LES TRIOMPHES 
DE 
SAINT PAUL. 
SERMON Sur ces Paroles de la II. aux 
Corinth. Ch. II. v. I4. 
 
  Graces à DIEU, qui nous fait toûjours 
triompher en JESUS-CHRIST . 
  
 LEs Triomphes des premiers EXORDE. 
Prédicateurs de 
l'Evangile , sont interessans 
pour tous les  
Chrêtiens ; il est bien 
digne de nôtre attention de considerer 
leurs combats, leurs travaux, le 
succès de leur Ministere. Par -là 
nous apprenons l'idée que nous devons 
nous former de leur zèle & de 
[leur] 
  
leur vertu : Par-là nous voyons quels 
modeles il faut imiter : Par-là, surtout , 
nous voyons ce que la Providence 
divine a fait pour eux, & pour 
nous , & les graces que nous avons 
 DIVISION. à lui rendre. Considerons donc aujourd'hui 
les Triomphes glorieux de 
Saint Paul, en JESUS-CHRIST ; ce 
sera nôtre premier Point : Faisons voir 
ensuite combien il avoit de sujets d'en 
rendre graces à Dieu ; c'est nôtre second 
Point.   Graces à Dieu, dit-il, 
 qui nous fait toûjours triompher en 
JESUS-CHRIST . 
  
Les Triomphes de St. Paul, les Sentimens 
de gratitude qu'il en exprime, 
sont donc tout le plan de ce Discours, 
& le sujet de vôtre attention.
   
 PREMIER POINT. 
  
 Ennemis 
de Saint 
Paul. CHRIST est venu pour détruire 
les œuvres du Diable : Ces œuvres, 
ce sont les ténébres qu'il avoit répanduës 
dans les Esprits : L'ignorance & 
la superstion dans lesquelles les hommes 
étoient enveloppez : Ce sont encore 
les vices dans lesquels il les avoit 
engagez par sa seduction puissante : 
[Ce] 
 
Ce sont les miseres de la vie, la crainte 
des souffrances & de la mort, qui 
retenoient les hommes assujettis à la 
servitude. Enfin c'est le trouble, l'agitation 
de la conscience, une juste 
frayeur des jugemens d'une Divinité 
irritée. C'étoient là les ennemis que 
JESUS avoit eu à combattre & à 
vaincre ; c'étoient encore les ennemis 
de St. Paul : C'est d'eux qu'il a triomphé 
en JESUS-CHRIST.
  Avec quelles armes St. Paul détruisoit-il 
Les armes 
                            
de St. Paul. des ennemis si redoutables ? 
Par quel moyen cet Apôtre en a-t-il 
pû triompher ? 
 Ces armes n'étoient point  
                                 
                                    II. Cor. ch. 
X. 
                                    ꝟ. 4-5. 
                             
 charnelles ; mais c'étoient les armes de 
DIEU, propres à vaincre les malices spirituelles 
dans les lieux celestes, puissantes 
pour renverser toute hauteur & toute 
forteresse  : Ces armes, en un mot, 
c'étoit la doctrine de son Maître : 
c'étoit les miracles qu'il operoit : c'étoit 
ses travaux inouïs & infatigables; 
c'étoit son intrepide patience dans les 
afflictions ; c'étoit l'exemple de foy & 
de vertu qu'il produisoit en tous lieux. 
Voilà avec quoi, il fait descendre l'erreur 
de dessus le trône, il donne la 
mort au peché, il chasse le Demon 
[jus-]   
jusques dans l'abyme ; c'est par-là 
qu' il triomphe en JESUS-CHRIST .
  
 Il triomphe 
par sa 
doctrine. Par la doctrine qu'il prêche, il détruit  
toutes les œuvres du Diable : 
A cette lumiere cedent sans peine les 
ténébres du Paganisme , les erreurs 
dangereuses des Docteurs Juifs : Ces 
divins preceptes changent les cœurs , 
en arrachent le peché, y rétablissent 
le regne de la vertu :  Cette Loi de grace 
brise l'éguillon du Sepulchre, & affranchit 
les ames de la mort   : Enfin, cette 
doctrine de paix éleve la misericorde 
par  dessus la condamnation   ; nous montre 
la face de DIEU apaisée, la foudre 
qui tombe de ses mains, & le 
pardon accordé à tous les mortels. 
Armé de cette lumiere, de ces leçons 
& de ces promesses, St. Paul peut vaincre 
ses ennemis & en triompher glorieusement.
  
 Par les miracles. Les miracles de St. Paul sont aussi 
des armes auxquelles on ne pouvoit 
résister. Quand on le voyoit guerir  
des maladies , chasser les Demons , 
surmonter le venin des Serpens, resusciter 
les morts, pouvoit-on douter 
de l'excellence de son caractere, 
de l'importance de sa mission, de la 
[divi-] 
 divinité de sa doctrine ? Le pouvoir 
étonnant dont cet Apôtre étoit revêtu 
attiroit l'admiration de tous les 
spectateurs, prévenoit tous les Esprits, 
& l'on ne pouvoit refuser de croire, 
ce que prononçoit une bouche, dont 
la seule parole disposoit de toute la 
nature. C'est là ce qui donnoit du 
poids aux véritez, aux préceptes, aux 
promesses de la Religion qu'il annonce. 
Ecoutez-le lui-même comme il 
en parle : 
 Je n'oserois rien dire que   
                                 
                                    Rom. ch. 
XV. ꝟ. 
                                    I8. 
I9. 
                             
 CHRIST n'ait fait par moi par paroles, 
par œuvres, pour amener les Gentils 
à l'obeïssance , avec la vertu des signes 
& des miracles, & par la puissance de 
l'Esprit de DIEU ; tellement que depuis 
Jerusalem & les lieux circonvoisins jusques 
en l'Illyrie, j'ai fait abonder l'Evangile 
du Seigneur . C'est ainsi que 
cet Apôtre Triomphoit de toutes choses 
en JESUS-CHRIST.
   
Disons aussi que le principal instrument Par ses 
                            
travaux 
inouïs. 
de son triomphe , c'étoient les 
travaux qu'il soutenoit pour la cause 
de l'Evangile. A cet égard il ne se 
donnoit aucun relâche : Il travailloit 
jour & nuit pour faire  des esclaves de 
la Justice , des captifs de JESUS-CHRIST  : 
[Il] 
 Il alloit de lieu en lieu, prêchant, enseignant, 
éxhortant, portant par tout 
le flambeau de l'Evangile ; afin d'éclairer 
tout le monde. Dès qu'il a formé 
dans une Ville une Pépiniere de 
Chrêtiens, il la quitte aussi-tôt pour 
aller prêcher dans une autre. Persuadé  
 
                             
                                Matth. ch. 
XIII. ꝟ. 
                                
32. 
                          que ce petit grain germé produiroit 
bien-tôt un grand arbre : Que cette divine 
  
                                 
                                    Luc ch. 
VIII.ꝟ. 
                                    12. 
                             semence produiroit le soixante & le 
cent pour un , il se contentoit de jetter 
le premier fondement de l'édifice, 
& abandonnoit le soin de la construction 
aux autres Ouvriers. 
 Je me 
  
                                 
                                    Rom. ch. 
XV. ꝟ. 
                                    20 
                             suis, dit-il, attaché avec affection à 
annoncer l'Evangile, là où CHRIST n'avoit 
pas été encore prêché ; afin que je 
n'édifie pas sur un fondement qu'un autre 
auroit posé ; mais selon qu'il est écrit; 
Ceux à qui il n'a point été annoncé le 
verront, & ceux qui n'en ont point ouï 
parler l'entendront .
 On ne sçauroit 
mieux marquer tous les travaux de 
St. Paul qu'il les exprime lui-même.  
 
                             
                                11. Cor. ch. 
II. ꝟ. 
                                26. 
&c. 
                          J'ai souffert plus de travaux que tous ; 
 j'ai reçu beaucoup plus de coups ; j'ai été 
plus souvent en prison ; j'ai été plus exposé 
à la mort ; j'ai reçû des Juifs cinq 
fois tente-neuf coups de fouët : J'ai été 
[ battu ]   
 battu de verges par trois fois ; j'ai été 
lapidé une fois ; j'ai fait trois fois naufrage ; 
  j'ai passé un jour & une nuit 
dans la Mer : Dans mes voyages, j'ai été 
souvent exposé à des perils de rivieres , 
à des perils de voleurs, à des perils de 
la part des Juifs & des Gentils, à des 
perils dans les Villes, dans les Deserts, & 
du côté des faux freres : J'ai souffert des 
travaux & de grandes peines ; j'ai passé 
les nuits sans dormir ; j'ai été dans 
la faim & dans la soif ; j'ai souvent 
jeuné ; j'ai été exposé au froid, faute 
d'habits : Outre ce qui me vient du dehors, 
je suis assailli tous les jours du soin 
de toutes les Eglises : Laquelle d'entr'elles 
est affligée sans que je sois aussi affligé ? 
Laquelle vient à tomber sans que je sois 
moi-même brûlé ? 
  
Tels sont les mouvemens que St. 
Paul se donne : Tels les travaux qu'il 
soutient pour la cause de JESUS- 
CHRIST. Quand on combat avec 
cette ardeur , ce courage , cette vigilance , 
rien ne sçauroit resister. C'est 
ainsi qu'il triomphoit en toutes choses 
en JESUS-CHRIST..
  
Ce n'étoit pas seulement par ses travaux Par sa 
                            patience 
dans les afflictions. 
infatigables que St. Paul triomphoit, 
[phoit,] 
 c'est encore par son intrepide 
patience dans les afflictions. Pouvoit-on 
voir ce Hérault de l'Evangile persecuté, 
chargé de chaines, prêt d'être 
repandu en sacrifice, & cependant toûjours 
ferme & inébranlable dans la vérité, 
sans admiration, & sans respect ? 
La même patience qui triomphe des 
maux de la vie, triomphe aussi des 
erreurs & de la corruption du cœur 
humain. Aussi l'effet surprenant de 
ses chaines les a renduës renommées 
& désirables. Ecoutez à cet égard 
les sentimens de St. Chrysostome. 
 Si 
  
                                 
                                    St. Chrysostome, 
Hom. 
8 
                                     sur l'Epit. 
aux Eph. 
                             quelcun me laissoit le choix ou d'être élevé 
dans le Ciel avec les Anges, ou d'être 
le Compagnon de St. Paul dans ses 
chaines, je choisirois de bon cœur ses chaines 
& sa prison. Ce sont ces chaines 
que les Demons regardent avec crainte 
& tremblement, & que les Anges considerent 
avec respect. Je n'estime pas St. Paul 
si heureux pour avoir été élevé dans 
le Paradis, que pour avoir été mis en 
prison. Je ne l'estime pas si heureux pour 
y avoir ouï des paroles inénarrables, que 
pour avoir été chargé de chaines .
  C'étoient 
aussi là les idées que St. Paul 
avoit sur ses souffrances. 
 Je me glorifierai 
[ rifierai ]   
 plus volontiers, dit-il, dans mes   
                                 
                                    II. Cor. ch. 
12. 
                                    ꝟ. 9-
10. 
                             
 afflictions ; afin que la puissance de JESUS-CHRIST 
demeure en moi. C'est 
pour cela que je me plais dans les souffrances , 
dans les affronts , dans les miseres , 
dans les persecutions pour CHRIST; 
 parce que quand je suis foible , c'est alors 
que je suis fort. 
 C'est ici un Soldat 
tout extraordinaire : On l'accable de 
blessures, on le charge de chaines, & 
par là on assure sa victoire ; il est lié ; 
mais la parole du Seigneur a un cours  
 libre & rapide  : Elle se déborde comme 
un Torrent impetueux, arrêté par 
une foible digue. C'est en vain qu'on 
prétend opprimer cette parole par la 
violence des tourmens, on lui fournit 
au contraire de nouvelles armes 
pour triompher. Semez les cendres 
des Martyrs ; il en naîtra un peuple 
de Chrêtiens, qui couvrira toute la 
Terre. 
 Les souffrances qui me sont arrivées, 
dit St-Paul, ont été pour un   
                                 
                                    Ph. ch. I. 
ꝟ. 
                                        13.14. 
                                 
                             
 plus grand avancement de l'Evangile: 
 Mes liens en JESUS-CHRIST sont devenus 
célebres dans tout le Prétoire, & 
par tous les autres lieux ; en sorte que 
plusieurs rassurez par mes chaines parlent 
avec plus de hardiesse de la parole 
[ role ]   
 du Seigneur . Tel est l'effet de 
la patience de St. Paul : Telle est la 
maniere dont il triomphe en JESUS-CHRIST.
  
 Par le bon 
exemple 
qu'il fournissoit 
aux 
hommes. Enfin, disons que St. Paul triomphoit  
par son exemple. Il étoit l'imitateur 
de son Maître : Même zèle 
pour la verité : Même charité pour les 
hommes : Même patience dans les afflictions. 
Par-tout il faisoit paroître 
sa foi, son amour pour CHRIST : 
Il aimoit ses freres jusqu'à vouloir être 
  anathême pour eux . Son cœur s'étendoit 
pour loger toutes les Eglises. Sa 
pureté, son humilité devoit charmer 
tous ceux qui le voyoient , ou qui en 
entendoient parler. Comment resister 
à tant de vertus ? Aussi à sa seule présence 
les Demons abandonnent la place :
    
                             
                                Ps.LXVIII. 
ꝟ 
                                I. 
                          Le camp des ennemis épars , 
Epouvantez de toutes parts , 
Fuyent devant sa face .
   Il étoit comme le Temple de DIEU,  
 
                             
                                St. Chrysost. 
Hom. 8. 
                          la bouche de JESUS-CHRIST, la Lyre du 
St. Esprit. Il arrachoit par son exemple 
les épines du peché, & fortifioit les 
semences de la Pieté par toute la Terre . 
C'est ainsi que cet Apôtre triomphoit. 
[C'est]   C'est en JESUS-CHRIST que St. Paul 
St. Paul 
                            
triomphe 
en JESUS-CHRIST : 
c'est-à-dire, 
que son 
triomphe 
est spirituel, 
                            & regarde 
l'Evangile. triomphoit. Par-là il nous marque 
la nature de son combat, & de 
son triomphe. Ce n'étoit point une 
guerre selon le monde ; mais elle étoit 
selon DIEU : 
 Le regne de JESUS-CHRIST 
étant spirituel & celeste, il n'a point de 
Soldats charnels & terrestres ; ses ennemis 
sont les malices spirituelles . Ce sont 
des combats de cette nature qu'on a 
à soûtenir contr'eux. Que le mensonge 
se serve du fer & du feu pour 
s'établir, à la bonne heure ; mais la 
verité méprise ces indignes secours. 
St. Paul n'a point de forces mondaines, 
point d'armées à sa solde pour 
le soûtenir ; lui-même il est foible ¦& 
méprisable en apparence : 
 Son homme   
                                 
                                    II. Cor. ch. 
V. 
                                    ꝟ. 23. 
                             
 extérieur tombe par pièces : La mort se 
déploye en son corps : Il est pauvre : mais 
il enrichit plusieurs : Il est foible ; mais 
il fortifie tout le monde  : Il est dans les 
souffrances ; mais il console & rejouït : 
Il est la proye de la mort ; mais il 
donne la vie éternelle : Hors de JESUS-CHRIST, 
c'est un vil & méprisable 
artisan ; mais en JESUS-CHRIST, 
c'est un homme qui a une sorte de 
toute-puissance, que rien n'arrête, qui 
[est]   
est invulnerable, invincible ; il triomphe 
toûjours en JESUS-CHRIST.
  
 Il triomphe 
en 
JESUS-CHRIST : 
c'est-à-dire 
par le 
                            
secours de JESUS-CHRIST. Disons sur-tout, que cette expression, 
en JESUS-CHRIST signifie, que 
c'est par le secours de ce divin Sauveur 
que St. Paul a remporté toutes 
ses victoires. C'est en effet de JESUS 
qu'il tient cette excellente doctrine, 
si propre à éclairer les esprits & à 
changer les cœurs. C'est de lui qu'il 
a reçû le pouvoir de faire des miracles ; 
privilège si glorieux, & si efficace 
pour la conversion des hommes : 
C'est de lui qu'il a reçû ce courage 
dans les fatigues de son Ministere , 
cette constance dans les afflictions : 
C'est de son exemple enfin , qu'il a 
apris toutes les vertus qui le rendent 
aprouvé de DIEU & des hommes. 
Sans JESUS-CHRIST il ne pouvoit 
rien ;  Mais il peut toutes choses en 
CHRIST qui le fortifie. C'est JESUS 
qui domte ses ennemis avec un Sceptre 
de fer, qui lie Satan sous ses pieds  ; 
qui du haut du Ciel l'excite & l'encourage, 
qui bénit, qui fait succeder 
tous ses travaux ; Il est donc vrai 
qu' il triomphe par JESUS-CHRIST .
  
 St. Paul triomphe Le triomphe de St. Paul est perpetuel : 
[tuel :] 
 Ce n'est pas dans un seul combat , 
toûjours, 
                            
c'est-à-dire, 
qu'il ne 
cessoit de remporter 
des victoires. qu'il surmonte ses ennemis, il 
triomphe toûjours , comme il le dit 
dans nôtre Texte ; Et ici permettez- 
moi de citer un beau passage de St. 
Chrysostome, le grand admirateur de 
 
                             
                                St. Chrysostome, 
Hom. 21. Sur la 
II. aux 
                                Cor. 
                         S. Paul. Après 
avoit dit que 
 cet Apôtre 
avoit plus de puissance que les Rois , plus 
d'or & d'argent que les personnes les plus 
riches , plus d'éloquence que les Orateurs : 
Que n'ayant rien il possedoit toutes choses , 
que son ombre garentissoit de la mort, 
que ses vêtemens bannissoient les maladies , 
& qu'il a élevé des trophées glorieux 
jusques dans la Mer  ; Voici comme 
il parle de ses travaux, & de ses 
triomphes continuels : 
 En qualité de 
très-excellent Medecin, de Pere commun, 
de deffenseur de tous les hommes, S. Paul 
faisoit toutes les choses imaginables. Il 
prenoit un soin universel de toutes sortes 
de personnes , ôtant tous les obstacles de 
leur salut , reprimant ceux qui étoient 
corrompus par la contagion des vices, & 
courant de toutes parts. Car ce n'étoit 
point en combattant qu'il terminoit un 
si grand nombre d'affaires ; mais comme 
s'il eût toûjours eu la victoire entre les 
mains, il élevoit des trophées , ruïnoit , 
[ démo.]   
 démolissoit, & renversoit toutes les machines 
& les forteresses du Demon, & 
faisoit entrer tous les hommes dans le 
Camp de JESUS-CHRIST : Ne se 
donnant aucun relâche, ni aucun moment 
de tems pour respirer , il n'y avoit 
aucun jour , ou pour mieux dire aucune 
heure dans le jour, où cet invincible General 
d'armée ne remportât quelque glorieuse 
victoire. Dès qu'il avoit ouvert 
la bouche, ses paroles entroient dans l'ame 
de ses adversaires avec plus de vehemence, 
& plus d'ardeur que les flammes 
les plus actives : Et en chassant les 
Demons il faisoit revenir à lui ceux qui 
en étoient possedez. Ce grand Apôtre, 
qui avoit la conduite de tout le Monde, 
comme si ce n'eût été qu'une seule armée, 
ne se reposoit nulle part, & agissoit 
avec autant de promptitude que s'il 
eût des ailes. Tantôt il guerissoit un 
boiteux, tantôt il ressuscitoit un mort. 
Lors-qu'il est enfermé dans une prison. 
il ne se relâche pas de son activité ordinaire, 
& c'est là qu'il attire le Geolier 
même à son parti & qu'il se fait 
l'Auteur d'une captivité glorieuse. Il 
étoit affligé en chaque membre de l'Eglise, 
comme s'il eut été lui seul toute 
[ l'Eglise ] 
 
 l'Eglise universelle, & il en a plus engendré 
à DIEU que pas un des autres 
Apôtres . Après cela n'a-t-il pas raison 
de dire ;  Nous triomphons toûjours 
en JESUS-CHRIST    ? 
  
Enfin, disons que St. Paul triomphe Il triomphe 
                            toûjours, 
c'est-à-dire, qu'il triomphe 
encore 
après sa 
mort & 
                            triomphera 
jusques 
à la fin des 
siecles. 
toûjours ; non seulement à cause 
des victoires continuelles qu'il a remportées 
pendant sa vie ; mais aussi à 
cause qu'il triomphe encore après sa 
mort, & qu'il triomphera jusques à 
la fin des siecles. Les quatorze Epîtres 
que nous avons de lui renferment 
encore toutes ces armes victorieuses. 
Nous ne nous en servons pas à la 
verité, avec la même adresse, & le 
même succès ; mais si nous triomphons, 
c'est toûjours par leur Ministère. Toutes 
les Eglises qui ont lû, respecté, 
suivi les leçons de ces divines lettres, 
sont autant de trophées à St. Paul. 
Tant que l'Eglise Chrêtienne subsistera, 
ce sera une matiere de triomphe 
pour cet Apôtre ; & comme on n'en 
verra jamais l'entiere destruction, il 
a raison de dire :  Nous triomphons 
toûjours en JESUS-CHRIST . 
  
Tant de succès accordez au Ministère 
de St. Paul ; tant de sujets de 
[gloi-] 
 
gloire & de triomphe meritent bien 
d'immortelles actions de graces. Aussi 
St. Paul ne peut-il retenir ses transports 
& les mouvemens de sa reconnoissance : 
Le voici qui s'écrie dans 
nôtre Texte :  Or graces à DIEU qui 
nous fait toûjours triompher en JESUS- 
CHRIST  .
    
 SECOND POINT.
  
Saint Paul exprime ici les sentimens 
de reconnoissance qu'il a des triomphes 
continuels qu'il remporte. Il 
semble d'abord que c'est à JESUS- 
CHRIST qu'il devroit les témoigner; 
puis-que c'est en lui & par lui qu'il 
triomphe : Cependant c'est à Dieu 
qu'il s'adresse :  Graces à Dieu, dit-il, 
 qui nous fait toûjours triompher en JESUS- 
CHRIST  .
   St.Paul adresse 
ses 
actions de 
grace à 
DIEU, plûtôt 
qu'à 
                            JESUS-CHRIST, 
& pourquoi. La raison de cela est, que DIEU 
& JESUS-CHRIST ont les mêmes 
vûës, les mêmes sentimens, & la même 
volonté pour ce qui regarde l'établissement 
& la protection de l'Eglise : 
Ici ils agissent toûjours de concert.  
 Le Fils ne fait rien qu'il ne le 
  
                                 
                                    S. Jean ch. 
X. 
                                    ꝟ. II. 
                             voye faire au Pere,
 & le Pere lui montre 
[ tre ]   
 toutes ses œuvres. 
 Il donne la vie 
à ses brebis  : Personne ne les enleve ;  
parce que le pere & lui ne sont qu'un .  
Ainsi l'on peut dire, que c'est par le 
secours de Dieu que St. Paul triomphe : 
Et il a raison de lui en rendre 
graces. D'ailleurs dans l'œconomie du 
salut , le Pere est regardé comme la 
source & l'Auteur de tous les biens.  
 Quand le Fils laisse sa vie pour les   
                                 
                                    S. Jean ch.
 XII. 
                                    ꝟ. 49. 
                             
 hommes, c'est qu'il a reçû ce commandement 
de son Pere . Il proteste hautement 
à cet égard que le Pere est 
plus grand que lui. Il lui rend lui-même 
 
                             
                                Luc ch. II. 
ꝟ. 
                                28. 
                         des actions de graces. S. Paul 
n'a-t-il pas raison de se conformer à 
cet exemple ? C'est pour cela qu'il dit  
dans nôtre Texte : 
 Or graces à DIEU, 
qui nous fait toûjours triompher en JESUS- 
CHRIST .
   
Rien n'est plus juste que cette reconnoissance : Justice de 
cette reconnoissance. 
Nôtre propre cœur nous 
dicte l'équité de ce devoir : Il est établi 
sur des raisons invincibles, qui 
sont trop connuës pour entreprendre 
de les détailler. Marquons plûtôt celles 
qui peuvent rendre S. Paul si sensible 
à la gloire de ses Triomphes, & 
qui le portent à s'écrier :  Graces à 
[ DIEU ] 
 
 DIEU qui nous fait toûjours triompher 
en JESUS-CHRIST  . 
  
 L'on doit 
rendre grace 
quand 
on réüssit 
dans un 
dessein 
                            important. Qu'y a-t-il, en premier lieu, de plus 
naturel que d'être charmé de l'heureux 
succès d'une entreprise ? Quand nous 
avons formé quelque dessein, nous ne 
le voyons point traverser sans peine, 
échoüer sans affliction ; sur-tout si cette 
entreprise est juste , raisonnable , 
& avantageuse. Alors le succès en est 
toûjours agréable & glorieux. Telle est 
l'entreprise de S. Paul. Il s'agit 
de perfectionner les hommes, de les 
rendre heureux dans cette vie & dans 
l'Eternité : Peut-il voir le succès de 
ses discours, de ses travaux, de sa 
patience sans une extrême joye, sans 
une tendre reconnoissance pour ce 
  DIEU qui donne le vouloir , le parfaire, 
& l'accroissement  ? Il a donc raison de 
dire dans nôtre Texte :  Graces à DIEU 
qui nous fait toûjours triompher en JESUS-CHRIST. 
  
Mais s'il n'y avoit que la simple satisfaction 
de réüssir, ce seroit peu de chose 
pour S. Paul : Sa reconnoissance 
est fondée sur de plus nobles idées. 
Le zèle pour la gloire de DIEU, l'amour 
pour JESUS-CHRIST, la charité 
[rité] 
 
pour les hommes, la gloire qu'il 
en retire lui-même, c'est là ce qui 
le rend sensible à ses Triomphes. C'est 
ce qui l'oblige à en rendre de publiques 
actions de graces.
  En effet, la gloire de DIEU étoit 
Le zèle 
pour la 
                            
gloire de 
DIEU anime 
la reconnoissance 
de S. Paul très-interessée aux Triomphes de S. Paul. 
On peut dire qu'elle étoit deshonorée 
par les fausses idées que les 
hommes avoient de sa nature, de ses 
perfections ; Par le culte insensé qu'ils 
lui rendoient, & sur-tout par les vices 
honteux dont-ils s'étoient rendus 
coupables : Ainsi rectifier ces idées, 
apprendre à connoître Dieu, & à le 
servir selon sa volonté , retracer son 
image dans les cœurs, c'étoit travailler 
pour sa gloire. Aussi J. CHRIST 
disoit-il à ses Disciples : 
 En ceci mon   
                                 
                                    S. Jean ch. 
XV. 
                                    ꝟ. 9. 
                             
 Père est glorifié, que vous portiez beaucoup 
de fruit  : Et JESUS sur la fin de 
ses travaux disoit : 
 Pere je t'ai glorifié   
                                 
                                    S. Jean ch. 
XVII 
                                    ꝟ. 2. 
                             
 sur la terre. St. Paul se trouve dans  
le même cas : Sensible aux interêts de 
la gloire de ce grand Dieu, travaillant 
à l'avancer de tout son pouvoir, 
il ne sçauroit remarquer le succès de 
son entreprise sans plaisir & sans une 
vive reconnoissance ; c'est pour cela 
[qu'il]   
qu'il s'écrie :  Graces à DIEU qui nous 
fait toûjours triompher en J. CHRIST . 
   L'amour 
qu'il a pour 
J. CHRIST 
est un autre motif 
à sa 
                            reconnoissance Je dis ensuite que c'est l'amour qu'il  
portoit à JESUS-CHRIST qui le rend 
si sensible à ses Triomphes. En effet, 
S. Paul aimoit ce divin Sauveur avec 
toute la tendresse imaginable : Travaux, 
fatigues, périls, souffrances, 
supplices, tout lui étoit doux, quand 
c'étoit pour JESUS-CHRIST : 
 Quiconque, 
  
                                 
                                    Gal. ch. V. 
ꝟ. 
                                    19. 
                             dit-il, n'aimera pas le Seigneur 
JESUS , qu'il soit Anathême, Maranata. 
Aussi dit-il,
 qu'il ne veut se glorifier 
qu'en la Croix de CHRIST   ; 
 qu'il regarde 
toutes choses comme du fumier au prix 
de l'excellence de sa connoissance   :   Qu'il 
  
                                ꝟ. 8. 
                             est crucifié avec CHRIST, & qu'il ne vit 
plus lui, mais CHRIST qui est en lui, 
& que rien au monde ne peut le separer 
de son amour  . Avec de tels sentimens, 
quelle joye n'a-t-il point quand 
il étend les limites de son regne ; quand 
il 
 amène les ames captives  ; quand 
il lui approprie 
 une épouse chaste & fidelle  , 
qui doit faire ses délices & sa 
Couronne ? Il ne peut voir ses Triomphes 
sans actions de graces ; 
 Graces à 
DIEU qui nous fait toûjours triompher 
en JESUS-CHRIST  . [Disons]   Disons encore que la charité qu'il 
La charité 
                            
qu'il a pour 
les hommes , 
autre motif de sa 
                            
reconnoissance. a pour les hommes, l'interesse vivement 
au succès de ses travaux. Cet 
Apôtre aimoit ses freres d'une maniere 
tendre & empressée ; s'ils s'égarent, 
il en conçoit une tristesse mortelle ;  
 il ne peut parler qu'en pleurant de ceux   
                                 
                                    Gal. ch. IV. 
ꝟ. 
                                    7. 
                             
 qui sont ennemis de la Croix de Christ . 
Voyez avec quelle tendresse il écrivoit 
aux Fidelles de Corinthe : 
 O Corinthiens,   
                                 
                                    II. Cor. ch. 
V. 
                                    ꝟ. 27. 
                             
 nôtre bouche s'est ouverte envers 
vous ; nôtre cœur s'est élargi ; vous n'êtes 
point à l'étroit dans nos entrailles. 
Voyez ce qu'il écrit aux Galates :  
 Mes petits enfans, pour qui je sens de 
nouveau les douleurs de l'enfantement, 
jusqu'à ce que CHRIST soit formé en vous; 
 je voudrois bien être present chez vous 
& que nous nous entretinssions ensemble; 
 parce que je suis en peine pour vous. Et 
pour tout dire en un mot, 
 il auroit 
voulu étre répandu en sacrifice pour eux ; 
semblable à ce bon Berger qui met 
sa vie pour ses brebis. Avec de tels 
sentimens, peut-il voir avec indifference 
le succès de son Ministere, les avantages 
precieux qu'il procure aux hommes , 
la lumiere , la vertu, le consolation, 
l'esperance qu'il répand dans 
[tous]   
tous les cœurs ? Sa charité lui fait sentir 
le prix de ses triomphes, & l'oblige 
à s'écrier dans nôtre Texte :  Graces 
à Dieu !  
  
 La gloire 
qu'il en retire 
est un 
nouveau 
fondement 
de sa 
                            gratitude. Enfin, disons que ce qui le rendoit 
si sensible à ses Triomphes, c'est 
la gloire qui lui en revenoit à lui-même. 
Nous sommes faits pour la gloire ; 
un amour raisonnable d'un estime 
bien fondée, est le plus sage, & 
le plus efficace motif de la vertu. Or 
quelle gloire S. Paul ne retiroit-il pas 
de ses travaux & de ses triomphes ? 
Combien de privileges n'étoient point 
attachez à l'Apostolat ? L'étendüe des 
connoissances, la frequence des Revelations 
divines, le pouvoir des miracles , 
la gloire des afflictions ;  Car 
alors l'Esprit de Gloire & de DIEU 
reposoit sur eux , comme le dit S. Pierre. 
Nôtre Apôtre pouvoit-il être insensible 
à l'honneur d'une dignité si 
éminente, aux precieuses faveurs qui 
en étoient inséparables ?
  
 Réputation 
& 
gloire inconcevable 
de S. 
Paul. Mais sur-tout ce qui le frappe le  
plus, c'est la renommée qu'il s'aquiert 
par toute la terre : Son Triomphe étoit 
public & manifeste, plus glorieux mille 
fois que les Triomphes les plus 
[écla-] 
 éclatans des Generaux Romains. En 
effet, ce qui rendoit les triomphes glorieux 
parmi ce premier peuple du Monde, 
c'étoit la difficulté des combats 
qu'ils avoient soutenus, la défaite de 
leurs Ennemis, & le grand nombre 
d'Esclaves attachez au Char du Vainqueur , 
les applaudissemens de tout le 
peuple, les Couronnes dont-ils étoient 
honorez. Mais à tous ces égards le 
Triomphe de S. Paul est infiniment 
préferable : Ses Ennemis étoient plus 
nombreux, & plus redoutables : Ce 
n'étoit pas quelques Peuples barbares 
& désarmez, qui trembloient à la seule 
vûë des Legions Romaines, c'étoit 
le Demon avec toute sa puissance , 
tous les Monstres sortis de l'Abîme , 
tous les fleaux du genre-humain, l'erreur, 
l'idolatrie, les passions, qui comme 
des Reines orgueilleuses dominoient 
sur tous les cœurs devenus leurs esclaves, 
& y avoient établi depuis longtems 
un Empire assuré. Cependant,  
 il domte tous ces ennemis formidables , 
& il en a triomphé. Il a soûmis au joug   
                                 
                                    S. Gregoire. 
                             
 de la vérité dans moins de trente ans , 
( ce sont les paroles d'un Pere ) les Perses , 
les Indiens , les Scythes , les Ethiopiens, 
[ piens,]   
 les Sarmates, les Medes, les Romains 
eux-mêmes, & generalement tous 
les hommes . A la presence de S. Paul 
on voyoit l'erreur s'écarter, & la vérité 
prendre sa place : La fumée des 
sacrifices profanes se dissipoit : l'yvrognerie, 
les festins d'intemperance, la 
fornication, l'adultere & toutes les autres 
abominations des idoles s'évanouissoient.  
 
                             
                                Ps. I. ꝟ. 8. 
                          Comme la cire fond au feu, & 
comme la paille est chassée par le vent , 
la 
supertition, le vice, ces deux 
montres ennemis de nôtre bonheur , qui 
ont de si nombreuses armées à leur 
suite, ont été enchainez par S. Paul.  
 
                             
                                Phil. ch. II. 
ꝟ. 
                                4 
                            
 
                                Col. ch. III. 
ꝟ. 
                                II. 
                         Comme son Maître, 
 il a mené captive, 
la Captivité : Il a triomphé des principautez 
& des Puissances, & les a exposées 
publiquement en montre. Qu'y 
avoit-il de plus glorieux pour S. Paul 
que de venir à bout d'une entreprise si 
difficile; que de sortir vainqueur d'un combat 
aussi perilleux ? Aussi toute la 
Terre avoit les yeux attachez sur lui. 
Un seul peuple applaudissoit au Triomphe 
d'un Consul Romain, mais de toutes 
parts on couroit en foule pour le 
voir porter la Croix du Sauveur, de 
même qu'on sort de la maison pour 
[voir]   voir ceux qui portent l'Etendart du 
Prince. 
 Il étoit environné d'une grande   
                                 
                                    Heb. ch. 
XII. 
                                    ꝟ. I. 
                             
 nuée de témoins , qui le voyoient achever 
constamment la course qu'il s'étoit 
proposée. Il étoit en spectacle aux hommes 
& aux Anges , comme il le dit lui-même. 
En effet, comme dit un célebre 
Docteur Chrêtien ; 
 Il n'a pas seulement   
                                 
                                    S. Augus.tin. 
                             
 réjouï les hommes, mais par ses 
travaux, il a fait naître une joye extraordinaire 
au milieu des Anges mêmes. 
Car si le Ciel se réjouït quand un seul 
Pécheur fait penitence, seroit-il possible 
que S. Paul ayant converti tant de personnes 
par sa prédication, il n'eut pas 
ravi de joye toutes les Puissances celestes ? 
Certes je n'en dis pas encore assez  : Il 
suffisoit que S. Paul ouvrit la bouche 
pour faire tressaillir les Cieux d'une 
extrême allegresse : Car si lors que les 
Israëlites sortirent d'Egypte, les 
 Montagnes 
sauterent comme des Beliers, quel 
sujet de réjouïssance n'y eut-il pas lors-que 
les hommes furent transportez de la terre 
au Ciel . 
   
Enfin, S. Paul s'assuroit une recompense Recompense 
                            
des 
Triomphes 
de S. Paul, 
dernier & 
puissant  
                              
magnifique ; les Generaux d'Armées 
étoient couronnez de Lauriers, 
dont l'immortelle verdure marquoit la 
[per-] 
 
                            motif de sa 
reconnoissance.perpétuïté de leur gloire ; Mais ce 
n'étoit là pourtant qu'une couronne 
qui périssoit. Celle de S. Paul étoit 
une couronne incorruptible, plus éclatante 
que les Diamans, plus brillante 
que les étoiles du Ciel : A son départ  
 
                             
                                Ps. XXIV. 
                         de la terre, 
 les portes de l'Eternité s'ouvrent, 
elles élevent leurs lintaux, & il 
s'assied sur le trône du Roy de gloire , suivant  
 
                             
                                Apoc. ch. 
III. 
                             
                         cette infaillible promesse : 
 A celui 
qui vaincra je le ferai asseoir sur mon 
Trône ; comme aussi j'ai vaincu & je suis 
assis sur le Trône de mon Pere. S. Paul 
avoit le cœur rempli de toutes ces idées, 
il sentoit l'importance de son 
Triomphe, la renommée qu'il s'aqueroit, 
la gloire dont il alloit être en 
possession dans le Ciel : Plein de reconnoissance 
pour toutes ces faveurs, 
il s'écrie : 
 Graces à DIEU !      
 APPLICATION. 
  
 Combien 
est juste le 
Panégyrique 
de S. 
Paul. Voilà donc, Mes Freres, le Panégyrique  
de S. Paul. C'est une matiere 
bien digne d'exercer l'éloquence 
des Orateurs Chrêtiens, bien digne 
aussi de toute l'attention des fidelles : 
Sujet bien different de tous ces 
[Pané-] 
 
Panégyriques qui se sont faits dans 
l'Eglise Romaine, de ces éloges insipides 
que l'on donne à des Saints de 
nouvelle datte, ou qui ne sont connus 
dans l'Eglise que par les fables ridicules 
dont les Legendes sont remplies. 
Ici nous avons un véritable Héros, 
fort au-dessus de tout ce qu'on 
peut dire à sa gloire ; dont on ne peut 
assez admirer les combats, & les Triomphes ; 
& qu'on ne doit jamais se lasser 
de proposer pour modele aux Chrêtiens. 
En effet, le seul dessein de S. Paul L'excellence 
                            
du dessein de 
S. Paul , 
preuve de 
la divinité 
de la Religion 
qu'il 
                            prêche. 
est digne de toutes nos louanges. Qu'un  
homme se mette dans l'esprit d'éclairer 
tous les autres ; de les faire revenir 
de leurs égaremens, de leurs funestes 
erreurs ; de remplir leurs esprits de 
justes & de grandes idées ; de changer 
leur cœur ; d'en bannir les passions 
les plus cheres ; de les captiver 
à l'obeïssance de l'Evangile : Que cet 
homme consacre à ce dessein, ses soins, 
ses travaux, sa vie même ; que la misere, 
les fatigues, les souffrances, les 
tourmens, ne soient pas des obstacles 
suffisans pour l'en détourner ; c'est là 
ce qui merite une admiration universelle : 
[selle :] 
 
Je n'en dis pas assez ; ce seul 
dessein est une preuve de la divinité 
de la Religion de S. Paul : A peine les 
hommes songent-ils à s'éclairer & à 
se corriger eux-mêmes : Il est donc 
surnaturel d'entreprendre de changer 
l'esprit & le cœur de tous les hommes 
de la terre ? Un dessein si noble, si 
sublime vient sans doute de DIEU lui-même, 
qui l'a inspiré à S. Paul, & qui 
lui a donné le courage de l'executer : 
Il a bien raison de lui en rendre graces ; 
  Graces à DIEU ! 
  
 Le succès 
de ce dessein , 
autre 
preuve de 
la divinité 
de 
                            la Religion 
qu'il 
annonce. Si le seul dessein de S. Paul est une 
preuve de la vérité de sa doctrine ; que 
dirons-nous du succez de ce dessein ; des 
Triomphes continuels qu'il remporte ? 
Le doigt de DIEU ne paroit-il pas manifestement 
dans ses victoires & dans ses Trophées ? 
Toutes les puissances du Demon, 
la subtilité des Philosophes, l'ignorance 
des Payens, les préjugez des 
Juifs, l'extrême corruption des uns 
& des autres, n'ont pû resister aux 
attaques d'un homme foible, pauvre, 
méprisable en apparence. A son approche 
le Polytheïsme est aboli ; les 
Prêtres confondus ; l'Idolatrie détruite ; 
l'hypocrisie d'un culte exterieur 
[dé-] 
 démasquée ; toute la terre prend une 
nouvelle face : la lumiere s'établit dans 
les lieux où étoient les tenebres ; la liberté 
succede à l'esclavage : la sainteté 
à la corruption ; l'esperance & la 
joye, au trouble & aux frayeurs mortelles. 
Ne dirons-nous point, frapez 
de ces surprenans Triomphes ; 
 L'excellence   
                                 
                                    II. Cor. ch. 
V. 
                                    ꝟ. 7. 
                             
 de cette force vient de DIEU & 
non pas de nous  ; Ne dirons-nous point 
avec S. Paul penétré de reconnoissance :  
 Graces à DIEU !    
Mais si nous nous réjouïssons des Difference 
                            
affligeante 
des triomphes 
de S. Paul & de 
ceux des 
Ministres 
de 
                            l'Evangile. 
Triomphes de S. Paul, ne serons-nous 
point affligez de voir triompher en tant 
de lieux l'Erreur & le Vice : & que 
l'Eglise de JESUS-CHRIST ait tant 
perdu de son lustre & de sa beauté ? 
Les Prédicateurs de l'Evangile n'ont 
pas le même bonheur, les mêmes succès 
que S. Paul : Il y en a peu qui 
comme lui puissent se glorifier de leurs 
Triomphes ; non que je croye que l'établissement du Saint Ministere, les  
exhortations fréquentes qui vous sont 
addressées , soient inutiles & infructueuses : 
Je sçais qu'elles repriment les 
scandales ; qu'elles empêchent les progrez 
de l'Impieté : Et que s'il y a dans 
[cette] 
 
cette Ville plus de lumieres, plus de 
sagesse, & plus de vertu que dans aucune 
Ville du monde, comme j'en 
suis persuadé, on ne le doive en partie 
aux soins de ceux qui prêchent la 
Religion : Mais disons-le Mes Freres  
nous reglons l'Exterieur & l'apparence ; 
mais nous avons peu de pouvoir sur 
les cœurs ; nous corrigeons les passions 
dont on commence à se dégoûter, & 
qui ne sont pas soûtenuës par la Mode ; 
mais les habitudes favorites, fortifiées 
par un exemple general, nous 
les attaquons en vain ; le torrent de 
la coûtume, prévaut sur le torrent de 
nos Discours. Si nous nous élevons 
contre le Luxe qu'une funeste contagion 
a introduit au milieu de nous, & 
qui va toûjours en croissant, toutes  
les loix, toutes les exhortations ne 
font que blanchir : Nous n'attendons 
plus rien à cet égard, si ce n'est peut-être 
de la necessité & de la misere 
qui suivent toûjours les foles dépenses. 
Si nous voulons prévenir la dangereuse 
habitude du jeu, la fureur naissante 
de cette fole passion ; la mode 
prévaut encore sur les loix & les exhortations, 
& nous trouvons par-to t 
[des] 
 
des esprits indociles & des cœurs qu'on 
ne peut toucher.
  
D'où vient que nos Triomphes sont Le peu de 
succès 
                            des 
prédications, 
procede de 
l'endurcissement des 
Chrêtiens. 
ainsi diminuez ? Nous n'avons pas , 
je l'avouë , les lumieres aussi vives , 
aussi étenduës, que S. Paul ; nos paroles 
ne sont pas comme des foudres; 
nos soins ne sont pas si actifs ; nôtre 
constance si poussée ; nôtre exemple 
si digne d'être imité ; Mais n'avons- 
nous pas encore toutes les armes de 
cet Apôtre ? Ne pouvons-nous pas 
puiser dans le Vieux & dans le Nouveau 
Testament , toutes les leçons , 
tous les motifs, tous les exemples des 
Saints, pour faire impression dans les 
cœurs ? Disons-le à nôtre honte, Mes 
Freres, peut-être sommes-nous plus obstinez, 
plus incorrigibles qu'on ne 
l'étoit du tems de S. Paul.
  
Faisons cesser ces justes & honteux Exhortation 
                            
à profiter 
des 
Sermons,
& à faire 
triompher 
dans les 
cœurs la 
                            
doctrine 
Chrêtienne. 
reproches : Aportons des oreilles attentives, 
des cœurs dociles aux leçons 
de JESUS-CHRIST : Faisons les triompher 
par le sacrifice de nos passions , 
par une bonne & sainte vie. Faites 
ainsi triompher les Ministres de JESUS- 
CHRIST, & qu'ils n'ayent point à se 
plaindre de l'inutilité de leurs discours 
[&] 
 & de leurs travaux. C'est peu que 
de leur donner des éloges ; c'est peu 
de loüer leur esprit, leur éloquence, 
leurs lumieres ; une conduite Antichrêtienne 
détruit tout d'un coup les louanges 
les plus unanimes. S'ils s'aimoient 
uniquement eux-mêmes , ils seroient 
contens d'être admirez ; mais s'ils vous 
aiment, comme vous n'en pouvez douter , 
ils veulent d'autres matieres de 
triomphes. C'est une gloire solide 
pour eux, si l'on peut dire ; Leurs 
discours ont obligé cet homme injuste 
à restituer ce qu'il avoit ravi à 
son prochain : Ce Sermon a fait rompre 
à cet impudique le honteux commerce 
qu'il entretenoit depuis longtems : 
Leurs exhortations ont gueri 
cet autre de la funeste passion qu'il 
avoit au jeu, & l'ont porté à des occupations 
plus utiles, plus importantes.  
 
                             
                                Ph. ch. II. 
ꝟ. 3. 
                                4. 
                         O alors, 
 vous feriez nôtre joye & nôtre 
Couronne , vous feriez nôtre Epître 
de recommandation écrite dans vos cœurs : 
Si donc il y a quelque consolation en 
CHRIST, s'il y a quelque soulagement 
de charité , rendez nôtre joye accomplie  ; 
qu'il ne soit pas dit que
   vous ayez reçû 
la grace de DIEU en vain , & qu'au 
[milieu]   milieu de tant de lumieres , vous marchiez 
comme des enfans de ténébres. 
Plûtôt, prêtez-nous la main dans ces 
combats ; joignez vous à nous pour 
livrer une guerre immortelle à l'erreur 
& au peché ; contraignons ces Monstres 
ennemis , à retourner dans l'abyme. 
Que l'innocence & la vérité prennent 
leur place ; qu'elles paroissent dans 
nos discours & dans nos actions. Ne craignons 
point de succomber dans 
cette guerre : C'est pour JESUS-CHRIST 
que nous combattons : Il a applani le 
chemin de la victoire ; il a désarmé 
nos ennemis ; 
 Et bien-tôt le DIEU de paix 
brisera Satan sous nos pieds. Bien-tôt 
nous aurons ensemble relâche  : Bien-tôt 
nous pourrons dire ; 
 J'ai combattu le   
                                 
                                    II. Tim. ch. 
IV. 
                                    ꝟ. 7. 
                             
 bon combat ; j'ai achevé ma course ; quant 
au reste, la Couronne de justice m'est reservée, 
que le Seigneur donnera à tous 
ceux qui ont aimé son apparition . 
   
AMEN.