ECri aussi à l'Ange de l'Eglise de Sardes ; Celui
qui a les sept Esprits de Dieu, & les sept
étoiles, dit ces choses ; Je connois tes œuvres,
c'est que tu as le bruit de vivre, mais
tu ès mort .
Sois vigilant, & confirme le reste, qui
s'en va mourir : car je n'ai pas trouvé tes
œuvres parfaites devant Dieu.
Souuien toi donc de ce que tu as receu
& apris, garde le, & te repen. Que si tu
ne veilles, je viendrai contre toi, comme
le larron, & tu ne sauras à quelle heure je
viendrai contre toi.
CE fut un grand sujet d'éfroi au Roi
Beltsasar, lors qu'étant dans un festin
avec ceux de sa cour, il vit une main
qui traçoit sur le mur de certains caractéres.
[res,]
Il en fut en éfet si effrayé, que son
visage en fut tout changé, & que ses genoux
se heurtoient l'un contre l'autre. L'éfroi
fut encore plus grand, lors que tout
d'un coup la main disparut, & que l'Ecriture
demeura : mais une Ecriture, qu'aucun
des Magiciens de Babylone ne pouvoit
déchifrer ; & sur tout lors que Daniel,
étant apellé, lui en donna l'explication,
& qu'il lui dit, qu'il avoit été pesé
à la balance & qu'il avoit été trouvé leger.
M. F. Tous les hommes n'ont pas une
semblable vision ; cependant ces trois veritez
sont incontestables. La 1. que
Dieu voit tout ce qui se passe sur la
terre, & qu'il connoit toutes nos actions.
L'Eternel, dit David, est au palais de sa
Sainteté, il a son Thrône dans les Cieux, ses
yeux contemplent, & ses paupieres sondent les
fils des hommes. La 2. est, que Dieu a une
balance en sa main, où il pèse les esprits,
les cœurs & les voyes des mortels.
Chacune
des voyes de l'homme lui semble pure,
mais l'Eternel pèse les esprits :
Chacune des
voyes de l'homme lui semble droite, mais l'Eternel
pese les cœurs ;
Les voyes de l'homme
sont devant les yeux de l'Eternel & l'Eternel
balance toutes ces voyes.
La 3. est qu'il n'y a
personne, à qui Dieu ne puisse dire
Tu
as été pesé, mais tu as été trouvé leger ; Seigneur,
si tu prens garde à nos iniquitez, Qui
est ce qui subsistera ? Il y en a même une
infinité, à qui il reproche, & il reprochera
[ra]
un jour leur legéreté, leurs imperfections,
leurs péchez. C'est ce que Jésus-
Christ fait à l'Ange de l'Eglise de Sardes,
dans le texte que je vous ai lû ; Ce divin
Sauveur ne veut pas que ce Pasteur ignore,
qu'il a vû toutes ses œuvres, & qu'aucune
ne lui est cachée ; qu'il les a pesées,
qu'il ne les a point trouves, telles qu'elles
devoient être devant Dieu, & que s'il
avoit quelque reputation dans le monde,
il n'étoit rien moins que ce qu'il paroissoit.
Ecri, dit-il à St. Jean, à l'Ange de l'Eglise
de Sardes. &c.
M. F. Ce que le Souverain Pasteur de
nos ames ordonna à St. Jean d'écrire à
l'Ange, c'est à dire au Pasteur de l'Eglise de
Sardes, l'une des plus considerables de
l'Asie Mineure, qui tenoit ses Assemblées
dans la Capitale de la Lydie, le siége d'un
des plus riches Monarques qu'il y ait jamais
eu ; C'est ce qu'il nous ordonne de
vous annoncer de sa part, ou plûtôt il
vient lui même nous faire ouïr sa voix,
nous reprocher les désordres de nôtre
conduite, & nous apprendre ce que nous
devons faire pour les reparer, & ce que
nous devons craindre, si nous ne le faisons
pas. Venez donc, Chrêtiens, contempler
dans cetre Ancienne Eglise, un
tableau, hélas ! trop ressemblant au nôtre ;
Venez entendre le Roi des Rois, qui nous
déclare qu'il sait tout ce que nous avons
fait, qu'il a trouvé bien des imperfections,
des defauts & des vices dans
[nos]
nos actions, & que si nous faisons quelque
bruit dans le monde, nous ne sommes
pourtant pas ce que nous devrions,
& même ce que nous paroissons être. Faisons
un examen de nôtre vie, & une
reveuë de nos démarches, à mesure que
Jésus-Christ nous parlera, ou que nous
vous parlerons de sa part ; puis que ce
jour nous apelle à cet examen. Représentons
nous que nous sommes sous les yeux
de celui qui sonde les cœurs & les reins,
qui ne se trompe jamais dans ses jugemens,
& qui n'ignore aucun des mouvemens
de nos ames & de nos corps ; fouillons
dans tous les plis & replis de nos
consciences ; faisons le comte de nos
voyes ; Nous serons éfrayez de nous voir
tels que nous sommes. Dieu veuille, qu'une
sainte frayeur nous porte à une vive
repentance, afin d'éviter les malheurs
dont Jésus-Christ menaça l'Ange de l'Eglise
de Sardes, & dont il accabla ensuite,
les Chrêtiens de cette Eglise, pour n'avoir
pas profité de sa censure ; & afin
d'obtenir de lui la continuation de ses
graces.
Jésus-Christ se représente ici comme
celui qui a les 7. Esprits de Dieu , c'est à
dire qui a la plénitude & l'abondance du
St. Esprit, & de ses dons, nécessaires,
non seulement aux sept Eglises, auxquelles
le Sauveur adresse ses lettres, mais à
toutes les Eglises du monde, & qui est
la source & le dispensateur de toutes les
[gra-]
graces de Dieu. En éfet c'est de lui que le
St. Esprit procéde aussi bien que du Pére,
& il en a été oint comme Médiateur, au
dessus de ses compagnons, afin que de
sa plénitude nous puisions tous grace,
pour grace. C'est lui qui nous l'a mérité
par son sang ; C'est lui qui en a batisé ses
Apôtres après son ascension, & qui en
a fait part à son Eglise ; Cette onction divine
découle de nôtre Aaron Mystique,
& décend sur tous ses membres abondamment.
Ensuite Jésus-Christ se représente
comme ayant sept étoiles , pour marquer
qu'il a une absoluë authorité sur les Pasteurs,
qui sont ici comparez à des Astres ;
que c'est lui qui les envoye, qui
les apelle, & qui les établit, qui leur
communique les lumiéres qu'ils ont, qui
leur enseigne ce qu'ils doivent enseigner
aux autres, ensorte que sans lui ils ne
seroient que ténébres ; que c'est lui qui
les protège, qui donne éficace à leur
parole ; qu'il les aime, & qu'il les cherit,
qu'il les a toûjours devant les yeux, &
qu'il veille pour eux, qu'il les benit
lors qu'ils font ce qu'il leur ordonne,
mais qu'il les rejette lors qu'il ne font
pas leur deuoir.
Représentons nous donc ici Jésus-Christ
tel qu'il parut à St. Jean, revêtu d'une
longue robe, faisant sortir de sa bouche
une épée à deux tranchans, ayant les yeux
étincelans comme le feu, & le visage
brillant comme le Soleil, tenant en ses
[mains]
mains sept étoiles. Qui est-ce qui ne seroit
tout oreille pour entendre celui qui
paroit avec tant d'éclat, à son Apôtre, &
qui en a infiniment plus, qu'il ne lui en
fait voir. Parle Seigneur : mais ouvre
nos oreilles & nos cœurs.
Je connois tes œuvres .
C'est ce que Jésus-Christ dit à toutes les
Eglises, & il nous le dit à tous tant que
nous sommes ;
Toutes les Eglises sauront
que c'est moi qui sonde les cœurs & les reins ,
dit-il à l'Eglise de Thyatire. En éfet Jésus-
Christ conoit le passé, le présent & l'avenir,
ce que nous avons fait, ce que
nous faisons, & ce que nous ferons, nos
pensées, nos discours, nos actions, Seigneur,
tu conois toutes choses .
Les hommes s'imaginent, que Dieu
ne voit point ce qu'ils font, & que nos
actions sont un trop petit objet pour
l'occuper, comme s'il se tenoit renfermé
dans le Ciel, sans penser à la terre.
Vous vous trompez mortels, Dieu vous
voit, où que vous soyez. Je conois vos œuvres ,
Les hommes peuvent se tromper en
nous voyant, parce qu'ils ne jugent que
selon les aparences. Un petit éclat, quelque
action brillante les frape, de beaux
dehors les ravissent ; & ils ne savent que
la moindre partie de ce que nous faisons ;
mais Jésus ne se trompe point, parce
[qu''ll]
qu'il sait jusques aux plus petites actions
que nous avons faites ; aucune ne lui
échape. D'ailleurs il sait le motif qui nous
fait agir, & le principe de nos actions ;
ainsi ce qui ravit les hommes, lui est souvent
en abomination. Il nous conoit
beaucoup mieux que nous ne nous connoissons
nous même, parce que nous
prenons peu soin de nous conoitre, &
que nous nous évitons ; nôtre amour
propre nous masque à nos yeux, & c'est
ce qui fait, que nous nous aplaudissons
quelquefois de certaines actions, qui nous
devroient faire honte ; nous apellons
vertu ce qui est un vice, & le bien, mal ;
mais Dieu nous conoit parfaitement ;
On a beau se cacher, il voit tout ; Il
voit les Juges qui se laissent corrompre
par des presens, quoi qu'ils le fassent fort
secrétement. Il voit les Pasteurs qui se prêchent
seulement eux mêmes, & qui ne
pensent qu'à leur reputation, & qu'à faire
parler de leur eloquence. Il voit les
commerces criminels de plusieurs, qui
s'imaginent que leurs infamies soient secrettes,
& qui se prévalent de l'obscurité
de la nuit pour les commettre. Il vous
voit, medisans & calomniateurs, lors que
vous tachez de ternir la reputation de
vos fréres. Il voit, avares, le desir, ou
plûtot la fureur, qui vous presse de devenir
riches à quelque prix que ce soit.
Il voit, ambitieux, vôtre orgueil, qui vous
fait rechercher avec trop d'empressement
[des]
des honneurs, dont vous n'êtes pas dignes,
& des emplois dont vous ne sauriez
vous aquiter. Il voit la dureté de
ceux qui n'ont aucune charité. Il voit les
fourberies, les usures, les fraudes, les
tours d'adresse, dont on se sert pour atraper
le bien d'autrui. Il est dans vos conseils,
Magistrats, dans vos assemblées, Pasteurs,
dans vos comtoirs, Marchands,
dans vos boutiques, Artisans, dans vos cabinets,
Hommes d'étude, dans vos societez
Hommes & Femmes.
Il vit Achan lors qu'il prenoit le lingot
au Siege de Jérico, Ananias & Saphira, lors
qu'ils cachoient une partie de leur argent.
Il voyoit Nathanaël sous le figuier, &
David, lors qu'il commit les deux péchez,
qui ont été le sujet de ses larmes. Il connoit
nos œuvres. O hommes qui avez assez
de detours, & d'habileté pour éviter
les yeux des Juges de la terre, sachez
que vous êtes sous l'œil du Souverain Juge
du monde, qui découvrira un jour
ce que vous êtes, & ce que vous avez
fait â vôtre grande confusion. Combien
de crimes, qu'on a crû tout à fait ensevelis,
qui ont été découverts, & punis
même dans cette vie, & combien, qui
seront manifestez au dernier jour. Oui, ô
Dieu, tu conois nos œuvres, Tu nous
conois, quand nous nous couchons ou que
nous nous levons, Tu nous environnes, soit
que nous marchions, soit que nous nous arrêtions.
[ tions. ]
Tu nous tiens serrez de tous cotez : Où
irions nous loin de ton Esprit, & où serions
nous loin de ta face. Si nous montons aux
Cieux tu y ès, si nous nous couchons dans le
sépulchre t'y voila, si nous prenons les ailes
de l'aube du jour, & que nous nous logions
au bout de la mer, Ta main nous y conduira,
& ta droite nous saisira. Les ténébres ne
nous cachent point à Toi. Tu conois nos
œuvres .
Que de péchez, ô Dieu, ne découvres
tu pas dans nôtre conduite, que
d'orgueil, que de malice dans notre
cœur ! N'entre point en comte avec nous.
Pensons y M. F. & dans toutes nos actions,
proposons nous, l'Eternel devant nous,
comme David. Pensons que celui qui a
les yeux étincelans comme le feu, nous
conoit & nous conoit parfaitement. L'Ecriture
dit que Dieu conoit les œuvres,
quelquefois pour marquer qu'il les aprouve ;
mais il paroit qu'il n'aprouvoit pas
celles de l'Ange de l'Eglise de Sardes,
car, dit-il, Tu as le bruit de vivre, mais
tu ès mort .
Ce que dit le Redempteur du monde,
nous aprend que l'Ange de l'Eglise de Sardes ,
étoit dans une grande reputation ;
Il vivoit extérieurement selon la discipline
du Seigneur, il prêchoit avec un zéle
aparent, sa conversation étoit honête,
ses œuvres avoient de l'éclat, & elles
donnoient dans la veuë de ceux qui ne
le conoissoient pas bien. Il sembloit que
c'étoit un Ange sur la terre, on le proposoit,
[posoit]
peut être comme un modéle de
piété, & de vertu, chacun faisoit son
éloge. Il avoit donc le bruit de vivre, mais
il étoit mort. Chose étrange. On a bien
vû des vivans contrefaire des morts,
mais voici un mort, qui contrefait si bien
le vivant, qu'il passe en éfet pour vivant entre
les hommes ; c'étoit un hypocrite,
qui avoit de beaux dehors, mais dont
le dedans étoit très corrompu. Il portoit
une ame morte dans un corps vivant.
Il n'avoit que les aparences de la vie spirituelle
& de la piété ; mais comme le
dit St. Paul de quelques autres, il en avoit
renié la force , c'étoit un sépulchre blanchi,
un cigne, qui sous une peau blanche
cachoit une chair noire ; un vautour
sous les aparences d'une colombe, un
loup qui paroissoit un agneau. Il crioit
contre le vice, & il l'aimoit ; il tonnoit
peut être fortement contre la luxure, &
il s'y abandonnoit en secret ; il s'emportoit
contre les vindicatifs, & peut être il
ne savoit ce que c'étoit que de pardonner,
il bruloit des mêmes flammes, qu'il
vouloit éteindre, & il étoit esclave des
passions qu'il condamnoit dans les autres.
Il étoit donc mort , ou il s'en alloit mourir,
comme on le peut recueillir des paroles
qui suivent : Or ici je vous prie de faire
ces trois réflexions.
La 1. Que le jugement des hommes est
bien different de celui de Dieu ; Tels
passent devant les hommes pour Saints,
[qui]
qui aux yeux de Dieu sont très corrompus ;
tels sont estimez pour leur prétenduë
vertu, qui n'en ont point. Tel passe
pour
integre, qui se laisse corrompre, pour
charitable, qui est
avare, pour
chaste, qui
a des commerces secrets : Les morts passent
pour être vivans.
L'homme a égard à
ce qui est devant les yeux , mais Dieu a
égard au cœur.
Vous vous justifiez devant
les hommes, mais Dieu conoit vos cœurs , disoit J
. Christ aux Pharisiens.
La 2. Est, que tous ceux qui font profession
d'être Chrêtiens ne sont pas vrais
Chrêtiens, ils ne sont pas animez de la
vie & de l'Esprit de J. Christ ; comme
celui là n'est pas Juif qui l'est seulement au
dehors . Ce n'est pas la seule profession, qui
fait le Chrêtien ; c'est la foi & les bonnes
œuvres.
La 3. Est, que ceux qui tiennent les prémiéres
places dans l'Eglise n'en sont pas
toûjours de vrais membres. Combien
n'y en aura-t-il pas dans la grande journée
de Jésus-Christ, qui diront, Seigneur
nous avons profétizé en ton Nom, nous
avons fait des miracles en ton Nom ; nous
avons prêché ton Evangile, nous avons
administré tes Sacremens, à qui Jésus dira,
Je ne vous conois point ; Retirez
vous de moi ouvriers d'iniquité. Je me
suis servi de vôtre ministère pour conduire
les hommes au Ciel, mais vous
n'y entrerez point. Vous avez bien prescrit,
[crit]
en mon Nom, les devoirs auxquels
chacun est engagé, mais vous ne
les avez point pratiquez ; vous avez exhorté
les autres à s'abstenir des vices auxquels
vous vous êtes abandonné vous
mêmes, comme s'il y avoit un autre Evangile
pour vous ; Vous avez dénoncé aux
pécheurs les peines qui leur sont destinées,
c'est à dire que vous avez prononcé
contre vous mêmes la sentence de condamnation.
Mais quitons ces réflexions génerales,
pour en faire de plus particuliéres, qui
nous tegardent.
Il n'y a peut être point d'Eglise au monde,
dont on ait tant parlé, & dont on
parle tant que de cette Eglise ; on la
noircit de calomnies dans plusieurs endroits ;
mais ailleurs on la regarde comme
la Mére des autres Eglises ; sa foi est
célébre par toute la terre, comme celle
des Romains du tems de St. Paul ; Et
ceux qui y viennent sont ravis de voir,
comme la parole de Dieu y est prêchée,
& avec quelle abondance, & toutes nos
nombreuses assemblées ; mais soutenons
nous bien nôtre reputation, & Jésus-
Christ n'a t'il point raison de nous dire,
Tu as le bruit de vivre, mais tu ès mort ?
C'est ce qu'il faut examiner. Considerons
donc.
1. Ce que c'est qu'un homme mort,
& reconu pour mort dans l'Eglise.
[2. Ce]
2. Ce que c'est qu'un homme, qui s'en
va mourir, mais qui n'est pas encore
mort.
3. Ce que c'est qu'un homme, qui a le
bruit de vivre, mais qui est mort.
4. Enfin ce que c'est qu'un homme vivant.
I. On apelle un homme mort dans l'Eglise.
1. Un homme, qui ne conoit point Dieu,
ou point de Providence, qui croit que
son ame est mortelle, & que tout pêrira
avec le corps ; car où il n'y a point de
connoissance, il n'y a point de vie spirituelle.
2. Vn homme qui se moque de toute
Religion, qui parle du Paradis comme
d'un songe, de l'Enfer comme d'une
chimére, des vertus comme des foiblesses.
3. Vn homme qui se plonge dans le vice,
qui s'abandonne à ses convoitises, & qui
ne pense qu'à contenter ses passions, quelque
honteuses qu'elles soient.
4. Vn homme qui n'a d'amour que pour
la terre, qui ne songe qu'à amasser les
richesses de la terre, qu'à se procurer les
honneurs & les dignitez de la terre, ou qu'à
jouïr des plaisirs de la chair.
5. Vn homme qui ne se fait aucun scrupule
de faire un faux serment, de renier J.
Christ dans les occasions, de ruiner la veuve
& l'orphelin, de calomnier son frére, de
médire, de dérober le bien d'autrui, ou de
lui faire tort, de tüer ceux qu'il hait, s'il le
[pou-]
pouvoit faire assez secrettement, & qui se
glorifie même de ses malheureuses dispositions,
& de ses vices.
6. Vn homme qui n'a ni piété, ni justice,
ni charité, ni temperance, ni amour de
Dieu, ni amour du prochain, ni zéle
pour la gloire de Dieu, ni aucune sensibilité
pour les maux de ses fréres.
7. Vn homme, sur qui les exhortations,
les bienfaits de Dieu & ses châtimens ne
font aucune impression.
8. A toutes ces gens là je ne saurois
m'empêcher de joindre ceux qui vivent
dans une honteuse fainéantise, qui ne s'occupent
à aucun lecture utile, ni à aucun
travail ; qui passent leur vie à battre le
pavé, ou à se parer, ou à joüer, ou dans
des conversations vaines. Car ces gens
là sont morts dans l'Eglise.
II. Un homme qui s'en va mourir , mais
qui n'est pas encore tout à fait mort ; C'est
1. un homme qui a quelque conoissance,
mais qui laisse peu à peu éteindre ses lumiéres,
& qui n'en aquiert point de nouvelles.
2. Un homme, qui est à peu près persuadé,
que la Religion Chrêtienne est la
meilleure, comme Agrippa, mais qui se
laisseroit pourtant aisément ébranler si on
l'attaquoit.
3. Un homme, qui au lieu de travailler
à dissiper les doutes qu'il pourroit avoir
sur la Religion, tâche de les augmenter,
soit par de mauvaises lectures, soit en frequentant
des libertins.
[4. Un]
4. Un homme qui fait quelque profession
de la vraye religion, mais qui la fait
avec une si grande froideur, qu'il paroit
que la Religion ne lui tient point au
cœur.
5. Vn homme qui va au prêche ; mais
qiu est plutôt entrainé par la coutume,
qu'il n'y est porté par la dévotion.
6. Un homme qui participe au Sacrement
de la Ste. Cène, mais sans attention,
sans respect, sans aucun vrai desir de s'unir
avec J. Christ.
7. Un homme qui ne fait pas tout le mal
qu'il pourroit, mais qui en fait assez, qui
a quelques remors de conscience, mais
qui les écoute rarement, & qui les étoufe
souvent.
8. Un homme qui fait quelque action
bonne en elle même, mais qui n'en fait
aucune pour plaire à Dieu.
9. Enfin un homme en qui l'amour du
monde domine, & qui ne travaille que
pour la vie présente.
Ces gens là, s'ils ne sont pas morts, sont
bien prêts de l'être.
III. Un homme qui a le bruit de vivre, mais
qui est mort , c'est un homme qui se contente
d'observer l'extérieur du Christianisme ;
comme les Pharisiens observoient l'extérieur
du Judaïsme ; qui fréquente avec
soin les saintes assemblées ; qui chante les
loüanges de Dieu avec un grand zéle aparent ;
qui participe dans toutes les occasions
au Sacrement de la Sainte Cène :
[qui]
qui jeune, non seulement quand l'Eglise
jeune, mais quelquefois dans d'autres
jours ; qui exerce la justice avec beaucoup
de sévérité, sans épargner personne,
qui, s'il est Pasteur, ou Magistrat,
remplit ses devoirs avec éxactitude, &
qui n'en néglige aucun ; qui parle des
Mystéres de la Religion, avec beaucoup
d'éloquence ; qui soutient la verité avec
chaleur ; qui fait paroitre un zéle extraordinaire
pour la cause de Dieu, qui
baisse la tête comme le jonc, dans le tems
d'humiliation ; qui coule le moucheron , &
dixme la mente , qui recherche même les
actions d'éclat ; mais qui en demeure
là ; qui est plein d'orgueil, d'envie ; en
qui l'avarice, ou l'ambition domine, qui
n'a aucune véritable vertu ; qui ne cherche
qu'à éblouïr les yeux, & qui se fait
illusion à soi même, qui ne pratique les
devoirs que la Réligion exige, que lors
que sa reputation y est interessée ; qui
dit, Seigneur, Seigneur, mais qui ne fait
pas la volonté du Pére céleste ; qui s'apelle
Chrêtien, mais qui n'est point nouvelle
créature ; qui ne fait aucun bien
proprement pour Dieu, qui lui rend ses
hommages, plûtôt pour sauver les aparences,
que par dévotion ; qui craint
plus d'ofenser les hommes que son Créateur,
& qui souvent, pour un petit
plaisir, fait ce que Dieu lui a défendu,
qui raporte tout à soi même, qui ne s'emploie
pour son prochain, que pour en
tirer l'avantage, qui fait des charitez,
[mais]
mais qui n'en feroit point, s'il croyoit
qu'on ne le seut pas, qui fait tout pour
soutenir sa reputation, ou pour l'augmenter,
mais qui ne fait rien pour corriger
ses passions ; qui ne recherche proprement
que l'éclat, quoi qu'il afecte
quelquefois d'être humble. Ces gens ont le
bruit de vivre, mais ils sont morts. Il y en
a de ceux là qui savent bien qu'ils ne
sont que des hypocrites, & qu'ils trompent
les autres : Mais il en a plusieurs
qui se trompent eux mêmes, qui s'abusent
cruellement, qui s'imaginent d'être
dans un très bon état, & que si la mort
les surprenoit, ils ne manqueroient point
d'être éternellement heureux, & que le
Ciel leur est destiné. Il y en a un très
grand nombre de cet ordre, & qui sont
fort surpris, quand on leur fait voir
qu'ils ne sont que d'honêtes Payens, ou
qu'ils ne sont Chrêtiens que de nom, qu'ils
n'ont que les aparences de la vie spirituelle,
mais qu'ils sont en éfet morts. Hélas !
Combien de gens qui meurent, qui
étoient déja morts de cette maniére !
Qui sont donc ceux qui sont vivans ;
Voici leur portrait.
1. C'est un homme, qui travaille à conoitre
Dieu & sa volonté, autant qu'il
lui est possible, sachant que la vie éternelle
consiste à conoitre le vrai Dieu, & celui
qu'il a envoyé ; qui prend plaisir à méditer
sa loy, & à sonder les Ecritures, qui
cherche Dieu par tout, dans ses œuvres,
& dans sa parole ; qui tâche de s'avancer
[cer]
tous les jours dans la conoissance
des véritez de l'Evangile, & qui n'oublie
rien pour afermir sa foi, & dissiper ses
doutes.
2. C'est un homme, qui aime Dieu de
tout son cœur ; qui fait ses éforts pour
observer tous ses commandemens, qui
s'étudie à imiter les vertus de nôtre Redempteur,
& qui a toûjours les yeux
sur ce parfait modéle, pour s'y conformer.
3. C'est un homme, qui croit tout ce
que Dieu lui a revelé, quoi qu'il y ait
bien des choses qu'il ne sauroit comprendre ;
qui observe ses commandemens,
quelque dificiles qu'ils soient,
qui ne pratique pas seulement ceux auxquels
le peut porter son temperament,
mais ceux la même qui combatent le
plus ses passions.
4. C'est un homme, qui a une vive reconoissance
de tout ce que Dieu a fait
pour lui, & une vive douleur des péchez
qu'il commet encore contre lui,
malgré tous ses éforts à bien vivre.
5. C'est un homme qui se soumet à
tous les états auxquels il plait à Dieu de
l'apeller, & qui suit Jésus-Christ par tout,
ne se faisant point de peine d'abandonner
tout pour sa gloire,
6. C'est un homme qui brule d'un saint
zéle pour Dieu, & qui est afligé mortellement,
quand on l'outrage, dont la piété
est sincere, la foi pure, l'esperance vive,
la charité agissante.
[7.C'est]
7. C'est un homme qui honore Dieu,
& de son corps, & de son cœur ; qui lui
consacre toutes les facultez de son ame,
& tous les membres de son corps, &
qui lui raporte toutes ses actions.
8. C'est un homme qui fait du bien
soit qu'on le voie, soit qu'on ne le voie
pas, qui évite autant qu'il lui est possible
le péché, & les occasions qui y portent.
9. C'est un homme qui fait des progrès
tous les jours dans la sainteté, qui
ajoute à la foi la science, à la science la
temperance, à la temperance la patience,
à la patience l'amour fraternel, à
l'amour fraternel la charité ; qui fait
une chose avec St. Paul, c'est qu'il laisse
les choses qui sont en arriére, & qu'il
s'avance vers celles qui sont en avant,
vers le but de la céleste vocation.
10. C'est un homme qui est plein de charité
pour ses fréres ; qui les aime tendrement ;
qui non seulement ne leur fait aucun
mal, mais qui ne leur en desire
point, & qui leur fait du bien en toutes
occasions ; qui les console quand ils
sont afligez ; qui les défend, s'il peut,
quand ils sont oprimez ; qui tâche de les
soulager dans leurs nécessitez, s'il est en
état de le faire ; qui leur pardonne s'ils
l'ont offensé, bien loin de vouloir se venger
des injures qu'on lui fait ; & qui est
sensible aux malheurs de l'Eglise.
11. Enfin c'est un homme qui méprise
les vanitez du monde, & qui élève ses
[pen-]
pensées vers le Ciel, comme étant ressuscité
avec J. Christ ; qui travaille particuliérement
aprés la viande qui est permanente,
& qui pense aux choses qui sont en
haut, où son Sauveur est assis à la droite
du Pére.
C'est là un homme vivant. Je ne veux
pas dire, que tous ceux qui ne sont pas parvenus
à ce degré de perfection, soient
morts, car il y a des degrez dans la vie
spirituelle, comme dans la vie temporelle ;
& tous ceux qui sont fidéles, ne sont
pas également avancez dans le chemin
du salut. Mais chacun doit travailler à
être aussi parfait qu'il peut l'être, avec
autant de soin qu'on travaille à aquerir
une bonne santé, & à se défaire de tous
les maux auxquels est sujet nôtre corps.
Je fais cette remarque, d'un côté pour
consoler les fidéles, qui croient n'être
pas de vrais enfans de Dieu, sous prétexte
qu'ils trouvent en eux tant d'imperfections
& de défauts, & qu'ils tombent si
souvent en divers péchez ; & de l'autre
pour faire voir à ceux qui s'aplaudissent
trop de leur état, qu'ils sont encore bien
éloignez de la perfection, où ils doivent
tendre.
Considerons à présent tous, dans quel
ordre nous sommes. Sommes nous vivans,
ou morts, ou prêts de mourir ? Ou sommes
nous du nombre de ceux qui ont le bruit de
vivre, mais qui sont morts ?
On ne sauroit nier qu'il n'y ait parmi
nos des gens vivans, comme dans l'Eglise
[glise]
de Sardes il y en avoit qui n'avoient
point souillé leurs vêtemens. Il n'y a
point d'Eglise si corrompuë, où Dieu n'ait
quelques élus, pourvû que sa parole y
soit purement prêchée, parce que la parole
de Dieu ne retourne jamais à Dieu
sans éfet. S'il y avoit des Lots dans Sodome,
comment n'y en auroit-il pas dans
une Eglise, où l'Evangile est annoncé dans
toute sa pureté ? S'il y a de l'yvroie & de la
paille, il y a aussi du bon grain ; s'il y a des
boucs, il y a des brebis qui suivent la voix de J.
Christ ; s'il y a des hypocrites, des profanes, &
des méchans, il y a de bonnes ames, qui
sont bien persuadées des véritez de l'Evangile ;
qui sont de la vraie Religion par conoissance,
qui aiment Dieu véritablement,
qui s'attachent à lui plaire, qui gemissent
de leurs impetfections, mais qui tâchent
de les corriger ; qui combatent continuellement
leurs passions, qui n'ont point de
plus grand plaisir ; que de parler de Dieu,
& de penser à Dieu ; Enfin qui sont charitables,
en sorte que j'ose dire, qu'il n'y
a peut être aucune Eglise, où l'on fasse
plus de charitez.
Hélas ! Que ne puis je dire que le nombre
des vivans parmi nous est plus grand
que celui des autres ?
1. Mais apellerions nous vivans, ces gens
qui ne prénent aucun soin de s'instruire,
de ce qu'il faut savoir pour être sauvé, qui
ne savent ni qui est leur Sauveur, ni ce
qu'il a fait pour nous aquerir le salut, ni
ce que doivent dévenir leurs ames, après
[leur]
leur mort, qui sont dans une crasse ignorance,
& qui ne sauroient prétexter pourtant
qu'ils ont manqué de moyens pour
apprendre ce qu'ils ignorent. Non, sans doute,
ces gens ne sont point vivans. La vie du
Chrêtien commence par la conoissance.
2. Apellerions nous vivans, ceux qui font
leurs éforts pour étoufer leurs lumiéres,
pour se prouver qu'il n'y a point de Dieu,
ou que s'il y en a un, il ne se mêle pas de
ce que font les hommes ; qui se moquent
des sacrez mystéres ; qui ne lisent la parole
de Dieu que pour en faire des railleries,
ou pour y trouver de quoi favoriser leur
libertinage, qui n'ont pas honte de faire
conoitre leur humeur profane, qui tâchent
de corrompre les autres, & d'ébranler leur
foi ? Non sans doute, s'il y avoit en eux quelque
vie, ils seroient fortement persuadez
des véritez qu'ils osent nier, puis que les
Payens même ont reconu plusieurs de ces
véritez.
3. Apellerions nous vivans, des gens à
qui toute Religion est indiferente, & qui
ne demeurent dans la nôtre, que parce
qu'ils y sont nez ; qui diroient, s'ils l'osoient,
qu'îls ne se feront jamais bruler pour
leur créance ! Non, s'ils étoient vivans, ils
entendroient la voix de St. Paul, qui veut
qu'on anathématise ceux qui nous prêchent
un autre Evangile ; ils entendroient
la voix de Dieu, qui commande à ceux qui
sont à Babylone, d'en sortir, de peur d'avoir
part à ses plaies ; Ils entendroient la
voix de J. Christ, qui veut qu'on le confesse
[fes-]
hautement, & qui declare qu'il reniera
devant son Pére, ceux qui le renieront devant
les hommes.
4. Apellerions nous vivans, ces gens qui
passent leur vie dans des plaisirs criminels,
& dans la dèbauche ; qui sont esclaves de
leurs convoitises ? Non, la veuve, qui vit
dans les délices est morte , au jugement de S.
Paul ; il y avoit des Philosophes qui apelloient
morts ceux qui ne vivoient pas selon
les loix de leurs maitres ; Comment
apellerions nous vivans, ceux qui ne vivent
pas selon les loix du Prince de la vie ;
ceux qui se séparent du Dieu vivant par
leurs péchez continuels ?
5. Apellerions nous vivans, ces gens qui
ne vivent que pour le monde, ou pour eux
mêmes ; qui n'aiment qu'eux mêmes ; qui
sont idolatres d'eux mêmes ; qui ne songent
qu'à parer ou nourrir leur corps ; Non,
On ne doit apeller vivans, que ceux qui
sont animez de l'Esprit de Dieu, & non
ceux qui ne sont animez que de l'esprit du
monde, & qui vivent comme des animaux.
6. Apellerions nous vivans, ceux qui ont
tout à fait leur cœur dans la terre, qui ne
songent qu'à amasser trésors sur trésors ;
qu'a joindre champ à champ, vigne à vigne,
qui ne s'ocupent soir & matin, qu'à
rechercher, comment ils pourront augmenter
leurs revenus, mais qui se mettent
peu en peine des choses qui regardent
le salut ? Non, s'ils avoient quelque vie,
ils éleveroient leur cœur aux biens célestes,
& leur cœur ne ramperoit pas toûjours
dans la terre.
[7.Apel-]
7. Apellerions nous vivans, ceux qui
n'ont point de charité ; qui ne savent ce
que c'est que donner, & que pardonner ;
qui n'ont aucune sensibilité pour les malheurs
des autres ; qui entendent parler des
malheurs de l'Eglise, sans le moindre atendrissement,
mais qui sont implacables,
quand ils croient qu'on leur ait fait quelque
injure ? Non. Il n'y a point de vie, ou
il n'y a point de sentiment de charité. La
vie spirituelle, c'est la charité.
8. Apellerions nous vivans, ceux qui ne
se font point de peine de tromper, de se
parjurer, de commettre des crimes infames ;
qui ne savent ce que c'est que de restituer
ce qu'ils ont de bien d'autrui, ou
de rendre justice à ceux à qui ils ont fait
tort ? Non ; s'ils étoient vivans, ils auroient
quelque crainte de Dieu ; & quelque aprehension
de l'ofenser.
9. Apellerions nous vivans ; ceux que
rien n'émeut, ni les châtimens des hommes,
ni ceux de Dieu ? Les Pasteurs ont beau
les exhorter, les censurer, les exclurre de la
Ste. Communion ; les Magistrats ont beau
les reprendre, les emprisonner, les punir ;
Dieu les comble de biens ; Dieu leur envoye
de cruëlles aflictions : Tout cela ne
fait aucune impression, non plus que si leur
cœur étoit de marbre, ou de bronze ? Non,
ils sont morts, puis que rien ne les reveille
de leur profonde sécurité.
Examinez Chrêtiens, s'il n'y en a point parmi
nous, à qui ces portraits conviennent ?
Plut à Dieu, qu'il n'y eut point d'original
de ces copies.
[Re-]
Recherchons à présent, s'il n'y en a point
qui n'étant pas encore morts, sont prêts de
mourir ; peut être y en a t'il beaucoup aussi.
Combien qui ne tiénent à la Religion
qu'à un filet, & qui n'auroient pas besoin
qu'on les persécutât beaucoup, pour les
faire changer de Religion ? Combien qui
à la verité vont au prêche, & participent
au Sacrement, mais qui n'y iroient point,
s'ils suivoient leurs inclinations dominantes ?
Combien qui lisent plus de méchans
livres, que de bons, & qui cherchent plus
à se perdre, qu'à se sauver ?
Combien qui ne sont pas tout à fait
Athées, ou Deïstes, mais qui croient peu
les autres veritez de l'Evangile, & qui ne
cherchent point les moyens de dissiper
leurs doutes ; qui vieillissent dans leur incredulité,
& qui n'ont point de plus grand
plaisir que lors qu'ils trouvent leurs semblables ?
Combien qui ne se laissent pas aller aux
crimes que les loix humaines condamnent,
& punissent, mais qui ne se font aucune
peine des autres péchez ?
Combien qui ne lisent plus l'Ecriture,
& qui ne nourrissant plus leur ame de cette
pâture Céleste, la laissent tomber insensiblement
en défaillance ?
Combien qui prient Dieu, sans attention,
sans respect, & avec froideur ?
Ces gens s'ils ne sont morts, sont bien prêts
de mourir, ils n'ont qu'un filet de vie, une
étincelle de piété : Il les faut comparer à
[ces]
ces malades qui ménent une vie languissante,
qui sont consumez peu â peu par
une fiévre lente, ou qui ont un cancer qui
les ronge, ou quelque gangréne. Voyez
Chrétiens ; Personne ne se reconoit-il à
ces tableaux ?
Et n'y en a-t-il point, qui ayent le bruit de
vivre, mais qui sont morts ; qui quand on
leur demande raison de leur conduite, sont
surpris qu'on ne leur donne pas une entiére
aprobation ; Nous alons, disent-ils, fréquemment
au prêche, aux priéres publiques.
Nous ne manquons point de participer
au Saint Sacrement de la Ste. Cène,
quand l'Eglise jeune, nous jeunons avec elle.
Quand on fait des collectes, nous contribuons
comme les autres, nous sommes
exacts à tenir nôtre parole ; nous
nous aquitons éxactement de nos emplois.
Que faut-il plus encore ? Hélas ! Si vous
en demeurez là, vous n'avez que le bruit
de
vivre ; Ecoutez S. Paul,
Quand je parlerois
le langage des hommes & des Anges,
si je n'ai point la charité, je suis comme
l'airain qui resonne, & comme la cymbale
qui tinte ; quand j'aurois le don de Profétie,
& que je saurois tous les mystères, &
toute la science, & assez de foi pour transporter
les montagnes, si je n'ai point la charité,
je ne suis rien. Quand je distribuerois
tout mon bien en aumônes, & quand je
livrerois mon corps pour être brûlé, si je
n'ai pas la charité, cela ne me sert de rien.
Réfléchissez donc sur vous mêmes &
voiez si vôtre cœur est droit devant Dieu,
si vôtre piété est aussi sincére qu'elle est
aparente ; si vous ne vous faites pas illusion
à vous mêmes, aussi bien qu'aux autres. Je
ne cherche pas à vous mortifier, mais je
veux empêcher que vous ne vous trompiez.
Cependant il faut avouër qu'il y a
beaucoup moins de ces gens, qui ont le
bruit de vivre, que l'on ne croit. Il n'y en a
pas un si grand nombre, dont la vie soit
édifiante, & dont les paroles & les actions
soient dignes de loüanges. Dans cette
Eglise, O douleur ! le luxe & la vanité y régnent
plus qu'elles n'y ont jamais fait ;
jamais on ne fit tant de dépenses superflues.
La luxure n'y rêgne que trop ; on regarde
le péché de l'impureté, comme une bagatelle,
quoi qu'on punisse & censure fortement
ceux qui le commettent ; on ne
s'en cache pas méme ; & Dieu sait combien
il y a de commerces criminels ; on n'évite
pas même les occasions qui portent à
ces péchez ? & on ne prend pas les sages
précautions que prenoient autrefois nos
Péres & nos Méres, dans les familles le jeu
qui étoit inconu presque à nos ancêtres, est
aujourdui l'unique ocupation de certaines
gens, & de tout sexe, les Pères & les Mères
y convient leurs enfans, le Nom de
Dieu y est profané par un grand nombre de
personnes, les juremens sont les ornemens
du discours ; ce sont les fleurs de la Rhétorique
de plusieurs.
L'amour du monde paroit dans la plus
part des actions ; & dans le Temple même,
nous n'en voyons que trop, qui ne
[vié-]
viénent ici, que pour être regardez, ou pour
regarder les autres.
L'amour & le desir demesuré des richesses,
ne se fait que trop voir au milieu de
nous. Dieu en a châtié plusieurs, que leur
trop grande avidité avoit perdus, mais il y
en a peu qui en ayent profité.
On lit peu la parole de Dieu dans les familles ;
on ne trouve chez la plus part des
gens, que des livres de bagatelles, ou de
pernicieux livres, qui corrompent le cœur.
Est-ce là la vie des vrais Chrêtiens ? Il n'est
donc que trop vrai, que si cette Eglise a le
bruit de vivre, il y en a peu de vivans, & un
grand nombre à qui Jésus dit : Je n'ai point
trouvé tes œuvres parfaites devant Dieu.
On peut juger par ces paroles, que l'Ange
de l'Eglise de Sardes, n'étoit pas encore
entiérement mort, quoi qu'il n'en fut pas
fort éloigné.
Mais quoi ! Y a-t-il quelque homme au
monde, dont les œuvres soient parfaites, &
parfaites devant Dieu ; Dieu qui trouve
même de l'imperfection & de l'impureté
dans les Anges, n'en trouveroit-il pas dans
les hommes ?
M. F. Je ne dirai point ici, que Dieu a
toûjours raison de se plaindre, que nous ne
faisons pas ce que nous devons ; mais je
remarquerai qu'il y a une double perfection ;
L'une, que nous n'aurons que dans
le Ciel ; L'autre, que nous pouvons aquerir
dans cette vie. L'une, qui sera sans défaut ;
l'autre qui ne les exclut pas tous, mais
qui en exclut quelques uns, & qui exclut
[au]
au moins les mauvaises habitudes. D'ailleurs
il faut considerer Dieu sous ces deux
égards, ou comme un Législateur sévere
& rigoureux, ou comme un Pére tendre &
infiniment bon. Il est certain que si Dieu
examine nos œuvres comme un Législateur
sévère, il ne trouvera jamais d'œuvre
parfaite ; mais lors qu'il considere les œuvres
des vrais fidéles avec des yeux de Pére,
& qu'il en couvre les défauts, de la justice
de son Fils, alors il les trouve parfaites ;
mais il faut que ces œuvres soient faites
avec les conditions, qu'il a marquées
lui même ; qu'il les ait prescrites ; qu'elles
partent d'un principe d'amour pour lui ;
qu'elles soient faites avec foi, & qu'elles se
taportent à sa gloire. Les œuvres de l'Ange
de Sardes n'étoient point de cette nature ;
aussi J. Christ lui reproche qu'il n'a
point trouvé ses œuvres parfaites, qu'au
contraire elles étoient très défectueuses,
& que quelques éclatantes qu'elles fussent,
c'étoient plûtôt des vices, que de bonnes
actions.
Examinons, Chrêtiens, si Dieu n'a point
sujet de nous faire le même reproche.
1. J. Christ n'a-t-il pas raison de nous dire,
que nos œuvres sont mauvaises ? Combien
de péchez ne commettons nous pas tous
les jours contre nos lumiéres, & contre
les mouvemens de nôtre conscience ; sans
parler des péchez que nous commettons
par inadvertance, & de ceux qui nous sont
cachez ? Combien de péchez, qui attirent
les censures des Consistoires, ou qui sont
[punis]
punis dans les Tribunaux civils ?
2. Dans les meilleures œuvres que nous
faisons, si nous les examinons, combien
d'imperfections n'y trouverons nous pas ?
Combien de fois ne nous est-il pas arrivé
de nous être fort aplaudis de certaines actions,
& d'avoir ensuite remarqué, que la
gloire de Dieu n'avoit pas été l'unique but
de nos œuvres ?
3. Il est certain qu'il ne sufit pas de faire
de bonnes œuvres, mais qu'il les faut faire
dans la veuë de plaire à Dieu, & avec cette
forte persuasion, qu'elles lui seront agréables,
car tout ce qui est fait sans foi est péché ?
Mais combien d'actions ne faisons
nous pas uniquement, ou par ostentation,
ou par un éfet de nôtre temperament, ou
en un mot, par des considerations humaines ?
Combien d'autres que nous faisons,
quoi que nous aions sujet de douter qu'elles
plaisent à Dieu, ou du moins, quoi que
nous ne soions pas assurez qu'il les aprouvera ?
4. Il est encore certain qu'il ne sufit pas
de faire quelques bonnes œuvres ; il faut
faire toutes celles que Dieu nous commande.
Ce n'est pas assez de faire ce que
la charité exige, il faut encore faire ce que
la temperance demande. Il ne sufit pas
d'être liberal, il faut être chaste ; ce n'est
pas assez de n'être point superstitieux, il
faut n'être point profane. Manquer à un
point, c'est se rendre coupable de tous ;
dit St. Jaques. Or avons-nous fait toutes les
œuvres que Dieu nous a prescrites dans sa
[paro-]
parole, & que nôtre conscience aprouve ?
Et avons-nous raison sur ce sujet, d'être
contens de nôtre conduite ?
5. Nos œuvres doivent avoir quelque
proportion avec les graces que Dieu nous
a faites ; Or qui ne sait que ces graces
sont infinies ? Peut on assez estimer cette
douce paix ; cette prétieuse liberté dont
nous jouïssons ? Peut-on assez admirer cette
bonté infinie de Dieu, qui nous a conservez
miraculeusement ; qui a dissipé tant
de complôts, & écarté tant de foudres qui
devaient nous écraser. Nos œuvres repondent-
elles à toutes ces graces ? Ces graces
exigeoient de nous une reconnoissance infinie,
un amour infini, un zéle ardent pour
sa gloire, un attachement inviolable pour
son service, l'observation de tous ses commandemens ;
mais qu'avons-nous fait pour
Dieu, ou que n'avons-nous pas fait contre
Dieu ? Tu le sais, Eternel ; Tu as fait abonder
ta grace où nos péchez abondoient ;
mais nous avons fait abonder nos péchez,
où tes graces ont abondé. Il semble que
nous ayons voulu éprouver jusqu'où pouvoit
aller ta patience. Nos œuvres ont elles
répondu à nôtre conoissance, & à nos
lumiéres ? N'en avons nous pas fait, dont
les sages Payens auroient eu honte ? Et ne
faisons nous pas devant les yeux de Dieu
des choses, que nous n'oserions faire devant
les hommes ?
6. Les divers états où Dieu nous fait passer
exigent des actions particuliéres, qui
conviénent à ces états ; mais comment nous
[som-]
sommes conduits dans l'adversité ; & dans
la prospérité, dans la santé, & dans la maladie ?
Dans l'adversité & dans nos maladies,
nous avons murmuré contre Dieu,
& contre les hommes : La prospèrité nous
a enflez ; & nous avons abusé de nos biens,
& de nôtre santé.
7. Personne n'ignore que chaque emploi
demande de certains devoirs. L'emploi
des Conducteurs des Etats exige,
1. Qu'ils soient observateurs des Loix
qu'ils font observer aux autres.
2. Qu'ils soient des exemples de piété,
de justice, & de charité.
3. Qu'ils fassent observer avec plus de soin
les loix de Dieu, que les leurs, & qu'ils soient
plus jaloux de sa gloire, que de leur authorité.
4. Qu'ils rendent justice à chacun,
sans aucune acception de personne, sans
se laisser corrompre par des présens, attirer
par des promesses, & intimider par
des menaces.
5. Qu'ils repriment le vice, sans épargner
les grands & les riches.
6. Qu'ils prénent autant de soin de la
cause des pauvres, que de celle des plus
opulens.
7. Que dans toutes leurs déliberations
ils considérent que Dieu préside dans leur
assemblée, & qu'il leur fera rendre comte
de leur administration ? Où sont ceux qui
aient rempli parfaitemẽt tous leurs devoirs ?
Les Pasteurs sont obligez.
1. De travailler continuellement à se
[rendre]
rendre dignes de l'emploi qui leur a été
confié.
2. De ne se proposer point d'autre but
que la goire de leur divin Maître ; de ne se
prêcher point eux mêmes, mais de prêcher
Christ ; de ne chercher point à briller par
leur éloquence, mais de tâcher à amener
les ames à l'obeïssance de nôtre Sauveur.
3. De ne s'épargner point dans l'Exercice
de leur ministère, & de penser moins à
leur santé, qu'à édifier leur troupeau.
4. D'avoir un grand soin de toutes leurs
brebis, sans en négliger aucune.
5. De dire à Jacob, son forfait, & de ne
ménager point les pécheurs, de peur de les
perdre par une indulgence trop grande,
quoi qu'il faille faire tout avec prudence.
6. De visiter exactement les malades &
les afligez, afin de les sécourir dans leurs
besoins, d'aider les uns à bien mourir, &
les autres à suporter les épreuves par lesquelles
Dieu les fait passer, sans mépriser
jamais les pauvres.
7. D'être des modéles de douceur, de
charité, de patience, & de toutes les vertus,
auxquelles ils exhortent.
Où sont les Pasteurs qui n'ayant rien à se
reprocher dans leur conduite, & n'y en
a-t-il point, qui n'ont que le bruit de vivre,
mais qui sont morts . O Dieu aie pitié de nous.
Il n'y a personne qui ne sache à
quoi sont obligez les Péres & les Méres de
familles, mais combien peu qui fassent ce
qu'ils doivent. Combien de Péres & de Méres,
qui n'inspirent à leurs enfans que la vanité,
[nité]
que l'orgueil, que l'amour des richesses,
que le désir de vengeance, & qui leur
montrent de mauvais exemples ; qui négligent
absolument leur éducation ; qui
leur suportent tout ; qui favorisent même
leurs passions, leur fenéantise, leur débauche ?
Faut il s'étonner, si les vices croissant
avec l'âge on voit en suite de si grands désordres :
Il est vrai qu'il y a des Péres, qui
sont malheureux, & dont Dieu ne bénit
pas les soins, dont les enfans ont un mauvais
cœur, un penchant à toutes sortes de
crimes, qu'ils ne peuvent ramener au bon
chemin, ou dont les enfans veulent vivre
dans une honteuse oisiveté, sans s'attacher
à aucune loüable occupation ; mais il n'y
a aucun Pére, ni aucune Mére, qui n'ait sujet
de se reprocher bien des choses, & il y
en a une infinité qui sont très coupables.
Les devoirs des Marchans, sont de prendre
garde dans leurs ventes, & dans leurs
achats, de ne tromper jamais personne ;
de ne faire aux autres, que ce qu'ils voudroient
qu'on leur fit, de n'avoir pas ce désir
insatiable de gagner à quelque prix que
ce soit ; de ne voir point d'un œil d'envie
ceux qui font les mêmes négoces, de faire
un bon usage des biens qu'ils aquierent, &
de ne se donner pas trop d'ocupation pour
avoir le tems de penser à Dieu & à leur salut.
Mais combien y en a-t il, qui ne songent
qu'à leur gain, qui ont une ardeur extraordinaire
pour amasser du bien, qui ne se
font aucune peine de tromper, qui s'aplaudissent
même, lors qu'ils ont surpris quelcun,
[cun,]
& qui ne restituent point ce qu'ils ont
de mal aquis ? Combien, qui ne pensent
qu'a leurs affaires, & qui ne travaillent que
pour la viande qui périt ;
Les devoirs des Artisans sont d'être fidéles
dans leurs ouvrages, de n'être ni paresseux,
ni débauchez ; mais de s'attacher
à leur vocation, sans pourtant négliger ce
qui doit être toûjours la principale occupation
des Chrêtiens : Cependant combien
d'artisans infidéles ; combien de fénéants ;
combien de débauchez ? Comment doivent
se conduire les jeunes gens, de l'un
& de l'autre sexe ; & quelles doivent être
leurs œuvres. C'est de consacrer leurs beaux
jours à Dieu ; C'est de se souvenir de leur Créateur,
avant que les jours mauvais viennent ;
c'est de faire une bonne provision de saintes
pensées ; c'est de s'avancer tous les
jours dans la science du salut, & dans la
sanctification : Mais combien peu de jeunes
gens se conduisent de cette maniére ?
Il y en a, je le sçai, qui le font, & qui
nous édifient par leur piété, & par leur
vertu, mais le nombre est bien petit.
Les uns vivent dans l'oisiveté, sans rien
faire, ne considerans pas que les arbres
qui ne font aucun bon fruit seront retranchez.
Les autres sont des débauchez, ou des libertins.
La plus part se donnent tout au
monde, & on renvoie Dieu à un autre fois ;
au lieu de lire la parole de Dieu, & des livres
de piété, on se nourrit de poison, on ne
[songe]
songe qu'à paroitre, qu'à s'ajuster, qu'à
joüer, qu'à se divertir, & on ne pense point
à la mort, comme si elle épargnoit les jeunes,
plus que les vieux, au lieu qu'elle en
fauche beaucoup plus qui sont dans l'enfance,
ou qui sont dans la fleur de leur âge :
Elle ne fait grace à personne : elle ne respecte
pas même les Têtes couronnées : Elle
fait tomber les Diadêmes & les couronnes.
Les Vieillards & ceux qui sont déja avancez
en âge doivent travailler à faire des
œuvres qui soient parfaites devant Dieu,
puis qu'ils sont plus près de leur fin ; ils doivent
détacher leur cœur de la terre, & faire
tous leurs éforts pour se mettre en état de
paroitre devant Dieu : Il y en a parmi nous
qui le font ; mais combien, qui sont plus
attachez au monde, que jamais ; plus ardens
pour le gain ; qui vieillissent dans l'incrêdulité,
& qui ont toûjours les mêmes passions,
quoi qu'ils ne puissent plus les satisfaire.
Après cela J. Christ n'a-t-il pas raison de
nous dire. Je n'ai pas trouvé vos œuvres parfaites
devant Dieu.
Dans cet état, croions nous que Dieu
puisse continuer à répandre sur nous ses faveurs ?
Croions nous que Dieu ne se lasse
jamais de nous suporter ? N'aprehendons
nous point, qu'il ne nous dise qu'il ne veut
plus nous pardonner ? Quoi ! donneroit il
sa vie, sa félicité, & sa gloire, à des gens qui
ne pensent qu'à l'ofenser ? Conserveroit-il la
liberté, à ceux qui la changent en licence ?
Non ; ne nous flattons plus, & pensons a
changer de conduite. Que faut-il faire direz
[rez]
vous ? Ecoutez ce que dit J. Christ à
l'Ange de l'Eglise de Sardes. Sois vigilant.
Il lui avoit dit qu'il étoit mort ; La mort
& le sommeil sont ordinairement joints ensemble.
Réveille toi, toi qui dors, & te rélève
d'entre les morts. Jésus veut qu'il se réveille
de la sécurité où il étoit, qu'il ouvre
les yeux pour voir le danger où il est, les
ennemis qui l'environnent ; pour considerer
l'importance de la charge qui lui a été
confiée, les devoirs qu'il exige de lui, les
malheurs qui le menacent ; qu'il veille sur
lui même, & sur son troupeau. Il l'exhorte
ensuite à confirmer le reste qui s'en va mourir .
c'est à dire à reprendre zele, à faire un
meilleur usage des talens qu'il avoit receus,
à rechaufer sa piété, à travailler à son salut
avec ardeur, à reparer les brêches que le péché
avoit faites chez lui, à dompter ses passions,
& à tâcher de vivre comme un Ange
dont il portoit le nom ; à ramener les
brebis, qui se perdoient, ou qui s'égaroient,
à soutenir les foibles, à ranimer les languissantes
& celles qui étoient prêtes de mourir,
a confirmer celles qui étoient dans la
bonne route, & à les amener toutes, par sa
voix & par son exemple, à Dieu.
Ce divin Sauveur n'en demeure pas là ;
il lui ordonne de se souvenir de ce qu'il
avoit apris & receu ; de la doctrine céleste,
qui lui avoit été enseignée ; des commandemens
qui lui avoient été faits ; de la
Loi de Dieu qui devoit être la rêgle de ses
actions, des graces dont il avoit été favorisé,
des recompenses, qu'il pouvoit attendre,
[dre,]
s'il faisoit ce qui lui étoit prescrit, &
des peines, qu'il avoit à craindre, s'il ne le
faisoit pas. Il ne veut pas qu'il se souvienne
seulement de ce qu'il a entendu, mais
qu'il le garde ; qu'il mette en éfet la parole
qu'il a ouïe, & qu'il a lui même annoncée ;
qu'il conforme sa vie à cette Loi parfaite ;
qu'il garde le précieux dépot qui lui a été
confié, le trésor de l'Evangile, la perle de
grand prix ; qu'il rumine sans cesse ce qu'il
a apris, & qu'il le garde, comme la manne
qui étoit conservée dans une urne d'or ; ou
à l'exemple de Marie, qui gardoit dans son
esprit tout ce qu'elle entendoit dire de
l'enfant Jésus. Enfin qu'il se repente, & que
sa repentance ne consiste pas seulement en
paroles, mais qu'elle saisisse toutes les puissances
de son ame ; qu'elle les penétre toutes ;
qu'elle déchire son cœur, & qu'elle soit
un parfait retour à la justice & à la sainteté.
Après quoi J. Christ le menace, que
s'il ne fait pas ce qui lui ordonne, il viendra
contre lui, comme un ennemi, pour l'acabler,
& que sa venuë sera prompte comme
celle d'un larron ; qu'ainsi il doit s'y préparer,
parce qu'il ne saura point l'heure de sa venuë.
C'est ce que J. Christ dit à l'Ange, mais
c'est ce qu'il nous dit à tous ; Soiez vigilans,
réveillez vous, confirmez le reste qui s'en va
mourir ; souvenez vous des choses que vous avez
entenduës, & receuës ; gardez les & repentez
vous.
Magistrats fidéles ; Ecoutez aujourdui la
voix de Dieu ; vous êtes sans doute convaincus,
[vain-]
que vos œuvres ne sont pas parfaites
devant Dieu, & qu'il y a encore dans
vôtre conduite beaucoup d'imperfections
& de défauts, soit que vous vous consideriez
comme Chrêtiens, ou comme des
Chefs de famille, ou comme les Chefs de
l'Etat ; Réveillez vous, & soiez vigilans, pour
travailler avec ardeur à vôtre vocation,
pour punir sévérement ceux qui violent les
loix divines avec insolence, ces parjures,
ces perturbateurs du repos public, ceux
qui enlévent le bien d'autrui, & qui s'enrichissent
par des fourberies ; ces jureurs de
profession, ces débauchez & ces infames,
qui soüillent nôtre Ville ; ces profanes & ces
libertins, qui raillent de la Religion ; pour
renfermer dans la maison de correction ces
fénéants, qui ruinent par leur fénéantise
& par leurs débauches leurs familles, &
qui reduisent à la misére leurs femmes &
leurs enfans ; pour reprimer ces dépenses
folles & inutiles qui sont d'une si dangereuse
conséquence, & qui sont suivies
quelquefois de la ruïne de ceux qui les font.
Reveillez vous pour faite regner Dieu
au milieu de nous, & pour l'engager à ne
nous abandonner jamais. Vous savez que
ce qui nous a fait subsister jusques à présent,
c'est la protection de Dieu, & c'est sa
Providence, & non point nos fortifications
& nos armées. Il a veillé pour nous ; il a
été nôtre Soleil & nôtre bouclier ; Protégez
toûjours par cet Etre Tout-puissant &
tout bon, nous n'aurons rien à craindre.
Ce qui rend les Villes imprenables ce n'est
[pas]
pas la hauteur des murailles, ou un
grand nombre de soldats, c'est d'avoir Dieu
pour soi : Noubliez donc rien pour faire
observer les loix de ce Maître du monde,
soiez en vous mêmes les observateurs, &
qu'il paroisse, que vous êtes ses véritables
Lieutenants en terre, les imitateurs de sa
justice, & de sa sainteté, afin que vous aiez
part à sa gloire, & que vous soiez assis sur
son thrône.
Pasteurs mes très chers Fréres, Réveillons
nous ; Réveillons nôtre zéle, & nôtre piété.
Qu'on ne dise pas de nous que nous
avons le bruit de vivre, mais que nous sommes
morts. Les erreurs se multiplient tous
les jours. Prêchons fortement la vérité, &
combattons l'erreur : Les vices s'augmentent ;
Tonnons contre les pécheurs, & n'épargnons
pas ceux qui violent les loix de
Dieu. Veillons sur tout nôtre troupeau ;
sur les ennemis qui l'environnent ; sur les
loups, qui voudroient ravir nos brebis, &
qu'on ne dise point que nous sommes
des guettes aveugles, & des chiens muets ;
confirmons ceux qui s'en vont mourir, instruisons
les ignorans ; tâchons de relever
ceux qui sont tombez, de ramener ceux
qui se vont précipiter ; avertissons nos brebis
des piéges qu'on leur tend, mais veillons
aussi sur nous mêmes ; prêchons par
nôtre conduite ; ne détruisons point par
nôtre vie, ce que nous édifions par nôtre
doctrine ; qu'on voie en nous les vertus
que nous recommandons, & qu'on n'y voie
point les vices que nous condamnons.
[Alors]
Alors nous ferons voir, que nous sommes
les vrais Ministres du Seigneur Jésus, & ses
fidéles Serviteurs, & un jour il nous rendra
éternellement heureux avec lui.
Réveillons nous tous. Nous avons tous
été endormis, les vierges sages & les folles ;
La parole de Dieu a resonné à nos
oreilles ; Mais les uns ne se sont point réveillez,
les autres se sont réveillez pour
un moment, ils ont levé la tête, & l'ont
baissée incontinent : Les autres ne sont encore
réveillez qu'à demi ; & il y en a bien
peu qui veillent. Réveillons nous donc
& ouvrons les yeux pour voir l'état où
nous sommes ; Pensons que Dieu conoit
nos œuvres, & que nos ennemis ne s'endorment
point, qu'ils rodent toûjours autour
de nous, ne cherchant qu'à nous dévorer.
Confirmons le reste qui s'en va mourir en
nous. S'il y a en nous quelque étincelle de
vie, tâchons de la rallumer ; s'il y a en nous
quelque foi, tâchons de l'augmenter par
la lecture fréquente de l'Ecriture sainte,
par la méditation frequente des véritez
célestes, par l'assiduité aux exercices de
piété, par des priéres continuelles, en
nous éloignant des occasions d'ofenser
Dieu, & en recherchant toutes celles qui
se présentent pour lui plaire ; s'il y a encore
en nous quelque amour pour Dieu, quelque
amour pour nôtre patrie, quelque
amour pour nos fréres, quelque desir de
voir l'Eglise de Dieu rétablie ; Enfin si nous
desirons véritablement de nous sauver,
Réveillons nous, confirmons le reste qui
[s'en]
s'en va mourir. Souvenons nous des choses
que nous avons ouïes, & que nous entendons
tous les jours, des faveurs dont Dieu
nous a comblez, & des jugemens que Dieu
a déploiez sur des Eglises qui n'étoient
pas pires que nous. Pénétrez d'une vive
douleur convettissons nous ; que nôtre
repentance sont sincère, & faisons des
œuvres convenables à la repentance ; que
nôtre repentance soit prompte. Pensons à
ce que dit J. Christ, Je viendrai contre
toi, comme le larron dans la nuit : O Dieu,
que ces paroles sont terribles ? Je viendrai
contre toi, Moi qui ai abimé le prémier
monde dans un déluge universel, Moi qui
ai consumé Sodome & Gomorrhe, par
feu ; Moi qui ai détruit Jérusalem, où
mon Nom étoit invoqué, & où j'avois établi
mon Sanctuaire ; Moi qui ai ôté mon
chandelier aux Eglises que mes Apôtres
avoient fondées ; Moi qui ai reduit en poudre
tant de Temples, dispersé tant de troupeaux ;
Et que ferons nous, Seigneur, si tu
viens contre nous, si tu nous otes la lumiére
qui nous éclaire, le pain céleste qui
nous nourrit. Prévenons cette terrible
venuë par nôtre conversion, & nôtre
prompte conversion, en pensant que nôtre
mort aproche, & que Jésus viendra
dans le tems qu'on ne l'attendra pas. Préparons
nous toûjours à cette venuë.
Qu'il nous trouve, comme de bons serviteurs
occupez à son œuvre, veillans
& prians. Prépare nous, Seigneur, toi
[même]
même à te recevoir ; vien dans nos
cœurs ; viens y établir ton Empire ; viens
y triompher de nos passions, viens nous
remplir de ton Esprit, & vien nous
donner les prémices de ta gloire. Vien
Seigneur Jésus, Vien bien-tôt.
AMEN.