LA BENEDICTION
DES
SACRIFICATEURS.
L'Eternel parla aussi à Moïse , disant ;
Parle à Aaron & à ses Fils , & di-leur ; Vous
bénirez ainsi les Enfans d'Israël , en leur disant ;
L'Eternel te bénisse , & te garde :
L'Eternel fasse luire sa Face sur toi , & te fasse
Grace :
L'Eternel tourne son Visage vers toi & te donne
la Paix .
SI l'on a dit de tous les Hommes,
qu'ils ne sont pas nés pour eux-
mêmes , mais pour leur Patrie &
pour leurs Amis. On peut, Mes
Fréres, l'assurer avec plus de justice des Pasteurs
qui sont établis sur l'Eglise de Dieu :
[Dès]
Dès qu'ils sont entrés dans cet important
Emploi , Ils semblent avoir renoncé à leurs
propres interêts pour ne s'ocuper que de ceux
de leur Troupeau : imitant en quelque maniére
Jésus-Christ, qui s'est donné soi-même
pour nous, afin de nous amener à Dieu.
C'est à quoi répondent les Titres qui leur
sont donnez dans l'Ecriture Sainte : Car
d'où vient qu'Elle les apelle des Pasteurs,
des Guets , des Ministres & des Serviteurs,
si ce n'est, parce que tous leurs soins doivent
regarder les Personnes que la Providence
de Dieu leur a commises ; Toutes les fonctions
de leur Charge justifient la même Vérité ,
Ils ne sont pas seulement obligez de
prêcher en tems & hors de tems,comme Saint
Paul le leur ordonne;Ils ne doivent pas seulement
aider les Afligez par de douces Consolations,
& rendre Graces à Dieu des faveurs
qu'il a répanduës sur les Fidéles ; Mais ils
doivent encore être incessamment ocupez à
prier Dieu pour la Prospérité de l'Eglise , &
la bénir par des Vœux ardens qu'ils adressent
au Ciel pour Elle. Les Prophêtes , les
Sacrificateurs & les Apôtres l'ont tous heureusement
pratiqué ; & quand leur Piété &
leur Charité ne les y auroit pas naturellement
[ment]
engagé, Dieu leur avoit fait assez
comprendre que c'étoit là une partie essentielle
de leur Devoir,par l'ordre exprès qu'il
leur avoit donné de bénir publiquement le
Peuple ; Précepte charitable qui vous fera
admirer l'Amour que Dieu porte à ses Enfans !
Ecoutez-le, Mes Fréres, pour vôtre
consolation , Il est renfermé dans les Paroles
que nous avons lûës , l'Eternel parla aussi
à Moïse, disant ; Parle à Aaron & à ses Fils &
di-leur ; Vous bénirez ainsi les Enfans d'Israël,
leur disant ; l'Eternel te bénisse & te garde ; l'Eternel
fasse luire sa Face sur toi & te fasse Grace ;
l'Eternel tourne son Visage vers toi & te donne
la Paix .
C'est la forme de Bénédiction par laquelle
les Sacrificateurs congédioient l'Assemblée
qui sortoit du Temple de Dieu. Nous
avons aussi acoûtumé de nous en servir, parce
que les Graces qui y sont exprimées ne
sont pas moins nécessaires aux Chrêtiens
qu'elles l'étoient aux anciens Juïfs. Vous
jugez bien, Mes Fréres, qu'il vous importe
de comprendre l'étenduë d'une Bénédiction
si solennelle, & nous l'avons choisie, d'autant
plus volontiers , pour entretenir nôtre
Devotion, que nous avons dessein Aujourd'hui,
[d'hui,]
que nous entrons, par le suport de
Dieu, dans une nouvelle Année , de renouveller
les Souhaits que nous faisons continuellement
pour Vous. Il n'est pas nécessaire
de vous exhorter à nous écouter favorablement;
La nature du Sujet que nous allons
traiter, & la Considération de ce Jour,
où nous venons implorer la Bénédiction de
Dieu sur la suite de nôtre Vie , nous y doivent
fortement engager. Nous commencerons
par quelques Réflexions generales sur
l'Ordre que Dieu donna à Moïse, & nous
entrerons ensuite dans le détail des Paroles
qu'Aaron & ses Successeurs devoient prononcer.
Vous n'ignorez pas,Mes Freres,que Dieu
voulant donner sa Loi au Peuple d'Israël , la
faisoit déclarer par le Ministère de Moïse,
qu'il avoit choisi pour être Médiateur entre
Lui & ce Peuple ; Ce Prophéte étoit élevé à
un Honneur auquel personne n'étoit jamais
parvenu , Il étoit comme entré dans les
Secrets de Dieu , Et vous ne pouvez rien
imaginer de plus glorieux pour un Homme
que ce qui est dit de Lui ;
a Que Dieu lui parloit
comme un Ami parle à son Ami ; Maintenant
[nant]
il lui parle comme un Maître, car vous
voyez qu'il lui donne un Précepte pour Aaron
& pour ses Fils; Parle à Aaron & à ses
Fils & di-leur : Vous bénirez ainsi les Enfans
d'Israël .
Lors que Moïse parloit à Aaron, ce n'étoit
pas de son propre mouvement ; Il ne
faisoit que répéter les Commandemens que
Dieu lui avoit donnés ; Ainsi l'on auroit
tort de croire que la Réligion que Moïse établit
ne fut qu'une production de ce Prophête ;
Elle avoit une Origine céleste , C'est
Dieu qui la dictoit , Si Moïse parloit ,
c'est parce que Dieu le lui avoit ainsi ordonné ,
tant il est vrai, que
b Nulle Prophétie
n'a été aportée par la volonté des Hommes ,
mais que les Saints Hommes de Dieu,
étant poussez par le Saint Esprit, ont parlé ;
Les Juifs l'avoient ainsi demandé ,
c Que
l'Eternel , avoient-ils dit , ne parle plus à
nous de peur que nous ne mourions , mais que
ce soit Moïse qui nous parle ; Dieu consentit à
leur demande, Il ne leur parla plus lui-même,
comme il avoit fait lors qu'il leur donna
le Décalogue , Mais il envoia Moïse qu'il
leur ordonna d'écouter ;
Parle à Aaron & à
ses Fils .
[Da-] David disoit touchant la Loi de Dieu,
a Qu'elle est parfaite , & il avoit sans doute raison
de tenir ce Langage, puis que non seulement
il n'y a aucun de nos Devoirs, qui regardent
Dieu,le Prochain, ou Nous-mêmes,
qu'elle ne prescrive , mais qu'elle a encore
soin d'en ordonner à toutes les Conditions,
qui établissent de la distinction parmi les
Hommes ; Il y en a pour le simple Peuple , Il
y en a pour les Rois , & vous en trouvez
dans nôtre Texte pour les Sacrificateurs.
Les Personnes élevées en Honneur pourroient
peut-être s'imaginer que, parce qu'Elles
ont du Crédit ou de l'Autorité sur les
autres Hommes, Elles ne doivent reconnoître
aucun Supérieur ; Voici, Mes Fréres, un
Précepte qui les doit détromper , Les Sacrificateurs,
qui étoient les Personnes les plus
respectées du Peuple d'Israël, sont pourtant
obligez de reconnoître un Souverain qui est
au dessus d'eux, car vous voiez, que Dieu
leur fait porter de sa part un Commandement
par la Bouche de Moïse : Mais que ce
Commandement étoit doux ! Qu'il étoit facile
à pratiquer ! Ecoutez-le , Mes Fréres,
Vous bénirez les Enfans d'Israël .
[L'Em-] L'Emploi des Sacrificateurs , de quelque
côté que vous le consideriez , étoit , sans
doute , très-honorable , Par raport à Dieu
ils étoient apellez à le bénir : Par raport au
Peuple ils devoient veiller sur lui , Ils lui
devoient annoncer les Oracles de Dieu, &
Vous ne sauriez trouver une plus noble ocupation
que celle qui leur est recommandée
dans nôtre Texte;Car quel plus grand Honneur,
que d'être, en quelque maniére , les
Canaux par lesquels Dieu répandoit ses Faveurs
sur ses Enfans? Que de leur rendre le
Ciel propice ; En un mot, Que d'être des
Figures de Jésus-Christ, qui est venu sur la
Terre pour nous bénir ? Il est vrai que cette
Gloire apartient en quelque sens à tous les
Fidéles , qui doivent se souhaiter réciproquement
du Bien : Mais c'est là, plus particuliérement ,
le Devoir des Pasteurs, à qui
les Ames sont commises, & qui doivent, s'il
leur est possible , les amener au Salut. Leur
Troupeau leur doit être si prétieux , qu'à
l'imitation de Saint Paul ils doivent
a s'en
souvenir dans toutes leurs Priéres ; Lors qu'ils
prient en particulier , & lors qu'ils le font
dans les Assemblées publiques , comme à ce
[der-] dernier égard, Ils en ont ici un Ordre exprès:
Car lors que l'Assemblée étoit sur le point
de se retirer , le Sacrificateur élevoit ses
Mains sur le Peuple , comme nous le lisons
au
Chapitre IX. du Lévitique , & prononçoit
ensuite, les Paroles de cette Bénédiction
solennelle.
Ce qui nous fait voir, Mes Fréres, pour
le dire ici en passant , combien est grand le
malheur de ceux qui s'absentent des Exercices
de Dévotion, puis qu'ils se privent de la
Bénédiction qui se communique à ceux qui
se rencontrent dans le Temple. Qu'ils ne
disent pas,qu'ils ont des afaires qui les obligent
à s'éloigner du Temple de Dieu ;
Croient-ils, qu'il y ait quelque afaire plus
pressante que celle de leur Salut ? Ou s'imaginent-
ils que la Bénédiction de Dieu
soit moins considérable que quelque Profit
temporel ? Mais quelle ne seroit pas la Folie
de cette pensée ? Qu'on ne s'y trompe
pas, C'est principalement dans le Temple de
Dieu qu'on obtient de véritables Biens ; Et
Dieu vouloit bien le faire sentir , quand il
ordonnoit aux Sacrificateurs de bénir les Enfans
d'Israël : Pourquoi cette restriction ?
Non seulement parce que ce Peuple étant
[chéri]
chéri de Dieu , devoit aussi l'être des
Hommes; Mais, sur tout, parce que ceux qui
sont hors de l'Alliance de Dieu, ou qui par
leur Impiété font connoître qu'ils ne sont
pas de véritables Membres de l'Eglise, n'ont
aucune part à la Bénédiction de Dieu , car
nous ne donnons pas ce Nom aux Biens temporels
qu'ils peuvent posséder , & qui leur
sont souvent donnez dans la Colère de Dieu,
ne leur servent que d'épines, & ne font que
les perdre , lors qu'ils sont séparez de sa
Grace ; Voulez-vous trouver une solide
Bénédiction , Venez dans le Temple,
Dieu a ordonné au Pasteur de vous y bénir
en son Nom : Et afin même qu'il ne demande
rien qui ne vous soit salutaire , Il a lui-
même réglé tout ce que qu'il doit souhaiter en
vôtre faveur , car il a dit à tous les Sacrificateurs,
soit du Nouveau , soit de l'Ancien
Testament ; Vous bénirez ainsi les Enfans d'Israël,
disant, l'Eternel te bénisse, &c .
Lors que Dieu a marqué les Paroles dont
le Sacrificateur devoit se servir , Il a voulu,
Mes Fréres, nous enseigner principalement
deux choses : Prémiérement qu'il veut que
les Fidéles prient les uns pour les autres, afin
de lier davantage leurs Cœurs ; Et parce
[qu'ils]
qu'ils ne savent pas d'eux-mêmes, ni ce qu'il
faut demander , ni comment il le faut demander ,
Il ne refuse pas de le leur aprendre ,
Vous bénirez ainsi les Enfans d'Israël .
En second lieu, qu'il éxaucera de semblables
Priéres; Et qui en douteroit, puis qu'il
nous fournit les propres termes que nous
devons emploier ? Car s'il ne rebute pas
nos Demandes quand elles ont pour objet
des choses qui lui sont agréables , les Priéres
qu'il nous ordonne de lui adresser , ne
lui plairont-elles pas ? C'est aussi dans cette
vûë qu'il a fait de cette forme de Bénédiction,
un établissement perpétuel pour toute
l'Eglise , Il la recommande , non seulement
à Aaron , mais encore à ses Fils , C'est-
à-dire , à tous ceux de la Tribu de Lévi qui
lui devoient succeder dans la Charge de Sacrificateur.
O Charité indicible! Puis que
Dieu daigne penser à nous, & nous aprendre
le moien de rendre nos Priéres éficaces;
Mais en même tems, O Sagesse que l'on ne
sauroit trop admirer ! Puis que Dieu a renfermé
en très-peu de mots toutes les Graces
qui nous sont nécessaires pour nôtre Corps &
pour nôtre Ame ; A peu près, comme vous
les trouvez exprimées dans l'Oraison très-
[par-]
parfaite que Jésus-Christ donna à ses Disciples.
Remarquez encore, Mes Fréres , le bel
ordre de cette Bénédiction, Elle commence
par un souhait général , Elle demande ensuite
des choses plus particuliéres ; Enfin
elle s'adresse à Dieu pour obtenir toutes ces
Graces ; D'un côté, parce qu'il n'y a que la
Bénédiction de Dieu qui nous enrichisse,
comme nous aprend le Sage, Et de l'autre,
pour nous faire voir que les Priéres des Sacrificateurs
ne manqueroient pas à être ratifiées
dans le Ciel. Si Jésus-Christ disoit à
ses Apôtres,
a Ceux à qui vous pardonnerez
sur la Terre, Dieu leur pardonnera dans le Ciel ,
De même en cette ocasion, Dieu ordonne
aux Sacrificateurs de bénir le Peuple, & il
ajoûte que
l'Eternel le bénira . Mais ce n'est
pas assez , Mes Fréres , de considerer ces
choses en gros , elles méritent bien , que
nous les éxaminions toutes en détail,
l'Eternel
te bénisse & te garde, &c .
Que ces prémiéres Paroles sont belles,
Qu'elles sont propres à répandre la Joie dans
l'Ame de ceux qui les entendent , l'Eternel
te bénisse ! Les Hommes ne réüssissent pas si
[bien]
bien dans les Souhaits qu'ils font pour les
Personnes qu'ils aiment ; Ils leur souhaitent
souvent des choses qui ont du raport avec
leurs propres inclinations : Si c'est un Ambitieux,
il vous souhaitera des Honneurs; Si
c'est un Avare, il vous souhaitera des Richesses ;
Si c'est un Vindicatif, il souhaitera la
perte de vos Ennemis ; Mais il arrive souvent
que Dieu répond , comme Jésus Christ
à ses Disciples,
a Vous ne savez ce que vous demandez ;
En éfet, Mes Fréres, nos lumiéres
sont si courtes , & nôtre corruption est si
grande,que nous demandons quelquefois des
choses injustes, ou du moins des choses qui
ne nous sont ni nécessaires, ni avantageuses;
Vous demandez à Dieu les biens du Monde,
Mais peut-être que vous feriez un mauvais
usage de ces biens s'il vous les acordoit?
Vous lui demandez de l'Esprit ou de la
Science , Mais que savez vous, si ces choses
ne nuiroient point à vôtre Salut ? Voulez
vous ne vous point tromper ? Remettez
vous à la Sagesse de Dieu, & contentez vous
de dire à ceux que vous souhaiteriez de voir
heureux,
l'Eternel te bénisse , Dieu connoit
mieux que vous-mêmes ce qui leur peut être
[utile,]
utile, & vous aurez le plaisir de ne vous
pas repentir des vœux que vous aurez faits
en leur faveur. Vous y trouverez cet autre
grand avantage, C'est que par ce seul mot
vous leur obtiendrez la possession de toutes
sortes de Biens.
Vous croiez de faire beaucoup, quand
vous demandez pour eux des Trésors, de
la Gloire , de la Santé , ou une longue Vie;
Mais ne voiez vous pas que chacun de ces
biens est imparfait? Du moins si vous les
leur souhaitez tous à la fois , Ne sentez vous
pas qu'il y a en plusieurs autres dont vous
n'avez pas la connoissance & qui doivent être
plus excellens que ceux qui vous sont connus;
Mais voici qui renferme tout; Dites leur
l'Eternel te bénisse , Par là, vous leur souhaitez
& la faveur de Dieu (car le terme de Bénédiction
renferme l'Amour de celui qui vous
bénit,) & toutes les choses qui leur peuvent
être nécessaires pour la vie presente & pour
celle qui est à venir ; Leur souhaitez vous du
plaisir & de la douceur dans ce Monde? Leur
souhaitez vous la Paix de l'Ame? Leur souhaitez
vous le Repos du Paradis ; En un
mot , leur souhaitez vous au delà même de
ce que vous pouvez penser ? Tout cela est
[com-]
compris dans ce mot l'Eternel te bénisse .
Tel est, Mes Freres, le Caractère de la
véritable Charité, elle ne doit point avoir
de bornes ; Un Envieux pourra peut-être
en venir jusques là, que de souhaiter quelques
Biens à ses Prochains, mais il ne leur
en souhaitera qu'une petite quantité, il auroit
du chagrin s'il les voioit heureux, &
son Orgueil lui feroit craindre qu'ils ne s'élevassent
au dessus de lui. Un Homme de
bien en use d'une maniére toute oposée, il
n'a rien de reservé pour ses Fréres, il demande
pour eux toute la plénitude de la
Grace de Dieu , il leur dit , l'Eternel vous
bénisse ; En pour preuve de la sincèrité avec
laquelle il agit à leur égard , il s'adresse à
Dieu & non à des Hommes qui leur pourroient
manquer au besoin ; A Dieu qui posséde
toutes les Qualitez propres à nous rendre
heureux ; Il connoit ce qui peut nous
être nécessaire ; Il est puissant pour nous l'acorder;
Il est fidéle pour nous aimer constamment.
Peut-on proposer un meilleur
Refuge & un Apui plus assuré : Aussi, Mes
Freres, est-il vrai de dire, qu'il n'y a que
Dieu qui puisse nous bénir ; Nous pourrions
emploier tous nos soins en faveur de nos
[Amis,]
Amis ; Nous pourrions partager nos biens
avec eux ; Nous pourrions leur chercher
des Protecteurs , Mais tout cela ne produiroit
aucun éfet , si Dieu ne les bénissoit;
C'est entre ses Bras qu'il les faut confier &
leur dire afin de bien fonder leur Espérance,
l'Eternel vous bénisse .
Mais afin que les Hommes connoissent
mieux le prix de ce Souhait, il leur faut montrer
quelques uns des Biens qu'il renferme:
Et c'est ce que Dieu fait quand, s'expliquant
plus particuliérement , Il ordonnoit aux
Sacrificateurs de dire au Peuple d'Israël ,
l'Eternel te garde : Ce souhait pouvoit regarder
tout le Peuple en général , & ensuite
chacun des Particuliers qui le composoient.
Si vous l'apliquez à tout le Peuple , Vous
jugez bien , Mes Freres, qu'il en comprenoit
la conservation & la prospérité ; Premiérement
par raport à la Réligion, qui est
le plus solide fondement des Etats; Dieu
avoit retiré cette Nation du milieu de l'Idolatrie
par la vocation d'Abraham, & par la
délivrance de la servitude d'Egypte ; Il lui
avoit montré la véritable maniére de le servir :
Quel malheur ce Peuple s'il étoit
retombé dans les abominations des Payens!
[S'il]
S'il avoit quité le vrai Dieu pour se prosterner
devant de méprisables Idoles , S'il s'étoit
laissé corrompre par les Préceptes criminels
que les Adorateurs des faux Dieux
donnoient à leur Sectateurs ! Dieu te garde
contre toutes ces choses , Dieu te conserve sa
Parole , ton Temple , tes Autels, tes Sacrificateurs,
& les Loix Saintes par lesquelles
tu ès gouverné. En second lieu, par rapport
à leur Etat temporel. Dieu te garde
encore, contre les éforts de tant d'Ennemis
qui te voudroient détruire ; Qu'il détourne
leurs pernicieux desseins , où s'il permet
qu'ils viennent t'ataquer , qu'il les confonde
& les abîme par les fleaux de sa colère.
Vous savez assez, Mes Freres, l'Histoire de
cette Nation , pour juger combien ce souhait
étoit nécessaire ; Parce que les Juifs
faisoient profession de servir le vrai Dieu,
le Démon qui est l'ennemi de la vérité leur
suscitoit , autant qu'il lui étoit possible de
cruëls & de puissans Ennemis, & vous eussiez
bien crû qu'ils en aloient être la victime en
considerant leur peu de forces & le peu de
ressources qu'ils avoient ; Cet état étoit si
triste qu'ils se voyoient quelque fois obligés
de s'écrier, Nous ne savons plus que faire.
[Il]
Il y avoit pourtant quelque chose qui les
soutenoit ; C'est ce qu'ajoûtoit un des plus
pieux de leurs Rois.
a Mais ô Dieu, nos yeux
sont sur toi ; Voilà, Mes Freres, l'apui de
leurs espérances abatuës , ils avoient leur
recours à Dieu.
b Nos Ennemis , disoient-
ils se fioient en leurs Chariots & en leurs Chevaux.
Mais nous invoquions le Nom de l'Eternel,
de celui qui est la Garde d'Israël, qui veille
toûjours, & qui ne sommeille point , de celui
qui par une seule parole peut anéantir tous
ceux qui nous haïssent ; A qui est-ce que les
Sacrificateurs pouvoient mieux recommander
ce Peuple, qu'à un Protecteur si assuré?
L'Eternel te garde .
Il en est de même de tous les Particuliers.
L'on ne sauroit leur assigner une
meilleure Garde que celle de Dieu. Souhaitez
vous la conservation de vôtre Santé,
celle de vôtre Famille , celle de vos Amis.
Souhaitez vous la Prosperité dans vos afaires,
la Douceur de la vie, la Concorde avec
tout le monde? Vous ne pouvez espérer sûrement
ces choses que de Dieu ; Car enfin,
sera-ce vôtre adresse , Seront-ce vos forces
ou celles de vos Amis qui vous délivreront
[de]
de cette grande multitude de maux auxquels
vous êtes sujets ? Mais il y en a que la prudence
la plus rafinée ne sauroit prévoir.
Pouviez vous savoir qu'un Coup que l'on tireroit
à l'avanture viendroit percer vôtre
corps, Qu'une Tuile ou que la chûte d'une
Maison vous écraseroit. Il y a d'autres maux
dont vous ne sauriez en aucune maniere vous
délivrer , car pour ne pas dire qu'il s'en
trouve, sur lesquels la Medecine ne raisonne
qu'obscurément : Aurez vous assez de pouvoir
pour remedier à ces maux que l'on nomme
incurables? Pourrez vous empêcher un
Calomniateur qui, en secret,ira ternir vôtre
réputation : Pourrez vous , en un mot, éloigner
tant de sujets de chagrin auxquels vous
êtes exposez? Non, il n'y a que Dieu dont
les yeux voient tout & dont le Pouvoir n'a
point de bornes , qui puisse vous faire habiter
en assûrance , Il n'y a que lui dont vous
deviez implorer le secours en faveur de
ceux qui vous sont chers, l'Eternel te garde .
Mais parce que les faveurs temporelles,
dont nous venons de parler,pourroient n'être
pas toûjours des marques certaines de
l'Amour de Dieu , puis qu'il les communique
quelquefois aux Méchans , Il en ajoûte
[une]
une autre qui est infiniment plus considérable,
puis qu'elle comprend sa bienveillance,
ce qui est exprimé par ces termes figurés,
l'Eternel fasse luire sa Face sur toi . Nous disons
que ces termes sont figurés, car il n'y a
personne qui ne sache, qu'à parler proprement,
Dieu n'a pas un Visage, mais que c'est
ici une allusion à ce qui arrive tous les jours
dans le Monde , où le Soleil après s'être
éloigné de nous pendant la Nuit, revient au
matin avec sa lumiére agréable,éclairer cette
partie de la Terre qui avoit été auparavant
dans les Ténébres. Comparez , Mes
Freres,ce qui arrive dans ce tems-là, avec la
Conduite que Dieu tient envers nous.Quand
le Soleil paroit , il nous aporte la Vie & la
Joie : Et n'en est-il pas de même lors que
Dieu fait luire son Visage sur nous. Pendant
qu'il l'éloigne, ou du moins, pendant
qu'il ne nous le fait pas voir comme une Lumiére,
Dans quel état est-ce que nous nous
trouvons. Ah ! si vous pouviés pénétrer
dans le Cœur d'un Homme qui fait que Dieu
ne l'aime pas, Vous y verriez une image des
Ténébres de déhors , où il y a Pleurs &
Grincement de dents; Vous y remarqueriez
un Cœur qui s'aperçoit déjà,que sa Peine est
[plus]
plus grande qu'il ne peut porter ; Un Cœur
tourmenté par des remors qui ne sont que
foiblement representez par un Ver qui ronge
continuellement sans mourir ; Un Cœur
qui ne pense à Dieu que pour frémir dans la
vûë de sa Justice & des Peines qu'il reconnoît
avoir méritées ; A cet égard la Face de Dieu
n'est que Ténébres , semblable à la Colonne
qui conduisoit les Israëlites , qui leur étoit
Lumiére pendant qu'elle étoit Obscurité aux
Egyptiens. Mais voulez vous voir , Mes
Freres, un agréable changement ? Considerez
la Face de Dieu comme Lumiére, Alors
c'est une marque assurée de son Amour, & la
Conscience qui le sent,goûte une Joie & une
Tranquilité dont nous ne pretendons pas
vous faire ici la description ; Car, savoir que
Dieu est nôtre Pére, Qu'il jette sur nous de
tendres regards , Qu'il aprouve nôtre conduite ,
& qu'il n'a de Bénédictions que pour
nous ; Nous vous laissons juger des éfets
que doit produire une si douce connoissance.
Si l'on voit des Sujets comme transportez
de Joie , lors que leurs Princes ont daigné
les regarder d'un œil favorable ; Quels
mouvemens ne doivent pas se rencontrer
dans l'Ame d'un Fidéle sur qui Dieu fait luire
[re]
sa Face , Il s'estime le plus heureux des
Hommes, & il a raison , puis qu'il a part,
en même tems, à la Grace de Dieu, sans laquelle
il n'y a aucun solide contentement ;
C'est la grande vérité que nous aprenons de
nôtre Texte, où Dieu joint le Souhait que
nous devons faire de sa Miséricorde, avec
celui de la Clarté de sa Face, l'Eternel fasse
luire sa Face sur toi & te fasse grace .
Quand l'Ecriture Sainte ne nous diroit pas
que l'Homme est pécheur,nous en serions assés
convaincus par le sentiment de nôtre propre
Conscience, Pour peu que nous la consultions
nous ne manquons pas de trouver
de grands déréglemens dans nôtre Cœur, &
de nous apercevoir que nous nous écartons
souvent des Loix de la droite raison. Cette
premiére connoissance est suivie d'une autre
qui nous fait sentir le malheur dans lequel
nous nous sommes jettez conformément
à ce que Saint Paul nous aprend,
a Qu'il n'y a aucun Pécheur qui ignore , que c'est
le droit de Dieu , que ceux qui commettent le
Péché sont dignes de la Mort ; Voilà ce que
nous pouvons connoître par nous-mêmes;
Mais combien peu y en a-t-il qui sachent
[par]
par quel moien ils se garantiront des Peines
qu'ils ont méritées ; Il s'en est trouvé qui
se sont imaginez de pouvoir éfacer leurs Péchez
par des choses corruptibles , comme
de l'Or ou de l'Argent; D'autres ont porté
leur présomption jusques à prétendre de
s'en pouvoir racheter par le mérite de quelques
bonnes Oeuvres qu'ils ont crû de pouvoir
faire ; Nous doutons fort , Mes Fréres,
que ces Gens aient pû, par de semblables
Remêdes, donner beaucoup de tranquilité
à leur Conscience ; Voulez vous que nous
vous montrions le Remêde infaillible contre
vos Péchez , Recourez à la Miséricorde de
Dieu, l'Eternel te fasse grace ; Vous comprenez
bien, sans doute, la nécessité de ce Souhait.
Car que deviendrions nous, si Dieu
par sa Charité infinie ne nous pardonnoit
nos Péchez , Eussiez vous tous les biens du
Monde, vous n'en seriez que plus malheureux ,
si vous laissiez rêgner en vous le Péché
qui vous sépare de Dieu, Et que concevez
vous par cette séparation? Non seulement
les tourmens de vôtre Conscience dans
cette Vie, Non seulement les suplices horribles
que vôtre Ame soufriroit dans les Enfers,
Mais encore la honte de paroître au
[der-]
dernier Jour devant le Tribunal de Jésus-
Christ : Le désespoir d'y entendre vôtre
Sentence & d'être renvoiez avec les Démons
dans un lieu dont le nom seul présente à
l'Esprit tout ce que vous pouvez imaginer
de plus triste & de plus afreux : C'est là ce
qu'on a lieu de craindre, si l'on est privé de
la Grace de Dieu, De sorte que l'on ne peut
rien souhaiter de plus avantageux au Peuple
de Dieu, que de lui dire, l'Eternel te fasse grace ;
C'est comme si l'on disoit , Que l'Eternel
t'arrache à ces Tourmens épouvantables
que tu n'as que trop méritez, Qu'il te
reçoive en Paix, Qu'il se déclare ton Pére
& ton Sauveur , Qu'il t'éleve un jour dans
la Gloire de son Paradis. Que ces Biens
sont grands ! Et que vous aviez bien raison,
Saints Apôtres de Jésus-Christ, de commencer
vos Lettres par ces mots consolans,
Grace vous soit ; Et vous Sacrificateurs du
Dieu Souverain, de congédier l'Assemblée
par ces admirables paroles , l'Eternel te fasse
grace .
Sur quoi , Mes Freres , vous pouvez faire
encore ces deux Réflexions , L'une que
nous trouvons ici un des Caractères d'une
bonne Priére, qui non seulement ne doit jamais
[mais]
oublier de demander le pardon des Pêchez ,
sans lequel on ne peut obtenir aucun
autre Bien , mais qui doit toûjours
humilier le Pécheur, en lui faisant comprendre
qu'il a besoin de Grace, & par conséquent
qu'il doit recourir à la Miséricorde
de Dieu; L'autre que nous aprenons à connoître
celui à qui nous devons demander le
pardon de nos Péchez, ce ne peut être qu'à
Dieu ; Car on ne connoissoit pas encore
alors cette Théologie absurde qui pretend
qu'un Homme pécheur , comme les autres,
ait le droit d'absoudre les Hommes & de leur
vendre, s'il lui plait, le pardon de leurs Péchez.
Tous les Prophétes, les Apôtres &
les autres Fidéles n'ont eu recours qu'à Dieu
pour obtenir grace, & c'est le seul auquel
le Sacrificateur renvoioit les Enfans d'Israël,
l'Eternel te fasse grace .
Admirez , Mes Freres , comment les Bénédictions
de Dieu vont toûjours en croissant ;
Admirez aussi le Zéle des Sacrificateurs :
Ils n'étoient pas satisfaits que Dieu
gardât son Peuple , Qu'il lui montrât la
Clarté de sa Face, & qu'il lui fit Grace : Ils
souhaitoient encore , que Dieu tournât son
Visage vers ce Peuple ; Mais, direz-vous, ne
[sem-]
semble-t'il pas qu'il n'y ait rien ici de nouveau
& qu'il n'y ait aucune diference entre
ces deux expressions, l'Eternel fasse luire sa Face
sur toi & l'Eternel tourne son Visage vers toi ;
Nous voulons que vôtre dificulté soit bien
fondée. Vous ne devés pourtant pas vous
imaginer qu'il y ait ici quelque répétition
inutile, puis qu'on ne sauroit trop demander
la presence de la Face de Dieu , qui
marque son Amour & sa Bien-veillance; Ce
doit être là, le commencement & la fin de
toutes nos Priéres , qui ne peuvent être
d'aucune éficace, si Dieu n'a de la bonne volonté
pour nous ; Cependant , mes Freres,
quand nous éxaminons bien la chose , nous
trouvons qu'il y a dans cette derniere expression,
quelque chose de plus que dans la
prémiére ; Le Sacrificateur avoit demandé
à Dieu qu'il montrât la Clarté de sa Face à
son Peuple, Ce n'étoit là , en quelque maniére,
que l'Aurore. Il demande maintenant
que ce Soleil s'éléve dans son Midi,
Qu'il éclaire , Qu'il échauffe, Qu'il réjouïsse
de tous côtés le Peuple. De sorte qu'il
souhaite en cette occasion toute l'abondance
des Graces de Dieu : Quelques foibles que
pussent être les Raïons de la Grace de Dieu,
[c'é-]
c'étoit beaucoup d'en pouvoir être éclairé;
Mais de les recevoir tous ; Quel bonheur
plus grand que celui-là ? Croyés-en à ce
qu'en dit l'Ecriture Sainte , qui nous assure
que l'élevation de la Face de Dieu nous
vaut mieux que tous les Biens de la Terre.
a Plusieurs disent, Qui est-ce qui nous fera jouïr
de Biens ? Eternel léve sur nous la Clarté de ta
Face , Elle nous aprend encore que
b Cette Face
est un rassasiement de Joie . Que pourroit-
il manquer à des Personnes qui voient toute
la lumiére de cette Face ? Ils ont lieu d'espérer
toutes les faveurs que Dieu peut communiquer
à ses Enfans , C'est ce qui est
exprimé par les derniéres paroles de nôtre
Texte, où le Sacrificateur souhaitoit encore
la Paix aux Enfans d'Israël .
Vous ne devéz pas être surpris, Mes Freres,
que nous donnions une si grande étenduë
à ce terme, Car les Juifs le prenoient
ordinairement en ce sens dans leurs Salutations,
parce qu'à dire vrai la Paix est la
source de tous les Biens dont nous jouïssons,
ou du moins , elle est un Sel sans lequel ils
seroient fades & de mauvais goût ; Que si
vous voulés pourtant que nous prenions ce
mot dans un sens plus resserré, Nous ne
[lai-]
laissons pas de dire que la Paix étoit nécessaire
pour rendre la Bénédiction du Sacrificateur
complette ; Car à quoi auroit servi que
Dieu dût bien-tôt introduire le Peuple d'Israël
dans le Païs de Canaam, s'il ne lui en
donnoit une possession tranquille ? Un Bien
peut-il être estimé, quand nous n'en jouïssons
qu'avec crainte,ou quand nous sommes troublés
en le possedant , Mais sur tout, quand
nous sommes troublés par la Guerre?Et où est
le Cœur assés stupide pour n'être pas saisi
d'horreur à l'ouïe de ce mot ? La Guerre qui
nous ôte le Repos , Qui nous donne le chagrin
de nous voir privés de nos Proches,Qui
détruit nos Biens , Qui nous expose à la cruauté
d'un Soldat barbare, Qui a presque toûjours
pour compagnes la Peste & la Famine,
Oh ! Quel Avantage d'être délivrés d'un
Fleau si funeste , Quel plaisir de vivre dans
la Paix, de manger son Pain sous sa Vigne &
sous son Figuier , de voir fleurir les Arts &
les Sciences: En un mot de passer ses Jours
dans la douceur & dans la tranquilité ; Les
Esprits, même les plus inquiets, ne pourroient
s'empêcher d'admirer une si heureuse
condition. Et vous ne sauriés douter de
l'Excellence de ce Bien quand vous voiés
[que]
que Dieu lui-même ordonne aux Sacrificateurs
de le demander pour les Enfans d'Israël :
Qu'il est juste de demander ce Bien à
Dieu ; Car en vain , conteriés vous sur de
nombreuses & de puissantes Armées , En
vain, seriés vous apuïés par de glorieuses
Alliances, Tout cela seroit inutile , si Dieu
ne contribuoit à vôtre Repos ; Il n'y a que
lui dont vous deviés atendre la Paix , D'un
côté,parce qu'il a dans sa disposition le Cœur
des Hommes, & qu'il leur peut inspirer des
sentiments favorables pour son Peuple, Et de
l'autre , parce que son Bras Tout-puissant
peut confondre ceux qui entreprendroient
de vous nuire, comme l'Eglise d'Israël l'a
plusieurs fois heureusement éprouvé.
Vous admirés sans doute , Mes Freres,
la gloire de cette Nation , qui avoit un si
tendre & un si puissant Protecteur ; Mais
croiés vous que les soins de Dieu se soient
arrêtés uniquement sur ce Peuple? Non, Il
aime son Eglise dans quelque Age du Monde
qu'elle vive ; Les Pasteurs du Nouveau
Testament ne sont pas moins obligés à la
bénir de sa part , que l'étoient les Sacrificateurs
de l'Ancien : Et Nous nous voions
Aujourd'hui chargés de ce glorieux Emploi:
[Avec]
Avec quel plaisir , Avec quelle Joie, ne l'acceptons-
nous pas ? Lors que nous sommes
contraints à vous adresser des Censures, ou
des Menaces , nôtre Cœur semble y trouver
quelque espèce de repugnance, Mais quand
il s'agit de vous bénir , Comme nous ne faisons
que suivre nos propres Inclinations,
Nous y courons avec zèle , & nous ne tardons
pas à prononcer ces paroles où le Cœur
a plus de part que la Bouche , l'Eternel
vous bénisse & vous garde , l'Eternel fasse luire
sa Face sur vous & vous fasse grace , l'Eternel
tourne son Visage vers vous & vous donne la
Paix . Et pour raporter à quelques Chefs
tous les Souhaits que nous faisons en vôtre
faveur , Rangeons les sous deux ordres ;
Le prémier comprendra tous les Biens qui
sont nécessaires pour vôtre Salut , Ensuite
après vous avoir procuré le Rêgne de Dieu
& la Justice, nous vous souhaiterons toutes
les autres choses par dessus ; Que l'Eternel
fasse donc luire & qu'il éleve sa Face sur
vous, Oüi, Que ce grand Dieu dont la Charité
est infinie jette toûjours sur vous des régards
favorables. Soïez-vous, comme autant
de Benjamins , les Enfans chéris de
Dieu. Son Amour s'étend sur toutes les
[Créatu-]
Créatures, Mais nous vous souhaitons les
marques les plus particuliéres de sa tendresse ;
Que Dieu fasse de vos interêts les siens
propres , & qu'il répande même sa dilection
dans vos Cœurs, par le moien du Saint Esprit ,
En un mot, que Dieu vous fasse Grace,
car c'est là la marque la plus certaine de
son Amour.
Considerez sur ce sujet, Mes Freres, ce
que vous avez mérité par vos Péchez, Dieu
vous a honorez de sa Connoissance, Il vous
a donné ses Saints Commandemens, Il vous
fournit même des Aides pour les pratiquer,
Et cependant vous l'avez ofensé, Non par
quelques petits Péchez , mais par de très-
grandes & de très-frequentes désobeissances ;
Si nous vous demandions à quelles peines
toute cette conduite vous devroit assujettir ,
Vous avoüeriez, sans doute , que
vous êtes dignes de la Colère de Dieu, &
qu'il n'agiroit pas trop sévèrement avec
vous, s'il vous perdoit éternellement. La
considération de ces choses vous épouvante,
Mais nous allons, à l'imitation d'Aaron,nous
mettre à la Breche, Nous allons, s'il se peut,
arrêter le Bras de Dieu, Nous allons vous
épargner les Troubles, la Honte, la Rage,
[le]
le Désespoir , les Pleurs , les Grincemens
de dents, qui doivent être le partage des
Méchans , Et pour cela nous nous résoudrions
volontiers à être faits Anatheme
pour vous, ou du moins , Nous adressons
au Ciel cette humble & véhémente Suplication,
Que l'Eternel vous fasse grace, Qu'il
jette tous vos Péchez , de quelque nature
qu'ils soient , derriére son dos ; Qu'il les
ensevelisse dans le profond de la Mer , Que
quand ils seroient rouges comme du Cramoisi ,
Il les blanchisse comme la Neige, &
qu'il fasse entendre au Cœur de chacun de
vous, cette douce Voix , Mon Fils , Ma fille,
va t'en en Paix, tes Péchez te sont pardonnés;
Ce n'est pas tout , Mes Freres, Que
ce bon Dieu vueille, après vous avoir reconciliés
avec lui , vous fournir encore toutes
les Aides propres à avancer vôtre Salut ,
Qu'il continuë à vous faire précher sa Parole
dans la même pureté, que vous l'entendés
aujourd'hui , Cette parole qui est parfaite ,
qui éclaire nos pas , qui donne intelligence
aux simples, & qui fait que les yeux
voient. Qu'il vous envoie toûjours de bons
& de fidéles Pasteurs , dont la Prédication
vous instruise, dont la Piété vous édifie,
[dont]
dont la Charité vous console , dont le Zèle
vous échauffe. Qu'il vous sanctifie par l'Eficace
victorieuse de son Esprit. Qu'il vous
soutienne dans vos Aflictions. Qu'il vous
délivre des Tentations qui vous pourroient
être livrées : Enfin , qu'il vous afermisse
dans la Foi & dans la Pratique de toutes les
Vertus.
Voilà , Mes Fréres , les principales Faveurs
que la Grace de Dieu peut communiquer
à vôtre Ame : Mais n'en demanderons-
nous point aussi pour vôtre Corps , &
pour les Besoins de cette Vie ? Ouï , nous
en demanderons , & nous croions de
renfermer les principales choses dans ces
deux mots ; Que l'Eternel vous garde, & qu'il
vous donne la Paix ; Nôtre Terre, pour être
petite , ne laisse pas d'étre aperçûë par tant
de Gens qui n'auroient de plus grand Plaisir
que celui de nous voir périr , Il ne leur importe
pas que nous aimions le Repos, & que
tous leur fassions méme du Bien , Cela ne
change point leurs mauvais Desseins , &
n'empêche pas leurs Machinations ; Mais
Nous allons, Mes Fréres, vous mettre sous
un Azile , dont vous avez jusques à present
senti la Force , & que nous défions les Hommes
[mes]
de violer , quand même ils s'uniroient
tous contre Vous; Que l'Eternel Vous garde ;
Que celui , qui a conservé nôtre Etat
en tant d'Ocasions , dont les Yeux ont été
nôtre Délivrance , & le Bras nôtre Bouclier,
nous protège encore , & nous fasse fleurir
aussi long-tems que le Soleil & que la Lune
éclaireront la Terre ; Qu'il garde tous
les Particuliers qui composent le Corps
de nôtre République ; Qu'il écarte de leurs
Personnes , par les Secrets adorables de sa
Providence , tous les Dangers & tous les
Maux auxquels ils pourroient être exposez ;
Qu'il conserve leurs Familles , leurs Parens,
leurs Amis ; Qu'il augmente leurs Biens ;
Qu'il donne d'heureux Succès à toutes leurs
Entreprises ; Que l'Eternel les garde : Mais
nous le prïons aussi qu'il vous donne la Paix,
non seulement la Paix spirituelle , qui consiste
dans le Repos de la Conscience , mais
aussi la Paix temporelle , ce Trésor inestimable ,
sans lequel la Vie est amère ; Car, enfin,
Vous le savez, Mes Fréres, sans qu'il soit
nécessaire que nous vous le disions, la Guerre
auroit pour nous des Fureurs que la plûpart
des autres Peuples ne connoissent pas :
Nous n'avons ni de grands Trésors, ni de
[puis-]
puissantes Armées , Nôtre Païs seroit dans
un moment saccagé ; Et que seroit-ce , si
Dieu nous livroit entre les Mains de nos Ennemis ?
Que seroit-ce, si après avoir vû nôtre
Ville toute en Feu , nous devenions encore
la Proie d'un Soldat insolent & impitoiable ?
Que seroit-ce , si nous voyions ce
Temple sacré soüillé par les Abominations
de l'Idolatrie ? Si nous voyions nos Enfans
arrachez du Sein de leurs Méres, & écrasez
en leur présence ? Si nous voyions nos Proches
& nos Amis massacrez impitoiablement
à nos Yeux , & privez de la Sépulture,
servir de Pâture aux plus vils Animaux ? Si
nous nous voyions tous dans le plus triste
Esclavage qu'il y ait ? Dieu nous garde d'éprouver
jamais ces Maux , dont le Portrait
seul cause tant d'horreur , quoi qu'il soit extrêmement
imparfait ; Que plutôt, le Dieu
de la Paix nous continuë la Paix dont nous
jouïssons ! Qu'il l'afermisse sur des Fondemens
si inébranlables que rien ne la vienne
jamais troubler , ni Divisions au dedans,
ni Ennemis au déhors.
Qu'ajoûterons-nous , Mes Fréres , aux
Souhaits que nous venons de faire ? Nous
ajoûterons , Que s'il y a encore quelques
[Biens]
Biens que nous ayions omis , ou que nous
ne connoissions pas, Dieu veuille vous les
communiquer , Et pour finir par où le Sacrificateur
commençoit, Que l'Eternel vous
bénisse. Comme la Bonté , la Sagesse & la
Puissance de Dieu sont infinies , Nous le
prions qu'il répande sur vous toutes les Graces
que sa Bonté possède , Toutes celles que
sa Sagesse connoît , Toutes celles que sa Puissance
produit. Dieu nous est représenté
comme une Plénitude , Nous souhaitons
qu'il vous y abreuve. Que dirons-nous plus ?
Ce nous sera assez d'imiter St Paul , qui souhaitant
toute sorte de Biens aux Pasteurs
d'Ephése , se contentoit de leur dire ;
a Je
vous recommande à Dieu & à la Parole de sa
Grace , Ou , pour ne pas sortir de nôtre Texte ,
Nous couronnons tous nos Souhaits
par celui-ci, Que l'Eternel vous bénisse.
Mais afin que tous nos Souhaits soient
plus éficaces, Permettez-nous, Mes Fréres,
de vous exhorter à y contribuer de vôtre
part ; Si vous désirez que l'Eternel vous bénisse ,
Bénissez-le aussi par le vif Sentimens
que vous aurez de ses Graces , & par les
Loüanges que vous lui en rendrez,à l'Exemple
[ple]
de Saint Paul , qui ne sauroit penser que
Dieu nous a bénits en toute Bénédiction,
sans s'écrier ,
Bénit soit Dieu . Si vous désirez
que l'Eternel vous garde , il faut que
vous-vous gardiez aussi vous-mêmes , par
les soins que vous prendrez de vous ocuper
chacun à vôtre Vocation, & de contribuer
par toute sorte de Moiens légitimes à votre
Conservation, Car Dieu n'aime pas les Paresseux
ou les Téméraires, qui prétendroient
le tenter en abusant des Moiens que sa Providence
leur présente. Si vous désirez que
Dieu léve sa Face sur vous, Vous la devez
aussi chercher par de très-ardentes Priéres;
a Mon cœur me dit de ta part , Cherchez ma Face,
Je chercherai ta Face, ô Eternel ! Si vous
désirez que Dieu vous fasse Grace , Il faut
que vous imploriez sa Clémence , après lui
avoir confessé vos Péchez, & vous être disposés
à y renoncer sincérement ; Si vous désirez,
enfin, que Dieu vous donne la Paix,Il
faut que vous soyiez les prémiers à la rechercher ;
Que vous évitiez de donner aucun
sujet qui puisse irriter les Hommes contre
vous ; Que vous témoigniez, par la Concorde
que vous garderez avec tous vos Prochains,
[chain,]
que vous aimez véritablement la
Paix, Et sur-tout, que vous ayiez soin de
vous conserver celle de Dieu,par une éxacte
Obéïssance à ses Commandemens. Si vous
vous aquitez de tous ces Devoirs , Et si
vous promettez Aujourd'hui , comme nous
n'en doutons pas , de les pratiquer , non
seulement pendant l'Année que vous allez
passer , mais encore , pendant toute vôtre
Vie , Alors soyez assurez que Dieu ratifiera
toutes nos Priéres dans le Ciel ; Alors nous
aurons la Consolation de vous voir commencer
heureusement cette Année , & il
ne manquera plus rien à nôtre Joie , si ce
n'est, que nous vous trouvions tous dans le
Paradis, que nous vous souhaitons aussi de
tout nôtre Cœur , & que nous puissions dire
à Dieu , en vous présentant à Lui :
Me voici , Seigneur , & les Enfans que tu
m'a donnez. Amen.
Fin du Prémier Sermon.