelques efforts que le
Diable & que le Mõde fassent cõtre nous,
ils ne sauroient pourtant nous faire perir,
dez que nous appartenons à ce bienheureux
Sauveur. Ils peuvent bien nous attaquer ,
mais ils ne sauroyent nous vaincre ;
Ils peuvent bien nous ébranler,mais
ils ne sauroient nous abbatre. Ils peuvent
bien nous ôter cette vie miserable , que
nous trainons sur la terre; mais il ne sauroient
nous ravir l'éternelle que Dieu
nous a promise. S'il tourmentent le
corps & s'ils le tuent , ils ne peuvent rien
sur l'ame, ny sur le salut, qui est entre les
mains de Dieu. C'est ce qui fait dire à
[l'Apôtre]
Sermon
I.l'Apôtre;
que si Dieu est pour nous, rien ne
Rom. 8.
31.
peut étre contre nous ; & qu'il n'y a accident
ny calamité aucune pour grande
qu'elle soit, qui soit capable de nous separer
jamais de son amour ,mais qu'en toutes
choses nous sommes plus que vainqueurs
en celuy qui nous a aimez. Il ne
nie pas que nous ne soyons exposez à
beaucoup de combats & de miseres;mais
il nous assure,que tout cela ne pourra pas
nous éloigner de Dieu. Les morsures de
cet anciẽ serpent peuvẽt bien blesser nôtre
talon , c'est à dire affliger nôtre chair
qui est la partie inferieure de l'homme ;
mais elles ne sauroient aller jusques à la
teste , pour nous faire des playes incurables,
& nous donner le coup de mort.
Ainsi Dieu conduit si heureusement tous
les coups de nos Ennemis,que quelque
dessein qu'ils ayent de nous nuire , ils ne
sauroyent pourtant y reüssir; Que
dis-je qu'ils ne sauroient nous nuire ?
Dieu fait même qu'ils nous servent , &
qu'ils contribuent à nôtre bonheur ; n'entendez-
vous pas S. Paul qui nous assure
Rom.8.
28.
que toutes choses aident ensemble en bien à
ceux qui aiment Dieu . Ouy dez lors que
Dieu est nôtre Dieu , il faut que toutes les
[cho-]
choses,même les plus contraires & lesSermon
I.
plus prejudiciables , au lieu de nous perdre,
servent à nous sauver,par des secrets
ressorts de sa providence ; au lieu d'étre
les instrumens de nôtre ruïne , elles sont
converties par la bonté de Dieu en des
moyens de nôtre bonheur ; & bien loin
de nous faire du mal , elles nous procurent
beaucoup de bien , en mortifiant
nôtre chair , en rallumant nôtre zele,
en éprouvant nôtre foy & nôtre patience,
en sanctifiant nôtre vie, & en nous
détachant de la terre , pour nous faire
soûpirer aprés le ciel. Et comme ont dit
qu'autrefois un homme perça d'un coup
d'épée un abscés dangereux à son ennemi,
qui luy eut causé infailliblement la
mort , de maniere que son Ennemi fut
son Medecin, & sa blessure sa guerison;
Ainsi Dieu adresse tellement par sa main
invisible & toute-puissante les coups des
méchans contre les fideles, qu'au lieu de
leur nuire, ils leur servent , faisant par sa
providence qu'ils vienent à percer quelque
apostume secrette , c'est à dire à les
delivrer par ce moyen de quelque vice
dangereux, qui étoit capable de les perdre.
Et comme encore l'histoire remarque,
[que]
Sermon
I.que les Perses envoyerent autrefois
aux Egyptiens certaines plantes venimeuses
pour les faire mourir ; mais qu'il
arriva par la bonté du terroir,& par l'inondation
du Nil , que ces plantes qui devoyent
les empoisonner par leurs fruits,
en porterent de tres-innocens & de tres-
agréables : ainsi les afflictions qui sont
autant de plantes envenimées , qui semblent
nous devoir empoisonner , nous
servent d'antidote & de contrepoison
par la grace de Dieu , & produisent de
tres-doux & de tres-agreables fruits de
pieté & de sanctification. C'est ce qui fait
dire à S. Paul que nous-nous glorifions
Rom. 5.
3.4.
dans les afflictions, sachant que
la tribulation
produit la patience, & la patience l'épreuve,
& l'épreuve l'esperance, & que l'esperance
ne confond point , parce que l'amour
de Dieu est épanduë en nos cœurs . Et ailleurs
Heb. 12.
il dit que
Toute discipline sur l'heure
ne semble point étre de joye, mais de tristesse,
mais qu'elle rend en suite un fruit paisible de
justice à ceux qui sont exercez par elle . La
mort même , qui est le Roy des épouvantemens ,
& le dernier ennemi que nous
avons à combattre , nous devient tres-
avantageuse , puis qu'elle n'est plus la
[peine]
peine du peché , & l'entrée des enfers, Sermon
I.
comme elle étoit de sa nature ; mais la
porte du ciel , l'entrée du Paradis, & le
passage à l'immortalité. Et que diray-je
plus ? mes Freres , il n'y a pas même jusques
au peché, qui ne nous serve à quelque
chose ; non pas certes de sa nature,
car il est toûjours noir & abominable ;
mais par la sagesse & par la bonté admirable
de Dieu , qui, comme il tira autrefois
la lumiere des tenebres,fait sortir du
mal le bien, & des tenebres funestes du
peché,fait resplẽdir les rayõs salutaires de
sa misericorde,lors qu'il faut surabonder sa
grace par dessus nos pechés,& qu'il se sert
même des chûtes de ses enfans,pour les
rendre plus avisez dans leur conduite , &
plus fermes dans ses voyes. Puis donc
que toutes les choses,même les plus contraires,
servent à nôtre salut, & qu'il n'y a
rien de tout ce que fait le Diable ou le
Monde contre nous , qui nous empêche
de le posseder ; devons nous par conclurre
hardiment avec le Prophete ; Que
bienheureuse est la Nation , de laquelle l'Eternel
est le Dieu & le peuple qu'il s'est choisi
pour heritage .
Mais ce n'est pas assez , Mes Freres,
[que]
Sermon
I.que nous ayons compris en general la verité
ce cet Oracle : Le principal est que
nous en façions maintenant une serieuse
application à nous-mêmes , & que nous
le gravions profondement dans nos
cœurs , pour nous servir de consolation
dans nos tristesses , de correction à
nos vices , & d'adresse & d'instruction
dans toute nôtre vie. Et certainement il
faut bien avoüer, que comme cette excellente
doctrine est l'abbregé de l'Evangile ,
& la mouëlle de toute la doctrine
du salut , elle est aussi la vraye source
de nôtre joye,le fondement de nôtre foy,
& la régle de toute nôtre conduite.
Voyons donc icy devant toutes choses, si
nous sommes veritablement du nombre
de ceux qui ont part à cet avantage;C'est
sans doute la premiere reflexion , que
nous sommes obligez de faire sur cette
matiere, & sans laquelle tout ce que nous
pourrions dire d'ailleurs nous seroit absolument
inutile : Car que nous serviroit
de savoir que la Nation qui a l'Eternel
pour son Dieu est bienheureuse , si
nous ne pouvons pas étre assurez d'étre
de ce nombre ? & quelle consolation
pourrions-nous avoir de toutes les promesses
[messes]
que Dieu fait à son peuple, & desSermon
I.
biens qu'il luy accorde ; si nous sommes
exclus de cette bienheureuse communion ?
C'est à cela donc que nous devons
principalement travailler,pour étre
en état de jouïr du fruit de cette admirable
promesse. Ne me dites pas, Mes
Freres , comment pourrons-nous avoir
cette connoissance,faut-il que nous montions
dans le Ciel pour feüilleter le livre
de vie, & pour voir si Dieu y a écrit
nos noms par le decret de son election?
La chose n'est pas si difficile , que vous
ne puissiez facilement en venir à bout,
si vous vous y appliquez avec soin : Non
par pour monter dans le Ciel, & y fouïller
dans les secrets du conseil de Dieu,
qu'il s'est reservé à soy-même : mais pour
descendre dans vos cœurs,& pour y considerer
les merveilles de sa grace, qu'il
vous a voulu reveler : Ce n'est pas en
recherchant curieusemẽt ce qu'il a resolu
de vous de toute éternité ; mais c'est en
remarquant ce qu'il a fait pour vous dans
le tems , & ce que vous avez fait envers
luy : car ce sont les deux principales marques,
ausquelles nous pouvons connoître,
si nous sommes le peuple de Dieu ; ses
[graces,]
Sermon
I.graces, & nos devoirs ; sa vocation , &
nôtre sanctification; les faveurs qu'il nous
accorde, & les services que nous luy rendons.
S'il est vray qu'il nous ait appellez
par une sainte vocation , & que nous luy
ayons répondu par nôtre foy ; s'il nous a
honorez de sa connoissance salutaire , &
si nous demeurons fermes dans sa verité;
s'il nous a choisis pour étre ses enfans , &
si nous l'honorons comme nôtre Pere ;
Nous ne devons pas douter , que nous ne
soyons de cette nation sainte,à laquelle il
promet la felicité.Et si cela est , Mes Freres,
comment est-il possible que nous ne
soyons ravis en admiration de sa bonté
& comblez de consolation & de joye,
dans le sentiment de nôtre bonheur? Representez-
vous le malheureux état , dans
lequel nous étions avec le reste des
hommes ; des miserables criminels , des
esclaves des Démons , des victimes de
l'enfer , qui étant sans Dieu & sans esperance
au monde , ne pouvions attendre
que les foudres épouvantables
de sa colere ; Et cependant quoy que
Dieu pût nous abandonner & nous laisser
perir comme les autres , il a eu pitié
de nôtre misere , & il a trouvé luy-même
[par]
par devers soy les moyens de nôtre salut;
Sermon
I. il nous a separez des autres pour nous
prendre pour son peuple , & il nous a fait
part de toutes ses graces ; & comme si ce
n'étoit pas assez , il s'est donné soy-même
à nous. Les Iuifs profanes disoient autrefois
en mentant , lors que le Seigneur
leur representoit les diverses marques de
son amour ,
Et quoy nous as tu aimez ?
Malac.
1. 2.
Mais , Fideles , nous avons sujet de tenir
un tout autre langage, & de luy dire avec
verité ; En quoy ne nous as tu pas aimez
Seigneur , & que n'as tu pas fait en nôtre
faveur ? Que pouvions-nous desirer de ta
bonté, que tu ne nous l'ayes accordé?
nous étions perdus, & tu nous as sauvez;
nous étions esclaves, & tu nous as rachetez;
nous étions coûpables de mille crimes ,
& tu nous les as tous pardonnez ;
nous étions dans la mort , & tu nous as
donné la vie : Si ta justice & nôtre peché
demandoit un merite infini pour le prix
de nôtre rançon ; tu n'as point fait de
difficulté de nous donner ton propre Fils
pour y satisfaire : Si nous avions besoin
de ton Esprit pour nous sanctifier & pour
nous consoler ; tu nous l'as communiqué
pour demeurer avec nous éternellement;
[ ment:]
Sermon
I.Si nôtre misere & nôtre neant
ne pouvoit se remplir que par toy-même;
tu ne nous as pas refusé cette inestimable
faveur ; en nous prenant à toy, tu t'es
donné à nous avec toutes tes graces : tu
as voulu estre nôtre Dieu,& que nous fussions
ton peuple. En quoy donc ne nous
as-tu pas aimez ? Certainement , Freres
bienaimez , nous serons bien obligez de
le reconnaître & de le confesser ; quand
nous nous souviendrons, que tout ce qu'il
en a fait,n'a été qu'un pur mouvement de
sa misericorde, sans que nous luy en eussions
jamais donné de sujet. Ouy , Fideles ,
donnons luy en la gloire toute entiere ;
Ne sacrifions jamais à nos rets ni à
nos filez , comme si c'étoit par nos merites
que nous eussions aquis cet avantage:
Quoy ? miserables vers de terre que nous
sommes , povres & chetives creatures ,
pecheurs rebelles & criminels,oserions-
nous bien pretendre quelque chose de la
Majesté de Dieu ? oserions - nous bien
nous flatter de cette pensée , que nous
l'ayons prevenu , & qu'il ait eu quelque
chose en nous plus que dans les autres,
qui l'ait obligé à nous choisir pour son
heritage ? Que les Docteurs de l'erreur
[& du]
& du mensonge ; Que les Partisans deSermon
I.
la Nature,& les Ennemis de la Grace en
disent ce qu'ils voudront : Pour nous,
Fideles , qui sommes instruits dans une
meilleure Echole , avoüons franchement
que c'est luy qui nous a prevenus en ses
misericordes , qui nous a choisis de son
pur bon plaisir , & que c'est à luy seul
que nous en devons toute la gloire.
Mais comme cette pensée nous oblige
à nous humilier en nous-mêmes , & à
publier la merveille de la bonté de Dieu
sur nous ; N'avons-nous pas sujet en cela
même de nous consoler dans l'assurance
de nôtre bonheur , & de nous servir
de cet Oracle,comme d'un bouclier impenetrable
pour éteindre tous les dards
enflammez du malin ? Car si nous sommes
une fois bien persuadez de cette verité,
que Dieu est nôtre Dieu & qu'il nous
a choisis pour son heritage ; Où est le
mal,ou le danger qui nous fasse craindre?
Vivant sous la protection de ce Souverain
Seigneur, tout sage, tout puissant, & tout
misericordieux ; & étant à l'ombre de
cette main invicible , & à l'abri de ce
grand bouclier , de qui pourrions-nous
avoir peur ? Quand les hommes se joindroyent
[droyent]
Sermon
I.avec les Demons, quand la Terre
& l'Enfer uniroient leurs forces pour
nous perdre ; Tout cela ne devroit pas
estre capable de nous étonner,Car
si Dieu
Rom. 8.
31.36
est pour nous, qui est-ce qui sera contre nous?
qui est-ce qui nous separera de la dilection
de Christ ; sera-ce oppreßion, ou angoisse, ou
persecution , ou détresse , ou famine, ou nudité,
ou peril, ou épée ? Mais en toutes ces
choses nous sommes plus que vainqueurs en
celuy qui nous a aimez . Ce n'est pas que
nous puissions nous promettre aucun repos
ny contentement de la part du monde ;
car vous savez que l'une des premieres
leçons que le Seigneur nous ait données,
c'est celle de charger sa croix & de
renoncer à soy-même ; & vous n'ignorez
pas que le charactere de l'Eglise , c'est de
gemir comme la colombe , & d'avoir
beaucoup de maux à souffrir & d'ennemis
à combattre ; Quand cela ne seroit
pas necessaire pour éprouver nôtre foy
& nôtre patience ; nous aurions besoin
de cet exercice, pour nous corriger de
nos defauts, & pour nous preparer à la
possession de la gloire : Mais nous savons
que Dieu est nôtre Dieu , que s'il nous
[frappe]
frappe, il le fait en Pere, & non pas en Iuge , Sermon
I.
non pour nous perdre , mais pour
nous sauver , & pour nous faire participans
de sa sainteté. Nous sommes assurez
qu'au milieu de sa colere , il se souvient
toûjours d'avoir compassion ; s'il
cache sa face pour un instant au moment
de l'indignation , il nous recueïlle dans
ses compassions éternelles : & s'il enuoye
du mal, il ne l'envoye jamais par dessus
nos forces , mais avec la tentation il nous
donne l'issue , afin que nous la puissions
supporter. Nous savons que s'il permet
que le monde nous haïsse & nous persecute,
c'est afin que nous apprenions à le
detester & à le haïr ; mais qu'il ne souffrira
pas qu'il prevaille jamais sur nous , ny
qu'il en triomphe. Réjouïssõs-nous donc,
Fideles, en cette pensée ; Opposons la à
toutes les tentations dont nous pourrions
étre assaillis, puis qu'il n'y en a point , qui
puisse nous arracher de la communion
bienheureuse du Seigneur , ny nous faire
dechoir du salut, à la possession duquel il
nous a appellez. Que cette même consideration
nous soûtienne encore dans les
souffrances & dans les persecutions , où
nous voyons souvent l'eglise exposée ; &
[sur]
Sermon
I.sur tout dans cette triste & calamiteuse
saison, où il semble que Satan,voiant qu'il
luy reste peu de tems, redouble ses efforts
& ses machinations contre elle d'une façon
extraordinaire : Souvenons - nous
toûjours , que quoy qu'il face, il ne viendra
jamais à bout de son mauvais dessein;
parce que Dieu qui a voulu estre son
Dieu , & qui l'a prise pour son peuple,
l'environne de sa providence , & la garentit
Ps. 46.6.
par sa puissante main,
Dieu est au
milieu d'elle, elle ne bougera point ; Dieu luy
donnera secours au point du jour . Ouy, mes
Freres , soyons-en bien persuadez. Encore
que nous voyons souvent les dangers
& les miseres augmenter ; Encore
qu'il semble que la tempête s'éleve de
tous côtés , ne nous en effrayons point
pourtant ; Assurons - nous sur Dieu, &
nous serons en repos sous ses aisles ; Il
nous veut beaucoup plus de bien, que
nos ennemis ne nous sauroient faire de
mal : Ils sont méchans & nous sommes
infirmes ; mais sa puissance est sans comparaison
plus grande que nôtre infirmité,
& sa bonté surpasse infiniment toute leur
malice : Ayons seulement soin de luy
plaire, & il aura soin de nous conserver ;
[Ne]
Ne perdons jamais la qualité de son peuple, Sermon
I.
& de ses fideles sujets ; & il ne quittera
point celle qu'il a prise en nôtre faveur
de Protecteur & de Pere.Ainsi contens
de nôtre bonheur,jouïssons doucement
de la grace qu'il nous accorde, sans
desirer rien davantage. Laissons courir
les mondains aprés les honneurs,les plaisirs,
& les thresors du siecle ; qu'ils établissent
tant qu'ils voudront leur souverain
bien en ces choses perissables ; Pour
nous , Fideles , qui en connoissons la vanité
ne leur envions jamais ce partage ;
Contentons - nous d'avoir le Seigneur
pour le nôtre , & sachons que cela nous
suffit ; & que c'est la bonne part qui ne
nous sera jamais ôtée. Ie say bien que
nous n'y trouverons pas les grandeurs &
les avantages du monde , comme dans
Babylone ; Mais nous y trouverons ce qui
vaut infiniment mieux, la remission de
nos pechez, la paix de la conscience ,
l'assurance de la grace, & l'esperance de
la gloire. Nous n'y trouverons pas le
bras de la chair , ny la faveur des Grands
& des Princes de la terre ; Mais nous y
trouverons le bras éternel & tout-puissant
du Seigneur , qui se déploye pour ses
[enfans]
Sermon
I.enfans , & la faveur du Roy du Ciel & de
la Terre , qui n'est point sujette à changement,
comme celle des hommes.Nous
n'y rencontrerons pas les douceurs ny les
delices trompeuses du siecle ; Mais nous
y goûterons les veritables contentemẽs,
& les joyes inenarrables du ciel , qui ne
seront plus mélées d'aucune amertume,
& qui nous feront noyer agréablement
dans le vaste Ocean des delices de la
gloire. Mais , Chers Freres , si le sentiment
de l'amour de Dieu & de nôtre
bonheur nous donne tant de joye;Souvenons-
nous aussi des devoirs & des services
qu'il nous demande. Car, si toutes les
alliances des hommes sont reciproques,
& obligent l'une & l'autre des parties à
l'observation de quelques conditions,
douterons-nous que celle que nous avons
avec Dieu ne soit de la même sorte ? Il
veut être nôtre Dieu ; mais c'est à condition
que nous soions son peuple ; s'il est
Pere que nous soions enfans ; s'il nous aime,
que nous le servions ; s'il nous benit,
que nous les loüions ; s'il nous donne ses
biens , que nous luy rendions nos reconnoissances ;
enfin s'il est nôtre Dieu par
son amour & par sa protection, que nous
[soyons]
soyons son peuple par la fidelité deSermon
I.
nôtre obeïssance. Car , pourrions-nous
bien nous imaginer , que Dieu veuïlle
étre pour ceux , qui se declarent contre
luy , qu'il favorise de son amour & de
sa protection , ceux qui luy sont incessamment
la guerre par leurs vices , &
qu'il regarde comme son peuple & ses
enfans , ceux qui dans leur vie & dans
leurs actions sont tous les jours des actes
d'ennemis & de rebelles ? Ah ! Mes
Freres , ne nous flattons pas de cette criminelle
pensée ; sachons plûtôt que nous
ne serons jamais bien avec luy, que nous
n'ayons rompu absolument avec le peché
& avec le monde ; & que nous ne
l'aurons jamais pour nous , que nous ne
soyons pour luy. Si Iesus Christ disoit
avec beaucoup de raison pour prouver
l'immortalité de l'ame & la resurrection
du corps,que Dieu n'est pas le Dieu
des morts, mais des vivans ; Nous pouvons
par la même raison montrer la necessité
de nôtre sanctification , & dire
aprés luy , qu'il n'est pas le Dieu
des méchans & des profanes , mais
des fideles & des justes. Voulons-
nous donc sçavoir , si nous luy appartenons
[nons]
Sermon
I.en cette sorte , regardons si nous
avons le seau & le charactere qu'il demande ;
si nous sommes saints comme il
est saint ; Si, comme il nous a choisis par
son amour par dessus tous les hommes
de la terre, pour être ses enfans & son
peuple; Nous le choisissõs aussi par nôtre
foy, par dessus tout ce que nous avons de
plus cher au mõde pour être nôtre Dieu
&nôtre Pere;Si cõme il s'est ẽgagé à nous
aider par ses promesses,& même par son
serment; Nous-nous engageons aussi à le
servir par nôtre obeïssance ; Si comme il
s'interesse hautement dans nos maux &
dans nos souffrances, en prenant part à
tout ce qui nous touche ; Nous-nous interessons
aussi dans sa cause , combattans
genereusement pour sa querelle , ne faisant
point de difficulté de souffrir tout
pour sa gloire,s'il nous y appelle : En un
mot , comme en se nommant nôtre
Dieu ,il nous assure que tout ce qu'il est,
tout ce qu'il a , & tout ce qu'il fait
nous appartient, ses vertus , ses biens , &
ses œuvres ; ainsi si nous sommes veritablement
à luy ; il faut que tout ce que
nous sommes, tout ce que nous avons, &
tout ce que nous faisons soit à luy & pour
[luy]
luy, nos personnes, nos biens & nos vies, Sermon
I.
en sorte que nous n'ayons plus aucun autre
Dieu que lui, & que nous bannissons
de nôtre cœur toutes ces fausses Divinités
ausquelles nous faisions encensemens ;
non pas seulement les idoles
grossieres des Payens ; mais les idoles secretes
de jalousie, que les Chrétiens n'adorent
que trop souvent, l'avarice, l'ambition ,
la volupté, la colere, & semblables
passions maudites, que les profanes
établissent dans leurs cœurs, comme autant
de divinités , devant lesquelles ils se
prosternent : Au contraire que ce soit
luy seul, qui regne en nôtre cœur , &
qu'il en soit tellement le Maître , que
nous n'ayons plus de mouvement ny de
pensée , qui n'ait son Esprit pour principe ,
sa volonté pour régle , & sa gloire
pour fin. Et si nous avons l'avantage du
Seigneur , que demande cela de nous,
sinon que nous répondions à ses soins par
nos services , & que recevant tant de
preuves de sa bonté , nous luy rendions
quelques marques de nôtre reconoissance ?
Quoy voudrions-nous ressembler
à cette vigne maudite , qui ayant été
[culti-]
Sermon
I.cultivée avec tant de soin , lors qu'on en
attendoit du fruit , ne rapporta que des
grappes sauvages ? Voudrions-nous être
comme ce figuier sterile de l'Evangile,
qui n'ayant manqué de rien pour fructifier ,
demeura toûjours sterile , & enfin
fut justement maudit & coupé ? Voudrions-
nous être comme Iesurun qui
aprés avoir été engraissé,a regimbé contre
son Dieu ? Fideles , Dieu nous garde
de tomber dans ce funeste malheur;
qu'il nous donne plûtôt d'être si constans
& si fideles à son service , qu'il n'y ait
rien qui soit capable de nous en détacher ,
ny les promesses , ny les menaces
du monde , ny la prosperité, ny l'adversité,
ny la mort , ny la vie ; afin que nous
vivions toûjours comme la nation sainte
& le peuple aquis du Seigneur , & que
nous puissions experimenter la verité de
cet Oracle du Prophete,que bienheureuse
est la nation de laquelle l'Eternel est le Dieu,
& le peuple qu'il s'est choisi pour heritage .
Si toutes les Eglises du Monde
peuvent avoir part à cet avantage ; ne
faut-il pas avoüer, Mes Freres, que celle
que vous composez aujourd'hui , l'a
particulierement experimenté, & qu'elle
[le est]
est un commentaire vivant de ces divines
Sermon
I. paroles. Qui est-ce qui peut
considerer son établissement & sa subsistance,
qui ne reconnoisse visiblement la
main de Dieu qui la soûtient , & sa grace
qui l'accompagne ? Si Moyse
pouvoit dire autrefois de l'ancien peuple ,
O que tu es bienheureux Israël ; qui
Deut. 33.
29
est le peuple semblable à toy, qui a été gardé
par l'Eternel , qui est le bouclier de ton
aide , & l'épée par laquelle tu as été hautement
élevé ? Pouvons-nous pas dire la
même chose de Vous en plus forts termes ?
N'estes-vous pas bienheureux,de
ce qu'il vous a delivrez de la puissance
des tenebres,pour vous transporter au
royaume de sa merveilleuse lumiere ; &
qu'au lieu que vous voyez tant de peuples
plongez dans l'erreur & dans la
superstition ; Il vous a éclairé par la lumiere
de sa verité , il a dressé le trône de
sa grace au milieu de vous, & a choisi ce
lieu pour en faire son sanctuaire ? N'étes-
vous pas bienheureux,de ce qu'au milieu
de tant de confusions que vous voyez
aujourd'huy au monde , & de desolations
d'Eglises , Dieu vous conserve encore
par sa misericorde la liberté d'ouïr sa
[parole]
Sermon
I.parole & de l'invoquer en ce lieu ; & de
ce que, là où tant d'autres fideles sont
privez de cet avantage ; il vous donne le
moyen de recueillir dans ce desert la
manne celeste qu'il y fait tomber, pour
vous nourrir dans l'esperance de la vie
éternelle ? N'êtes-vous pas bienheureux,
de ce que le Seigneur vous a transplantez
du terroir malheureux du monde,où
vous n'étiez que des plantes maudites
de Sodome & de Gomorre , dans le paradis
de son Eglise , où vous environne
en sa providence , il vous arrose de sa grace ,
il vous cultive de sa main, & il
vous regarde avec plaisir comme son
heritage ? Ouy certainement, Mes Freres ,
il faut le confesser à la gloire de
Dieu,& à vôtre consolation; & Vous serez
bien ingrats & bien miserables si
vous en parliés autrement. Mais n'oubliez
pas aussi , je vous prie, que des saveurs
si considerables , demandent aussi
des services & des recõnaissances toutes
particulieres. La grandeur & la multitude
de ses graces augmente la grandeur
& le nombre de vos obligations. S'il
vous a fait part de ses benedictions les
plus precieuses , n'est-ce pas afin que
[vous]
Vous luy rendiez vos hommages & vosSermon
I.
respects avec plus de soumission & d'attachement ?
Sil vous a favorisez plus
que beaucoup d'autres , à quoy tend cela,
sinon à ce que vous l'aimiez aussi plus
qu'eux , & que la sincerité & le zele de
vôtre gratitude réponde,autant que faire
se pourra,à l'excellence de sa grace ? S'il
vous a fait une nation sainte & un peuple
aquis, que demande cet avantage, sinon
que vous préchiez les vertus des celuy qui
vous a transportez des tenebres, au
royaume de son fils bienaimé ? En un
mot , s'il s'est donné à vous, que vous-
vous donniez à luy,& que, sous quelque
pretexte que ce soit, vous ne vous laissiez
jamais débaucher de son service , ni
détacher de la veritable Religion qu'il vous
a enseignée. Regardez donc , Freres
bien aimez , de ne manquer jamais
à ces salutaires devoirs ; Comme il fait
les actes d'un Prince clement & misericordieux ;
Rendez luy tous les devoirs
d'un peuple fidele & obeïssant;Comme
il vous a plantez & cultivez de sa propre
main, & qu'il vous considere comme son
cher heritage ; Répondez à ses soins & à
sa culture par les fruits agreables d'une
[vraye]
Sermon
I.vraye pieté & d'une sincere repentance;
Qu'il ne vous arrive jamais d'étre de
ce mauvais arbres, ou de ces sarmens
steriles, qui ne portent point de fruit;
soyez plûtôt comme ces beaux arbres,
plantez le long des ruisseaux d'eaux,dont
la feuille ne dechet jamais , & qui portent
leur fruit en leur saison,cõme l'Eden
de l'Eternel , auquel il prend son plaisir.
C'est ce que le Seigneur attend de vôtre
fidelité , Mes chers Freres, & ce que
nous nous promettons de vôtre zele.
Vous en avez déja donné trop d'assurances
par le passé pour en douter, & les
exemples illustres , que l'on a toûjours
veu au milieu de vous, & que l'on y voit
encore aujourdhuy par la benediction
de Dieu , de foy & de zele , de pieté &
de charité , de fermeté & de constance;
nous persuadent que vous serez toûjours
les mêmes , & que comme vôtre foy &
vôtre charité est déja renommée par
tout le monde , vous abonderez de plus
en plus en ces dons celestes , pour épandre
par tout la bonne odeur de l'Evangile ,
& de faire paroître de tous côtés l'éclat
de vos bonnes œuvres , afin que les
hommes voyans cette agréable lumiere,
[glori-]
glorifient nôtre Pere qui est aux cieux.
Sermon
I. Continuez , Freres bien aimés , dans ce
bon & genereux dessein. Si Dieu ne se
lasse pas de vous bien faire , ne vous lassez
pas de le servir ; s'il n'épargne rien
pour vous favoriser, n'épargnez aussi rien
de vôtre côté pour luy plair. Et comme
jusqu'icy , vous avez fait voir par la
fidelité & par la soûmission que vous
avez renduë à vos Superieurs , que l'obeïssance
que vous devez à Dieu, n'étoit
pas incompatible avec le respect qu'il
vous demande, & que nôtre Religion &
nôtre doctrine n'étoit pas ennemie des
Puissances Superieures , que nous savons
étre établies de Dieu , comme on a accoûtumé
neanmoins de l'accuser faussement ;
Demeurez toûjours fermes en
cette pensée,de rendre à Cesar ce qui est
à Cesar , & à Dieu ce qui appartient à
Dieu, & sachez que vous ne rendrez jamais
au Seigneur de service qui luy soit
agreable, si vous n'avez soin de faire paroître
dans vôtre vie la verité de la belle
devise que S. Pierre recommande aux
Chrétiens de
Craindre Dieu & d'honorer
1. Pier.
3.
17.
le Roy . Enfin, Mes Freres, faites voir par
vôtre conduite que ce n'est pas seulement
[ment]
Sermon
I.de nom & de profession, mais réellement
& en verité , que vous étes le
peuple de Dieu, par la sainteté de vôtre
vie, & par l'honesteté de vôtre conduite.
Ce sera le vray moien de fermer la bouche
à la calomnie, qui accuse ordinairement
nôtre Religion,comme vous savez,
d'étre ennemie de la pieté,& de favoriser
la licence. Ce sera le moyen de justifier
pleinement la sincerité de vôtre
foy & la pureté de vôtre doctrine. Ce
sera le moyen sur tout d'attirer sur vous
la continuation des graces du Ciel, & de
vous affermir dans la possession de vôtre
bonheur. Dieu qui verra vôtre fidelité,
ne manquera pas de la couronner : il
continuëra à épandre ses graces & ses
benedictions , & sur l'Eglise en general,
& sur tous ses membres en particulier ;
il vous sera toûjours Soleil & Bouclier ;
il vous donnera grace & gloire ; il ne
vous refusera aucun bien que vous pourrez
desirer , & qui vous soit vrayment
salutaire. Ouy, Mes Freres, nous devons
esperer, que ce grand Pasteur, qui depuis
tant d'années fait paître ses troupeaux
parmi les Lys, & qui a planté cette Eglise
avec tant de demonstrations de sa
[puis-]
puissance & de son amour , luy qui l'a
Sermon
I. conservée jusques à present , & qui la
conserve encore aujourd'huy avec tant
de merveille , nonobstant la malice & la
contradiction du Diable & du Monde;
continuera sur elle par la même bonté
les effets de sa grace & de sa protection,
pour l'interest de sa gloire, la confusion
de ses ennemis, & la consolation de ses enfans.
C'est ce que nous luy demandons ,
Mes Freres , pour Vous du plus
profond de nos cœurs ; comme nous le
prions de nous favoriser toûjours de son
amour , afin qu'ayant experimenté icy
sur la terre , la verité de cette admirable
promesse;Nous puissions tous un jour
en voir l'accomplissement dans le ciel ,
lors que nous orrons cette grande voix,
qui dira,
Voici le Tabernacle de Dieu avec
les hommes, & il habitera avec eux , & ils
Apoc. 21.
3.
seront son peuple, & Dieu luy même sera leur
Dieu avec eux . A luy Pere, Fils, & S. Esprit,
un seul Dieu benit éternellement,
soit Gloire,Empire,& Magnificence aux
siecles des siecles.
Amen.