ON a dit d'un fameux Orateur
d'Athenes qu'il confondoit
& bouleversoit la
Grece entiere par les Eclairs,
& les Tonnerres de son Eloquence
* :
cela n'est pas
surprenant ; Remuer les passions des Peuples,
& par là donner un nouveau tour
aux affaires & une nouvelle face au Gouvernement,
[ver-]
c'est l'effet naturel d'une éloquence
également vive & solide, telle
qu'étoit celle de cet illustre Athénien. Mais
pouvons nous nous rappeler sans étonnement,
que le fougueux déclamateur, qui
prêcha il y a quelques années sur les Paroles
que nous venons de vous lire eût à
peu près le même Succez, sans avoir les
mêmes talens : il bouleversa l'Angleterre,
il donna un nouveau tour aux affaires, il
changea la face de toute l'Europe, par un
Discours : Quel Discours ? un Discours
dont les Argumens étoient des Sophismes
grossiers & la diction un tissu d'expressions
vicieuses & Barbares. Les foudres de son
éloquence consistoient dans les Anathémes,
que du fond de son intolérance il
fulminoit contre les personnes les plus
respectables, & les Societés les plus pures.
Ses tonnerres étoient un amas indigeste
& confus de termes & bruyans ;
son feu, un feu qui semblable à celui de
l'Enfer est destitué de lumiere & dévore
sans éclairer.
Il ne sera pas hors de propos de faire
attention à la circonstance du jour où il
[choi-]
choisit ces paroles pour en faire le prétexte
de son discours. Ce fut ce jour où
l'Eglise Protestante de ces Etats solemnise
la découverte miraculeuse de cette horrible
Conspiration tramée par les Jesuites,
pour faire sauter en l'air le Chef & les
Branches de la Famille Royale, les Pairs
du Royaume, en un mot la Nation entiere
en la personne de ceux qui la représentoient.
N'étoit-il pas naturel de penser
qu'en un jour tel que celui là, un Ministre
Protestant ne devoit monter en
Chaire que pour peindre des plus affreuses
& des plus trenchantes couleurs cet
Esprit du Papisme si contraire à l'esprit de
Jesus-Christ, & pour exhorter vivement
les Protestants à s'unir ensemble contre
les complots & les efforts d'un ennemi si
dangereux ? Tout au contraire ce Prédicateur
Factieux, bien loin de le condamner
revêt l'esprit Anti-chrétien du Papisme, il
enfle la Trompette de la Sédition & de
la Discorde, il donne le Signal de la Persécution
& des émotions populaires. En
un mot au lieu de Prêcher l'union entre
les communions Réformées il soufle le feu
[de]
de leurs divisions dans le dessein de les
détruire par leurs propres mains. On vit
au grand scandale de la Religion un Prédicateur
élevé en aparence dans le sein de
la Réformation porter des coups presque
mortels à cette Eglise dont il arboroit le
Pavillon, & dont il portoit la Livrée.
Nouveau Garnet sous le Masque d'un Ministre
Protestant, il entreprit de faire
réüssir (on peut le dire) le même dessein
que la Providence avoit fait échoüer entre
les mains de ce Jesuite ; & si Dieu qui
a toûjours un soin tout particulier de cette
Nation ne permit pas que le projet
qu'ils avoient formé, de faire sauter de
la Ligne de la Succession les Princes véritablement
Protestants pour mettre en leur
place des Princes Papistes, eût le Succez
que se proposoient les boutefeux dont ce
Prêtre étoit l'Organe, il contribua du moins
à faire Sauter un des meilleurs Ministères
& un des meilleurs Parlements que l'Angleterre
ait jamais vû.
Il y a aparence que lors qu'il choisit
ces paroles, il portoit moins sa vûë sur
la conspiration des poudres, que sur la
[ Révo- ]
Révolution que l'on Solemnise dans le même
jour. Il pensoit bien moins quand il
fit ce choix à ces incendiaires qui devoient
ensevelir la maison des Stuarts dans sa
naissance, qu'aux partisans de Guillaume le
Liberateur : il n'avoit pas les Jésuites dans
l'esprit. Peut-on mettre simplement au
rang des faux Freres, ceux qui sont les
ennemis déclarez de nôtre sainte Religion ?
On ne peut douter que dans son Intention
les faux Freres ne fussent les Instrumens
de cette Révolution à la quelle nous
sommes redevables de la Conservation de
nos Droits, tant Religieux, que Civils.
En sorte que ce fougueux Déclamateur
au lieu de proscrire & de foudroyer la
Societé de ces Peres qui avoit tramé cette
horrible Conspiration des Poudres,
(ce qui étoit l'Evangile du jour) s'attache
à attaquer & à combattre ceux qui avoient
détrôné les Jesuites, en détrônant un Roi
qui étoit leur esclave, & qui fut leur
victime.
Si cet Incendiaire fit un mauvais choix
en prenant ces paroles pour le sujet d'un
Discours qui devoit rouler sur tout autre
[cho-]
chose, nous osons dire que nous sommes
aujourd'hui à couvert d'un semblable reproche :
rien ne peut mieux convenir au
sujet qui nous assemble maintenant dans
ce Temple. Nous y sommes venus pour
rendre à Dieu de publiques Actions de
Graces, de ce qu'il a bien voulu dans ses
infinies miséricordes, dissiper cette nuée
de Rebelles qui menaçoit de s'étendre sur
tout le Royaume. Si l'on considere quels
ont été les Chefs & les Principaux Auteurs
de cette Rébellion dénaturée : si l'on
réfléchit que dans cet infâme soulevement,
la Patrie a été trahie par son propre Sang,
& l'Eglise attaquée par ceux qui se disent
ses enfans ; Si l'on considere que ceux qui
ont pris les armes contre nôtre Roi, étoient
ceux-là mêmes qui avoient contribué à
l'apeller au Trône ; & lui avoient juré un
inviolable attachement par les sermens les
plus solemnels ; Si l'on réfléchit que les
Intérêts des Autels ont été trahis par les
Ministres des Autels, & qu'un tas nombreux
de Lévites se sont joints aux Philistins
pour livrer l'Arche de l'Eternel ;
on ne pourra qu'être convaincu, que le
[Trô-]
Trône, l'Eglise, non Libertés, nos Biens,
nos Consciences, nos Familles, la Nation
entiere ont été en péril parmi les faux freres.
Voici quelle fut l'occasion de ces paroles.
L'Apôtre avoit planté la Foi Chrétienne
dans la ville de Corinthe : Mais
il n'en fut pas plûtôt sorti pour porter
ailleurs ses instructions Salutaires, qu'il
se glissa dans cette Eglise un tas de Séducteurs
& de faux Apôtres, qui la déchirerent
par des Divisions Scandaleuses
& qui pour réüssir dans leurs vües tournoient
en ridicule la personne de St. Paul,
avilissoient ses dons, & prétendoient qu'il
étoit inférieur aux autres Apôtres : C'est
ce qui l'oblige, pour soutenir la Gloire
de son Apostolat, que ces Séducteurs vouloient
flétrir, de representer aux fideles
de Corinthe qu'il n'étoit en rien moindre
que le plus grand des Apôtres, & de faire
ensuite une longue énumération de ses
travaux & de ses souffrances, & dans ce
Catalogue il n'a garde d'oublier les Dangers
où il avoit été exposé par la perfidie
des faux Freres.
[Nous]
Nous traiterons le Sujet indépendamment
de l'occasion qui met ces paroles
dans la bouche de St. Paul, pour les apliquer
à la circonstance présente. Dans cette
vûë nous vous donnerons les Caractères
de la Faction qui a excité ce soulevement
dénaturé, & à mesure que nous les
tracerons, il vous sera aisé d'apercevoir
que nous étions en Perils parmi les faux
Freres .
Dieu veuille anéantir dans le Sein de ce
Royaume toutes les distinctions de Partis pour
réünir tous ses Habitans à leurs véritables
Intérêts. Dieu veuille nous inspirer aujourd'hui
une Chrétienne réconnoissance pour tous
ses bien-faits, & en particulier pour cette Délivrance
qui renferme tant de Délivrances
differentes. Dieu veüille que nôtre reconnoissance
montant au Ciel sur les aîles de nôtre
pieté, en fasse descendre sur nôtre Roi &
sur son Royaume de nouveaux Succez & de
nouvelles Prosperités.
1. Les faux Freres par raport à la Societé
Civile sont ces faux Citoyens qui
changent la Constîtution de l'état pour flatter
l'ambition des Princes, & qui trâitres
[à]
à la Patrie, traîtres à leur concitoyens,
immolent les Privileges du Royaume à la
prétendüe Prérogative du Roi.
C'est un fait incontestable, que le principe
favori du parti rebelle, c'est que le
pouvoir suprême, dans le sens rigide de ce
terme, est entre les mains du Monarque,
qu'il a une autorité attachée à son Caractère,
antérieure aux Loix, indépendante
des Loix, & qui leur est
à tous égards supérieure : Que les bornes
qu'on donne à ce pouvoir, sont des
usurpations sur la Royauté : Que le droit
des Rois d'Angleterre n'est point fondé
sur l'Election ou la Vocation des Peuples,
qu'ils sont de Droit Divin, que la moindre
résistance faite à ce pouvoir en quelque
cas que ce puisse être, est un péché
digne de toutes les flammes de l'Enfer.
Que ce soient leurs sentimens, on n'en
peut douter, puisque les Oracles de leur
parti se sont expliquez sur ce Sujet clairement
& sans détour, & que les déclamateurs
de la faction en font encore tous
les jours retentir les chaires.
Nous embarrasserions bien ces partisans
[sans]
d'une Monarchie sans bornes, si nous
nous adressions à eux en ces termes. Cette
Autorité antérieure aux Loix, indépendante
des Loix, supérieure aux Loix que
vous suposez dans le Monarque, d'où
émane t'elle ? Le Trône d'un Roi de la
Terre est-il comme celui du Dieu Souverain,
indépendant & sans origine ? Ce
Prince est-il lui-même sa propre Fin ? Les
Rois étoient-ils dans l'idée de Dieu avant
les Loix ? N'est-il pas clair que les Loix,
ces filles de l'ordre éternel devoient être
dans l'idée de Dieu avant les Rois qui
étoient destinés à les faire exécuter. Ce
Prince tient-il sa Couronne immédiatement
de la main de Dieu ? Montrez nous
donc à cet égard une expresse révélation
du Ciel qui le désigne ou qui le nomme.
Vous fondez vous sur le Commandement,
Honore ton Pere, & prétendez
vous que ce Roi a sur ses Peuples une Autorité
naturelle ou une Autorité de même
nature que celle qu'un Pere a sur ses
enfans ? Prouvez-moi avant toutes choses,
qu'il existoit avant les Etats qu'il régit,
[git]
qu'il a mis ses Royaumes au monde,
& donné naissance aux Nations qu'il gouverne.
Alléguez vous le Droit établi
dans les familles des Patriarches, par lequel
l'ainé en qualité de representant du
Pere, étoit le maitre absolu de ses
Freres ? Mais dans quel Labyrinthe vous
jettez vous ? ne voiez vous pas que par
là vous vous mettez hors d'état de prouver
qu'il y ait un seul Prince légitime dans
le Monde ; Car selon ce principe, pour
prouver qu'un tel Prince est légitime, il
faudroit démontrer qu'il est le fils ainé
de la branche aînée de la plus ancienne
famille du Monde. Puis donc qu'on ne peut
rien dire de tout cela sans extravagance,
il faut avoüer qu'il ne peut y avoir ici
qu'une Autorité civile, c'est à dire, que
c'est un consentement, & un contract mutuel
qui fonda d'abord cette Rélation civile
de Roi & de Sujet, comme il fonde
tous les jours celle de maitre & de Serviteur,
qui est une autre Relation civile :
or ce contract, ce consentement est une
Loi fondamentale, qui est la base de toutes
[tes]
les Loix civiles de quelque nature qu'elles
soient.
*
Je ne veux pas m'étendre à réfuter des
principes qui renferment une foule d'absurdités
sensibles & palpables : la consequence
que j'en veux tirer, c'est que les
Prélats & ces Ecclésiastiques (car ce sont
les Prélats & les Ecclésiastiques qui sont
sur tout amoureux de les principes, qui
donnent aux Rois de cette Nation une
puissance sans bornes) sont de Faux Freres
qui trahissent les intérêts de la Patrie,
font injure à la Societé, & blessent
les Droits de leurs concitoiens. L'Elevation
du Trône n'est-elle pas une assez forte
tentation à l'enflure de cœur ? Est-il rien
de plus préjudiciable aux Peuples que d'enseigner
des doctrines qui fournissent des
aiguillons & des alimens à l'orgueil des
Princes ? que n'ozeroient-ils entreprendre,
lors qu'on aura armé leurs passions d'un
pouvoir arbitraire & sans bornes ? avec
quel dédain & quel mépris nous regarderont-
ils, lors que de Peuples libres que
nous sommes, on nous aura métamorphosé
[phosé]
en une vile troupe d'esclaves, dont
la vie & les biens leur apartiennent ? pourrions
nous jouïr d'un moment de repos,
lors que la possession de tout ce que nous
avons de plus cher, dependra du caprice d'un
Prince aveuglé par la flaterie, & dominé par
ses affections corrompües ? Rien donc de
plus pernicieux pour la Societé que ces
fausses maximes de politique, dont ces
faux Freres remplissent l'esprit des Princes.
Mais aussi pour l'ordinaire rien de
plus fatal aux Princes mêmes.
Nous lisons au
5. Chap. des Revelations
de Daniel que ce Prophête aiant fait
entendre au Roi de Babylone que par la
permission de Dieu qui en avoit voulu
faire la verge de sa fureur, son Pere
Nebucadnetsar avoit été revêtu d'un pouvoir
absolu & illimité.
Il faisoit mourir, & il
laissoit vivre ceux qu'il vouloit, il élevoit
& il abaissoit ceux qu'il vouloit ; il ajoûte,
mais quand son cœur s'enfla & s'endurcit
par l'orgueil, il le fit descendre du Trône,
& il fut dépouillé de ses honneurs. Angleterre !
Théatre Sanglant des plus éclatantes
révolutions, champ de Bataille fameux
[meux]
& tragique, où tant de Princes
véritables ou suposés, ont si souvent disputé
l'epée à la main, leurs droits à ta Couronne
ou prétendus ou réels ; Terre presque
aussi orageuse que la mer qui t'environne,
combien de fois n'as tu pas reconnu
par de fatales expériences, que
c'étoit le sort ordinaire des Rois, qui enchantés
par la flaterie, ou trompés par
les maximes d'une fausse politique, ont
voulu franchir les bornes de leur Légitime
pouvoir ? combien de fois aux dépens
du plus pur de ton Sang, as tu fait toi
même descendre de leur Trône, ceux qui
prétendoient l'élever au-dessus de tes Loix
& de tes Privileges ?
Quelcun a dit que les meilleurs Princes,
ceux qui sont les plus scrupuleux observateurs
de leurs devoirs, & qui ont le
plus à cœur les Droits de leurs Peuples,
n'aiment pas néanmoins que leurs Sujets
se mêlent de marquer les limites de leur
pouvoir. Nous ne jugeons pas à propos
d'examiner ici à fonds la justesse de cette
pensée. Graces à Dieu le Prince qu'il
nous a donné dans son amour est au-dessus
[sus]
de ces foibles, Résolu de ne pas excéder
la mesure de son légitime pouvoir,
il en connoît lui-même, il est ravi que
nous en connoissions les limites, afin que
nous reconnoissions qu'il ne les franchit
jamais. Mais suposé que Dieu eut établi
sur nous dans sa colère un Roi d'un
tout autre caractère ; pourroit-on assez
détester ces Prélats qui aprochent de la
personne du Prince pour lui inspirer
des Maximes oposées au bien public ;
flateurs plus dangereux que tous les autres,
par ce que le Prince trompé par
leur caractère, croit faire son devoir en
suivant leurs Conseils, & que lui en
imposant par la Sainteté aparente de
leur Profession, ils sanctifient l'Opression
à ses yeux ; & donnent à sa Tyrannie le
sceau d'une Autorité Divine. Mais peut-
on au contraire assez chérir, assez vénérer
ceux qui remplis des devoirs de leur
charge, oseroient representer à un Prince
injuste, qu'il se détrône lui-même en
abusant du pouvoir du trône, qu'il n'est
plus Roi dès qu'il usurpe les privileges de
ses Sujets ; Mais M. F. que ces Jeans Baptistes,
[ tistes ]
qui animés de l'esprit de leur Ministère
osent dire au Prince, il ne t'est pas
permis d'avoir le bien d'autrui, sont rares
parmi les Prélats !
Néantmoins de nos jours dans un Roiaume
Peuplé d'Esclaves, dans une Cour où
tout ce qu'il y avoit de plus distingué,
sans en éxcepter l'Heritier de la Couronne
étoit obligé de plier sous les volontés
du Prince qui y regnoit, un grand
Archevêque, dans un Ouvrage immortel,
osa dépeindre les horreurs du Despotisme,
& les Calamités des Peuples qui
sont soumis à ce pouvoir, avec une hardiesse
digne des anciens Romains, & une
noblesse d'expression qui n'est point inferieure
à ce que l'Antiquité a de plus noble.
Je sçai que ce Prélat étoit un génie
Superieur ; mais je fais sur tout consister
la Superiorité de son esprit, en ce
qu'il a senti le poids de ses chaînes, quelques
honorables qu'on les eût rendûës en
les couvrant des plus éminentes Dignités,
que par ses Réfléxions particulieres, il a
surmonté les préjugez de la Naissance &
de l'éducation, qu'il a reconnu que la liberté
[berté]
étoit l'apanage de tous les Hommes,
que la Servitude des Peuples étoit
une Usurpation des Rois. Prélat à jamais
digne de nos éloges, digne des éloges
de la Posterité en ce qu'il est le seul
François de nôtre tems, qui dans le sein
du Royaume, ait osé confier au papier
ses idées sur le Gouvernement, & qui à
cet égard ait donné des Signes de vie &
des marques de liberté. Prélat dont l'exemple
couvrira à jamais de Confusion ces
Prélats Anglois qui dans le sein d'une Nation
libre, prêchent les Doctrines de l'Obéïssance
Passive & de la Non-résistance, au
lieu que l'autre, au milieu d'un Peuple
d'Esclaves, & à la face d'un Gouvernement
Arbitraire, a soutenu les Droits &
les Privileges du Sujet contre les injustes
Prétentions de la Tyrannie.
2. Mais Secondement ceux qui se disent
Membres de l'Eglise Anglicane, & qui
lui imputent les fausses Doctrines de l'Obéïssance
Passive & de la Non-résistance sont
de faux-freres par rapport à l'Eglise Nationale
de ce Royaume. C'est là un artifice
dont ils se servent pour sanctifier leurs
[Sophis-]
Sophismes, & pour changer un Proces
civil en une Dispute de Foi, & une Controverse
de Religion. Le tour qu'ils donnent
à cette Matiére me rappelle un Stratagême
du grand
Pompée* dont il est parlé
dans l'Histoire Romaine. Les Magistrats
de Rome avoient defendu par un
Edit public l'édifice des Théatres, & déclaré
que si quelcun présumoit, contre
l'autorité des Loix d'en élever, il seroit
aussi-tôt démoli. Malgré cet Edit, Pompée
se trouvant alors dans la Magistrature
bâtit un Théatre, & pour empêcher
que les Magistrats qui lui succéderoient
ne le fissent abattre, il s'avisa d'y élever
un Edifice Religieux qu'il apella le Temple
de
Venus ; Jugeant bien qu'un respect
de Religion pour le Temple qu'il y avoit,
pour ainsi dire, enchassé, préviendroit
la démolition de son Théatre. Voilà une
image sensible de la Méthode artificieuse
qu'emploient ces
faux-Freres pour soutenir
l'Obéïssance Passive illimitée : ils sçavent
[dans]
dans le fonds de leur cœur que les Loix
de l'Etat font face contre cette Doctrine,
& qu'elles visent à la détruire : Que font-
ils pour l'empêcher ? ils se servent du
Stratagême de Pompée : ils consacrent cette
erreur, en disant que c'est un Dogme
de l'Eglise Anglicane, & que la Servitude
des Peuples est de Droit Divin aussi bien
que le Gouvernement Arbitraire.
Mais où trouveront-ils que ce soit là la
Doctrine de l'Eglise de ce Royaume ? il n'y-
en-a pas un mot dans les trente & neuf articles
de sa Confession de Foi. On a démontré
invinciblement que les passages de ces Homelies
qu'ils citent pour l'établir, n'en disent
rien, & ne regardent que la soumission
que nous devons à l'autorité légitime, ce
qui n'est contesté de Personne. Nous ne
comptons pour rien les Sentimens des Docteurs
particuliers ou mal-instruits ou mal-
intentionnés, non plus que le Décret d'une
certaine Academie qui aprés avoir établi ;
Que c'est un Pêché damnable de résister
à un Tyran, s'avise aujourd'hui de
se soulever contre le Meilleur des Rois. Tout
cela n'est point le Corps de l'Eglise Anglicane ;
[cane ;]
ce sont plûtôt simplement des Membres
qu'on doit regarder, au moins à cet
égard, comme séparés de son corps par
ces Doctrines étranges.
N'est-il pas naturel de chercher le sentiment
du corps de cette Eglise, dans l'assemblée
du Clergé qui la represente ? or
on ne peut nier que sous la Reine ELIZABETH
DE GLORIEUSE ET D'IMMORTELLE
MEMOIRE,
* il ne se soit tenu plusieurs
Synodes ou Assemblées du Clergé qui approuvérent
les soulévemens des
Ecossois contre
Marie Stuart, & des
Hollandois contre
Philippe Second, & qui par des Representations
dignes de leur charité, suplierent
cette grande Reine, de vouloir secourir
ces Peuples injustement opprimés
par leurs Souverains, promettant de contribuer
aux frais du Secours, d'une portion
considérable de leurs revenus. Voilà
le Corps de
l'Eglise Anglicane composé
de ses
Evêques & des députés du Clergé
inferieur, qui par une consequence nécessaire
proscrit
l'Obéïssance Passive & la
Non-résistance, & condamne, comme par Anticipation,
[Anti-]
ces nouveaux Théologiens
qui ozent lui imputer ces ridicules Doctrines.
N'est-ce pas faire injure à cette
Eglise que de lui attribuer des Doctrines qui
n'apartiennent point à la
Réligion Chrétienne ?
Jesus-Christ n'est pas venu au Monde
pour dépouïller les Sociétés humaines
de leurs Privileges. La liberté spirituelle
qu'il nous procure, ne nous engage
point à un esclavage temporel. Le Passage
du
13. ch. de l'Epit. aux Romains n'est qu'une fausse lüeur de Révelation,
comme on l'a plus d'une fois solidement
prouvé. Et quant à la pratique des anciens
Chrétiens, il est certain qu'après que
les Empereurs eurent fait des Loix en leur
faveur, & qu'ils leur eurent accordé de
grands Privilèges, ils crûrent qu'il leur
étoit permis de résister & de s'oposer aux
volontés injustes des Souverains qui entreprendroient
de les leur ravir, comme
cela paroit évidemment par leur conduite
sous l'Empire de
Julien l'Apostat.
Mais c'est encore inspirer du dégout,
& de l'Horreur même pour cette Eglise :
[c'est]
c'est éloigner les gens de sa Communion :
Me ferois je Membre d'une Eglise qui me
charge de chaînes par principe de Religion ?
où je ne puis entrer qu'en faisant
Profession d'esclavage & voeu de Servitude ?
A Dieu ne plaise. Je connois trop
le prix de ma Liberté, je ne veux point
être d'une Eglise qui me défend de la
soutenir, ou qui me condamne à la perdre.
Il me semble que j'entens cette Sainte
Eglise qui s'adresse à ceux qui lui attribuent
ces étranges Sentimens, & qui leur tient
ce Langage : Pourquoi me deshonorez-vous en
m'imputant des principes si indignes de la raison,
& si peu conformes aux plus purs Sentimens
de la Nature ? Pourquoi me suposés
vous des Doctrines qui me mettent en Oposition
avec les Loix de l'Etat ? pourquoi séparez-
vous ainsi mes intérêts de ceux de la
Constitution Civile avec laquelle je dois être
unie par un indissoluble lien ? Pourquoi me
condamnez vous à la mort en débitant sous
mon nom des Dogmes qui ne peuvent que
m'étre funestes ? où serois-je aujourd'hui si cette
Non-résistance, cette Obéïssance Passive
[ avoit ]
avoit été exactement pratiquée, où serois je
aujourd'hui ? Rapellez ce tems où un Roi
Idolatre s'apliquoit à me détruire, & faisoit
des efforts pour me faire rentrer dans le
gouffre du Papisme, d'où j'étois si heureusement
sortie. N'est ce pas en résistant sous la
Conduite de Guillaume que mes fidéles enfans
me délivrerent, & me firent reprendre
ma prémiere Splendeur ? Si vous m'aimez,
ne traitez pas de Rebellion une prise d'armes
qui fut si nécessaire à ma conservation, respectez,
cherissez cette résistance qui m'a sauvée.
Mais que dis-je vous n'eûtes jamais
pour moi ni amour ni respect. Vous ne soutenez
ces Doctrines que pour favoriser les
desseins du plus redoutable de mes ennemis ;
par là vous ouvrez la porte à ma cruelle Rivale.
Ce sont des Instrumens que vous tenez
prêts pour ma destruction, vous abusez
de mon nom pour me perdre. Semblables aux
Juifs qui crioient le Temple, le Temple,
vous avez beau crier Eglise Anglicane,
Eglise Anglicane ! jusqu'à ce que vous aiez
renoncé solemnellement à des Doctrines qui
ne peuvent que m'être fatales, je vous désavoüe,
& je vous mets au rang des faux-
freres.
[3. En]
3. En troisiéme Lieu ces faux Anglicans
qui rompent la correspondance fraternelle
que l'Eglise d'Angleterre avoit toûjours
entretenuë avec les Eglises étrangeres,
ceux qui élevent une barriere de s'éparation
entre l'Eglise de ce Royaume, & les
autres Eglises Protestantes sont de faux Protestans,
& par consequent de faux-freres.
L'accord qui regne entre les Protestans
sur les Matiéres principales de la Religion,
devroit étouffer les légers differends
qu'ils ont entre-eux, & c'est l'indispensable
devoir des Ministres animés de l'esprit
de l'Evangile de leur representer qu'ils
sont Freres, & que malgré quelque petite
difference d'Opinion, dans des choses
qui ne sont pas Essentielles, ils doivent
tous s'unir contre les Efforts de leur commun
& implacable Ennemi. A cet égard
ils doivent imiter Moïse. Ce Prophête
aiant rencontré deux Hebreux, qui avoient
entre eux quelque legere Contestation, il
tâche de les réconcilier, & dit à celui
qui avoit tort, pourquoi frappes tu ton
Frere ? Mais il n'en usa pas de même envers
l'Egyptien, car il le frappe à mort. Le
[but]
but de cette image, c'est que tous les réformés
doivent se raprocher l'un de l'autre
pour porter de concert des coups Mortels
à l'Egyptien, je veux dire à la Religion
Romaine. Mais ceux dont il s'agit
ici sont bien éloignés de cet Esprit de
Charité. Loin de rechercher l'union avec
les autres Reformées, ils ont imaginé
de nouveaux Motifs de Séparation,
inconnus à leurs Ancêtres. Ils ont allongé
prodigieusement les distances qui les
en séparoient, ils ont mis un abyme entre-
eux, & ces Eglises qu'ils devoient regarder
comme leurs Sœurs. Et témoin
le Prédicateur factieux que nous réfutons,
ils ont poussé la fureur jusqu'à lancer des
Anathemes contre Geneve, & les autres
Eglises de sa Discipline, les regardans comme
des Sociétés qui n'ont point l'essence
d'une véritable Eglise de Jesus-Christ, &
qui n'ont ni Ministere ni Sacremens, tandis
qu'ils reconnoissent le Ministere, & les
Sacremens du Papisme, sous prétexte que la
Mitre qu'ils croient absolument nécessaire
à l'essence de l'Eglise, se mêle de ses Ordinations.
[Quel]
Quel triste, quel déplorable sort est le
nôtre ! nous avons vû dans nôtre Patrie
nos Sanctuaires démolis, nos troupeaux
dispersés, nos Pasteurs condamnés à un
éternel Exil. Et dans cet azile, où nous
sommes venus nous mettre à l'abri de la
Persécution, nous trouvons des gens qui
nous contestent nôtre Christianisme, en
nous disputant la Validité de nôtre Batême,
& qui par leurs étranges sentimens,
font en quelque sorte l'Apologie de nos
Persécuteurs. En effet en suivant leur Systéme,
celui qui nous a désolés n'aura pas
persecuté des Chrétiens, il n'aura maltraité
que des gens qui n'avoient pas même
la Livrée du Christianisme. En renversant
nos Temples, il n'aura démoli
que des Edifices où s'assembloient une
troupe de gens sans Foi & sans Batême ;
En chassant nos Pasteurs, il n'aura fait
qu'éxiler un Tas de Fanatiques qui préchoient
sans mission & sans ordres ; Consequences
affreuses du Systéme de ces faux-
freres.
Ce qui nous console, M. F., c'est que
cette Théologie est nouvelle & à quelques
[égards]
égards presque toute chaude de la forge, &
que depuis le commencement de la Réformation
jusqu'au rétablissement de la maison
des Stuarts, on n'en trouve presque
point de trace dans l'Eglise Anglicane ; &
comme Dieu fait croître les Antidotes
dans le même terroir où il fait naître les
poisons, nous avons trouvé dans nôtre
Asyle des défenseurs illustres de la validité
de nôtre Ministère de France, & c'est
avec une extrême Satisfaction que nous
voyons aujourd'hui à la tête de l'Eglise
Nationale de cet Etat, des Archevêques
& des Evêques qui entretiennent & qui
cultivent une Chrêtienne Correspondence
avec les autres Eglises Réformées, & mettent
comme nous, ces emportés qui élargissent
les bréches, au rang de faux Protestants
& de faux Freres.
4. En quatriéme lieu ceux qui se disent
Protestants, & qui néanmoins font
des démarches vers le Papisme sont de
faux Protestants & de faux Freres. Nous
en donnerons ici seulement quelques
Exemples. L'Archevêque Laud, (le Patriarche
de la Faction que nous combatons,
[tons,]
& qui méritoit à bien plus juste titre
l'éloge que le fougueux déclamateur fait
d'un
pieux & sçavant Prélat* ) a soûtenu
dans un Livre
** imprimé, que l'Eglise
Romaine quelque superstitieuse, quelque
Idolatre, quelque impure qu'elle soit, est
une veritable Eglise, & parconsequent
l'Epouse de Jesus-Christ, malgré ses infidelitez
& ses Adultères. Je laisse à vos
réfléxions les consequences qu'on peut tirer
d'un tel principe. Un autre a fait
plusieurs ouvrages pour relever le tribunal
de la pénitence. Un autre enfin (car
nous n'avons pas le loisir d'en donner
d'autres Exemples) pour nous ramener
insensiblement au Sacrifice de la Messe,
a publié un Ecrit pour prouver que
l'Eucharistie étoit un Sacrifice
Propiciatoire.
Faut-il ici, M. F., tant de raisonnemens ?
n'est-il pas clair que ces gens qui s'éloignent
autant qu'ils peuvent des autres
[Com-]
Communions Réformées, & qui font de
telles démarches vers Rome, ne peuvent
être regardez que comme de faux Protestants
& de faux Freres.
5. Nous mettons au nombre de faux
Freres ceux qui ayant tàché d'établir sur le
Trône de cet Etat un Roi Papiste, en faisant
valoir le Dogme de l'Obéïssance passive,
& n'ayant pû y réüssir, se joignent
aux Papistes pour détroner un Roi Protestant
par une Rébellion ouverte. L'Obéïssance
passive étoit un chemin que ce
Parti se frayoit à l'Etablissement de son
Idole sur le Trône de ce Royaume. C'est
dans cette vûë qu'ils insinuoient par tout,
que la Révolution étoit une Rebellion damnable,
que la résistance que cette Nation
employa pour détrôner son Roi, & en
mettre un autre à sa place, étoit un péché
National, qui ne pouvoit être expié
que par une repentance Nationale, & comme
en un tel cas, il n'y a point de repentance
sans restitution, ils faisoient assez
entendre par là que la Nation étoit
indispensablement obligée de restituer la
Couronne à celui qui selon eux en étoit
[le]
le Légitime héritier. Mais ayant pendant
long-tems tenté inutilement d'arriver à
leur but par ces voyes fines & peut-être
trop lentes à leur gré ils ont eu recours
aux
voyes d'éclat, ils ont pris les armes
de concert avec les
Papistes, & imitant
la fureur de ce Perfide
* qui pour satisfaire
son ressentiment, fit entrer dans le
Cœur de l'Empire
Romain les Nations
Septentrionales,
ils ont fait venir du fonds
du
Nord dans le sein de leur Patrie des
bandes excécrables de ces
Montagnards toûjours également altérez des trésors &
du Sang de ce Royaume.
Quel Spectacle affreux s'offre ici à mon
imagination ! Je vois un Royaume florissant
converti en un vaste bucher, où le
[flam-]
flambleau de la discorde civile met le feu
de toutes parts. Je vois de tous côtez
cet état en proye à une armée de Barbares
qui laissent par tout des traces sanglantes
de leur passage. Je vois des tas
de Citoyens qui au lieu de la sepulture
ordinaire, sont ensevelis dans les cendres
& sous les ruines de leurs maisons paternelles.
Je vois cette Ville,
l'œil du Royaume, le
Tresor de
l'Etat, le
rendez-vous
du Monde entier & le
magazin de toutes les
richesses de l'Univers, je la vois ruisselante
du Sang de ses
* Habitants & qui périt
au milieu des flames qui devorent ses
somptueux bâtimens. Je vois des
Compatriotes, & les barbares Soldats
qui n'ont point égard à l'innocence des
enfans dans le berçeau, qui ne respectent
point la foiblesse des vieillards sur les bords
de leur sépulchre, qui ne sont point touchez
des cris des femmes & des filles éplorées,
qui les prient avec larmes d'épargner
au moins leur pudeur. Je vois le Palais
[Royal]
Royal assiegé par une troupe de Conspirateurs
& de Traitres. Ce Roi qu'ils n'auroient
osé regarder en face sur le champ de
Bataille, expirant sous les coups de ces lâches
assassins. Le Prince, la Princesse, leurs
chers & leurs aimables enfans, l'espérance
de nôtre posterité, massacrés par ces
perfides & ces dénaturés qui osent répandre
le sang le plus pur & le plus innocent
du Monde. Je vois l'héritier prétendu
qui animé de rage & de vengeance,
vient s'asseoir sur un Trône usurpé pour
en faire une source éternelle de calamités
publiques, & pour offrir aux Manes
de son Pere suposé, mort dans la destitution
& dans l'exil, comme aussi à ses propres
ressentimens, des Sacrifices affreux
de Sang & de Larmes. Je vois revenir
les jours Sanglans de la cruelle Marie, les
Temples du vrai Dieu remplis d'Idoles,
le Demon qui rétablit son Royaume où
Jesus-Christ avoit rétabli le sien, & pour
comble d'horreur les Jesuïtes, ces pestes
publiques, ces Incendiaires de Sion, ces
Meurtriers des Saints, Je les vois de nouveau
au Timon de l'Etat, & tenant les
[rênes]
rênes de cet Empire ; & vous mes très-chers
Freres, mes freres réfugiez, vous ne seriez plus ;
comme vous êtes les principaux objets de
la fureur du Papisme, vous auriez été ses
premiéres victimes. Voilà un portrait
au naturel des malheurs où cet Etat auroit
été plongé, si Dieu avoit permis que
leur complot & leur soulevement eussent
eu le Succez qu'ils en avoient attendu.
Et qui sont ceux qui travailloient à
rendre ce Royaume un Theatre de Confusion
& de Desordre, à joncher nos Campagnes
de Cadavres, à bruler nos Villes,
à renverser le Trône de cet Etat, assassiner
nos Princes, éteindre la Maison Royale,
ramener avec un Roi Papiste le Papisme
& la Tyrannie ? ne sont-ce pas ces
bons Protestants & ces scrupuleux Chrêtiens,
qui ont pendant une si longue suite d'années
enseigné ces pacifiques Doctrines de
la Non-résistence & de l'Obeïssance Passive illimitée
& sans bornes ? Quelle Metamorphose,
quelle infame, quelle monstreuse
Contradiction !
Partisans de cette Obeïssance Passive, aujourd'hui
convertis en Rebelles déclarés, il
[n'y]
n'y a point de milieu ; il faut que vous
avouïez que lorsque vous enseigniez ces
Doctrines Serviles, vous étiez des fourbes
& des Hypocrites, qui agissiez contre les
sentimens de vôtre Cœur & les lumiéres
de vos Consciences, ou qu'en violant
aujourd'hui ces Principes par une Rebellion
d'éclat, vous vous êtes rendus coupables
d'un peché damnable ; vous vous êtes
vous-mêmes précipités dans l'Enfer.
Il y a des cas où l'on peut sans crime
résister au Prince qui gouverne, comme
par exemple, dit un grand Evêque,
* lorsque le Prince veut soûmettre son Royaume
à une puissance étrangere, ce qui
est le cas d'un Roi
Papiste qui ne manqueroit
pas d'assujetir cet Etat à l'Autorité
du Pape, ou lors qu'il change la forme
du gouvernement, tâchant d'introduire une
Monarchie absoluë à la place d'une Monarchie
limitée, ou enfin lors qu'il viole
les Loix établies par le commun consentement
du Prince & du Peuple.
[Re-]
Rebelles, ce Prince contre qui vous
vous êtes soulevez, s'est-il rendu coupable
de quelcun de ces Articles ? Depuis
le moment que son Droit & l'invitation
des Grands & du Peuple l'ont porté sur
le Trône, a-t-il violé quelque Loi ? a-t-il
usurpé quelque Privilège ? maitre de son
Cœur & de ses Passions, dans la vûë de
les faire mieux exécuter, n'a-t-il pas été
le premier esclave des Loix ?
Il y a aparence que comme le Caractère
emprunté est génant, vous vous êtes
lassé du masque vous avez pris ; vous
avez voulu paroître dans vos couleurs
naturelles ; vous avez quitté le tître de
faux Freres, pour prendre celui de nos
ennemis déclarés. En effet à vous voir
marcher sous les mêmes drapeaux que les
Papistes pour détroner un Prince Reformé,
vous prendra-t-on pour Protestants ? Une
Conféderation avec ces Idolatres pour
mettre le Sceptre de la Grande-Bretagne entre
les mains du Papisme, n'est-elle pas
une Abjuration Authentique de nôtre
Sainte Religion ? Nous nous rétractons
donc, parce que vous vous êtes rétractez
[tez]
en résistant & en prenant les armes
contre le Prince qui gouverne. Vous
n'êtes plus de faux Freres ; vous êtes de
véritables Papistes.
6. En sixiéme & dernier lieu, ces Sujets
qui après avoir juré une Fidelité inviolable
à leur Prince se revoltent, &
prennent les armes contre lui, sont des
Perfides, des Parjures, & par conséquent
dans le sens le plus aggravant, & le plus
odieux, ce sont de faux Freres. On scait
que les chefs de la Rebellion avoient prêté
au Roi serment de Fidelité, & renoncé
à la Personne & aux Interêts du Prétendant
par un formulaire d'Abjuration le
plus fort, le plus exprès, & le plus solemnel.
Au sortir de ce Serment, ils
vont conspirer contre le Prince, & tramer
son Détronement & sa Mort, quelle
Aggravation d'Impieté ! quel comble de
Perfidie & d'Horreur !
Il est vrai qu'on avoit pû s'apercevoir
auparavant que le parjure étoit essentiel
à leur parti, ou du moins la livrée de
leur Faction : Car qu'étoient les Protestations
[tions]
d'Innocence que la trompette de la
Cabale fit aux pieds du plus auguste Tribunal,
& à la face de Sa Souveraine ?
qu'étoit-ce qu'une longue Suite de faux
Sermens ? qu'étoit-ce que la Désertion de
leur Général, lors qu'il abandonna l'Armée
Conféderée, qu'une Brêche, qu'il
fit à des Promesses confirmées par le sacré
Nom de Dieu ? Qu'étoit-ce en un
mot que la Paix d'Utrecht, qu'un tissu de
Parjures, puis qu'on y viola une infinité
d'engagemens, qu'on avoit pris avec les
Alliés sur la foi des Sermens les plus Solemnels ?
A quels Périls n'étions nous donc pas
exposez parmi ces faux Freres ? à quelle
Désolation ne devions nous pas nous attendre
de la part de ces gens sans foi, &
sans loi, si un Succez dont leur Cause n'étoit
pas digne ; mais digne de nôtre Corruption,
eût Couronné leur audace, &
leur Rebellion.
Mais ce Dieu qui ne tient point pour innocent
celui qui prend son nom en vain , n'a
pas voulu laisser impuni le Parjure de ces
Perfides. Ce Dieu qui ne se lasse jamais
[de]
de faire du bien, même à ceux qui ne
répondent à ses bienfaits que par l'Ingratitude
la plus énorme, a voulu donner à cette
ingrate Nation de nouvelles marques
de sa paternelle Tendresse. Ouï c'est l'Eternel
qui nous a sauvé. C'est lui qui est
le Rocher de nôtre Délivrance.
Pour peu qu'on y fasse Attention, on
ne pourra que voir dans ce grand évenement,
les Caractères visibles de la main
de Dieu. La Conspiration découverte si
heureusement, & si à propos ; quelques-
uns des principaux chefs surpris & emprisonnez
à la veille d'un soulevement considerable,
l'inaction Forcée d'un Prince voisin,
que des raisons d'état empêchoient
de sécourir puissamment & à découvert,
ses bons amis, l'évasion d'un General intimidé,
qui par un noble Effort de son
Courage aima mieux fuïr, que de demeurer
ici pour se mettre à la tête du parti
rebelle, & qui après avoir deserté nos
Alliez en Flandre, a déserté ses amis en
Angleterre. l'Armée des Traitres batuë
en Ecosse par une Armée inferieure. Et
ô Prodige ! le même jour leur Armée
[d'An-]
d'Angleterre faite prisonniere, dans une
Ville où ils auroient pû se deffendre, si
Dieu & leur Conscience ne leur en eut
ôté la Résolution. L'Heureux débarquement
des Troupes auxiliaires précisément
dans le tems qu'on en avoit bésoin. L'Arrivée
du Prétendant après la double défaite
de ses Partisans, & dans le tems qu'il
n'étoit plus en état de remédier à leur
Consternation : Sa fuïte précipitée dans
son ancien azyle ; Le bonheur rapide de
cette Expédition sans aucun Mélange de
mauvais Succez ; L'assemblage de tant de
Circonstances si avantageuses, ne peut
être que l'effet d'une Providence particuliere,
& l'ouvrage de l'Eternel nôtre Dieu.
Rendons lui en Graces, & redoublons
pour les Sentimens de nôtre reconnoissance.
A tout moment, & en tous
Lieux nous devons lui en marquer nôtre
Gratitude. Sommes nous dans le Temple ?
nous devons bénir Dieu, qui par cette
délivrance nous conserve le libre exercice
de nôtre Sainte Religion, qu'un Gouvernement
Papiste nous auroit ravi. Sommes
nous dans nos maisons, nous devons
[bénir]
bénir Dieu qui par cette délivrance, nous
laisse vivre paisiblement dans ces tranquilles
Domiciles, que le Papisme nous eut
contraint d'abandonner par le Suplice, ou
par la fuite. Regardons nous nos Enfans ?
nous devons bénir Dieu qui par cette délivrance
les a arrachés des mains de ces
Prêtres de Baal, qui déja les regardoient
comme leurs Victimes. Jouïssons nous
des douces influences d'un Heureux Gouvernement ?
Nous devons bénir Dieu qui
par cette délivrance a maintenu, & même
affermi sur le Trône de ce Royaume
le plus juste, le plus Sage des Rois.
*
Dieu veuïlle combler cet AUGUSTE
PRINCE, & TOUTE SA MAISON
ROYALE de ses plus prétieuses Bénédictions :
Dieu veüille être comme une
Muraille de Feu, autour de sa Personne
Sacrée, pour le mettre Egalement à couvert
de la Violence de ses Ennemis, &
[de]
de la Perfidie des faux-freres. Dieu veüille
le bénir par nôtre Obéïssance, & nôtre
Piété. Dieu veüille nous benir nous mêmes
par la Sagesse de son Administration,
& la bonne Odeur de ses exemples.
Amen.
*Eclaircissement sur la pag. 22.
SOUS le Rêgne d'ELIZABETH la Convocation
taxoit le Clergé, & l'on voit dans
les Historiens de ce tems-là, que dans leurs
Synodes ou Convocations, les Ecclesiastiques
qui en étoient membres, & qui representoient
le Corps de l'Eglise Anglicane, levoient sur le
Clergé des Impôts très considerables, pour mettre
cette grande Reine en état de secourir les
Protestants de France, comme aussi ceux d'Ecosse
& des Païs-Bas. L'année cinquiéme du Rêgne
de cette Princesse, ils lui accorderent un
Subside de six Schellings par Livre sur leurs revenus,
afin qu'elle pût venir à bout du genereux
Dessein qu'elle avoit entrepris d'assister les Réformés
d'Ecosse contre leur Reine, & faire finir
la Persecution qu'on faisoit aux Protestants de
France. Ce trait d'Histoire doit couvrir de confusion
des gens de ce même Caractère, qui murmurent
de ce qu'on leur fait paier aujourd'hui
quatre Schellings par Livre, non pour soutenir
la Reformation dans le païs étranger, mais pour
[la]
la maintenir dans le Païs même de leur naissance.
Qui ne s'écrieroit ici. O Domus antiqua,
quam dispari Domino Dominaris !
Le 35. du même Rêgne ils lui accorderent un
gros Subside pour les mêmes raisons. Voiez
Stow. & Sam. Johnson pag. 81. de ses ouvrages.
In fol. & ailleurs.
Il est à remarquer que ces Prélats qui Suplierent
cette Reine de secourir des Peuples oprimés
étoient les mêmes qui composerent les Homelies
de l'Eglise Anglicane : d'où il est aisé de conclure
qu'on ne doit pas prendre les passages des Homelies
qu'on cite, pour soutenir l'Obéïssance passive,
dans le sens que lui donnent les partisans de ces
Doctrines Serviles : autrement, ces Prélats se seroient
contredits grossiérement eux-mêmes.
FIN.