SERMON
SVR CES PAROLES
De
l'Apôtre Saint Paul aux Ephesiens,
chap.4. vers.30.
Et ne contristez point le Saint Esprit de
Dieu, par lequel vous avez esté seelez
pour le iour de la redemption .
LE péché est un pas extraordinairement
glissant, on y tombe
lors même qu'on l'a prévû:
combien plus facilement lors
qu'on n'y a point pris garde. C'est un abîme
devant les pieds des aveugles, il n'y a
rien de plus facile que de s'y précipiter,
mais de sortir du précipice, c'est là que se
trouve la difficulté. Cependant comme
il n'y a rien de plus sale que le vice, aussi
ne pourroit-on commettre une plus grande
folie que d'en foüiller son ame. Ceux
qui nous décrivent les proprietez de l'hermine ,
nous enseignent , qu'elle aime
mieux se laisser prendre au chasseur que
de passer à travers l'ordure, pour ne point
sallir la blancheur de sa peau, pour laquelle
seulement on la poursuit : C'est ainsi
que le Diable qui est toûjours à l'entour
de nous, comme un Lion rugissant, tâche
de plonger nos ames dans les abîmes du
péché : mais les fidelles conservent la candeur
& la pureté, considerant d'un côté les
jugemens de Dieu qui menacent les méchans,
& de l'autre les recompenses gratuites
Hebr. I1.
qu'il promet à ceux
qui pourchassent la
paix & la sanctification . Toutesfois ce qui
les oblige particulierement à l'étude de la
sanctification, c'est qu'ils considerent que
le péché déplait extrémement à Dieu, &
offense outrageusement sa Majesté. De
sorte que le fidele s'étudieroit à la pieté,
quand même il ne seroit point épouvanté
par les menaces, ni atiré par les promesses,
& il auroit le péché en abomination,
puisque par luy Dieu nôtre Pere se trouve
offensé, & outre cela son Saint Esprit
contristé.
C'est la verité que l'Apôtre enseigne
dans ces excellentes paroles que nous venons
[nons]
de lire. Ceux que ce vaisseau d'élection
exhorte sont tous les vrais Chrêtiens,
à qui il parle en la personne des
Ephesiens, qui ayant ouï la parole de l'Evangile,
avoient renoncé à leurs idolâtries
& embrassé le pur service que nous devons
à Dieu. Leurs entendemens étant
délivrez des tenebres de l'erreur, il leur
fait voir le chemin qu'ils devoient tenir
pour arriver à la vie eternelle & bien-heureuse.
C'est la même grace que nous avons
ressentie d'enhaut : aussi c'est à nous que
s'adresse l'exhortation qui n'est employée
que pour nous animer au combat contre
les tentations du péché. Car ayant donné
ces belles exhortations dans les versets
précedens, Ayant dépoüillé le mensonge,
parlez en verité chacun à son prochain : car
nous sommes membres les uns des autres.
Courroucez-vous & ne péchez point, que le
Soleil ne se couche point sur vôtre courroux,
& ne donnez point lieu au Diable, que celuy
qui déroboit ne dérobe plus, mais plûtôt qu'il
travaille de ses mains en ce qui est bon, afin
qu'il ait pour départir à celuy qui en a besoin ;
que nul propos infect ne sorte de vôtre
bouche ; mais celuy qui est bon à l'usage d'édification,
afin qu'il donne grace à ceux qui
l'oyent . Maintenant pour nous montrer
combien il nous importe de renoncer à
ces vices & pour donner du poids à son exhortation ,
en nous mettant devant les
yeux le plus puissant de tous les motifs, il
ajoûte, Et ne contristez point, &c . La conjonction
employée par l'Apôtre qui lie
ces mots avecque les précedens, le montre
évidemment comme s'il disoit ; ô Fideles !
vous avez esté honorez d'une sainte
vocation , vous avez receu les graces
de l'Esprit : Ayez donc soin de conserver
un si riche joyau : N'éteignez point ces
belles clartez que cét Esprit allumées en
vous : N'afligez point celuy par qui seul
vous pouvez avoir quelque joye , & ne
contristez point par vos péchez celuy qui
vous remplit de toute consolation.
Pour bien comprendre le sens des paroles
de l'Apôtre, il nous faut considerer
deux choses. I. De qui l'Apôtre parle. 2.
Le commandement qu'il nous fait. En la
premiere partie, il faut examiner la qualité
qui est donnée à celuy dont il parle.
En la seconde, le bien que nous en avons
receu.
O Esprit Saint qui autrefois reposas en
forme de langues départies comme de
feu sur ces premiers Annonciateurs de ta
parole, & aussi-tôt ils commencerent à
parler des langages étrangers,ainsi que tu
leur donnois à parler;Donne-nous aujourd'huy
une double portion de tes graces,
afin que nous puissions proposer à ton
peuple avec un langage remply de force
& d'évidence , ces choses magnifiques:
que cette grande multitude en soit toute
émeuë, & que chacun travaille à réjouïr
cét Esprit par la verité dans ses paroles, &
par la sainteté dans toute sa conversation.
AMEN.
Ce seroit, ce me semble, une chose superfluë
de nous arrêter beaucoup à vous
faire voir que ce mot d'
esprit vient d'un
terme qui signifie soufler, ou respirer. En
l'Ecriture Sainte il se prend quelquefois
pour l'air, ou bien pour le vent qui l'agite,
ainsi
l'Esprit soufle où il veut, c'est à dire, le
Iean 3.
vent . Dieu se servant des choses corporelles,
pour nous faire comprendre les spirituelles ;
il se prend aussi pour les mouvemens
spirituels qui sont bons ou mauvais:
en ce sens il nous est parlé de l'Esprit d'adoption,
de l'Esprit de crainte. Icy l'Apôtre
entend la troisiéme personne de la
glorieuse Trinité. Quoy que ce soit une
propriété essentielle à toutes les trois Personnes ,
toutefois c'est particulierement
la troisiéme que nous apelons Esprit, parce
qu'il procede du Pere & du Fils comme
un soufle;& sur tout parce qu'il inspire
sa vertu pour produire en nous les œuvres
divines, & cela d'une maniere invisible,
mais neantmoins tres-éficace, semblable
au vent qu'on ne voit point, & dont cependant
l'action est tres-puissante & les
effets tres-sensibles.
Cét Esprit est qualifié par l'Apôtre Esprit
de Dieu & Esprit Saint. Ses bien-faits
nous sont clairement representez, il nous
a seelez pour le jour de la redemption . Il y a
deux sortes de personnes que nous prenons
garde de n'offenser point : ceux qui
sont élevez en quelque haut rang , que
la gloire de leur naissance, ou que les charges
considerables qu'ils possedent dans l'Etat
élevent beaucoup par dessus nous, &
ceux que leur bonté a obligez de nous
faire ressentir les effets de leurs faveurs.
Les premiers, de peur d'en recevoir quelques
déplaisirs. Les derniers, sur l'esperance
de recevoir la continuation de leurs
bien-faits. Nous rencontrons icy ces deux
choses jointes par un accord admirable.
La grandeur, c'est l'Esprit de Dieu & un
Esprit Saint. Sa bonté, nous ayant seelez
pour le jour de la redemption. La grandeur ,
comme il a une même essence avec
les deux autres Personnes, aussi a-t-il une
même puissance. Ces effets merveilleux
qu'il produisit au jour de la Pentecôte le
montrent tres-clairement. Ceux qui ne
pouvoient parler qu'une seule langue sont
rendus capables de parler à chacun selon
la sienne. Cela n'arriva que par la puissance
de l'Esprit : C'est luy qui donne la faculté
Gen. I.
vegetable aux choses du monde,
qui donne à Betsaleel la sagesse & l'intelligence
Exod 31.
en tout artifice , qui donne aux
Nomb. II.
soixante-&-dix Anciens la sagesse de gouverner ,
qui forme les prieres en nos
Rom. 8.
cœurs lorsque nous ne sçavons comment
il faut prier. Nôtre Apôtre luy donne le
titre de
Saint . Mais ne pouvoit-il pas luy
donner quelque éloge plus magnifique,
Nous le representant come l'Esprit de
principauté, de courage, & de gouvernement ,
ainsi qu'il est representé par luy-
même aux Corinthiens ? Ne pouvoit-il
I. Cor.2.
pas mettre en avant les consolations
Rom.5.
dont il remplit nos cœurs, y répandant la
de Dieu ? Leur faire voir la paix
interieure , ce calme secret que nous
avons par son moyen, nous faisant jouïr
du Paradis avant le Paradis, & de la gloire
avant la gloire ? Non (chers Freres) il
ne veut pas le presenter aux fideles d'Ephese
comme le grand, le puissant, le Consolateur,
mais il l'apele le Saint : ce qui est
assez ordinaire dans les Saintes Ecritures
qui l'apelent souvent le Saint, ou l'Esprit
de Sanctification. Ce n'est pas que la Sainteté
n'apartienne également à toutes les
Es. 6.
Personnes de la glorieuse Trinité
: C'est
la leçon que nous donnent ces armées
celestes representées dans les revelations
du Prophete Esaïe , ces Seraphins qui
crient Saint, Saint, Saint. C'est aussi le
Apoc. I.
langage de ces animaux representez par
l'Apôtre Saint Iean dans son Apocalypse.
La repetition de ce titre nous conduit
comme par la main au Ciel, pour nous y
faire voir la Sainteté de toutes ces trois
Personnes ; En la Prophetie de Daniel
Dan.9.
l'Ange parle
des soixante-dix semaines déterminées
sur le peuple & sur la sainte ville
pour consumer le péché , faire propiciation
pour l'iniquité, amener la justice des siecles,
clorre la vision, & la prophetie, & oindre le
Saint des Saints. C'est un riche portrait
qui nous represente clairement la Sainteté
de Iesus Christ ; que le Prophete David
avoit proposé disant,
Tu ne permettras
Pseau.I6.
point que ton Saint sente corruption ; que
l'Ange ensuite confirma à la Sainte Vierge,
ce qui naîtra de toy sera Saint . Toutefois
ce titre appartient d'une façon particuliere
à l'Esprit, parce qu'il sanctifie immediatement
les éleus. le Pere nous a
créez, le Fils nous a rachetez, & le Saint
Esprit nous sanctifie. Le Pere a travaillé
pour une fois à nôtre creation : c'est pour
une fois que le Fils a travaillé à nôtre redemption :
mais le Saint Esprit travaille
sans cesse à nôtre sanctification. Cét Esprit
ayant à graver l'image de la Divinité
en nos cœurs, y grave non celle de l'Infinité
& de la Toute-puissance, mais de la
Sainteté. I'avouë que la gloire & la puissance
sont des titres bien excellens
: mais
il y a quelque chose de plus considerable
dans la Sainteté. Le Fidele peut bien subsister
icy bas sans gloire & sans magnificence,
souffrir les miseres & endurer les
tourmens, mais il ne peut jamais être privé
de la Sainteté. Que l'homme jouïsse
de toutes les grandeurs que vous pourriez
concevoir, qu'il possede toutes les richesses
que vous pourriez souhaiter ; s'il
est dépouïllé de Sainteté, c'est un objet
digne d'aversion & de haine : si de l'autre
côté vous voyez un homme dans la misere,
si vous le voyez innocent & vertueux,
sa misere vous donnera pitié & de la
compassion, mais vous n'aurez pourtant
aucune aversion pour luy. L'Election, la
Vocation & la Iustification sont des biens
tres-excellens, des graces qui nous remplissent
de joye, & qui nous ravissent en
admiration : mais nous pouvons dire avec
asseurance, que la Sanctification est un
bien plus glorieux & plus excellent ; la fin
étant toûjours plus excellente que les
moyens qui nous y conduisent. Or c'est
à elle que regarde l'Election & la Vocation,
Eph. I.
Benit soit Dieu qui est le Pere de nôtre
Seigneur Iesus-Christ , qui nous a benis de
toute benediction spirituelle aux lieux celestes
en Christ, comme il nous a éleus en luy
devant la fondation du monde , afin que
nous fussions Saints & irreprehensibles devant
luy en charité . C'est donc cét Esprit
qui loge dans nos ames pour donner ordre
à la bonne conduite de nôtre vie,
nous empêchant de mal faire , & nous
portant à bien faire. Les Rois de la terre
[ont] ont accoûtumé d'avoir prés d'eux durant
leur repas un Medecin, qui prene garde
qu'ils ne mangent quelque mauvaise viande
capable d'alterer leur santé
: aussi les
Enfans de Dieu ont avec eux le Saint Esprit
qui leur enseigne quel regime de vie
il faut tenir, & quel chemin il faut suivre
pour parvenir à la vie éternelle. Iesus-
Christ aprés avoir achevé ce grand ouvrage
de nôtre redemption , nous a laissez
quant à sa presence corporelle ; mais il n'a
pas voulu nous laisser orphelins , il nous a
donné son Saint Esprit, comme pour tenir
sa place, & pour être son Lieutenant, ainsi
que disoit un Ancien. C'est l'Esprit de
Tertullien.
Dieu qui est toûjours prés de nous. Et
c'est icy où nous avons à admirer son incomprehensible
Sagesse. L'Esprit avoit
montré sa vertu en la prémiere creation;
il étoit donc necessaire qu'en nôtre sanctification,
qui est une seconde creation il
s'employât encore ; & son action y paroît
avec une merveilleuse beauté. Le ciel
avec tous ses flambeaus qui nous éclairent,
la terre avec tous les animaus qui
la couvrent, avec toutes ses fleurs dont
elle est parée, nous font entendre cette
voix,
il vit que tout ce qu'il avait fait étoit
bon ;
Toutefois le Ciel avecque toutes ses
clartez , cette terre avecque tous ses
fruits, ne sont rien en comparaison d'un
entendement bien illuminé, & d'un cœur
qui, comme une terre fertile, produit des
fruits agreables de pieté & de sanctification.
Il y a eu un temps de la dispensation
du Pere & du Fils
: Ne faloit-il pas aussi
qu'il y en eût un de celle de l'Esprit ? Et
comme nous le considerons ainsi que la
troisiéme Personne, aussi la Sanctification
est comme la troisiéme que nous considerons
aprés la Creation & la Redemption.
Aprés la manifestation du Pere & du Fils,
nous en attendions une autre , & c'est
celle du S. Esprit qui s'est donné à conoître
au temps de l'Economie Evangelique,
par les dons extraordinaires de Prophetie,
de langues, de miracles ; mais particulierement
par ceux qui sont propres
aux élûs qui sont l'adoption & la sanctification ;
ce sont ces dons sans repentance,
Rom. II.
dont parle l'Apôtre. C'est à quoy regardoit
Iesus Christ en l'Evangile selon Saint
Iean I5.
Iean,
Le Consolateur que je vous envoyeray
de par mon Pere, sçavoir l'Esprit de verité
qui procede de mon Pere, celuy-là témoignera
de moy .
C'est ce que l'Apôtre montre, disant,
que par luy nous avons été seelez pour le
jour de la redemption . Comme s'il disoit,
c'est par cét Esprit que vous avez été marquez
comme enfans de Dieu, afin qu'un
jour vous soyez reconnus comme tels, &
admis à la jouïssance de la gloire celeste.
Nous trouvons deux grands benefices
joints d'un lien indissoluble , la Redemption
& le Seau. Le premier appartient à
Iesus-Christ , le dernier au Saint Esprit.
Nous avions besoin de tous les deux pour
pouvoir être un jour possesseurs de la vie
éternelle. Nous étions esclaves, il nous a
falu metre en liberté. C'est la délivrance
que Iesus nous a aquise par le sanglant sacrifice
de la Croix,
en qui nous avons redemption
par son sang, sçavoir à remission
Eph. I.
des pechez . L'or & l'argent n'ont pas été
capables de nous procurer un si grand
bien ,
Vous avez été rachetez, non point
par or, non point par argent , mais par le
I.Pier.
sang de l'Agneau sans tache & sans souïllûre.
Cette redemption est admirable eu
égard à son Auteur, à la maniere, aux personnes
rachetées, & à sa perfection. Elle
a un jour, sçavoir le jour de sa Passion, ç'a
été le jour de l'entier payement. C'est
alors
qu,il a crié,
Tout est accomply , les cérémonies
sont abolies, les soufrances finies,
& le salut de fideles achevé. C'est
cette redemption qui nous délivre de la
malédiction de la Loy, qui nous fait voir
la montagne de Sinaï sans flâmes, le Legislateur
sans colere, & la Colombe avec
le rameau d'olive en son bec.
Nous sommes
Rom.3.
justifiez par la redemption qui est en
Iesus-Christ.
Comment donc est-ce que le Saint
Apôtre dit maintenant, que nous avons
été seelez puis que ce jour est passé, & qu'à
present comme Iesus-Christ ne peut plus
souffrir,ny mourir, aussi est-il tres évident
qu'il ne faut plus chercher d'autres jours
de croix, ny de souffrances pour l'expiation
de nos péchez, en laquelle consiste
nôtre redemption ? Mais (chers Freres)
si nous le considerons bien, il faut plus
d'un jour pour une entiere & parfaite redemption.
Il a falu un jour pour le payement
& pour l'aquisition : mais il en faut
aussi un pour nous metre dans l'entiere
possession. Il est vray, que presentement
nous pouvons dire avec une sainte joye,
I. Cor. I.
C'est de Dieu que vous étes en Christ qui
vous a été fait de par luy sapience, & justice,
& sanctification, & redemption . Toutefois
nous sommes encore sous la main de nos
ennemis , nous sentons le combat de la
chair contre l'esprit. Le péché est encore
au dedans de nous : Iacob même nôtre
pere étoit boiteus , disent les Hebreux,
nous sommes encore sujets à la mort, qui
est le dernier des ennemis qu'il faut combatre,
personne ne se peut exempter du
sepulchre. David mesura autrefois au cordeau
les Moabites , il en mesura deux
cordeaus pour les faire mourir, & il y en
2. Sam. 5.
eut un pour la vie :
Icy il est ordonné à tous
Heb. 9.
hommes de mourir une fois . Mais prens courage,
Fidele:il y a un jour pour nôtre entiere
redemption, c'est le jour de la seconde
apparition de Christ, c'est le jour de nôtre
glorieuse resurrection. C'est à ce jour que
Iesus-Christ regarde, lors qu'il nous commande
de
lever nos têtes en haut, parce que
Lun.2
nôtre délivrance aproche ; jusques à ce jour
nous soûpirons comme étant sujets à la vanité
& à la corruption & toute creature
en fait de même:mais nous particulieremẽt
Rom
qui avons les prémices de l'Esprit, nous-mêmes,
dit l'Apôtre, soûpirons en nous-mêmes,
en attendant l'adoption,sçavoir la redemption
e nôtre corps. Paroles tres-dignes de nôtre
considération : car il semble que l'Apôtre
fasse consister toute la gloire de nôtre
adoption en la redemption de nôtre
corps, c'est à dire, en nôtre resurrection.
Ne vous en étonnez point,Fideles:car lors
que nous voyons les enfans de la maison
mourir aussi bien que les autres hommes
& sentir les horreurs du sepulchre, il peut
en quelque façon sembler alors qu'il y
a sujet d'insulter contre eux, & de dire,
Où est l'accomplissemẽt des promesses de
Dieu ? Où sont ces privileges particuliers
qui les distinguent d'avecque les méchans
& les reprouvez ? Ce sera donc au jour
que Iesus les fera sortir du tombeau, &
qu'il rendra leur corps de vil qu'il étoit,
conforme à son corps glorieux, & les élevera
en corps & en ame en sa gloire celeste ;
que toute la pompe de leur adoption
aparoîtra, & qu'il en arrivera aux
membres comme il en est arrivé au chef.
Il a été porté dans le tombeau comme le
reste des hommes, mais il en a rompu les
portes. Et ce Soleil ayant soufert pour
quelques heures une grande éclipse , a
paru à nous par sa glorieuse resurrection,
avec une merveilleuse beauté ; & si cette
resurrection a été comme la quitance publique
que le Pere a donnée , pour montrer
que sa Iustice étoit entiérement satisfaite
: Aussi a-ce été par ce moyen qu'il
a donné à conoître qu'il étoit vrayement
Fils de Dieu. C'est la leçon de l'Apôtre,
qui dit, que Christ
fut pleinement declaré
Fils de Dieu en puissance par la resurrection
Rom. I. 4.
d'entre les morts . Il est vray qu'avant la resurrection
il en avoit donné de grandes
preuves : mais s'il fut demeuré en la mort,
cette derniere infirmité les eût toutes
aneanties, au lieu que sa resurrection les
a authentiquemẽt confirmées.C'est pourquoy
Saint Paul dit encore,
Iesus Christ a été
Rom. 4. 25.
ressuscité pour nôtre justification ,& S.Pierre
dit,
que Dieu nous a regenerez en esperãce
I.Pier.I.3.
vive par la resurrection de Iesus Christ d'entre
les morts. Ce qui nous aprend que par
sa puissance invincible, il défendra les fideles
contre tous leurs ennemis, & qu'il
les tirera enfin de leur main pour les introduire
dans le glorieux sejour de la felicité.
Il est vray qu'ils sont pour un temps
privez de la jouïssance actuelle de ces
biens, ils les ont pourtant déjà en Christ,
qui est le dépositaire de leur trésor. Leur
vie est cachée en luy, mais elle est si certaine
& si asseurée , que dés maintenant
ils peuvent chanter ce chant de triomphe
Eph.2.
avec l'Apôtre :
Mais Dieu qui est riche en
misericorde par sa grande charité, de laquelle
il nous a aimez du temps même que nous
étions mors en nos fautes , nous a vivifiez
ensemble avec Christ, nous a ressuscitez ensemble,
& nous a fait seoir ensemble aux lieux
celestes en Iesus-Christ.
O glorieuse journée pour les Fideles qui
verront les élûs délivrez de toute sorte de
dangers ! C'est alors qu'ils verront les larmes
essuyées de leurs yeux, & qu'ils seront
rendus jouïssans d'une liberté & d'une
gloire éternelle. Dans le jour de cette
bien-heureuse redemption, toute l'Eglise
sera renduë parfaitement victorieuse de
tous ses ennemis, & introduite avec pompe
& magnificence parmy les acclamations
des Anges en la Ierusalem celeste,
pour y jouïr de tous les biens qui luy sont
préparez. C'est ce qui d'un côté rehaussera
la puissance de Dieu, quand il relevera
nos corps tous ensemble en cette grande
journée des tombeaux où ils avoient reposé
pendant tant de siecles, & rendra à
chacun le sien propre. C'est ce qui augmentera
la gloire de ces nouveaux rachetez,
lors qu'en présence de tous les
hommes, il les mettra en possession du
Royaume qui leur a été préparé dés la
fondation du monde , pendant que les
méchans seront précipitez dans les abîmes.
Et c'est icy où paroît l'éficace de ce
Seau que nous propose maintenant l'Apôtre.
Avant que le jour de nôtre entiere redemption
arrive, il nous pourvoit du seau.
L'un ne va point sans l'autre. C'est Nahomi
& Ruth, ces deux femmes sont inséparables.
Ne séparons jamais ce que Dieu
a si bien conjoint. Certes il ne faut pas icy
rechercher laquelle de ces deux choses
est la plus grande, celle du Prophete,
le
Fils nons a été donné , ou celle de l'Apôtre,
L'Esprit nous a été donné . Ces deux mysteres
sont tres-grands, & nous pouvons
dire avec asseurance, que sans eux il n'y
auroit point de salut. Sans la redemption
nous serions encore dans l'esclavage, &
sans l'Esprit la redemption nous seroit
inutile.Ces deux choses étoient représentées
à l'ancien peuple dans le mystere de
la Pâque. Il faloit faire mourir
nn agneau,
Exod.I2.
rôtir cét agneau, prendre du sang de cét
agneau, teindre le poteau des portes avec
de l'hyssope trempée dans le sang. Maintenant
nous pouvons donner une claire
explication de cét énigme. Cét agneau
Iean I.
mis à mort représentoit la mort de
cét
Agneau de Dieu qui ôte les péchez du monde .
L'hyssope trempée dans ce sang nous
conduit comme par la main à ce seau. En
la purification du Lepreus , le sang &
Levit. I4
l'huile étoient employez , le sang montroit
l'expiation par le sacrifice de Iesus-Christ,
& l'huile étoit le symbole de la
sanctification par l'éficace du Saint Esprit.
A quoy l'Apôtre Saint Iean regarde,quand
Iean 2.
il dit,
mais vous avez l'Onction de par le
Saint, & connoissez toutes choses .
Mais, chers Freres, voyons plus particulierement
quelle est la force du terme.
Seeler . n'est autre chose que faire impression
d'un cachet sur un sujet capable de
le recevoir. Lors donc que le Saint Esprit
grave en nous le beau caractere de
la sainteté, & nous fait sentir par les fortes
refléxions que nous faisons sur nous-mêmes,
Ephes. I.
les dous fruits de la redemption,
qui nous remplissent de paix , nous faisant
resister courageusement à tous nos
ennemis, pour être fideles à Dieu jusques
à la mort, il est dit nous
seeler . L'Apôtre
avoit employé ce mot au commencement
de cette Epître.
Ayant ouy la parole
Ephes. I.
de verité,l'Euangile de vôtre salut , vous avez
été seelez du Saint Esprit de la promesse .
La foy justifiante est toûjours suivie des
bonnes œuvres,ce feu ne peut jamais être
sans sa chaleur, ny ce Soleil sans sa clarté :
& la paix cette fille du Ciel est aussi la suite
Rom.5.
inseparable de la foy. Entre les hommes
chacun aime à marquer ce qui luy apartient ,
le Marchand sa marchandise, le
Berger son troupeau, le Soldat ses armes ;
dans les familles les cachets sont employez
afin que le pere de famille marque les choses
qui sont à luy : ainsi Dieu marque ses
éleus par son Esprit, qui les regenere en
nouveauté de vie,éclairant leur entendément
d'une lumiere de connoissance salutaire,
échaufant leur volonté par des saints
mouvemens, qui les portent à faire mourir
le péché,&en dépoüillant le vieil homme
revétir le nouveau créé selon Dieu en justice
Ephes.4.
& en sainteté .
Cette façon de parler est digne de consideration,
vous avez été seelez , il parle à
tous les fideles d'Ephese, de quelque âge,
de quelque sexe , de quelque condition
qu'ils soient. Il n'y a point de separation
du grand d'aveque le petit, du riche d'aveque
le pauvre. Que tu sois Iuif ou Gentil ,
si tu as part à la redemption, tu es aussi
participant du seau. L'Apôtre comme
vn fidele dispensateur en la maison
de Dieu conduit tous les fideles en la sale
du festin, pour leur faire recueïllir la manne ,
leur faire manger le vray miel, repaître
leurs ames de même esperance &
fortifier leurs cœurs en l'attente de mesmes
promesses. Pour luy , personne ne
doutoit qu'avec le seau de son Apostolat
il n'eût aussi receu celuy-cy,il en avoit luy
mesme le sentiment comme il l'enseigne
2.Cor.I.
ailleurs ,
Celuy qui nous confirme avecque
vous en Christ,& qui nous a oints,c'est Dieu;
lesquel aussi nous a seelez & nous a donné les
arres de l'Esprit en nos cœurs .
O fideles,ne doutez point que vous ne
soyez seelez aussi bien que le plus grand &
le plus celebre des Apôtres. Comme autrefois
Act.2.
l'Esprit
reposa sur chacun d'eux pour
les rendre propres à la vocation dont Dieu
les avoit honorez:aussi chaque fidele a certe
consolation particuliere d'être seelé l'Esprit
Ioël 2.
a été répandu
sur toute chair , suivant la
prediction de Ioël. Et comme c'est à chacun
en particulier que les Pasteurs qui ont
charge dans l'Eglise donnent les seaus de
l'Alliance aussi
chaquo Chrestien reçoit
I.Iean 2.
le seau de: l'Esprit. Saint Iean en sa premiere
Catholique confirme cette verité ,
parlant à tous les fideles, sans distinction
aucune de leur condition, il leur atribuë
à tous l'Esprit qu'il apelle l'Onction pour
connoitre les choses du salut. Nous sommes
les brebis de l'Eternel, ce grand Berger
a donné à chaque brebis de discerner
la voix du berger d'avec celle de l'étranger.
Ceux qui ne veulent point que chacun
soit seelé de cét Esprit, renversent les
paroles de l'Apôtre, & se jetent dans des
contradictions épouvantables,voulant que
le fidele ne soit point fidele
puisque si quelqu'un
n' a point l'Esprit de Christ, celuy-là
Rom.2
n'est point à luy .
Vous avez été seelez . C'est tout le fidele
qui est seelé. Nôtre Dieu a des seaus qui
ne servent à plusieurs que pour les seeler
exterieurement. Comme sous la loy , il avoit
la Circoncision que l'Apôtre appelle
le seau de la justice de la foy ,sous l'économie
Rom.4.
Evangelique,il a le Baptesme;& ces seaus
exterieurs bien souvent ne seelent pas le
dedans.Les méchãs reçoivent le signe exterieur
à leur condamnation : mais ce seau
est gravé sur tout le fidele. L'ame qui est
spirituelle & invisible a le seau : le corps
ne l'a pas moins. L'un & l'autre participẽt
à la grace de la redemption & tous deux
portent le seau de la sanctification. Nous
ne sommes plus à nous mesmes, nous avons
été rachetez par prix, il
faut donc
.6.
glorifier Dieu en nos corps & en nos esprits,
lesquels apartiennent à Dieu. Le Sage au
livre des Proverbes nous dit, que nous
donnions nôtre cœur à l'Eternel : & l'Apôtre
Rom.I2.
aux Romains
nous exhorte d'ofrir nos
corps en sacrifice, saint, plaisant à Dieu, qui
est nôtre raisonnable service. Cet Esprit ne
nous laisse pas comme on laissoit autrefois
la femme étrangere , à laquelle
on coupoit tant seulement les ongles &
les cheveux,c'est à dire,ne grave pas seulement
au dehors quelque sainteté aparente
& exterieure, ne nous fait pas seulement
Exode 8.
porter comme le Souverain Sacrificateur
sur nôtre front,
La Sainteté à l'Eternel ,
pour laisser en suite regner en dedans
l'esprit immonde. Il seele le dedans
& le dehors ; pendant que les méchans
sont semblables à Achab, qui nonobstant
tous ses déguisemens fut mis à mort entre
les miliers d'Israel.
Il ne faut pas s'étonner de ce procedé
de l'Eternel ; car il y a quelque conformité
du Chef avec son corps mystique. Il
Iean 6.27.
avoit receu le seau & le cachet du Pere.
Travaillez nou point pour la viande qui perit,
mais pour celle qui est permanente à la vie
éternelle, que le Fils de l'homme vous
donnera : car le Pere,sçavoir Dieu, l'a aprouvé
de son cachet . Il avoit son seau de toute
éternité.
Le fondement de Dieu demeure ferme,
2. Tim. 2. 19.
ayant ce seau Dieu connoit ceux qui sont
siens,& quiconque invoque le Nom de Christ
se retire d'iniquité. Ce seau qui nous est
donné dans le temps, & qui est une suite
du premier, nous fait retirer des soüilleures
du monde. L'Eternel nous marque par
ce seau, pour nous discerner des reprouvez
qui portent le seau du Diable, ayant
leur entendement obscurcy des tenebres
d'ignorance, leur volonté toute portée à
mal faire, leur vie dereglée & toute leur
conversation scandaleuse. Tels, dis je,sont
les reprouvez sur l'ame desquels le Diable
a mis son seau. Si ceux qui ont été mordus
des chiens enragez le deviennent eux-mêmes :
aussi voyez vous les méchans que
le Diable a marquez de son seau,être toûjours
épris d'une envie diabolique de mal
faire ; leurs langues débordées en blasphemes
& medisances,leurs yeus pleins de regards
malins & meurtriers,leur mains occupeés
à mal-traitter leurs prochains. Enfin
la vie des reprouvez est une charogne
puante de vices qui sẽblables à des broüillards
tres-épais leur font perdre la rayonnante
lumiere du Soleil. Les fideles au
contraire employent leurs yeux à contempler
les merveilles du Souverain, leurs
oreilles à oüir sa parole,leurs langues à entonner
ses saints Cantiques , leurs pieds
pour courir dans les sentiers de justice:enfin
ils vivent en la crainte de Dieu & meurent
en sa grace.
De ce grand salut les fideles en ont les
vives asseurances en leur cœur par le Saint
Esprit,qui y demeure comme un cachet
imprimé pour les asseurer de leur élection
& de leur vocation éficace. Et c'est ce
sentiment,cette tranquilité & cette asseurance
qui font la perfection de ce seau.Ce
qui nous montre la difference de celuy-cy
d'avec ceux dont nous avons accoûtumé
de nous servir icy bas. Qu'ils soient d'or
ou d'argent,la cire pourtant n'est point capable
d'en sentir l'impression : mais pour
les fideles ils en ont vne solide connoissance
& un vif sentiment ; semblable à celuy
[du]
du petit enfant qui tressaillit dans le ventre
de sa Mere, à la salutation de la Sainte &
Bien heureuse Vierge. Par ce seau il nous
arrive le contraire de ce qui arriva à ce
jeune garçon qui ne sçavoit rien de l'afaire
qui se traitoit entre Ionathan & David,
il n'y avoit qu'eux d'eux qui le sceussent.
Dieu ne nous cache pas nôtre bonheur
en nous recevant en sa grace ; Cét
Esprit nous traite comme le pere de l'enfant
prodigue;il luy fit donner vn habit, il
mit vne bague en son doigt: cét habit nous
represente la redemption de nôtre Seigneur
Iesus Christ : Cette bague est le sceau
de son Esprit : mais outre cela il l'embrassa
& le baisa : cét embrassement & ces baisers
du Pere Celeste sont la dilection qu'il
répand dans nos cœurs par le Saint Esprit :
Et comme cét enfant voyoit & sentoit les
embrassemens & les aimables caresses de
son pere, aussi cét Esprit par ce seau nous
fait connoître & sentir toutes les bontez
paternelles de celuy
qui nous a benits de
Eph.
toutes benedictions spirituelles aux lieux celestes
en Iesus Christ. C'est ce caillou blanc
où est écrit le nouveau nom d'éleu & de
fidele,
que nul ne connoist,sinon celuy qui l'a
Apoc 2.
receu. C'est cette manne cachée que le monde
ne connoît point . C'est le seau du Dieu vivant
qui nous seele l'alliance de grace &
toutes les promesses de felicité qui nous
sont faites en l'Evangile. Enfin c'est luy
qui témoigne à nôtre esprit que nous
sommes enfans de Dieu.
Et de fait, comment est-ce que nous ne
concevrions cette asseurance avec ce seau ?
Lors qu'vn criminel a receu le seau à ses
lettres de grace, il ne craint plus la colere
de son Prince, tous ses épouvantemens
cessent, & au lieu de cris & de pleurs, il ne
fait entendre que chants de triomphe ; il
en prend de mesme au fidele par ce seau,
beaucoup plus excellent que celuy que
peuvent donner les Princes de la terre,
qui ne regarde que la vie temporelle &
perissable, au lieu que l'autre regarde la
vie spirituelle & éternelle. Il n'y a furie,
pour épouvantable qu'elle soit, qui le
puisse abbatre ; aussi là où la justice a mis
le seau, personne n'oze y toucher. Les fideles
marquez de ce seau ne craignent
point les attaques de ce lion rugissant, car
le malin ne les touche point. Les Nautonniers
lors que les vagues s'élevent &
que la mer est irritée ont acoûtumé de
jeter l'ancre : C'est ce seau qui comme vne
[vraye]
vraye ancre nous fait penetrer jusques au
dedans du voile, nous asseure au milieu des
flots de la tentation ; & nous conduit en
telle façon que nous sommes asseurez d'arriver
au port de salut. Sans elle il n'y a
Heb.6.
point de consolation en nos jours, de repos
en nos ames, de fermeté contre l'orage,de
victoire contre la tentation. C'a été ce
seau qui a réjoüi les anciens Martyrs dans
leurs aflictions & qui les a fait aller aux
feux & aux flâmes avecque le mesme visage
de ceux qui en revenoient. C'est cette
sauvegarde que nôtre Prince nous a donnée,
qui fait que courageusement nous
passons à travers tous les obstacles qui
nous voudroient arrêter dans nôtre carriere,
jusques à ce que par vne mort heureuse
nous entrions en la possession de la
Canaan Celeste. C'est ce qui fait que
l'Apôtre le qualifie
arre de l'heritage jusques
Eph.1.
à la redemption de la possession acquise
à la loüange de sa gloire : il eut beaucoup
dit,s'il se fut servy de ce terme de
gage ,qui
se donne aussi pour l'asseurance & accomplissement
des promesses
: mais il y a cette
diference,que l'on retire le gage lors qu'on
a satisfait : mais l'arre demeure & fait partie
du payement. Et comme on n'ôte pas
l'arre qu'on avoit donnée par avance, mais
on acheve la somme promise : ainsi nôtre
Seigneur n'ôte jamais au fidele l'Esprit
d'adoption qu'il luy a vne fois donné ,
mais il en augmente les dons & les graces.
Ce n'est pas à temps que nous les recevons ,
c'est jusques à nôtre entiere delivrance
qu'il demeure en nous, pour y graver
le seau de la Sainteté. Ce n'est pas un
passager qui ne demeure qu'vne nuit dans
vne hostelerie. I'avouë qu'il forme ce seau
en nous par degrez, comme autrefois il
guerit les yeux de l'aveugle : mais comme
vne letre doit demeurer cachetée jusques
à ce qu'elle soit parvenuë entre les mains
de celuy à qui elle est adressee, ainsi nôtre
ame qui doit aller à Dieu demeure seelée
du Saint Esprit jusques à ce qu'elle
soit parvenuë entre les mains de nôtre
Pere Celeste, qui accomplit tous nos desirs,
qui change nôtre foy en veuë, nôtre
esperance en jouïssance, & nous couronne
de sa gloire.
Comme les Prophetes nous ont donné
des riches portraits des choses qui devoient
arriver en l'accomplissement des
temps ; aussi trouvons nous que cette verité
a été tres-clairement representée par
[le]
le Prophete Ezechiel. Les Anges sont employez
Ezech.9.
pour faire ressentir à Ierusalem les
effets de la vengeance de l'Eternel ; mais
avant qu'ils décochent les traicts de cette
justice vengeresse, la gloire du Dieu d'Israël
s'éleve de dessus le Cherubin,& crie à
l'homme qui étoit vétu de lin,
passe par
le milieu de la ville, par le milieu de Ierusalem,
marque la letre Thau sur le front des hommes
qui gemissent & soûpirent à cause de toutes
les abominations qui se commetent au dedans
d'elle ;
& aux autres il leur dit,
qu'ils
frapent, que leur œil n'aye point de compassion
sans faire aucune distinction de sexe, ny d'âge:
mais qu'ils n'aprochent point d'aucun de ceux
sur lesquels seroit le signe: ceux qui furent seelez
furent épargnez,mais le reste fut mis en pieces.
Ce sont les cent quarante quatre mille
Apoc. 7.
marquez de toutes les Tribus des enfans d'Israël
qui entendent cette voix de l'Ange qui
montoit du costé d'Orient , tenant le seau du
Dieu vivant, qui cria à haute voix aux quatre
Anges, à qui il estoit ordonné de nuire à la
Terre & à la Mer, de ne nuire point jusques
à ce que les serviteurs de Dieu fussent marquez
en leurs fronts : Ceux qui furent marquez
furent épargnez ; mais pour les autres,
il y eut ordre de les detruire & de
ne les épargner point. Aussi dans le jour
de la redemption de ceux qui ont le seau,
Dieu dira: Ceux-cy sont miens, ils portent
ma marque , quant aux autres ils entendront
cette voix, Ie ne les connois point.
Puis donc qu'en cette demeure favorable
du Saint Esprit en nous, consiste nôtre
salut, & le moyen d'avoir nos ames
remplies de joye au milieu des plus cuisantes
afflictions, quelle doit estre nôtre
reconnoissance envers luy ? L'Apôtre
nous l'apprend quand il nous dit,
Ne le
contristez point ,qui est la derniere partie de
ce discours. Comme s'il disoit; Cét Esprit
console ton ame, y met le Paradis avant
le Paradis, seellant en ton cœur la verité
des promesses de Dieu ; Voudrois tu luy
procurer du déplaisir & du mécontentement ?
Il nous donne du laict à boire &
fait reposer nos consciences doucement.
Voudrions-nous l'abreuver de fiel & de vinaigre ?
Il nous rassasie des douces consolations
de la grace de Dieu, voudrions-nous
le faire vivre parmi la mauvaise
odeur du vice ? C'est generalement ce
que veut dire ce terme,
Et ne contristez
point ? Il semble que l'Apôtre a égard à ce
Esaïe 63.
que disoit le Prophete Esaïe,
Ils ont esté rebelles,
[ belles,]
ils ont contristé l'Esprit de Sa Sainteté .
Et à ce que dit le Roy & Prophete David
Ps 78.
,
Combien de fois ont ils contristé l'Eternel
au desert, & l'ont ils irrité au lieu
inhabitable ? Ie n'ay pas besoin de vous
auertir ( chers Freres ) que Dieu est dit se
contrister en la mesme façon qu'il se courrouce ,
qu'il a compassion, qu'il se repent.
Arriere l'imagination folle & extravagante
des Iuifs, qui veulent l'assujettir
à ces basses passions , ausquelles nous
sommes sujets. Il a mis la paix en ses hauts
lieux, il jouït d'vn repos qui n'a point de
changement, il est lumiere, & n'y a point
de tenebres en luy.Aussi le Saint Esprit est
la joye même, & n'y a point de tristesse
en luy. A quoy sert donc ce commandement
s'il n'est point capable de tristesse ?
C'est pour nous apprendre ce que nos pechez
sont capables de faire ; si l'Esprit en
soy n'est point contristé, nous sommes
pourtant coupables d'un tel crime ; parce
que nous n'auons rien oublié qui dépendit
de nous pour le contrister. C'est en ce
sens que nous appellons coupable du
corps & du sang du Seigneur, celuy qui
participe indignement aux signes sacrez ;
parce qu'il a fait ce qui eut souïllé son
corps sacré , qui est maintenant hors de
toute atteinte de soüillure. Le Soleil, cette
source de la lumiere, & ce dispensateur
du temps , nous semble noir & obscur,
quand quelque épais nuage nous en dérobe
la clarté, & nous empêche de jouïr de
l'éclat de ses rayons. Nos pechez sont
semblables à ces mauvaises exhalaisons,qui
nous privent de la clarté de cét Esprit ,
quoy qu'il en soit il ne perd rien de sa lumiere
éclatante. Et comme Dieu paroist
irrité,lors qu'il nous fait ressentir les effets
d'une personne enflammée de colere violente
contre nous, aussi l'Esprit est dit estre
contristé , lors qu'arrestant le progrés
de la sanctification qu'il avoit commencée
en nous par sa grace, & trouvant corrompu
par nos vices le lieu qu'il avoit
choisi pour sa demeure, il l'abandonne, &
alors la paix & la joye qu'il nous avoit fait
sentir,sont troublées.
Tout autant de pechez que nous commettons,
sont autant de moyens, par lesquels
nous le contristons : car le peché est
cét ennemi, qui se tenant sur le passage,
rompt tout commerce avec la grace. Il y a
quelque accord de tout ce qui est en la
nature avecque Dieu, il n'y a que le peché
qui soit entierement contraire à sa nature
& à sa gloire. Mais comme entre les fautes
que commet un enfant, il y en a sans
doute qui causent plus d'amertume & de
fascherie au pere que ne feront les autres :
aussi j'estime , qu'il faut rapporter ce commandement
à ces vices dont il fait le denombrement
aux versets precedens, les
mensonges & coleres demesurées, les paroles
sales , les larcins , quand aprés avoir
mis en avant tous ces vices, il ajoûte, Ne
contristez point ? C'est leur dire; Vous estes
obligez, ô fideles, de renoncer generalement
à toute sorte de pechez ; mais particulierement
aux mensonges, à la colere,
& à tous discours sales. Ce sont ces vices
crians qui contristent le Saint Esprit, ce
sont des choses qui sont entierement contraires
à sa nature, à sa volonté, & à ses
opérations. Ce seroit nous écarter de notre
sujet que de vous entretenir de tous
ces vices en general : mais faites seulement
quelque reflexion sur le verset qui precede
immediatement le nôtre. Qu'est ce qui
choque plus la nature de cét Esprit que
ces paroles sales, qui bien souvent soüillent
nos langues, & empuantissent l'air
par leur puanteur. Cét Esprit parut au
jour de la Pentecoste en forme de langues
départies, comme de feu, pour nous
apprendre à retenir nos langues dans les
bornes de la pieté. Ce feu du Ciel n'a point
allumé ce feu d'Enfer ; si nous ne sçavons
retenir nôtre langue, nôtre Religion sera
Ps. 34.
vaine.
Qui aime sa vie & veut voir ses jours
bien-heureux , qu'il garde sa langue . Mais
vous concevez assez l horreur de ces vices,
qui ne trouvant point de partisans en la
grace, n'en trouvent point aussi en la nature.
Qui est celuy d'entre vous , chers Freres,
qui ayant obtenu quelque patente de
son Roy, fust si insensé que d'en rompre le
seau ; mais qui au contraire n'employast
toute sorte de soin pour le conserver ? Si
on eut veu quelque Israëlite ôter le sang
de l'Agneau, dont le poteau de sa porte
avoit esté arrosé, n'eut-on pas dit que
cette personne estoit digne de pitié & de
compassion ? Il n'estoit cependant question
que de la perte de la vie temporelle,
mais il s'agit ici de l'éternelle.
Ce mot employé par l'Apostre est extremement
puissant pour nous obliger d'obeïr
au commandement qu'il nous donne.
Il eut dit beaucoup, s'il eut dit ; N'offensez
point cét Esprit ; Ne perdez point les
graces que vous en avez receues; Mais c'est
dire d'avantage que de dire,
Ne contristez
point ; Je sçay bien que l'Apôtre qui
employe toute sorte de termes pour parvenir
au but qu'il s'est proposé, nous dit,
écrivant aux Thessaloniciens,
N'éteignez
point l'Esprit ; Qui est une même exhortation
I Thes. 5. I9.
conceuë en termes differens : car les
graces qu'il nous fait ressentir sont semblables
à vn feu qui ramolit nos cœurs
souvent plus durs que le caillou , qui
échaufe nôtre zele qui est froid & languissant,
qui chasse les tenebres de nos
entendemens par sa clarté , qui nous fait
conoistre nos impuretez, & qui éleve nos
cœurs & toutes nos affections vers le Ciel:
comme c'est le propre du feu d'échaufer,
d'epurer & d'élever sa flamme en haut.
Comme donc nous avons esté batisez de
celuy qui venant aprés Iean Baptiste , nous
a baptisez du S.Esprit & de feu; aussi devõs
nous estre d'autres Moïses,des Phinées &
des Davids remplis du zele de la Maison
de Dieu. Toutesfois il y a quelque chose de
plus en celui que nous voyons maintenant
employé : car ce terme ne respire qu'amour,
& encore vn amour qui fait que lors
nous voyons la personne aimée s'abandonner
à quelque mauvaise action ,
nous nous jettons dans les transports,
nous épandons des torrens de larmes. Et
ce mot peut en quelque façon estre joint
à celuy de la jalousie de l'Eternel, que nous
voyons si frequemment empoloyé dans les
Escritures, & dont il se servit dans la publication
de la Loy ; qui n'est autre chose que
cét exces d'amour, que nous avons pour ce
qui nous appartient.Quand le Medecin voit
que le malade qu'il traitte ne se prive point
de ce qu'il luy defend, & ne veut pas prendre
ce qu'il luy ordonne, il l'abandonne
enfin, estant fàché de s'estre employé en
vain pour sa guerison. Quand un arbre
ne nous donne aucun fruict aprés les peines
& les soins que nous avons pris à la cultiver,
nous le quittons, & alors nous
disons, Voicy il y a trois ans que je viens chercher
du fruit en ce figuier, & je n'en trouve
point,coupe-le,à quel propos aussi empêche-t-il
la terre ? Cette sainte indignation & cette
sainte tristesse sont des veritables marques
d'amour. Iesus Christ nous est representé
en l'Histoire Evangelique pleurant le Lazare
mort, pour montrer combien il l'aimoit.
Et dans l'ancien Testament David
avoit témoigné cette même tristesse, lors
qu'il receut la nouvelle de la mort d'Absalon,
il poussa ces ameres complaintes, marques
de son amour , Absalon mon fils, à la
mienne volonté que je fusse mort ! Absolon mon
fils ! Ainsi lors que cét Esprit voit les playes
mortelles que nous faisons à nôtre ame ,
il s'atriste, il s'aflige, n'y ayant rien qui le
contriste plus que la mort, que nous nous
donnons en nous abandonnant au peché.
A quelle reconnoissance, & à quel respect
nous doit donc obliger cét amour, sur tout
se rencontrant avec nôtre propre interest?
Car si ç'a esté un grand bon-heur à Loth
d'avoir receu les Anges pour une nuict,
combien plus grand est le nôtre d'avoir receu
pour hôte le Saint Esprit ? Puis donc
qu'il a en détestation toute soüillure de
pechez, jugez, Chrestiens, si l'exhortation
de l'Apôtre n'est pas bien fondée. Si devant
une personne que nous honorons,
nous n'osons rien commettre qui soit capable
de la fâcher ; & devant les yeux de
celuy qui commande au Ciel & en la terre,
profererions-nous des mensonges impudens ?
Nous laisserions-nous emporter aux
furies de la colere ? Soüillerions nous les
oreilles des nos prochains de paroles sales
& des propos pourris ? Non, dira le
Fidele, car je contristerois le Saint Esprit.
Ie ferois retirer de moy celuy qui comme
une nuée nous defend des ardeurs de la
chair , qui comme un feu enflame nôtre
cœur de l'amour divin, qui comme un
vent tres-vehement pousse nos volontez
au bien, nous éclaire comme un Soleil, &
nous vivifie comme l'ame de nos ames ?
Deut. 23. I4
Ce Saint Esprit chemine au milieu du
camp, comme disoit Moïse à Israël ; prenons
donc garde de ne commettre aucune
soüillure en sa presence.
Mais il faut encore remarquer , que si
l'Apôtre nous defend, dans la defense il
nous ordonne. C'est la leçon qu'on nous
donne dans les Escoles de Theologie, que
le commandement affirmatif est compris
dans le negatif. En nous defendant d'avoir
d'autres Dieux devant sa face , il nous
commande de le tenir luy seul pour nôtre
Dieu. En defendant de tuer ; il ordonne de
conserver la vie du prochain : aussi lors
qu'il dit, N'éteignez point l'Esprit , il ordonne
de rallumer le don de Dieu qui est en
nous. En defendant de ne contrister point
le Saint Esprit de Dieu,il commande d'une
voix assez claire & intelligible,qu'il le faut
rejouïr
. Ne le contrister point , ce doit estre
nôtre premier soin , mais ce ne doit pas
estre le seul. Il est bien necessaire avant
toutes choses
de dépoüiller le vieil homme ;
Eph. 4.
mais il faut aussi
revestir le nouveau créé selon
Dieu en justice & en vraye sainteté. Ce
Soleil se levant sur nôtre horison, dissipe
d'abord les tenebres, & tout d'un temps
y répand sa belle clarté. L'Eternel nous
apprend qu'il ne faut pas seulement
cesser
Esaïe I.
de mal faire,mais aussi apprendre à bien faire .
La belle mere de Simon aprés qu'elle fut
guerie de sa fiévre, se leva & servit Iesus
Christ à table. Aussi estant gueris de nos
Luc 4.
pechez par la redemption de Iesus qui
nous est appliquée par le S. Esprit, il nous
faut travailler avec une sainte vigueur à
l'œuvre de nôtre sanctification, il faut réjouïr
cét Esprit par la verité en nos paroles,
par les travaux d'une legitime vocation,
par nos prieres ardentes,par l'ouïe de la parole ,
& en general par tous les exercices
de pieté. L'Apôtre ne veut pas favoriser
cette erreur grossiere qui ne regne que
trop aujourd'huy. On estime ceux-là gens
de bien qui ne sont ni ravisseurs du bien
d'autruy, ni adulteres, ny meurtriers:mais
il faut bien passer plus avant, pour estre
vray Israëlite ; il ne suffit pas de ne faire
point tomber l'asne de son prochain, de ne
faire point égarer son bœuf ; mais il faut redresser
le premier, & ramener le second.
Pour t'acquiter de ton devoir envers l'Esprit,
il faut imiter ceux qui rebastissoient le
Temple de Dieu sous Nehemie,avoir l'épée
en une main pour nous defendre des embûches
de la chair, & la truelle en l'autre
pour nous aider à bastir le Temple de Dieu
par des saintes vertus & des œuvres de pieté.
Le figuier de l'Evangile n'est pas condamné
pour avoir porté de mauvais fruicts;
mais pour n'en avoir produit de bons.Iesus
confirme cette verité,lors qu'au iour du Iugement,
il ne condamnera pas les méchans
seulement pour leurs mauvaises actions;
mais aussi pour n'avoir pas fait les bonnes,
Allez, départez-vous de moy, méchans au feu
éternel, qui est preparé au Diable & à ses Anges :
car j'ay eu faim, & vous ne m'avez point
donné à manger : j'ay eu soif, & vous ne m'avez
point donné à boire .
Méditons attentivement ( chers Freres)
cette exhortation de l'Apôtre, apprenons
de ces excellentes paroles à rejetter l'erreur,
à nous consoler, & à nous sanctifier.
Oyons premierement les leçons, qui nous
sont necessaires pour la cõnoissance de cét
Esprit. C'est la troisiéme personne de la
tres adorable Trinité, personne vivante ,
intelligente , qu'on peut offenser & contrister.
Que les ennemis de sa Divinité passent
icy condamnation. Pour nous,croyons
de cœur, & faisons confession de bouche
à salut , joignant toûjours à nos prieres
ces beaux mots. Ie crois au Saint Esprit.
Que tous les jours les petits enfans qui
sont presentez pour recevoir les eaux du
Baptesme , nous apprenent cette leçon,
quand nous oyons qu'ils sont baptisez au
Nom du Pere, du Fils & du Saint Esprit ;
qu'ils nous fassent tout aussi-tost monter
au Pere, comme à celuy qui a envoyé son
Fils pour achever nôtre redemption ; au
Fils, comme à celuy qui par le sanglant
sacrifice de la croix nous l'a merité ; au
Saint Esprit,comme à cette main puissante,
qui nous applique le salut que le Fils
nous a merité. Adorés-le donc comme
l'Esprit de Dieu,c'est à dire, comme Dieu
même. En second lieu , puisque l'Apôtre
nous apprend que nous avons esté seelez par
luy : reconnoissons-le donc comme la cause
unique de nôtre sainteté ; que le fidele
considerant les graces dont il jouït icy bas,
die, Ie ne les ay point de moy-mesme,je les
dois toutes à cét Esprit ; avant que j'en fusse
touché j'estois tenebres,& maintenant je
suis lumiere au Seigneur. Arriere donc
ces esprits bouffis d'orgueil & d'arrogance,
qui voudroyent partager avec cét Esprit,
& trouver en l'homme quelques dispositions
qui le preparent à la grace. C'est
une doctrine que les Pharisiens ont plantée,&
que les Pelagiens ont arrosée.Pour
nous, confessons auec l'Apôtre,
Qu'il fait
en nous avec efficace le vouloir & le parfaire
Phil.2.I3.
selon son bon plaisir . Pour un troisieme,dans
cette admirable largesse qu'a fait l'Apôtre
de ce seau, ne prendrez-vous pas occasion
de rejeter l'opinion de ceux qui veulent
enfermer cét Esprit dãs la poitrine du Souverain
Pontife ? Qu'on charge tant qu'on
voudra nôtre doctrine de calomnie, qu'on
die que chacun de
nons se vante d'un Esprit
particulier ; Qui appellera le Soleil un
Soleil particulier ; parce qu'il éclaire chaque
homme en particulier ? direz-vous
que chaque fidele à vn Dieu particulier,
parce qu'il adore ce Dieu qui est Pere de tous ;
que chaque Chrestien à un Iesus
Christ particulier,parce que Iesus doit habiter
au cœur de chaqu'un en particulier ?
[Pour-]
Pourquoy cét Esprit n'aura t-il pas même
advantage que les autres personnes de la
glorieuse Trinité ? Elle est infinie en son
essence,son efficace n'a point de bornes,
il est en tous les fideles à la fois,& les seele
tous pour le jour de la redemption.
Vous aprenés aussi Fideles à ne perdre
point vôtre temps à rechercher par des
vaines & curieuses disputes un caractere
imaginaire qui a causé tant de contestations
dans les Escoles Romaines ; consultez
les Divines Ecritures & elles vous
apprendront, Que le Fils est la resplendeur de
la gloire du Pere, & la marque engravée de
sa personne , Adressez-vous à nôtre Apôtre,
il vous montrera aujourd'hui ce caractere
& ce seau. Voyez icy de plus reluire avec
une clarté admirable la perseverance des
fideles, ils ne peuvent déchoir de la grace,
parce qu'ils sont seelez par le Saint Esprit
pour le jour de la redemption. Cét Esprit
qui est le dispensateur de ses graces,en est
aussi le conservateur , la source est jointe
avec les ruisseaux, la racine avec les branches ;
cét Esprit n'abandonne point son ouvrage ,
il acheve ce qu'il a commencé.
Qu'on charge encore cette doctrine de
nouvelles calomnies, qu'on l'appelle une
doctrine d'orgueil, un chemin à la securité
charnelle, cela ne ravira point au fidele sa
vraye & spirituelle asseurance. I'avouë que
ce seroit orgueil, si nous la fondions sur
nous-mêmes, sur quelques merites pretendus
: mais la fonder sur la force de cét
Esprit, sur sa bonté qu il a fait paroistre
en nous seellant, qui, comme le demandoit
autresfois l'Espouse au Cantique des
Cantiques, nous met,
comme vn cachet sur
Cant 8.
son bras & sur son cœur ,
s'appuyer sur
des appuis si fermes ; c'est humilité, non
orgueil ; c'est une saincte confiance, &
non pas une securité charnelle. Le feu
dont nous nous servons se peut esteindre
& s'esteint facilement ; mais les flambeaux
celestes ne s'éteignent jamais
en effet , quoy que par fois ils souffrent
quelque éclipse. Les graces de l'Esprit de
Dieu ne peuvent point estre entierement
esteintes dans nos cœurs ,
Des grandes
eaux ne sçauroient esteindre cét amour-là,
Cant. 8.
& des fleuves mesmes ne la pourroient noyer.
I'avouë que quelquefois les fideles font
quelque faux pas dans leur course : mais
s'ils tombent,
Ils ne seront point déjettez
tout outre : car l'Eternel leur tient la main.
Ajoutés, que c'est cette sainte confiance ,
[cette] cette certitude que chaque fidele peut avoir
de son salut qui fait une partie de ce
seau. La Communion Romaine tient un
langage different;elle dit , qu'encore qu'il
soit vray en general que celuy qui croit,a la
vie éternelle , neantmoins en particulier
le sujet de douter demeure, puis que nul
ne sçait s'il a la foy. Mais comment accorder
cette doctrine avec ce que l'Apôtre
enseigne maintenant,
Vous avez esté seelez.
Il n'est pas du fidele, comme de la
cire materielle qui reçoit l'impression
du cachet ; sans la sentir ny la connoistre ,
comme nous avons dit. Nous
avons appris à distinguer les mouvemens
de nôtre entendement, d'avec ceux de la
nature inanimée, & les instincts divers des
brutes ; ce que la nature ne peut faire, le
fidelle le fait. C'est la pensée du divin
Apôtre Saint Iean,
Ie vous écris ces choses
I. Iean 5.
afin que vous sçachiez que vous avez la vie
éternelle , Nous devons nous examiner
I. Cor. I3.
Rom.8.
nous-mêmes. L'opinion Romaine combat
directement ce que dit nôtre
Apôtre ailleurs,
Nous n'avons pas receu l'esprit de
servitude pour estre derechef en crainte; mais
vn esprit d'adoption, par lequel nous crions ,
Abba Pere. Ce seau rend tèmoignage à nos
esprits, que nous sommes enfans de Dieu , heritiers
& coheritiers de Christ. Ils veulent
tenir le langage de Iacob qui disoit que
Dieu estoit-là, & il ne le sçavoit point.
Pour nous, fideles, rangeons-nous du costé
de Saint Paul , écrions nous avec un
saint transport de joye au sentiment de ce
seau ,
Ie sçay à qui j'ay creu, & suis asseuré
qu'il est Tout-puissant pour garder mon dépost
jusques en cette journée-là. Car ce vaisseau
d'élection ne reserve pas ce seau pour luy
2.Tim.4.
seul, il le partage ailleurs en termes exprés
à tous les fideles , il attend
la Couronne
de justice que le juste Iuge avoit reservée,
non seulement à luy ; mais à tous ceux qui
aiment son apparition. Que ceux qui nous
considerent comme des personnes melancoliques ,
apprenent , non à condamner
nos sentimens, mais à déplorer leur
Ps. I6.
mal-heur : Et pour nous, nous dirons,
Les
cordeaux me sont escheus en lieu plaisant,
vn tres-bel heritage m'est arrivé .
Ie verray,
Ps. I7.
ô mon Dieu, ta face en justice, & seray
rassasié de ta ressemblance quand je seray reveillé .
Si ces paroles sont capables de refuter
l'erreur, elles ne le sont pas moins de
nous consoler. Et c'est icy la puissante
[conso-]
consolation que nous en recevons, que
puis que Dieu nous ordonne de ne contrister
point son Saint Esprit, il nous l'a
donné. Quel present est celuy-cy ? C'est
vn Docteur contre toute ignorance damnable,
c'est vn Conducteur contre toute
erreur pernicieuse, & vn Consolateur
contre toute affliction amere. Nous sommes
seelez pour le jour de la redemption.
C'est à present que nous pouvons dire ,
Qui est ce qui nous ravira de ses mains?
Il grave cette devise royale en nos cœurs,
Puis que Dieu est pour nous, qui sera contre
Rom.8.
nous ? Qui intentera accusation contre les
Esleus de Dieu, puis que Dieu luy même justifie
les pecheurs? Qui sera celuy qui les condamnera,
puis que Iesus Christ est mort, voire ressuscité,
monté aux Cieux, assis à la dextre de
Dieu, où il fait requeste pour nous ? C'est cét
Esprit qui inspire aux fideles cette sainte
generosité , qui les rend semblables au
lion, qui, comme dit le Sage, ne
retourne
Prov. 20.
point en arriere pour la rencontre de qui que
ce soit . En ce monde se presentent beaucoup
de choses ennemies de leur salut ;
mais estant animez par l'Esprit, ils surmontent
tout. C'est ce doux sentiment
qui les fait écrier,
L'Eternel est mon Berger,
Ps. 23.
je n'auray faute de rien, il me fait reposer sur
des parcs herbeux, il me conduit le long des
eaux coyes de son traittement paternel , il
restaure mon ame avecque les douces promesses
de sa grace, & me conduit dans les sentiers
de sa verité pour l'amour de son nom;
quoy que ce soit, biens & gratuitez m'accompagneront
tous les jours de ma vie;
Il est vray , dit-il , que souvent nous
avons de grands combats à soustenir ; le
monde nous assiege de toutes parts;nous
voyons souvent le Ciel remply de nuages;
mais ne perds point courage , di hardiment
Ps. 53.
avec le Prophete,
Ie seray donc
toûjours avec toy , tu m'as pris par la main
droite,tu me conduiras par ton conseil, & puis
tu me recevras en ta gloire . Ie sçay bien qu'il
y en a plusieurs de vous qui disent que
l'esperance differée fait languir le cœur,
& qui avecque les Disciples diroient volontiers
à cét Esprit, ce qu'ils disoient à
Iesus,
Quand seront ces choses, & quel sera
le signe de ton advenement ? c'est au jour de la
redemption.
O jour bien heureux ! auquel nous serons
entierement exempts de tentations
& de vices ! Les afflictions sont nôtre partage
icy bas. Iesus Christ laissa ses linges
[fune-]
funebres en son tombeau au jour de sa glorieuse
resurrection. Nôtre ame laissera,
toutes ses infirmitez quand elle s'envolera
au sejour de la felicité. Il est vray que ce
corps sera porté dans le sepulchre pour
estre changé en vers, en pourriture & en
poussiere : mais ce ne sera que jusques à
ce jour si agreable de la redemption. Ce
sera alors que nous verrons la fin de toutes
nos miseres, & que nous la verrons
avecque des contentemens éternels & incomprehensibles.
Si vous trouvez ( chers Freres ) ce jour
si glorieux aux Israëlites, qui leur fit voir
tous leurs ennemis abysmez au fond de la
mer rouge , qu'ils avoient heureusement
traversée; cõbien plus glorieux sera le jour
de la redemption; puis qu'alors l'Eglise de
Dieu, cette assemblée de seellez verra
tomber ses ennemis dans les abysmes ? Au
jour de la mort de Christ,la mort cõmença
d'être engloutie en victoire ; mais en ce
jour le tombeau sera entierement détruit,
& tous les fideles en sortiront.Sous la Loy,
l'année du Iubilé estoit tres-agreable à
l'ancien peuple, parce que ceux qui avoient
auparavant perdu leur bien, & aliené
leur heritage , en ce temps-là au son de
la trompete , retournoient & rentroient
en la libre possession. Nous sommes icy
bas privez de nos vrais biens, de nôtre
plus precieux heritage ; mais ce jour de
redemption sera nôtre Iubilé, le temps de
nôtre reintegration.
Et icy considerons la difference qu'il y
a des méchans aux fideles : les premiers
Dan. 5.
ressemblent à ce profane Belsatsar, ils se
plongent ici bas en leurs profanes plaisirs :
mais un temps viendra que la main de
Dieu leur fera ressentir les effets d'une
condamnation épouvantable. Nabucadnetsar
méne captifs les enfans en Babylone:
mais enfin il est reduit à la condition des
bestes sauvages. Les fideles au contraire
mangent le plus souvent le pain d'angoisse,
& boivent à grands traits la coupe d'amertume ;
ce qui fait que leur condition
paroist si mal-heureuse dans le monde :
mais vn jour ils seront élevez à la condition
des Anges ; & cependant des yeux
de la foy ils contemplent avec rauissement
& avec joye ce jour de la redemption, qui
sera pour les méchans vn jour de tenebres,qui
ne produira pour eux que des
tonnerres, foudres, & feu devorant pour
les consumer. C'est ce qui enflamme le
[grand] grand desir des fideles,& qui leur fait dire
avec l'Espouse dans l'Apocalypse ,
Seigneur
Iesus vien . Au contraire, les méchans
remplis de desespoir, diront en ce
grand jour , aux montagnes & aux rochers,
Tombez sur nous, & nous cachez
Apoc.6.
de devant la face de celuy qui est assis sur
le Trône, & de devant la colere de l'Agneau.
Que ce jour de la redemption nous fasse
approcher de la mort sans crainte & sans
épouvantement; Que les méchans tiennent
le langage que tenoit autrefois
Achab au Prophete ,
M'as-tu trouvé mon
ennemy ? Les fideles au contraire diront ,
c'est nôtre entrée dans la vie ; dés le premier
pas que nous faisons vers la Ierusalem
Celeste, nos ames vont prendre possession
de cet heritage. Que si le corps en concevoit
quelque horreur, monstrez-luy le
jour de la redemption : & alors il verra ce
grain pourrissant , mais il le verra aussi renaistre ,
germer , monter en tuiau & en
espi ; Chacun de nous n'a pas le privilege
d'un Enoch & d'un Elie , dont l'un fut
élevé en la naissance du monde,& ne vit
point l'horreur de la mort, & l'autre fut
porté sur un char de triomphe dans le Paradis.
Nous devons quant à nous passer par
la mort,les funerailles de nos voisins nous
avertissent des nôtres, & les larmes dont
nous moüillons leurs tombeaux nous conduisent
à celles que nôtre mort tirera des
yeux de nos parens & de nos amis. Mais
que ce grand jour de la redemption fasse
tarir toutes nos larmes.Pleurons, mais non
pas comme ceux qui n'ont point l'esperance
de la resurrection. L'Architecte se
réjouït d'avoir achevé son bastiment , le
Pilote d'estre arrivé au Port aprés une furieuse
tempeste, & le Laboureur d'estre
venu au temps d'une riche moisson : &
quelle doit estre nôtre joye parmy les
horreurs de la mort, de voir que nous allons
posseder la gloire, & moissonner tous
les avantages que le Ciel nous reserve ?
Mais pour pouvoir jouyr de ces grands
biens , nous oyons icy qu'il ne faut point
contrister cét Esprit. Prenons donc
garde à ne faire aucune chose qui l'offense.
C'est aux ames méchantes &
abandonnées qu'on a accoustumé de representer
les peines éternelles qu'elles encourront
en faisant mal ; cela les tient en
crainte, tel'ement qu'elles n'osent faire
tout le mal qui leur vient en la pensée;
mais les ames vrayment Chrétiennes,
[s'exci-]
s'excitent elles mesmes en considerant la
grace que Dieu leur a fait. Dieu m'a donné
son Esprit, dit le Fidele ; puis que cét
Esprit a en abomination toute soüillure,
avec quelle pureté luy dois-je consacrer
mon ame & mon corps où il habite comme
en un Temple? Avec quelle innocence
le luy dois je conserver ? Avec quel soin me
dois-je garder de luy déplaire ? Me consolera-il,
si je l'atriste ? Me réjouïra-il
si je l'offense ? Me conduira-il, si je le
chasse ? Fera-il requeste pour moy, si je le
rebute ? Compatira-il au dedans de moy
avec des vices qui sont incompatibles avec
sa sainteté.
On ferme les verges, on les environne
de hayes épaisses, afin que les arbres qu'on
y a planté fructifient sans crainte des bestes
sauvages. Dieu nous a seelez de son
Esprit pour nous faire fructifier à bonnes
œuvres. Et voudrions-nous qu'il fust dit
qu'il eust cultivé la vigne , fossoyée, environnée
d'vne haye tres forte, & qu'elle
ne produisist que des lambrusches & des
grappes sauvages ? Ne voudrions-nous
produire que des fruicts aigres & amers?
Nous ne voulons point passer pour ingrats
dans le monde & dans la conversation
civile , c'est le vice des ames basses.
Et quelle moindre
reconnoissauce pourroit
demander cét Esprit, sinon
de ne
le contrister point ? Serions-nous si ingrats
envers luy, si ennemis de nous mêmes,
que de luy refuser vne telle gratitude;
Dieu representoit autresfois aux Israëlites,
comme il les avoit tirez de la terre
Exo.20.
d'Egypte, de la maison de servitude, afin
qu'ils cheminassent en crainte devant sa
face. Et lors que nous considerons les
graces de l'Esprit qui nous applique le
merite de notre Redempteur , qui nous a
délivrez de la tyrannie du Diable, ô bon
Dieu ! ne penserons-nous pas à ne le contrister
point; Qu'aucun de nous ne tombe
dans cette noire ingratitude des Iuifs,
lesquels quand il leur reprochoit l'amour
qu'il leur avoit témoigné par tant de
benedictions, qu'il leur avoit si abondamment
départies, disoient avec une
Mal.I.2.
impudence détestable,
En quoy nous as-tu
aimez ? Nous au contraire disons avec une
ame bien reconnoissante, O Pere de misericorde ,
quels témoignages d'amour
nous as-tu fait ressentir ? tu nous as donné
ton Christ pour notre redemption ;
mais aussi tu nous as donné ton Esprit
[pour] pour nous rendre participans de ce salut.
Quelle reconnoissance demande l'Eternel
de nous ? que nous ne contristions
point son Esprit, que nous
renoncions aux
Rom.6.
œuvres mortes pour servir au Dieu vivant,
cheminant comme il est seant selon l'Evangile.
Que nous suivions les inspirations de
cét Esprit, metant devant nos yeux cette
vision si admirable qu'eut le Prophete
Ezechiel, lors qu'il vit des rouës si
bien ajustées ensemble, que de quelque
costé que l'Esprit les poussast, elles tournoient
aisément & sans resistance : De
même nos cœurs, toutes les affections de
nos ames, & tous les mouvemens de nos
corps doivent estre conduits par cét Esprit
celeste, par la douce & prompte inclination
d'vne obeïssance volontaire.
Mais tu diras, fidele ; quel moyen faut-il
employer ; Quelle voye me faut-il suivre
pour ne le point contrister ? Ie te diray
pour réponse, qu'il ne faut que jeter
les yeux sur le seau & sur l'impression qu'il
aura fait en nous. Lors que nous avons
appliqué vn cachet sur de la cire , nous
voyons gravé sur cette cire, tout ce qui
est au cachet ; il y a donc vn rapport admirable
de l'impression avec ce qui la fait.
Iesus Christ enseigna aussi cette leçon, lors
qu'on luy presenta la monnoye de Cesar,
elle fut connuë par la marque qui y
estoit empreinte. C'est aussi par ce seau
de la sanctification que nous nous donnons
à connoistre
: & comme nous pouvons
jeter les yeux en general sur vn seau,
& ensuite remarquer en particulier tous
ses traits & ses lineamens ; ainsi en fait
le fidele, il regarde en general tous les
mysteres de l'Evangile qui
lobligent à
l'estude de la sanctification, il voit mourant,
2.Cor.5.I5.
Afin que ceux qui vivent ne vivent plus
désormais à eux-mêmes, mais à celuy qui est
mort & qui est ressuscité pour eux . S'ils
considerent la manifestation de la grace
sous l'Evangile, ils disent avec l'Apôtre
Tit.2.
ècriuant á Tite,
La grace salutaire nous est
clairement apparuë, nous enseignant qu'en
renonçant à l'impietè, & aux convoitises
mondaines,nous vivions en ce present siecle sõbrement,
justement & religieusement . Mais
il examine ensuite toutes les parties du
seau & du cachet, & y découvrant l'image
de Dieu, comme d'vn Prince qui a mis
son portrait dans ses seaux, il en considere
jusques aux moindres traits. Nous dirons
[rons] donc de l'Esprit, ce que l'Apôtre S. Pierre
dit de Iesus-Christ, il nous a esté
laissé
pour Patron , afin que nous ensuivions
I.Pet.I
ses traces. La verité, la douceur, la
débonnaireté, l'amour, la charité, la concorde,
sont ces traits & ces parties qui le
forment ; ce sont ces belles vertus que
l'Apôtre appelle
le fruit de l'Esprit . Veux-
Gal.5.
tu donc connoître Chrêtien , si tu as ce
seau ? Regarde si tu es veritable en tes
paroles, si tu as dépoüillé toute vengeance,
si tu sens un divin feu dans tes entrailles,
qui t'échaufe d'amour & de charité
enuers ton prochain, pour le consoler
dans son affliction, pour le rassasier dans
sa faim, le désalterer dans sa soif , & le
couvrir dans sa nudité. Dans ce dernier
jour de nôtre redemption , cét Esprit
cherchera son seau, s'il y trouve la marque
du mensonge, du larrecin, de la vengeance ,
de l'injustice , de la cruauté , de
l'avarice, de la paillardise, il dira,Ce n'est
point là ma marque , ce n'est point là
mon seau, c'est le seau du Diable, je ne
vous connois point. Et comme ce seau
seroit méconnoissable, & nous ne ferions
pas difficulté de dire , ce seau est
gàté,
encore qu'il n'y en
manquàt qu'une partie :
Autant en disons-nous du seau de
l'Esprit , il ne souffre point d'alteration,
il le veut voir entier , si nous le voulons
contrister. Il ne te sert de rien de n'estre
point vindicatif, si tu es menteur ou paillard.
Ie sçay bien que c'est l'artifice du
Diable,il voudroit joindre seau auec seau,
ne pouvant entierement corrompre celuy
de l'Esprit , ou nous rendre
comme de l'eau ou des cailloux, je veux dire des
matieres incapables de recevoir le seau;
mais le fidele prend garde à cét artifice.
Pour entrer dans le lieu tres-Saint, il faut
que tu passes par le lieu Saint ; pour avoir
ce seau il faut faire ce que l'Esprit t'ordonne,
& te garder de tout ce qu'il defend.
Samson estant endormi sur les genoux
de sa Dalila , s'éveilloit quand on
luy crioit que tout estoit plein des Philistins
pour le prendre, & alors il se délivroit
de ses ennemis. Combien d'attaques
pour nous ravir ce seau ? Esveillons-nous
donc, quittons les marques, & le
Rom.8.
seau du monde :
ne nous conformons point
au present Siecle mauvais,mais plutôt éprouvons
qu'elle est la volonté de Dieu, bonne,
plaisante & parfaite.
Mais helas ! c'est à quoy la plus grande
partie de ceux qui se disent Chrêtiens ne
pensent point.Combien de péchez commettons
nous qui contristent cét Esprit ?
Permettez-moy, chers Freres , que je
m'adresse à vous en particulier , & quoy
qu'étranger parmy vous, & le plus petit
en la Maison de Dieu , je méle mes gemissemens
auec la voix des plus grands.
Le plus beau trait de ce seau est la concorde ;
il n'y a rien qui l'afflige plus que
lors qu'il nous void dans le trouble de la
division. Lors que Jesus s'approcha des
eaux du Iordain pour recevoir le Baptême,
il reposa sur sa tête en forme de Colombe.
Pourquoy non en forme d'Aigle ?
Sinon pour nous apprendre par la nature
de cét oiseau qui est sans fiel, à estre
remplis de douceur & de débonnaireté.
Autrefois au bâtiment du Temple de
Salomon, on n'ouït pas un seul coup de
marteau, bien loin de faire entendre des
bruits & des éclats de diuision. Que la
I. Rois I.
vision du Prophete Elie paroisse aujourd'huy
deuant vos yeux ; L'Eternel ne parut
point dans le tourbillon & dans l'orage ,
mais dans le son coy, symbole de
paix. L'Eglise est Ierusalem, c'est à dire,
vision de paix. Que vôtre Eglise si florissante
qui reçoit de si grandes benedictions
d'enhaut, conserue cette precieuse
paix qu'un si grand peuple qui la compose
ne soit qu'un cœur & une ame. Que
cét Esprit anime tous les membres de ce
corps , afin que jamais il n'arriue qu'ils
debatent en chemin , parce qu'ils sont
freres suiuant le sage conseil de Ioseph,
& d'un Abraham lors qu'il disoit à Loth,
Ie te prie qu'il n'y ait point de débat entre
toy & moy, entre tes Pasteurs & les miens,
nous sommes freres. Qu'en cette maison
d'oraison où l'Evangile est annoncé , qui
est un evangile de paix, où Christ est prêché
Eph. 2.
qui a
évangelisé la paix à ceux qui
estoient prés & à ceux qui estoient loin , nous
élevions nos mains pures au Ciel sans colere
& sans dispute .
Qu'il n'arriue jamais que les enfans
de l'Espouse s'entredétruisent, qu'on ne
voye point les auditeurs d'un même
Gal. 5.
Evangile
s'entreronger les uns les autres,
afin qu'ils ne soient consumez les uns par les
autres . Mais quand nous aurons contristé
cét Esprit, pour le réjouïr, adressons-nous
à luy-même ; Escrions nous auec le Prophete.
Ps. 5I. Rends moy la liesse de ton salut, que
l'Esprit franc me soûtienne. Souuenons-nous
du commandement que Iesus-Christ
fait, que celuy qui vient à l'Autel
Mat. 5.
y laisse son offrande , & aille se reconcilier
à son frere auant que l'offrir , s'il luy
souuient qu'il a quelque chose contre
luy.
Que toutes choses se fassent honnêtement
& par ordre . Si nous en usons de la sorte,
Dieu nous pardonnera nos défauts,
& nous continüera les graces de son Esprit ;
il renouuellera au dedans de nous
un Esprit bien remis, qui nous sera à tous
une colomne de feu, pour nous conduire
dans le desert de ce monde , & qui nous
montrera le chemin jusques à ce qu'il
nous aye conduit à ce jour bien-heureux
de la Redemption, dans lequel les Mardochées
quitteront le sac & la cendre,
les Lazares sortiront du tombeau pour
entrer dans les Cieux en la compagnie
des Anges, où nous verrons nôtre Dieu,
nous l'aimerons sans dégout , & le loüerons
sans lassitude & sans fin. Dieu nous
en fasse la grace.
Amen.