DIEU DECHIRANT
SON PROPRE PEUPLE.
SERMON VI.
Sur ces paroles d'Osée,
Chapitre V. v. 14. & 15.
Ie suis comme un lion à Ephraïm,
& comme un lionceau à la Maison de
Iuda : c'est moi, c'est moi, qui déchirerai,
& je m'en irai ; j'emporterai, &
il n'y aura personne qui m'ôte la proye.
Ie m'en irai, & je retournerai en mon
lieu, jusques à ce qu'ils se reconnoissent
coupables, & qu'ils cherchent ma face .
MES FRERES BIEN-AIMEZ EN I. C. N. S.
NOus lisons dans le trente
troisiéme Chapitre de
l'Exode, que Moyse ayant
demandé à Dieu, qu'il lui
plût de lui faire voir sa gloire, Dieu
lui dit qu'il feroit passer toute sa Bonté
[devant]
devant lui ; mais qu'il ne pouvoit pas
voir sa face : car, dit-il, l'homme ne
sauroit me voir, & vivre. Il lui dit
aussi ; Voici un lieu auprés de moi ;
tu t'arrêteras sur ce rocher : & quand
ma gloire passera, je te mettrai au trou
du rocher, & je te couvrirai de ma
main, jusques à ce que je sois passé.
Puis je retirerai ma main, & tu me
verras par derriére : mais ma face ne te
verra point. Lors donc que Dieu
passa devant Moyse ; Dieu cria ; L'Eternel,
l'Eternel, le Dieu Fort, pitoyable,
misericordieux, tardif à la colére,
abondant en gratuité & en verité ;
gardant la gratuité en mille generations,
ôtant l'iniquité, le forfait &
le peché, & qui ne tient nullement le
coupable incoupable, punissant l'iniquité
des Peres sur les Enfans &
sur les Enfans des Enfans, jusques à la
troisiéme & quatriéme generation .
Par-là Dieu voulut faire comprendre
à Moyse, qu'il est un Dieu invisible,
un Dieu qui ne sauroit étre vû
des yeux de la chair : mais qu'il se fait
connoitre par ses œuvres : que ce seroit
en Jesus Christ, le Rocher des
Siecles , qu'il manifesteroit sa gloire ;
qu'entre les autres merveilles qu'il feroit
voir en Jesus Christ, ce seroit en
[lui]
lui qu'il feroit connoitre la grandeur
de sa Miséricorde envers les pécheurs
repentans, & la sévérité de sa Justice
contre ce cher Fils de son amour, qui
s'étoit chargé de nos péchez pour en
faire l'expiation : & qu'enfin, s'il est
plein de compassion envers ceux qui
se repentent de l'avoir offensé, il est
terrible dans la vengeance qu'il exerce
contre les impénitens & les rebelles.
Car il ne tient pas le coupable pour
innocent ; mais punit même les péchez
des Péres sur les enfans, & sur
les enfans des enfans jusques à la troisiéme
& quatriéme génération. C'est
pour cela qu'il dit maintenant dans
nôtre Texte ; Ie suis comme un lion
à Ephraïm, & comme un lionceau à
la Maison de Iuda. C'est moi, c'est
moi qui déchirerai, & je m'en irai ;
j'emporterai, & il n'y aura personne qui
m'ôte la proye. Ie m'en irai, & je retournerai
en mon lieu, jusques à ce
qu'ils se reconnoissent coupables, & qu'ils
cherchent ma face .
Dans les paroles précédentes le Prophéte
parle des grands péchez, dont le
Peuple d'Israel & de Juda s'étoit rendu
coupable devant Dieu. Ce miserable
Peuple s'étoit corrompu dans
la prospérité, dont Dieu l'avoit fait
[jouïr]
jouïr depuis qu'il l'eut délivré de la
Servitude d'Egypte, qu'il l'eut introduit
dans la Terre de Canaan, & qu'il
eut abaissé ses ennemis. Dieu lui avoit
envoyé ses Prophétes, pour l'exorter
à la repentance : mais il avoit toûjours
persevéré dans ses vices & dans
ses déréglemens. Dieu l'avoit souvent
châtié ; & pendant que ce miserable
Peuple avoit senti la main de
Dieu, il s'étoit humilié, il avoit baissé
la tête comme le jonc ; il avoit pleuré,
il avoit jeûné. Mais toutes les fois
que Dieu avoit retiré sa main, il étoit
incontinent retourné dans sa mauvaise
voye.
C'est pourquoi Dieu prédit maintenant
à ce miserable Peuple qu'il le détruira ;
& en effet il envoya contre
lui les Assyriens & les Babyloniens,
qui détruisirent entiérement les Royaumes
d'Israel & de Juda, qui brûlerent
le Temple, qui ruïnérent Jérusalem,
qui firent périr une infinité de ces pécheurs
impénitens & rebelles, & qui
disperserent les autres par toute la
Terre. Ie suis, dit ce Grand Dieu,
comme un lion à Ephraïm, & comme
un lionceau à la Maison de Iuda.
C'est moi, c'est moi qui déchirerai, &
je m'en irai ; j'emporterai, & il n'y aura
[ ra ]
personne qui m'ôte la proye. Ie
m'en irai, & je retournerai en mon
lieu, jusques à ce qu'ils se reconnoissent
coupables, & qu'ils cherchent ma
face .
Pécheurs, qui avez imité la corruption
de l'Israel selon la chair, & qui
comme lui avez été accablez des plus
terribles jugemens de Dieu, venez
apprendre ici quelle est la sevérité de
ce Grand Dieu contre les pécheurs
endurcis, & quel est le moyen de
l'appaiser, lors que sa colére est embrazée :
afin que retournans à lui de
tout vôtre cœur, il retourne à vous
en ses grandes misericordes, & qu'il
fasse luire sur vous la lumiére de sa
délivrance & de ses consolations.
Dans les paroles de nôtre Texte,
avec l'assistance du Saint Esprit,
que nous avons implorée, & que
nous implorons encore de tout nôtre
cœur, nous verrons I. le terrible
Jugement, dont Dieu menace ici son
Peuple rebelle, & qui est exprimé
en ces termes ; Ie suis comme un
lion à Ephraïm, & comme un lionceau
à la Maison de Iuda. C'est
moi, c'est moi qui déchirerai ; & je
m'en irai ; j'emporterai, & il n'y aura
personne qui m'ôte la proye. Ie
[ m'en ]
m'en irai, & je retournerai en mon
lieu . Et II. Nous verrons, s'il
plait au Seigneur, quelle est la durée
des châtimens de Dieu sur les pécheurs,
jusques à ce, dit-il, qu'ils se
reconnoissent coupables, & qu'ils cherchent
ma face .
Dieu veüille, mes chers Fréres,
que nous méditions soigneusement ces
paroles, afin que nous en tirions les
fruits, que l'Esprit de Dieu nous y
présente, pour nôtre conversion & nôtre
consolation.
I.
Ie suis, dit ce Grand Dieu, comme
un lion à Ephraim, & comme un
lionceau à la Maison de Iuda. C'est moi,
c'est moi qui déchirerai, & je m'en irai ;
j'emporterai, & il n'y aura personne
qui m'ôte la proye. Ie m'en irai, &
je retournerai en mon lieu .
Par Ephraim, l'Esprit de Dieu entend
ici tout le Royaume d'Israel,
qui étoit composé de dix Tribus.
Mais parce que celle d'Ephraïm en
étoit la principale, & que d'ailleurs
ce même Royaume avoit été fondé
par Iéroboam, qui étoit de la Tribu
[d'E-]
d'Ephraïm ; tout le Royaume d'Israel
est souvent nommé Ephraïm.
Par Iuda, il faut aussi entendre
tout le Royaume de Juda qui étoit
composé des deux Tribus de Juda & de
Benjamin. Mais parce que celle de
Juda étoit la plus considérable, &
que d'ailleurs le Royaume étoit entre
les mains des Descendans de David,
qui étoit de la Tribu de Juda ;
tout le Royaume porte aussi le nom
de Juda.
De sorte que par Ephraïm & par
Juda il faut ici entendre toute la postérité
d'Abraham, laquelle avoit oublié
la Loi de son Dieu, & avoit suivi
les déréglemens & l'idolatrie des
Gentils. C'est pourquoi Dieu prédit
ici à ce Peuple corrompu, qu'il
l'accablera de ses jugemens. Ie suis,
dit-il, comme un lion à Ephraim ; &
comme un lionceau à la maison de Iuda .
Mais quelle terrible parole ? Dieu est
comme un lion & comme un lionceau à son Peuple, pour le mettre en piéces !
Où est donc cét amour immense,
que l'Ecriture nous dit que Dieu a
pour tous ses Enfans ;
De telle compassion,
dit le Roi-Prophéte dans le
Pseaume 103. qu'un Pere est émû envers
ses Enfans, de telle compassion
[ est ]
est émû l'Eternel envers ceux qui le
revérent .
Quand mon Pere & ma
Mere m'auroient abandonné, dit ce
Saint Homme dans le Pseaume 27.
l'Eternel me recueillira. Ecoutez,
mes Fréres, comme l'Esprit de Dieu
nous parle sur ce sujet dans le
Chapitre
49. d'Esaïe. Mais Sion, dit-il,
a dit ; l'Eternel m'a abandonné, & le
Seigneur m'a oubliée. La femme peut-
elle oublier son enfant qu'elle allaite ; de
sorte qu'elle n'ait pas pitié du fils de son
ventre ? Or quand même les femmes les
auroient oubliez, encore ne t'oublierai-
je pas, moi .
Dans toute leur angoisse,
nous dit encore l'Esprit de Dieu au
Chap. 63. des mêmes Révélations, il
a été dans l'angoisse, & l'Ange de sa
face les a delivrez. Lui-même les a rachettez
par son amour & par sa grace ;
& il les a portez & les a élevez en tout
tems .
Qui vous touche, nous dit ce
bon Dieu dans le Chap. 2. des Révélations
de Zacharie, touche la prunelle
de mon œil. Aussi nous voyons dans
les Actes des Apôtres, que lorsque
Saul persécutoit les Fidéles, Jesus
Christ, qui est lui-méme Dieu béni éternellement
avec le Pére & le Saint
Esprit, lui cria du Ciel,
Saul, Saul,
pourquoi me persecutes-tu ? comme
[s'il]
s'il sentoit lui-même tous les maux,
qu'on fait soufrir à ses Fidéles.
D'où vient donc que Dieu se représente
ici comme un lion & comme
un jeune lion, qui ne songe qu'à déchirer
son Peuple ? C'est, mes chers
Fréres, que Dieu est jaloux de sa
gloire, & qu'il ne peut soufrir les outrages
qui lui sont faits. Si ce Grand
Dieu nous a créez, c'est pour sa gloire.
S'il nous a rachettez, c'est pour
sa gloire. S'il nous a êlus plûtôt que
les autres hommes, quoi que nous ne
fussions pas meilleurs qu'eux, s'il nous
a adoptez pour être ses Enfans, s'il
nous a rempli de ses lumiéres, s'il nous
a donné l'Esprit de sa Sainteté ; c'est
afin que nous le glorifiions, en faisant
sans cesse paroitre que nous avons sa
crainte devant les yeux, c'est-à-dire, en
obeissant à ses Saints Commandemens,
& en témoignant du zéle pour sa gloire
& pour son Service. Que vôtre lumiere,
nous dit Jesus Christ dans son
Evangile, luise devant les hommes, afin
que les hommes voyans vos bonnes œuvres,
donnent gloire à vôtre Pere qui
est aux Cieux .
C'est pourquoi, lors qu'au lieu de
glorifier nôtre Dieu par nos pensées,
par nos paroles, & par toutes nos actions,
[tions]
nous venons à violer ses Commandemens,
& à le des-honorer, en
faisant paroitre par nôtre mauvaise conduite,
que nous n'avons pas sa crainte
& son amour ; sa colére s'emflamme
contre nous, à cause de nôtre rebellion
& de nôtre ingratitude.
Alors plus sont grandes les graces
que nous avons receu de sa bonté, plus
sont sévéres les châtimens qu'il nous
fait soufrir. C'est pour cela que dans
l'Evangile Jesus Christ nous dit que
le Serviteur, qui aura connu la volonté
du Maître, & qui ne l'aura pas faite,
sera puni plus sévérement que celui
qui ne l'aura pas connuë. C'est pour
cela que dans la
1. Epitre de Saint
Pierre Chap. 4. ce Saint Apôtre nous
dit que
le jugement commence par la
Maison de Dieu , c'est-à-dire, par son
Eglise. C'est à son Eglise qu'il a donné
les plus grands témoignages de son amour ;
c'est pourquoi elle est la prémiére
châtiée, lors qu'elle abuse des
graces de Dieu, & qu'elle imite les déréglemens
du Siécle : aprés quoi le jugement
de Dieu passe sur les autres
Peuples, dont Dieu s'est servi pour
l'afliger. En effet dans le
Chap. 6. des
Révélations d'Ezéchiel nous voyons
que lors que Dieu voulut détruire Jérusalem,
[ru-] qui s'étoit corrompuë, il dit
à ceux qui devoient éxecuter ses jugemens ;
Passez par le milieu de la
Ville, & frappez ; que vôtre œil n'épargne
personne, & n'en ayez point de pitié.
Tuez entierement les vieillards, les jeunes
gens, les vierges, les petits enfans,
& les femmes ; mais n'approchez d'aucun
de ceux sur lesquels sera la lettre
Thau : & commencez par mon Sanctuaire ,
c'est-à-dire, commencez par mes
Sacrificateurs, par ceux qui ont receu
les plus grands témoignages de ma
bonté, & qui m'ont payé d'une noire
ingratitude.
Mal-heur sur toi,
Corazin, dit aussi Jesus Christ dans le
Chap. 11 de Saint Matthieu ; malheur
sur toi, Bethsaïda ; car si les vertus
qui ont été faites au milieu de
vous, eussent été faites à Tyr & à Sidon,
elles se fussent depuis long-tems repenties
avec le sac & la cendre. C'est pourquoi
je vous dis que Tyr & Sidon seront plus
tolerablement traitées au jour du jugement
que vous. Et toi, Capernaüm,
qui as été élevée jusques au Ciel, tu seras
abaißée jusqu'à l'Enfer : car si les vertus
qui ont été faites au milieu de toi, eussent
été faites à Sodome, elle fut demeurée
jusqu'à ce jourd'hui. C'est pourquoi
[ je ]
je vous dis que ceux de Sodome seront
plus tolerablement traitez au jour du jugement
que toi .
Dieu attend long-tems les pécheurs
à la repentance ; mais lors que sa patience
s'est épuisée, plus elle a été
longue, plus sont terribles les fleaux,
dont il accable les impénitens.
O
homme, dit S. Paul dans son Epitre aux
Romains, Chap. 2. méprises-tu les richesses
de sa benignité, & de sa patience,
& de sa longue attente ; ne connoissant
pas que la benignité de Dieu
t'invite à la repentance : mais par ta
dureté & par l'impenitence de ton cœur,
tu t'amasses de la colere pour le jour de
la colere, & de la manifestation du juste
jugement de Dieu, qui rendra à chacun
selon ses œuvres .
Alors Dieu n'est plus un Dieu de
misericorde pour les pécheurs endurcis ;
mais un feu consumant pour les
dévorer. Alors c'est une chose
terrible que de tomber entre ses mains.
Alors toutes ses bénédictions se changent
en malédictions. Alors il verse
sur les pécheurs toutes les phioles de
sa colére.
C'est moi, dit-il maintenant, c'est
moi qui déchirerai . En effet, mes
chers Fréres, c'est Dieu lui-même
[qui]
qui frape son Peuple, lors qu'il permet
que son Peuple soit opprimé par ses
ennemis. C'est pourquoi lors que
nous sommes persecutez, nous ne devons
pas arrêter nos yeux sur les hommes
qui nous affligent. Ils ne sont
que des instrumens & des verges en
la main de Dieu, pour nous châtier
à cause de nos péchez. Mais nous
devons élever nos yeux vers ce Grand
Dieu, que nous avons offensé, & qui
par les châtimens qu'il nous fait soufrir,
veut nous ramener dans ses saintes
voyes.
Qui est celui, dit le Prophéte
Jerémie dans le Chapitre 3. de
ses Lamentations ; qui dit que cela a
été fait, & que le Seigneur ne l'a pas
commandé ? Les maux & les biens ne
procedent-ils pas du mandement du
Trés-haut ? C'étoit pour cela que
lors que le Démon affligeoit Job, ce
Saint Homme ne portoit sa vüe que
sur Dieu, qui le permettoit ainsi :
Son
courroux, dit-il, m'a déchiré ; il s'est
declaré mon ennemi, il grince les dents
sur moi ; & êtant devenu mon ennemi,
il étincelle des yeux contre moi.
Job
Chap. 16. v. 9.
Ie m'en irai, ajoûte ce Grand Dieu,
& je retournerai en mon lieu . Dieu,
mes chers Fréres, remplit les Cieux
[&]
& la Terre ; c'est pourquoi il ne va pas
d'un lieu à un autre ; car il est par tout.
Mais l'Ecriture dit qu'il s'en va, lors
qu'il abandonne les pécheurs à leurs
propres ténébres, à leur propre corruption,
& à leur propre foiblesse ;
lors qu'il les livre entre les mains de
leurs ennemis, & qu'il les prive de ses
Graces & de son secours.
Dieu est nôtre Soleil ; dés qu'il s'éloigne
de nous, nous tombons dans
les ténébres. Il est la source de tous
les biens ; dés qu'il s'éloigne de nous,
nous tombons dans un abîme de maux.
Il est nôtre Consolateur ; dés qu'il s'éloigne
de nous, nous nous trouvons
dans une afliction extréme. Il est nôtre
force, nôtre Défenseur & nôtre Libérateur ;
dés qu'il s'éloigne de nous,
nous sommes accablez par nos ennemis.
Il est nôtre vie ; dés qu'il s'éloigne
de nous, nous tombons dans
la mort spirituelle, qui est suivie de
la mort & de la malédiction éternelle,
à l'égard de ceux qui perseverent
dans leurs péchez. Voilà, mes chers
Fréres, ce que c'est que ce funeste
éloignement de nôtre Dieu.
Nous lisons dans le Livre des
Nombres
Chap. 14. qu'aprés que les Israélites
eurent long-tems irrité ce Grand
[Dieu]
Dieu par leur incredulité & par leurs
rebellions, Dieu se retira du milieu
d'eux. Alors ils voulurent aller combattre
leurs ennemis : Mais Moyse leur
dit ; N'y montez point, car l'Eternel
n'est point au milieu de vous ; afin que
vous ne soyez pas battus devant vos
ennemis . Ils ne laissérent pourtant
pas d'y aller : mais leurs ennemis les
repousserent, & en tuérent un grand
nombre.
Nous voyons encore dans le
premier
Livre de Samuel Chap. 16. qu'aprés
que le Roi Saul eut plusieurs fois
violé les Commandemens de l'Eternel,
l'Eternel l'abandonna ; & qu'alors le
Malin Esprit le saisit de la part de l'Eternel,
& remplit son cœur de trouble
& d'amertume.
Nous lisons aussi dans les Révélations
du Prophéte
Ezéchiel Chap. 10.
& 11. que lors que Dieu voulut faire
détruire Jérusalem par les Caldéens, à
cause de la corruption où elle étoit
tombée,
la Gloire de l'Eternel sortit du
Temple & de la Ville. Alors ce Grand
Dieu s'en alla, & retourna en son
lieu : c'est-à-dire, alors il abandonna
son Peuple à la merci de ses ennemis,
qui en firent périr une fort grande
partie, & qui dispersérent le reste par
toute la Terre.
[En-]
Enfin nous lisons dans l'Histoire
Ecclésiastique, que lors que Dieu voulut
de nouveau faire détruire Iérusalem
par les Romains, à cause qu'elle
avoit crucifié le Seigneur de gloire,
& qu'elle avoit long-tems perseveré
dans son péché ; on entendit dans le
Temple une voix, qui cria ; Sortons
d'ici . Ce fut alors encore que ce
Grand Dieu s'en alla, & qu'il retourna
en son lieu. Ce fut alors qu'il abandonna
ce miserable Peuple à la
fureur de ses ennemis, qui dans le siége
& la prise de Iérusalem firent périr
onze cens mille personnes, ou par la
famine, ou par la peste, ou par l'épée ;
& qui disperserent aussi le reste
par toute la Terre habitable. Ce fut
alors qu'on vit l'accomplissement de ce
que Jesus Christ leur avoit prédit :
Voici, leur avoit-il dit, vôtre Maison
s'en va vous être laißée déserte .
I'emporterai, dit encore ce Grand
Dieu, & il n'y aura personne qui m'ôte
la proye. Mais qu'emporte-t-il, me direz-
vous, lors qu'il s'éloigne de son
Peuple ? Ha ! mes chers Fréres,
qu'emporte-t-il ? Il emporte le pain
mystique, c'est-à-dire, sa Parole qui
est la nourriture de nos ames : & alors
nous tombons dans la faim spirituelle.
[le.]
Alors nous trotons depuis une
Mer jusques à l'autre, cherchans cette
Divine Parole, & nous ne la trouvons
point, comme dit le Prophéte
Amos. Il emporte l'Esprit de sa Sainteté,
que nos péchez avoient contristé :
& alors nous sommes livrez à un
esprit d'étourdissement & d'égarement.
Il emporte ses bénédictions, dont
nous nous sommes rendus indignes :
& alors toutes ses playes viennent sur
nous. Il emporte ses consolations :
& alors il n'y a personne qui nous
fasse revenir le cœur. Il emporte
son Chandelier : & alors nous ne pouvons
plus nous réjoüir en sa lumiére.
Il emporte sa protection : & alors nous
tombons entre les mains de nos ennemis,
qui disposent de nos biens, de nos
enfans, & de nos vies, comme si nous
étions des esclaves & des bêtes. C'est-
là, mes chers Fréres, la grande proye
que Dieu emporte, lors qu'il abandonne
son Peuple : & qui est-ce qui
pourroit l'arracher de ses mains ? Si
Dieu est contre nous, qui est-ce qui
pourroit étre pour nous ?
S'il ravit,
dit Job dans le Chap. 9 du Livre de
sa Patience, qui le lui fera rendre ?
Qui est-ce qui lui dira ; Que fais-tu ?
[Ha !]
Ha ! que la condition d'un Peuple
est mal-heureuse, lors que Dieu le prive
ainsi de ses graces & de son secours !
L'Eglise d'Israel se trouvoit en ce déplorable
état, lors qu'elle disoit dans
les Lamentations du Prophéte Jerémie :
Vous tous passans, contemplez, & voyez
s'il y a douleur comme ma douleur, qui
m'a êté faite, à moi que l'Eternel a
renduë dolente au jour de l'ardeur de
sa colere. Il a envoyé d'enhaut au dedans
de mes os le feu, qui les a tous
gagnez. Il a étendu le filé devant mes
piez, & il m'a renversée en arriere.
Il m'a rendüe désolée & languissante
tout le long du jour. C'est pour cela
que je pleure ; & mon œil, mon œil se
fond en eau : car le Consolateur qui me
fait revenir le cœur, est loin de moi.
Mes enfans sont désolez, parce que l'ennemi
a êté le plus fort .
II.
Mais enfin jusques à quand Dieu
afflige-t-il ainsi son Peuple ? C'est,
mes chers Fréres, jusques à ce que son
Peuple se convertisse. Ie suis, dit-il,
comme un lion à Ephraim, & comme
un lionceau à la Maison de Iuda. C'est
moi, c'est moi qui déchirerai, & je
[ m'en ]
m'en irai ; I'emporterai, & il n'y aura
personne qui m'ôte la proye. Ie m'en
irai, & je retournerai en mon lieu ;
jusques â ce qu'ils se reconnoissent coupables,
& qu'ils cherchent ma face ,
c'est-à-dire, jusques à ce qu'ils aient
une sincére & vive douleur de m'avoir
offensé, qu'ils s'humilient sous mes
yeux, qu'ils implorent ma Misericorde
& ma Grace, qu'ils rénoncent à
leurs péchez, & que désormais ils obéïssent
à mes Commandemens. C'est
là, mes chers Fréres, l'unique moyen
d'appaiser la colére de Dieu, lors que
nos péchez ont irrité les yeux de sa
gloire. Il faut cesser de faire le mal,
& faire désormais le bien. Autrement
les pécheurs ne doivent pas attendre
que ce Grand Dieu fasse luire sa face
sur eux, & qu'il les délivre.
Il n'y
a point de paix pour les méchans, a dit
mon Dieu , comme dit le Prophéte
Esaye dans le 57. Chapitre de ses Révélations.
Mais lors que nous nous
repentons sincérement d'avoir offensé
Dieu, que nous avons de l'horreur
pour nos péchez, que nous y renonçons
entiérement, que nous retournons
à Dieu de tout nôtre cœur, que
nous nous humilions profondement
devant son trône, que nous implorons
[rons]
sa miséricorde, & que nous marchons
dans ses saintes voyes ; ce bon
Dieu retourne à nous en ses grandes
compassions ; il nous délivre de tous
nos maux, & il nous comble de toutes
ses bénédictions spirituelles & temporelles.
C'est ce que Jesus Christ veut
nous enseigner dans la Similitude de
l'Enfant prodigue, dont il est parlé
dans
Saint Luc Chap. 15. Cét Enfant
rebelle avoit receu sa portion des
biens de son Pére : aprés quoi il s'étoit
éloigné de lui, & pendant cét
éloignement il étoit tombé dans une
misére & dans une affliction extréme.
Il souhaittoit de remplir son
ventre des racines que les pourceaux
mangeoient ; mais personne ne lui en
donnoit. Alors revenant à soi-même,
il dit ; Combien y a-t-il dans la
maison de mon Pére de mercenaires,
qui ont du pain en abondance ; &
moi, je meurs de faim ? Je me leverai,
je m'en irai vers mon Pére, &
je lui dirai ; Mon Pére, j'ai péché
contre le Ciel & devant toi ; & je ne
suis pas digne d'être appellé ton fils.
Fai-moi comme à l'un de tes mercenaires.
Il partit donc, & vint
vers son Pére. Or comme il étoit
[encore]
encore loin, son Pére le vit, & fut émû
de compassion ; de sorte qu'il courut,
& se jettant sur son cou, il le baisa.
Mais son fils lui dit ; Mon Pére,
j'ai péché contre le Ciel & devant toi,
& je ne suis pas digne d'être appellé
ton fils. Alors son Pére le vêtit de
précieux vêtemens, & fit un grand
festin pour témoigner la joye qu'il recevoit
d'avoir recouvré cét Enfant,
qui étoit perdu.
Lors que par nos péchez nous nous
éloignons de nôtre Pére Céleste, &
que nous dissipons les biens spirituels,
dont il nous avoit comblez ; nôtre ame
tombe dans la faim spirituelle,
dans la misére & dans la désolation.
Mais alors si nous renonçons à nous-
mêmes, si nous retournons à nôtre
Dieu, si nous nous humilions sous ses
yeux, si nous gémissons en sa présence,
& que nous implorons sa Miséricorde
& sa Grace ; ce bon Dieu se
laisse toucher à nôtre misere, à nos
pleurs & à nos gémissemens. Il nous
reçoit entre les bras de ses miséricordes,
il nous baise d'un baiser de son
amour, il nous revêt des habits mystiques
de nôtre Sauveur, c'est à-dire,
de sa justice & de son innocence, & il
[nous]
nous remplit des Graces & des consolations
de son Esprit.
Ie suis Vivant, dit ce Grand Dieu
dans le Chap. 33. d'Ezéchiel, que je
ne prens pas plaisir à la mort du pécheur ;
mais à ce qu'il se détourne de
son train, & qu'il vive. Détournez-
vous, ajoûte-t-il, détournez-vous de
vôtre mauvais train ; & pourquoi mourriez-
vous, ô Maison d'Israel. C'est
pour cela que dans le
Pseaume 32.le
Roi Prophéte lui dit,
Ie t'ai fait connoitre
mon peché, & je n'ai point caché
mon iniquité. I'ai dit, ie ferai
confession de mes transgressions à l'Eternel :
& tu as ôté la peine de mon peché.
C'est pourquoi tout bien aimé de
toi te suppliera au tems qu'on te trouve ;
de sorte que dans un deluge de
grosses eaux, elles ne parviendront point
à lui .
Celui qui cache ses transgressions,
dit le Sage dans le Chapitre 28.
des Proverbes, ne prosperera point ;
mais celui qui les confesse & les delaisse,
obtiendra misericorde.
Il ne suffit pas que nous confessions
à Dieu nos péchez, si nous n'y renonçons
entiérement. Il ne suffit pas que
ayons de la douleur d'avoir offensé
Dieu, si nous continuons encore à
[l'offen-]
l'offenser. Il n'y a point de reprouvé,
qui faisant réfléxion sur les peines éternelles
que Dieu lui prépare, qui n'en
soit épouvanté & affligé. Les Démons
mêmes, considérant qu'il y a un Dieu,
& que ce Dieu Grand & Terrible leur
prépare des supplices éternels ; en ont
de l'horreur & en tremblent. Mais
cela ne leur sert de rien. La Grace
& la Miséricorde de Dieu n'est pas
pour ceux qui perséverent dans leurs
péchez, mais pour ceux qui se corrigent
de leurs défauts, qui se défont
de leurs mauvaises habitudes, qui deviennent
de nouvelles créatures, &
qui desormais glorifient Dieu par toutes
leurs œuvres, par toutes leurs paroles,
& par toutes leurs pensées. Ie
suis, dit maintenant ce Grand Dieu,
comme un lion à Ephraïm, & comme
un lionceau à la Maison de Iuda.
C'est moi, c'est moi qui déchirerai,
& je m'en irai ; j'emporterai, & il n'y
aura personne qui m'ôte la proye. Ie
m'en irai, & je retournerai en mon lieu,
jusques à ce qu'ils se reconnoissent coupables,
& qu'ils cherchent ma face .
Ce que nous venons de dire suffit
pour l'intelligence de ces paroles.
Maintenant il faut que nous appliquions
[quions]
à nôtre usage les choses que
vous venez d'entendre.
Nous voyons ici dans le mal-heur
de l'Eglise d'Israel & de Juda, une
image de nôtre condition. Nous avons
imité la corruption de cét ancien
Peuple ; & Dieu nous a punis
comme lui. Dieu nous avoit délivrez
de la tyrannie du Pharaon mystique,
qui est le Diable. Il nous avoit fait
sortir des ténébres de l'Eglise Anti-
chrétienne, qui est la nouvelle Egypte.
Il nous avoit choisi pour son Peuple.
Il nous avoit donné la connoissance
de sa Vérité, pendant qu'il avoit
laissé dans l'erreur & l'égarement une
infinité d'autres personnes qui n'étoient
pas plus indignes que nous de ses graces.
Il nous avoit même fait naître
dans un Païs abondant en lait & en
miel, comme la Terre de Canaan. Il
nous y avoit protégez, il nous y avoit
fait joüir d'un long repos & d'une
grande prospérité.
Il ne nous avoit accordé tant de
bienfaits, qu'afin d'étre glorifié par
nous,
Vous êtes, nous dit S. Pierre
dans sa premiére Epitre Catholique,
Chap. 2. la Genération élüe, la Sacrificature
Royale, la Nation Sainte, le
Peuple acquis ; afin que vous annonciez
[ les ]
les vertus de celui qui vous a appellez
des tenebres à sa merveilleuse lumiere .
Cependant nous avons été ingrats,
méchans & rebelles. Nous n'avons
pas fait luire nôtre lumiére devant
les hommes, afin que les hommes
voyans nos bonnes œuvres, donnassent
gloire à nôtre Pére Céleste. Au
contraire nous avons des-honoré ce
Grand Dieu par nôtre mal-heureuse
conduite. Nous avons été cause
que son Saint Nom a été blasphémé
par ceux qui ne le connoissoient
point. La plûpart de nous ont vécu
comme des Payens. On n'a vû
parmi nous que paillardises abominables,
que débauches, qu'yvrogneries,
que mauvaise foi, que fraudes,
que larcins, qu'injustices, que procés,
que querelles, que divisions, que
haines implacables, que mépris de la
Parole de Dieu, qu'indévotion, qu'impiété,
que profanation du saint jour
du repos, qui ne devoit être employé
qu'au Service de ce Grand Dieu, à
l'ouïe, à la lecture, & à la méditation,
de sa Parole, à l'invocation
de son Saint Nom, & au chant de ses
loüanges immortelles. On n'a ouï
parmi nous que des paroles sales &
infames, de chansons impudiques ou
[impies,]
impies, & des imprécations damnables ;
les uns se donnant au Diable à
tout moment, & les autres demandant
sans cesse que Dieu les damnât :
c'est pourquoi Dieu a permis que les
uns & les autres aient été seduits par
les Démons, & qu'ils soient tombez
dans l'état d'une damnation éternelle.
On n'a oüi que Sermens vains & téméraires,
que renimens & que blasphémes
horribles. Les Péres & les
Méres n'ont eu aucun soin d'inspirer
à leurs enfans, la crainte & l'amour
de Dieu, & les enfans n'ont eu
aucun respect pour leurs Péres &
pour leurs Méres. En-un-mot dans
le Monde il n'y avoit point de Peuple,
qui ayant receu la connoissance
des mystéres Célestes, fût plus corrompu
que celui qui en France faisoit
profession d'être le Peuple Réformé.
Il n'y avoit point de différence
entre nous & les Enfans du
Siécle. Nous nous étions confondus
avec eux par nôtre attachement au
Monde, par nôtre luxe, par nos vanitez,
& par l'impureté de nôtre
vie.
Nous étions la Nation hypocrite
dont parle l'Esprit de Dieu dans le
[Cha-]
Chapitre 10. d'Esaïe, & contre laquelle
Dieu a envoyé l'Assur mystique.
Mal-heur, dit-il, sur Assur,
verge de ma colére, quoi que le bâton
qui est en leur main, soit mon indignation.
Ie l'envoyerai contre la Nation
hypocrite, & je le dépecherai
contre le Peuple, sur lequel je veux déployer
ma fureur ; afin qu'il butine du
butin, & qu'il pille du pillage, &
qu'il foule ce Peuple profane comme
la boüe des rües .
Dieu n'avoit rien oublié pour nous
ramener de nôtre égarement. Mais
nous avions toûjours rejetté les exhortations,
qui nous étoient faites de
sa part. Il nous avoit souvent châtiez :
mais nous n'avions pas profité
de ses châtimens. C'est pourquoi sa
patience s'est enfin changée en fureur.
Il nous a déchirez ; il nous a mis en
piéces ; il s'en est allé ; il nous a abandonnez.
Il a privé son Peuple
de sa Parole, de son Esprit, de ses
bénédictions, de ses consolations, de
son Chandelier, & de son secours. Il
nous a livrez à la merci de nos ennemis,
qui nous accablent de maux,
qui nous soulent d'amertume, qui
disposent comme bon leur semble,
[&]
& de nos biens, & de nos Enfans,
& de nos vies. Maintenant nous
crions vers nôtre Dieu ; mais il ne
nous répond point. Nous le cherchons
de bon matin ; mais nous ne
le trouvons point.
Quoi donc ; n'y a-t-il plus de baume
en Galaad ? Les Miséricordes de
nôtre Dieu sont-elles défaillies ? A-t-
il oublié d'avoir pitié ? A-t-il resserré
pour jamais ses compassions ? Ha !
mes chers Fréres, ce sont nos péchez
qui ont fait la séparation entre nous
& nôtre Dieu. C'est pourquoi il faut
que nous nous reconnoissions coupables,
& que nous cherchions sa face.
Il faut que chacun de nous se détourne
de sa mauvaise voye, que nous
nous humilions sous les yeux de nôtre
Dieu, & que nous implorions sa
Miséricorde, si nous voulons qu'il ait
pitié de nous. Il faut que nous renoncions
à tous nos péchez, que nous
réformions nos moeurs, comme nous
avons reformé nôtre Doctrine ; autrement
il achevera de nous détruire,
comme un Peuple profane, hypocrite,
infidéle, qui fait profession de
le connoitre, mais qui le renie par ses
œuvres , & par ses paroles. Il faut
que nous vivions saintement en nous-
[mêmes,]
mêmes, justement envers nos prochains,
& religieusement envers Dieu.
Il faut que nous soyons saints, comme
nôtre Dieu est Saint ; afin qu'il
nous avouë pour ses Enfans, qu'il
nous délivre de tous nos maux, &
qu'il nous comble de toutes ses graces.
C'est vôtre infidélité, qui a rompu
l'Alliance que vous aviez avec vôtre
Dieu. Il faut donc que vous retourniez
à lui, que vous vous abattiez
au pié de son trône, que vous lui témoigniez
l'horreur que vous avez pour
tous vos péchez, & principalement
pour vôtre revolte détestable. Il faut
que vous ayez tout vôtre recours à
sa grace ; que vous lui demandiez
qu'il lui plaise de vous laver dans le
précieux Sang de vôtre Sauveur, &
de vous revêtir de sa justice & de son
innocence ; que vous lui promettiez
de lui étre désormais fidéles jusqu'au
dernier moment de vôtre vie ; & que
vous imploriez continuellement le secours
de son Saint Esprit, afin que
vous puissiez combattre le bon combat,
garder la foi, achever vôtre course,
& obtenir la couronne de justice,
qu'il prépare dans le Ciel à tous ceux
qui lui auront été fidéles, & qui auront
[ront]
persevéré jusqu'à la fin.
Maintenant
donc, vous dit ce Grand Dieu
dans le Chap. 2. des Révélations de
Joël, Retournez jusques à moi de tout
vôtre cœur, en jeûne, en pleur, & en
lamentation. Rompez vos cœurs, &
non pas vos vêtemens. Retournez à
l'Eternel vôtre Dieu ; car il est misericordieux,
& pitoyable, tardif à la colere,
abondant en gratuité, & qui se
repent d'avoir affligé .
Que le méchant
delaisse son train, & l'homme outrageux
ses pensées, vous dit-il encore dans
le Chap. 55. d'Esaye, & qu'il retourne
à l'Eternel, & il aura pitié de lui ;
& à nôtre Dieu, car il pardonne tant
& plus .
Venez, dit le Prophéte Osée
aprés les paroles de nôtre Texte,
& retournons à l'Eternel : car c'est lui
qui a déchiré ; mais il nous medecinera :
Il nous a frapez, mais il nous
bandera nos playes. Il nous aura remis
en vie dans deux jours, & au troisieme
jour il nous aura rétablis, & nous
vivrons en sa presence .
Mon Peuple, nous dit encore ce
Grand Dieu dans le Chap. 6. de Michée,
Que t'ai-je fait ? En quoi t'ai-
je travaillé ? Répon-moi .
O si mon
Peuple m'eût écouté, nous dit-il dans
le Pseaume 81. si Israel eût marché
[ dans ]
dans mes voyes ! I'eusse en un moment
abattu leurs ennemis, & j'eusse tourné
ma main contre leurs adversaires. Ie
l'eusse repû, dit-il, de la moüele du
froment, & je l'eusse rassasié du miel
qui découle de la roche, c'est-à-dire,
je l'eusse toûjours repû de ma Parole,
& je l'eusse rempli des graces &
des consolations de mon Esprit.
Ha ! chére Eglise du Seigneur, que
ta désolation est grande & lamentable !
Retourne à l'Eternel ton Dieu, & il
aura pitié de toi. Il t'a frapée en sa
colére à cause de tes péchez ; mais
ses entrailles s'émeuvent au dedans de
lui. Il te tend maintenant les bras
pour te recevoir à merci. Ecoute,
Eglise désolée, en quels termes l'Esprit
de Dieu te parle dans le
Chap. 54.
des Révelations d'Esaye :
L'Eternel,
dit-il, t'a appellée comme une femme
delaissée & travaillée d'esprit ; & comme
une femme qu'on auroit épousé dans
sa jeunesse, & qui auroit êté repudiée,
a dit ton Dieu. Ie t'ai delaissée pour
un petit moment ; mais je te rassemblerai
par de grandes compassions. I'ai
caché ma face arriere de toi, pour un
peu de tems, au moment de l'indignation ;
mais j'ai eu compassion de toi par
une gratuité éternelle, a dit l'Eternel
[ ton ]
ton Redempteur. Car ceci me sera
comme les eaux de Noê : c'est que j'ai
juré que les eaux de Noé ne passeront
plus sur la Terre. De même j'ai juré
que je ne serai plus indigné contre
toi, & que je ne te tancerai plus. Car
quand les montagnes se renverseroient,
& que les côteaux crôleroient, ma gratuité
ne se départira point de toi, &
l'Alliance de ma paix ne bougera point,
a dit l'Eternel, qui a compassion de toi.
Affligée, tempêtée, destituée de consolation,
voici, je m'en vais coucher des
escarboucles pour tes pierres, & je te
fonderai sur des saphirs : & je ferai tes
fenêtrages d'agathes, & tes portes seront
de pierres precieuses : c'est-à-dire,
aprés que je t'aurai épurée dans le
creuset de l'affliction, tous tes Enfans
seront saints & précieux à mes
yeux. Je te délivrerai de la main de
tes ennemis ; je ne permettrai plus
qu'ils profanent mes Sanctuaires, &
qu'ils les ruïnent ; je te ferai voir la
destruction du Régne de Satan, & le
plein établissement de celui de ton
Dieu par tout le monde ; & je te ferai
éclater en voix d'actions de graces,
de triomphe, & de réjoüissance.
Venez donc, pauvres pécheurs, enfans
prodigues, qui reconnoissez vôtre
[tre]
égarement ; retournez à vôtre Pére
céleste. Vous avez dissipé les biens
spirituels que vous aviez reçû de sa
bonté ; vous étes tombez dans la faim
spirituelle, dans la misere, & dans l'affliction.
Humiliez-vous profondément
en la présence de vôtre Dieu.
Que chacun de vous lui dise ; Mon
Pére, j'ay péché contre le Ciel & devant
toi, & je ne suis plus digne d'étre
appellé ton Enfant : fai-moi comme
à l'un de tes mercenaires. Venez,
mes chers Fréres, retournons
tous à l'Eternel nôtre Dieu ; car nous
avons tous péché contre lui. Renouvellons
l'Alliance avec ce Grand
Dieu : promettons-lui solennellement
que nous serons son Peuple, que nous
lui serons fidéles, que nous aurons
toûjours sa crainte devant nos yeux,
que nous obéïrons toüjours à ses saints
Commandemens, & que nous le glorifierons
par toute nôtre conduite.
Alors ce Grand Dieu aura compassion
de nous. Il nous tiendra chers
comme la prunelle de l'œil. Il nous
délivrera de cette dure Servitude, dans
laquelle nous gémissons depuis si longtems.
Il nous mettra dans un état renommé
sur la Terre ; il nous fera voir
des jours de paix, de repos, & de
[pros-]
prospérité ; il nous comblera de ses
graces & de ses bénédictions ; & un
jour il nous rendra participans de la
gloire & de la félicité Céleste. Ce
bon Dieu nous en fasse la grace. Or
à ce Grand Dieu Pére, Fils & Saint
Esprit, un seul Dieu béni éternellement,
soit honneur & gloire aux Siécles
des Siécles ; Amen.
Prononcé en divers lieux, les 10. Février,
7. & 30. Mars, 11. & 19. May, 1. Aoust,
17. Septembre, & 8. Octobre 1690.