Je tournai mon visage vers le Seigneur Prononcé
le 27.
Septẽb.
1714.
Jour de
Jeûne.
Dieu, cherchant moyen de faire requête &
suplication , avec jeûne , sac & cendre .
Et je priai l'Eternel mon Dieu , & je lui
fis confeßion , & je dis ; Helas! Seigneur ,
le Dieu Fort , le Grand , le Terrible , qui
gardes l'Alliance & la gratuité à ceux qui
t'aiment , & qui gardent tes Commandemens ;
Nous avons péché , nous avons commis
iniquité , nous avons fait de méchantes
[ actions, ]
actions , nous avons été rebelles , & nous
nous sommes détournés de tes Commandemens
& de tes Jugemens :
Et nous n'avons point obéï aux Prophêtes
tes serviteurs , qui ont parlé en ton Nom
à nos Rois , aux principaux d'entre nous , à
nos Péres , & à tout le peuple du Païs .
O Seigneur! à toi est la justice, & à nous
confusion de face , comme il paroit aujourd'hui
aux hommes de Juda , & aux habitans
de Jérusalem , & à tous ceux d'Israël,
qui sont prés & qui sont loin , dans tous
les païs auxquels tu les as chaßés , à cause
de leurs forfaits qu'ils ont commis contre toi .
Seigneur , à nous est confusion de face ,
à nos Rois , aux Principaux d'entre nous ,
& à nos Péres, parce que nous avons péché
contre toi .
MES FRERES.
LES PAROLES que nous
venons de lire contiennent
une Priére que fit à Dieu un
Prophéte jeûnant & s'humiliant
extraordinairement en
sa presence. Daniel, instruit par les Prophéties
précédentes , que le tems que
Dieu avoit marqué , pour la fin de la
[Capti]
Captivitè de Babylone aprochoit, & que
d'ailleurs Dieu n'avoit promis de délivrer
ce peuple qu'à condition qu'ils
l'invoquaßent ,
& le cherchaßent de tout leur cœur* ;
il resolut de s'aquiter de ce devoir.
* Jer.
XXIX.
ꝟ. 10.13.
La premiére année de Darius fils
Daniel
IX. ꝟ. 2.
d'Assuerus , dit-il, moi Daniel , ayant entendu
par les Livres , que le nombre des
années dont l'Eternel avoit parlé à Jeremie,
& qu'il avoit marqué pour finir les désolations
de Jérusalem , étoit de soixante &
dix ans .
Je tournai mon visage vers le Seigneur
Dieu , cherchant moyen de faire requête,
avec jeûne , sac , & cendre .
Et je priai l'Eternel mon Dieu , & je lui
fis confeßion , & lui dis. Helas! Seigneur
le Dieu Fort , le Grand , le Terrible , qui
gardes l'Alliance , & la gratuité à ceux qui
t'aiment, & qui gardent tes Commandemens .
Nous avons péché , nous avons commis
l'iniquité , nous avons fait de méchantes
actions , nous avons été rebelles , & nous
nous sommes détournés de tes Commandemens
& de tes Jugemens .
Et nous n'avons point obéï aux Prophêtes
tes serviteurs qui ont parlé en ton nom , à
nos Rois , & aux principaux d'entre nous ,
à nos Péres, & à tout le peuple du païs .
O Seigneur , à toi est la justice, & à nous
confusion de face , comme il paroit aujourd'hui
aux hommes de Juda , & aux habitans
de Jérusalem , & à tous ceux d'Israël,
qui sont prés , & qui sont loin , dans tout
les païs auxquels tu les as chaßés , à cause
de leurs forfaits qu'ils ont commis contre
toi. Seigneur , à nous est confusion de face ,
à nos Rois aux principaux d'entre nous , &
a nos Péres , parce que nous avons péché
contre toi .
Nous trouvans aujourd'hui dans des
circonstances semblables , apellés à jeûner ,
& à nous humilier extraordinairement
devant Dieu , pour lui faire hommage
de nôtre substance , & des biens
dont nous jouïssons , pour tâcher d'obtenir
le pardon de nos péchés, pour détourner
les fleaux qui pourroient nous
menacer , & pour demander au Seigneur
la délivrance de son Eglise , quel plus
beau modéle de confession & de Priére
aurions nous pû choisir ?
De qui aurions nous pû emprunter
plus sûrement le langage , que d'un Prophéte ,
qui étoit précisément dans la situation
ou nous nous trouvons? On
sent dans toutes ses expressions la force
de cet Esprit Divin dont il étoit animé,
[&]
& il y a je ne sçai quoi d'extraordinairement
propre à agir sur les cœurs. Ne
resistés pas , Mes Chers Fréres , à ces
impressions : Que plutôt vos cœurs,
pleins de droiture & de sincérité , s'ouvrent ,
& se répandent devant Dieu , à
mesure que nous parcourrons les paroles
de Daniel , comme vous voyés celui
de ce Prophête ouvert en la présence
du Seigneur. Du moins souvenés vous
que c'est pour vous , ou en vôtre nom
que nous sommes ici , & que nous allons
faire , suivant nôtre vocation, la
confession des péchés du Peuple. Que
chacun, religieusement atentif , s'aplique,
en ce qui le regarde, les humbles
aveus que nous ferons à Dieu. Heureux,
Mes Fréres, & vous & nous , ni nos
cœurs aujourd'hui touchés , deviennent
par leur contrition, & par leur repentance ,
un sacrifice agréable à l'Eternel ,
Ps. LI.
ꝟ. 19.
un sacrifice qui prévienne pour nous sa
colére, & qui procure à son Eglise, & à
tous les Peuples , qui gemissent sous ses
coups , la délivrance qui leur est nécessaire.
[ DIVI- ]
DIVISION
POUR l'ordre que nous devons suivre,
nous n'en choisirons pas d'autre que
celui des paroles de Daniel , & nous
nous en éloignerons le moins qu'il nous
sera possible. Nous ferons d'abord quelques
réflexions sur la situation dans laquelle
se trouvoit ce Prophête , si semblable à
celle où nous nous trouvons aujourd'hui.
Je tournai mon visage vers le Seigneur
Dieu, cherchant le moyen de faire requête,
& suplication , avec jeûne , sac , & cendre,
& je priai l'Eternel mon Dieu , & je lui fis
confeßion . Ensuite nous ferons avec lui devant
Dieu la confeßion des péchés du peuple .
& nous le suivrons pour cela dans
les détails , dans lesquels il entre. Enfin
s'il y a , dans toute cette Prière , quelque
chose de propre à animer nôtre ardeur,
& à exciter nôtre repentance , nous tâcherons
aussi de vous le faire sentir.
Suivés nous, dans toutes ces réflexions.
PREMIERE PARTIE.
Réflexions
sur la
situatiõ
où étoit JE TOVRNAI mon visage vers le
Seigneur , dit Daniel, c'est à dire peut
[être,]
être , Je me tournai du côté de Jérusalem, Daniel
lors
qu'il fit
cette
Priére.
où avoit été le Temple de Dieu;
on sait que c'étoit la coutume des fidéles
de ce tems là. Ou en general , Je
m'adressai à Dieu , je me mis à solliciter
par mes vœux , ses compassions &
son secours.
Nous avons déja insinué les raisons
qu'avoit ce saint Homme dans cet acte
extraordinaire de dévotion. Il venoit
de repasser dans son esprit les biens que
Dieu avoit acordé aux Israëlites depuis
leur sortie d'Egypte, & les promesses
qu'il leur avoit faites : Il parle souvent
de ces deux choses dans sa priére;
D'un autre côté il étoit effraié des péchés
de ce peuple , & il craignoit que
ses déréglemens n'arrêtassent le cours
des graces de Dieu , & n'éloignassent
l'accomplissement de ses Promesses. Il
étoit encore pénétré de ce que l'Eglise
Judaïque souffroit depuis plusieurs années.
Enfin il étoit frapé des circonstances
ou il se trouvoit ; qui , faisant
naître dans son cœur de grandes espérances,
le rendoient encore plus sensible
aux craintes précédentes. Dans une
telle conjoncture , qui excitoit tant , &
de si grands mouvemens dans son cœur,
[il]
il croit ne pouvoir rien faire de plus à
propos, que de se jetter aux pieds du
Seigneur , & s'humilier devant lui ; il
cherche à faire des Requêtes , & des suplications :
Il veut même employer tout
ce qui peut marquer le plus grand abatement ;
Il veut jeûner , comme les fidéles
l'ont toujours fait dans de semblables
ocasions ; Il veut se couvrir d'un
sac , comme le plus vil des hommes ; &
se tenir dans la cendre , comme les plus
afligés ; Il ne veut rien oublier de ce
qui peut toucher les compassions de
Dieu. Je cherchai à faire requête , avec
jeûne , sac , & cendre .
Nous
nous
trouvõs
dans
des
circõstances
fort
semblables
à
celles
ou étoit
DanielMes Fréres, Cette situation , dans la
quelle se trouvoit Daniel , & qui le portoit
à s'humilier extraordinairement devant
Dieu , ne vous paroit-elle pas tout
à fait semblable à celle ou nous nous
trouvons aujourd'hui ? Vos esprits ne
sont-ils point pleins , premiérement, des
Bien-faits de Dieu ? Chacun sait combien
nous en avons receu depuis que
Dieu nous a tirés d'Egypte , c'est à dire,
depuis que cette Eglise a recouvré, par
la bienheureuse Reformation , sa liberté
temporelle & spirituelle. Aprés bien des
agitations , qui suivirent cet heureux
[tems,]
tems, & dans lesquelles Dieu nous soutint ,
comme Israël dans le désert, ou
plûtôt qu'il fit heureusement servir à
afermir nos Droits, enfin il donna la paix
à nos Ancêtres : Il nous l'a conservée
depuis plus d'un siécle , cette aimable
paix ; & pendant ce tems là il a renversé
sans doute bien des projets , que
l'énemi formoit contre nous. Il semble
qu'il ait toûjours dit,
Nulles armes forgées
Es. LIV
ꝟ. 17.
contre toi ne réüßiront . Depuis long-tems
encore nous avons été exemts des maladies
contagieuses , que l'on voyoit autrefois
beaucoup plus fréquemment dans
cette Ville. Dieu nous a aussi toûjours
fourni les choses nécessaires pour la vie;
Sous un doux Gouvernement l'on a
toûjours vêcu d'une maniére fort agréable
dans cet Etat. Sur tout Dieu nous
a conservé le flambeau de son Evangile;
& pendant qu'une infinité d'autres Eglises
ont été détruites , celle-ci, non seulement
a subsisté, mais elle a servi d'Azile
à un grand nombre de fidéles persécutés:
Tant de bienfaits receus de
l'Etre infini , d'un Dieu qui ne peut recevoir
de nous aucun retour , ne méritent-
ils pas qu'à l'imitation de Daniel,
on s'humilie en la présence du Seigneur,
[&]
& qu'on témoigne , par un profond
abatement , combien nos cœurs sont
pénétrés des éfets de sa Bonté ?
Aprés cela, comme les péchés du peuple
éfraioient Daniel, & le portoient à s'humilier
extraordinairement devant Dieu,
ceux que l'on voit commettre tous les
jours parmi nous, ne doivẽt-ils rien nous
faire craindre ? Ne doivent-ils pas aussi
nous engager à nous humilier devant
Dieu , & à solliciter , avec une extréme
véhémence , sa Misericorde ? Ne
sait-on pas combien le péché déplait à
Dieu? Ne sait-on pas quelle aversion a
pour lui ce Juge du monde , & quels
maux il peut atirer sur les pécheurs ?
Si on le regarde comme une chose assés
indifferente le péché, ( oh! je le comprens
bien ) on ne se sentira pas fort
porté à jeûner devant le Seigneur & à
prier : Mais si on l'envisage comme il
faut, comme une digue qui arête infailliblement
le cours des faveurs de
Dieu sur un Peuple , comme une source
de malheurs , & de malheurs qu'aucune
force humaine ne peut détourner ; Alors
on prendra sans peine , par cette raison,
le parti que prend nôtre Prophéte , on
se tournera vers le Seigneur , avec des
[gemis-]
gemissemens & des larmes , on fera des
requêtes & des suplications , avec le sac &
la cendre .
Sur tout M. F. les circonstances du
tems present , si semblables à celles ou
se trouvoit Daniel , ne demandent elles
point quelque éfort extraordinaire de
dévotion , une humiliation, des priéres,
des vœux , d'une véhémence toute singuliére ?
A la verité nôtre Sion , aprés
une longue protection de Dieu , ne
gemit pas , comme l'Eglise Judaïque du
tems de Daniel , dans une triste Captivité ;
au contraire Dieu nous conserve
encore la Paix , la Liberté & bien des
douceurs : Mais il me semble qu'aprés
une longue prosperité , on voit enfin
assés sensiblement la main de Dieu levée
contre nous. Il faudroit être bien
dur , pour n'avoir pas déja senti quelque
coups , qu'elle a frapé sur nous, & pour
ne rien craindre pour la suite.
Depuis plusieurs années les fleaux de
Dieu , qui se promenoient sur toute
l'Europe , ont roulé, pour ainsi dire ,
tout au tour de nous. Tantôt la Guerre
a commencé a y faire ses ravages; & lors
que nous nous y atendions le moins ,
nous avons été nous mêmes sur le point
[d'en]
d'en ressentir les éfets ; nous avons vû
ce crüel flambeau s'alumer jusques à
nos portes , & chés ceux dont le sort a
† c'est la
guerre
entre les Cantons
Suisses
en
1711.
le plus de liaison avec le nôtre
†: Tantôt
de facheux contretems dans le Commerce
ont reduit bien des gens dans
un assés triste état : Tantôt nous avons
entendu parler de Maladies contagieuses,
* *c'est la
Peste de
Pologne
qui se fit
sentir
en
Allemagne
en 1712
* qui, quoi que bien éloignées, sembloient
s'avancer fort rapidement. Tantôt
la Mortalité parmi les bestiaux les
plus nécessaires pour l'entretien de nôtre
vie , faisant trembler quelques uns
de nos voisins , a excité chés nous de
justes craintes. Tantôt enfin la Cherté
de plusieurs sortes de denrées a fait
soufrir , comme elle fait encore soufrir
parmi nous , bien des gens. Je vous
prie , que nous dit tout cela ? Sinon
qu'aprés un long suport , la Verge est
enfin levée, & qu'aprés nous l'avoir
long-tems montrée de loin, Dieu
enfin est prêt à fraper , si nous ne le
prévenons par nôtre humiliation &
nôtre repentance. J'avouë que la plûpart
de ces éfraiantes voix ont bientôt
cessé , & qu'on n'entend plus la plûpart
de ces menaces : Mais outre qu'on en
entend encore quelques unes, n'est-ce
[pas] pas assés que Dieu nous les ait fait entendre
plusieurs fois ? Que voulés vous
atendre encore pour vous réveiller ?
Voulés vous que Dieu frape effectivement ,
qu'il envoie sur nous mémes ses
fleaux , la peste , la guerre, ou la famine?
Mais alors il sera trop tard de se tourner
vers lui , alors les larmes , les suplications ,
les jeûnes seront inutiles:
Quand le
Decret aura une fois enfantè ,
Soph.II
ꝟ. 2.
quand l'arrêt aura une fois été prononcé,
il ne sera plus tems de se tourner vers
Dieu. C'est pendant qu'il menace encore ,
qu'il faut
s'éplucher , & travailler
pour détourner sa Colére.
Et quand nous ne serions point sensibles
aux justes craintes , que nous pouvons
avoir pour nous mêmes , les maux
des autres hommes ne nous toucheroient-
ils point ? Quoi ! nous entendrions
parler des maux affreux que font soufrir
à quelques uns les suites de la guerre ,
aux autres la contagion , aux autres
des incendies , sans en être touchés ?
Tant de malheurs qui afligent nos semblables,
& des gens qui , à tout prendre,
ne sont pas plus méchans que nous , ne
nous porteroient pas à nous mettre à la
bréche, pour tâcher d'apaiser la Colére
[de]
de Dieu envers le genre humain ? Ce
seroit peu connoître , peu sentir la liaison
que Dieu a mise entre tous les hommes.
En particulier les intérets de l'Eglise ,
cette chére Epouse du fils de
Dieu , de laquelle nous faisons gloire
d'être les enfans , n'auroient-ils aucune
force sur nôtre esprit? Son état ne nous
toucheroit-il point ? Vous n'ignorés pas
dans combien de lieux elle gemit encore?
Ici c'est une continuation, là c'est
un renouvellement de persécution ;
cette
Jérusalem a trouvé plus d'une
Babylone :
Un grand nombre de Confesseurs ,
de ces genereux Athlétes ,
qui doivent être si chers à tous les vrais
Chrétiens, souffrent encore; Ne gemirions
nous pas avec eux ? Ne chercherions
nous pas à faire requête & suplication
à Dieu, avec une humilité extraordinaire,
* Psau.
LXXIX
ꝟ.1.2.5.
en leur faveur?
* O Dieu,
les nations sont entrées dans ton héritage,
elles ont souillé le Temple de ta Sainteté ,
& elles ont reduit Jérusalem en un monceau
de pierres; on a donnè les corps morts
de tes Serviteurs pour viande aux oiseaux
des Cieux , la chair de tes bien-aimés aux
bêtes de la terre. Jusques à quand , ô Eternel!
seras tu à jamais irrité , & ta jalousie
brulera-t-elle comme un feu? Comme il y a long - tems que ces
maux de l'Eglise durent , nous y sommes
accoutumés ; cependant ils n'en sont pas
moins réels. Il semble même qu'ils se
renouvellent tous les jours : l'Antechrist
hait toujours plus la verité , & dés qu'il
en aperçoit le moindre raison , il court
aux armes pour la persécuter. Outre
tout ce que nous apercevons des maux
de l'Eglise , qui sait les desseins sécrets
qui se forment contr'elle? qui sait quelles
mines l'on creuse pour la détruire?
Pendant que l'énemi veille pour achever
les désolations , il est juste que nous
fassions aussi nos éforts pour les prévenir ,
que nous nous
tournions vers l'Eternel,
et qu'avec jeûne , dans le sac & la
cendre nous fassions des priéres pour Jérusalem.
O Dieu de nôtre délivrance ,
Psau.
LXXIX
ꝟ. 9. 11.
aide ton Peuple pour l'amour de la gloire de
ton Nom , & le délivre. Que le gemissement
des prisonniers vienne jusqu'en ta
présence : préserve , selon la grandeur de ta
puissance , ceux qui sont déjà devoués à la
mort .
O! si sans craindre de nous tromper
nous pouvions ajouter ici , & trouver
dans nôtre situation presente la derniére
raison d'humiliation & de jeûne , que
[four-]
fournissoient à Daniel les circonstances
ou il se rencontroit! L'Eglise , dont il
étoit membre , aprés avoir gemi longtems
sous le joug de ses énemis , voyoit
aprocher sa délivrance.
Ayant entendu
par les Livres précédens , dit-il , que le
nombre des ans , duquel la parole de l'Eternel
avoit été adreßée au Prophête Jeremie,
pour finir les désolations de Jérusalem,
étoit de soixante & dix ans , par conséquent
Dan.IX
ꝟ.2.
prés de sa fin ,
je tournai mon
visage vers le Seigneur , cherchant le moyen
de faire priére & suplication . Une grande
Espérance se joignoit à la douleur
& à la crainte , & ces divers mouvemens
animoient infiniment son zéle.
Ne sommes nous point à peu prés dans
une semblable situation ? J'avouë
que nous n'avons point de Prophétie
positive & bien claire , pour une délivrance
prochaine de l'Eglise : Je sai
d'ailleurs combien les réflexions de la
Politique , les conjectures tirées de certaines
circonstances , sont sujettes à
tromper : Mais enfin , qui sait ce que
pense le Maître du monde? Qui sait s'il
n'est point prêt à étendre son bras; &
si la seule chose qu'il atend pour cela
n'est point nôtre humiliation & nôtre
[con-] conversion? Quoi qu'il en soit , il faut
avoüer que les derniers événemens, que
la Providence nous a fait voir , paroissent
favorables à l'Eglise Protestante , &
semblent lui promettre des jours plus
heureux ; Il semble qu'il est permis à
cette pauvre afligée de concevoir de
nouvelles espérances , pour la délivrance
de ses enfans , ou du moins pour le
soutien de ce qui n'a pas été détruit.
C'est donc ici un moment dont il est
de nôtre zéle de profiter incessamment:
Le souvenir des maux & des dangers
passés , la joie & la reconoissance pour
les derniers Bienfaits , l'esperance pour
l'avenir , tout doit se joindre pour animer
nôtre ardeur. Dans ce tem favorable
il faut incessamment se
tourner
vers Dieu , & le prier avec toute la véhémence
dont nous sommes capables:
Tu te léveras , ô Eternel! Tu auras compaßion
Ps. CII.
ꝟ. 14.15.
de Sion : car il est tems d'en avoir
pitié , parce que le tems aßigné est échû.
Tes serviteurs son afectionnés mêmes à ses
pierres , & ont pitié de sa poudre .
Une chose est bien certaine , Mes
Fréres , c'est que rien n'est plus propre
pour désarmer la colére de Dieu , qui
pourroit être prête à s'alumer contre
[nous]
nous , & pour hâter cet heureux tems,
de la délivrance de son Eglise aprés lequel
nous soupirons , que l'humiliation,
la repentance , la conversion des Chrétiens ;
Touchés donc de toutes ces choses ,
abatons nous incessamment devant
Dieu , prions l'Eternel , & faisons lui nos
confeßions .
SECONDE PARTIE
Confession
des
péchés
du Peuple.Mais avant toutes choses , souvenons
nous bien de celui à qui nous venons
faire ces confessions : Comme Daniel,
rapellons dans nos esprits son idée, c'est
le
Seigneur , le Dieu Fort , le Grand , le
Terrible , c'est nôtre Maître , c'est l'Etre
Tout-puissant , c'est celui qui sonde les
cœurs & les reins , c'est le Juge du
monde , qui doit mettre un jour en lumiére
les choses cachées des ténébres ,
& manifester les Conseils des cœurs.
D'ailleurs , on ne le tromperoit pas impunément :
Héb.X
ꝟ. 29.
c'est une chose terrible de tomber
entre les mains du Dieu Vivant . Loin
d'ici donc tout déguisement , toute illusion ;
ne cherchons point à nous cacher
à celui qui nous a faits , & qui conoit
jusques à nos moindres pensées.
[Il y]
Il y a quelque chose de plus , c'est un
Dieu plein de Bonté , qui garde l'Alliance
& la gratuité à ceux qui l'aiment . Il nous
a promis de nous pardonner nos péchés,
lors que nous voudrions les lui confesser
& les abandonner. Pourquoi les lui
cacherions nous ? Ce seroit refuser de
découvrir ses plaies au seul Médecin qui
peut les guérir. Non, Mes Chers Fréres,
ne cherchons point ici à nous nuire à
nous mêmes : Au contraire , que les
cœurs s'ouvrent , & qu'avec une entiére
sincérité & une parfaite droiture , ils
confessent leurs péchés à l'Eternel. Nous
avons péché , nous avons commis l'iniquité,
nous avons fait de méchantes actions ,
nous avons été rebelles , & nous nous sommes
détournés de tes Commandemens, & de
tes Jugemens .
Nous avons péché . Grand Dieu! Que
d'afligeantes idées se présentent à l'esprit,
quand nous nous apliquons ces
paroles ! Rangez , dans quelque ordre
qu'il vous plaira , les péchés ; Il y en
aura peu d'espéces dont on ne trouve
des exemples parmi nous. Si nous ne
sommes pas tombés comme Jérusalem
dans l'Idolatrie , par raport au Culte
extérieur , si l'on ne nous a pas veu sacrifier
[crifier]
à d'autres Dieux , si la corruption
n'est pas encore tout à fait montée parmi
nous à son comble , si cette Ville
peut encore passer pour Sainte au prix
de bien d'autres , où régnent l'ignorance
& l'erreur , si l'extérieur & l'estime
publique sont encore pour la Religion
& pour la Vertu , comme nous voulons
bien en convenir ; dans combien de
désordres pourtant n'avons nous point
donné ? Quel empire les passions n'ont
elles point chés nous ? & avec quelle
fureur ne nous les voit-on pas servir?
oui, nous avons péché , & contre Dieu,
& contre le prochain , & contre nous
mêmes : Nous ne sommes pas tombés
une fois dans le péché , mais tous les
jours ; Nous n'avons point écouté nôtre
Conscience , Nous avons méprisé les
exhortations de la Parole de Dieu ;
Nous avons été insensibles à ses coups
& à ses bienfaits. Sur ces idées générales
seulement qui ne seroit éfraié ? Qui
ne crieroit avec la plus profonde humilité ;
nous avons péché, nous avons commis
l'iniquité .
Avoüons le , avoüons le de bonne foi,
Mes Fréres. Il n'y a parmi nous que trop
de mépris pour Dieu , Il paroit par le
[ Mépris ]
Mépris qu'on a pour la Religion . Il y a des
gens qui croient que le bel Esprit consiste
à la tourner en ridicule. Pourveu
qu'on soit exemt de certaine Idolatrie
grossiére , & qu'on vive sans reproche
dans la Societé , ils ne pensent pas qu'on
puisse rien exiger de plus : Sous prétexte
qu'on a élevé quelquefois sur des matiéres
qui regardent la Religion des
questions inutiles , ils veulent faire passer
pour tel ce que le Christianisme a de
plus essentiel , la doctrine de nôtre Rédemtion
par Jésus-Christ , & les Mistéres
qu'elle renferme : Sous prétexte
qu'on peut former presque sur tout des
difficultés, ils emploient toutes les forces
de leur esprit a rechercher celles que
l'on peut faire contre la Religion , comme
si elle étoit insoutenable , & qu'il
falût renoncer à toute raison pour la
recevoir ; & ils n'ont pas de plus grand
plaisir que lors qu'il leur semble qu'ils
ont fait triompher ces mauvaises dificultés,
des vérités oposées : Certains
méchans Livres , destinés uniquement
à cela , font leurs plus agréables lectures ,
& rien n'est plus divertissant pour
eux que d'aller étaler dans les conversations ,
souvent avec des esprits assés
[foi-]
foibles , ce qu'ils ont puisé dans ces
sources empoisonnées. J'avoüe que de
telles gens sont encore rares parmi nous;
& c'est une consolation pour les gens
de bien , de voir que ce caractére soit
chargé du mépris public : Mais enfin ,
pour peu qu'il y ait d'incrédules dans
une Eglise , c'est un sujet de craindre
& de gemir : L'impiété ne se répand
qu'avec trop de facilité ; Les passions ,
que le joug de la Religion gêne , prennent
d'abord plaisir à exciter des doutes
sur ses veritez, & ces doutes bannissent
enfin la foi. D'ailleurs, il n'est rien
qui atire sur les sociétés entiéres de
plus sévères peines, qu'une telle impiété.
L'idolatrie d'Israël fut punie d'une Captivité
de 70. ans ; Mais la réjection de
Jésus-Christ l'a été d'une dispersion entiére ,
& d'une servitude de 17. siécles.
Ne nous endormons donc point la dessus ,
Mes Fréres ; Que ceux qui ont
donné dans ce piége, ou qui se sentent
quelque penchant à cela, rentrent en
eux mêmes ; qu'ils aprennent à raisonner
sainement , à comprendre que , quelques
dificultés qu'on fasse contre la Religion ,
elles ne balancent point les
grandes preuves qu'en fournit une conscience
[science]
droite ; & que touchés de leurs
égaremens précédens , ils s'humilient
devant Dieu , qu'ils lui disent , pleins
d'vne douleur sincére , Nous avons péché,
nous avons commis iniquité .
A ces spéculations impies , ne joindrons
nous point les Blasphêmes , qu'on
entend quelquefois vomir , sur tout à
de jeunes gens ? C'est un péché du
même ordre que le précédent , qui n'est
pas moins propre à irriter la Divinité,
qui ne scandalise pas moins les gens de
bien , & qui ne fera pas moins craindre
pour la Societé entiére, jusques à ce que
l'on en voie les Conducteurs, revêtus
d'un nouveau zéle , le punir avec plus
de sévérité. Parler mal d'un Prince, est
un crime d'Etat, qu'on n'épargne point.
Insulter le Maître du Monde par des
reniemens, ou des termes qui marquent
le plus de mépris, passera-t-il pour une
action indifferente, & qui n'atire aucun
suplice? Principalement ne confesserons
nous pas ici a Dieu , avec une extrême
amertume de cœur , la facilité avec laquelle
on se porte parmi nous à faire
des Sermens & à les violer ? Pour cet
article, il faut l'avoüer , ce n'est pas un
cas fort rare : Au contraire , c'est un
[péché]
péché de tous les jours, & de tous les
Esa. 1.
ꝟ. 6
Ordres,
depuis la plante du pied jusqu'au
sommet de la tête , il n'y a rien d'entier en
nous . Ces sermens solemnels & redoutables
que l'on prête dans toutes les Elections ,
qui finissent tous par cette
afreuse Clause ,
que Dieu nous en soit
témoin , pour nous punir si nous faisons le
contraire , Ces terribles sermens, dis-je,
font ils quelque impression sur nous?
Avant que de les prêter, n'a-t-on pas
pour l'ordinaire pris son parti ? Et ,
au mépris de cette Invocation positive
du nom deDieu,ne s'est on pas déterminé
par de tout autres vües? L'intèret de nôtre
famille,l'envie d'en abaisser un autre,
l'afection pour un ami, la haine pour
les personnes qui nous déplaisent , voila,
voilà les malheureux motifs qui nous
déterminent. Crainte de Dieu , amour
de la Patrie, ô que que vous étes éloignées
de nos esprits !
Dans les afaires particuliéres, avec
quelle légéreté n'ofre-t-on pas de prêter
des sermens ? Comme si ce n'étoit pas
la même chose, d'ofrir de prêter un
serment, ou de le prêter actuellement.
Quand on pense combien de fois des
Plaideurs se rendent apellans des sentences,
[tences,]
qui imposent quelque serment,
& que l'on voit sans émotion ces sortes
d'apels, on ne peut s'empêcher de croire
qu'on regarde les parjures comme
quelque chose de peu considerable &
d'assez commun parmi nous. Si l'on étoit
persuadé que chacun envisageast le serment
comme il faut; Si l'on ne croioit
pas qu'on se portât aisément à en prêter
de faux , on verroit avec joie les sentences
qui ordonnent ce moien de finir
nos differens , & au contraire on en
apelle. Que ces pensées sont afligeantes !
Mes Fréres avez-vous donc oubliè ce
que c'est que le serment ? Avez-vous
oublié cet article de la Loi de Dieu,
qui vous est lû tous les jours ;
l'Eternel
ne tiendra point pour innocent celui qui
prendra son Nom en vain ? Ne sçavez
vous pas avec quelle sévérité Dieu punit
ce péché ; & comment pour la violation
II. Sam.
XXI.
ꝟ.1.&c
d'un serment, sur laquelle on pouvoit
encore alléguer quelque excuse ,
la famille du prémier Roi d'Israël fut
exterminée? Lisez ce que les Prophétes
disent là dessus aux Juifs , & que vos
consciences en soient éfraiées. C'est à
elles que je parle aujourd'hui, ce sont
vos consciences que nous sommons de
[s'ou-]
s'ouvrir aujourd'hui devant Dieu, & de
se juger sur cet article. Heureux si nôtre
foible voix les réveille ! & si,
pénétrées d'une douleur qui les engage
à changer de conduite , & à veiller
désormais avec plus d'atention sur elles
mêmes, elles font leur confession à
Dieu ! Nous avons péché, nous avons
fait iniquité .
Et que dirai-je de la négligence avec
laquelle on sanctifie le Jour du Repos, ce
jour qui devroit être presque tout employé
au service de Dieu? Une partie du
peuple le passe dans le Cabaret. Et parmi
les personnes de quelque distinction,
on ne se fait point de peine de s'éloigner
des assemblées publiques de l'Eglise.
Tantôt pour quelque légére incommodité ,
tantôt pour quelque partie de
plaisir , on manque de venir rendre à
Dieu ses hommages , & de se joindre
aux autres fidéles , pour chanter ses
loüanges , & le prier; A cet égard donc
encore nous avons péché .
Pour ce qui regarde le Prochain ,
combien de reproches n'avons nous
point à nous faire ? Malgré ce que l'on
prêche sans cesse contre l'Injustice; malgré
les preuves que la Providence donne
[ne]
tous les jours de cette vérité , que
l'interdit ne sauroit prospérer , que le
bien d'autrui est un ver qui ronge les
fortunes les mieux établies, & les renverse
enfin , desorte que les richesses
mal acquises ne vont guéres jusques à la
troisiéme génération , malgré tout cela,
dis-je, ou sont ceux qui ont quelque délicatesse
sur ce sujet ? Pourveu qu'on
soit à couvert des poursuites de la Justice
ordinaire, on ne se met en peine d'autre
chose : Pourveu que le prochain surpris
semble donner volontairement dans les
piéges qu'on lui tend, on est en repos.
Malheur pour l'ordinaire à ces ames
simples qui ne soupçonnent pas aisément
le mal, & qui oublient de prendre
quelque précaution contre la tromperie ;
Elles courent de grands risques
d'être souvent trompées. Quand une
fois on a fait du tort au prochain, ou
sont ceux qui pensent à le reparer ? S'il
s'agit de peu de chose , peut-être restituera-
t-on : Mais si la somme est considérable ,
la vie se passe avant qu'on ait
trouvé l'ocasion de le faire ; ou, à force
de renvoyer , on l'oublie entiérement.
Combien de gens à cet égard, ont sujet
de dire, nous avons péché ? Ce que nous
[vous]
vous prions de bien remarquer , M. F.
c'est que, sur ce sujet, il ne sert à rien
de faire ses confessions de bouche, si
l'on ne se met en état de restituer tout
ce que l'on a fait perdre par malice, ou
par négligence, quand il ne devroit rien
rester du tout. Dire, je restituerai quand
j'aurai assés de bien pour le faire sans
m'incommoder , c'est dire , je cesserai
d'ofenser Dieu, quand il n'y aura plus
rien à gagner pour moi à le faire. Quelle
disposition de cœur marqueroit ce langage ?
La Calomnie & la Médisance sont des
vices assez décriés , cependant ne péchons
nous point à cet égard ? Si le
mérite , la vertu, ou la reputation de
quelcun nous fait ombrage, combien
de détours ne cherche-t-on point pour
lui nuire? Avec quelle malignité ne
jette-t-on point des soupçons contre lui?
Avec qu'elle adresse ne donne-t-on point
un mauvais tour à ses démarches les
plus innocentes, ou les plus excusables?
Cette maligne Satire, qui, faisant semblant
de ne chercher point à nuire, déchire
plus crüellement que la calomnie
d'un énemi déclaré , n'entre-t-elle pas
dans la plûpart des conversations ? Nous
[nous]
nous tromperions , si nous regardions
ces péchés avec indifference.
Celui qui
Iaq.IV.
ꝟ. 2.
médit de son frére , médit de la Loi, dit
l'Ecriture, il n'en est point observateur .
C'est donc encore là un article sur lequel
nous devons aujourd'hui nous humilier
devant Dieu , avec une vive douleur,
& un sincére dessein de changer.
Le principe de ces péchés est encore
plus blamable que leurs suites ne sont
fâcheuses ; c'est qu'il n'y a point de
Charitè dans les cœurs , il n'y a point
de véritable afection pour le prochain.
C'est l'intérêt seul qui lie aujourd'hui les
hommes. Pour la Charité Chrétiene,
cette vertu si recommandée par nôtre
Sauveur, on la chercheroit en vain. Aussi,
quelqu'un nous a-t-il ofensé ? rien n'est
plus difficile que d'obtenir le pardon ;
l'on veut se vanger à quelque prix que
ce soit , ou si l'on fait semblant de se
réconcilier , on veut toujours demeurer
dans un certain éloignement qui fasse
sentir le mépris qu'on a pour ces personnes,
& le peu de cas qu'on fait de leur
amitié. Nous avons beau prêcher
l'Evangile là-dessus; nous avons beau
répéter ces Loix de Jésus-Christ.
Jean
XV.
ꝟ. 12.
C'est ici mon Commandement , que vous
[ vous ]
vous aimiez les uns les autres : Ne vous
Rom.
XII.
ꝟ. 19
vengez point vous mêmes .Nous avons
beau vous mettre devant les yeux les
modéles qu'il nous a proposé, lui qui a
mis sa vie pour ses énemis ; C'est beaucoup
si nous pouvons changer quelque
chose à l'extérieur ; le cœur demeure
toujours éloigné. Quel
péché bon Dieu !
Quelle
iniquitè! & comment une conscience
dans cet état peut elle être encore
tranquille?
C'est de ce malheureux principe du
manque de Charité que viennent ces
Jalousies, ces Envies mortelles, si communes
dans cette Eglise. Il y a une infinité
de gens que ce Démon de l'envie
dévore, qui n'ont point de plus grande
joie que quand ils voient leurs fréres
ou malheureux ou mortifiés, qui ne
peuvent souffrir la prosperité d'autrui.
Il leur semble qu'ils sont abaissés à proportion
de ces que les autres s'élévent,
& méprisés à proportion de la consideration
que l'on a pour leur prochain.
Enemis déclarés du genre humain,
comment croiez vous que Dieu vous
regarde? Ce chagrin, qui vous ronge
presque sans cesse, ne vous avertit-il
point des tourmens que le Juge du
[monde]
monde vous prépare un jour ? Quoi,
la Providence ne pourra faire du bien
à personne, que vous ne la blamiés secrettement ?
N'y a-t-il donc pas assez
de douceur dans le monde pour vous
& pour vos fréres, que vous ne puissiez
souffrir leur bonheur ?
Rentrez, rentrez en vous mêmes, &
couverts de honte , demandez à Dieu
avec larmes le pardon de ce péché.
Nous avons commis l'iniquitè, nous avons
été rebelles .
Enfin , c'est du manque de charité &
d'amour pour nos fréres que vient cette
Duretè, avec laquelle bien des gens regardent
ceux qui souffrent. Il suffit pour
eux d'être malheureux , pour être coupable,
& indigne de leurs regards. Le
pauvre a toûjours tort , il demande toûjours
trop ; Si, a force de solliciter , on
leur arache quelque aumône , elle est
acompagnée de tant de dégoûts, & d'un
air si rebutant , que le pauvre en est
presque plus touché que de sa propre
misére. Ce genereux empressement des
prémiers Chrétiens , qui aloient chercher
les misérables, qui les aidoient,
de tous leurs biens, & qui leur rendoient
tous les autres offices qui dépendoient
[doient]
d'eux, ce charitable empressement,
dis - je , ou est-il aujourd'hui?
Chrétiens, ne vous flatez pas là dessus :
Quoi que cette Eglise se soit renduë
illustre, jusques à présent, par ses aumônes,
& que quelques personnes ayent
beaucoup fait à cet égard , cependant ,
en general , nous n'avons pas fait ce
que nous devions ; Pour la plûpart nous
n'avons pas fait à autrui ce que nous
voudrions qu'on nous fit à nous mêmes,
si nous étions en pareil cas. Nous avons
donc péchè , nous nous sommes détournés
des Commandemens de Dieu .
Quand, aprés avoir découvert cette
source des péchés qu'on commet contre
le Prochain , on cherche encore plus
avant la cause de ce manque de charité,
on la trouve dans un amour démesurè de
nous-mêmes , dont la plûpart de nous
sont pleins. On n'est injuste , on n'est
dificile sur les reconciliations, on n'est
dur envers les pauvres, que parce qu'on
s'aime trop soi-même ; & il faut l'avoüer ,
c'est encore là le caractére le
plus general que nous ayons touché
jusqu'ici : Tout est plein de gens qui
n'aiment qu'eux mêmes , qui raportent
tout à eux-mêmes. Demandez leur d'ou-
[vient]
vient qu'ils négligent la plûpart des devoirs,
dont nous venons de parler; Peut
être auront ils la hardiesse de le dire,
ils craignent de s'incommoder. D'où
vient qu'ils aiment tant les richesses,
que rien ne leur fait de peine pour en
acquerir , & qu'ils ne sçavent point les
distribuer dés qu'ils en ont? C'est qu'ils
veulent vivre dans l'aise , dirai - je, ou
dans la molesse ; Ils veulent se reserver
abondamment de quoi satisfaire toutes
leurs passions ; Ils veulent briller & par
la magnificence de leurs bâtimens , de
leurs meubles ou de leurs habits, & par
la splendeur des festins qu'ils donnent
de tems en tems ; Ils veulent ainsi
éblouïr les yeux des hommes & se faire
distinguer dans la societé. Mes Fréres,
Ce portrait ne sauroit être assez chargé;
ce goût mondain est monté parmi nous
a un tel degré , qu'on ne sauroit le peindre
de couleurs assez vives ; Il s'est répandu
dans tous les Ordres de la societé.
Chacun veut paroître plus qu'il
ne devroit , & qu'il ne peut éfectivement ,
chacun passe de bien loin les
bornes de la sagesse , à tous les égards
que nous venons de toucher. Tel peut
être dépense bien de l'argent au bout
[de]
de la semaine, ou à la bonne chére, ou
à faire mal à propos le magnifique,
dont les enfans sont prêts de crier à la
faim. Tel dépense en luxe & en instrumens
de vanité, je ne dis pas beaucoup
plus qu'il ne donne en aumônes; car il
n'y a point de proportion ; mais plus
même qu'il n'a de bien qui soit sûrement
à lui. Il nous coûte beaucoup de
dire des choses si dures : mais nôtre
mondanité est trop connüe, il n'est plus
possible de se taire ; on ne garde pas le
moindre ménagement là dessus. Si seulement
les Conducteurs de l'Eglise veulent
retrancher quelque plaisir , s'ils
parlent contre le Jeu , la Danse, & certaines
assemblées destinées seulement à
étaler des ornemens mondains , & à
réveiller les passions , vous diriez, tant
on s'échape contr'eux, qu'ils ont perdu
toute raison, & qu'ils veulent usurper
un Empire auquel ils n'ont point de
droit. Le Magistrat renouvelle-t-il les
Loix somptuaires , ou veut-il y ajouter
quelque article? De tous cotés on entend
des contradictions & des plaintes,
vous diriez qu'on va établir la plus
cruelle Tyranie ; on veut avoir le chemin
de la débauche ouvert , & les
[chûtes]
chûtes que l'on y voit faire tous les
jours passent encore chez de certaines
gens pour des chiméres. On ne veut
pas que personne prenne aucune mesure
pour nous empécher de nous ruiner,
& d'entrainer les autres par nôtre ruine:
On veut qu'il soit permis d'élever les
jeunes gens dans le luxe, dans la molesse,
& de tout faire pour leur inspirer le
goût des plaisirs , ce malheureux goût,
qu'on devroit plus craindre de leur
laisser prendre , qu'on ne craint leur
mort. Voila comment la plû-part de nos
Chrétiens sont faits aujourd'hui. Funeste
éfet de nôtre prospérité !
* Jesçurun s'est * Deut.
XXXII.
ꝟ. 15.
engraissé , & il a regimbé contre moi : tu
t'es fait gras, gros, & épais, & il a quitté
Dieu qui l'a fait, il a méprisé le Rocher de
son salut . Dieu a fait fleurir pendant
quelque tems nôtre Commerce, il nous
a presenté [je n'ose pas dire en sa grace,
je crains que ce ne soit en sa colére]
des occasions de gagner du bien;
nous en avons profité : Mais nous ne
croirions pas d'en joüir , si nous n'imitions
les mœurs des nations, & si nous
& nos enfans n'étions pas perpétuellement
en compagnie , perpétuellement
à nous divertir. Si, nous tenant dans la
[mode] modestie , nous faisions des aumônes
qui missent tous les pauvres à leur aise;
nous ne croirions pas d'agir assez en riches.
Si on élevoit les enfans au travail,
si on tenoit les filles dans la retraite,
ocupées aux soins intérieurs d'une maison ,
on craindroit qu'il n'y eût pas assez
de grand air. Triste & afligeant renversement
d'esprit ! Que ne fait-il point
craindre pour la génération à venir.
Que de chûtes de familles, que de mauvaises
pratiques pour se soutenir, ce luxe
ne présage - t - il point ! Heureuse pauvreté
de nos Ancétres, ô que tu étois
bien plus propre pour former les cœurs
à la vertu! &, je l'ajoute même, pour
faire de bonnes maisons & des établissemens
solides !
L'aise des sots les tuë, &
Prov.1.
ꝟ. 32.
la prosperité des fous les perd .
Les choses étant ainsi, c'est beaucoup
que la fureur du Jeu ne soit pas allée
plus haut quelle n'est allée jusques ici:
Mais c'est toujours quelque chose de
bien triste, & de peu honorable pour
une societé Reformée , de voir le peu
de scrupule que la plûpart des jeunes
gens s'en font, l'embaras ou ils sont le
jour même du Dimanche, dés qu'ils
sont quelque tems ensemble sans joüer;
[&]
& sur tout il est trés facheux qu'il y ait
des maisons ou l'on sait qu'on ne fait
presque que joüer , & pour lesquelles
c'est une assez forte recommandation
que d'aimer le jeu.
Chrétiens, cette molesse, & cet amour
des plaisirs ne peut que donner lieu à
bien des péchés contre la
Pureté, & la
Chasteté , qui nous est recommandée
dans l'Evangile. Il est certain que cette
vertu ne se soutient que par la retraite,
les refléxions , & le travail. Dés que
vous vous jetez dans le monde , que
vous vous acoutumez au plaisir & à l'oisiveté ,
les passions les plus impures se
dévelopent & prennent le dessus; Aprés
quoi il ne faudra plus que des ocasions,
qui manquent rarement, pour plonger
dans les derniers excés. Nous n'en voulons
pas dire davantage sur cet article;
mais nous conjurons tous les Chrétiens
de l'un & de l'autre séxe , sur tout les
jeunes gens , d'entrer sérieusement dans
leur conscience , & de se souvenir de
cette éfraiante parole de St. Paul
*.
Si * I. Cor.
III.
ꝟ. 17.
quelqu'un soüille le Temple de Dieu , Dieu
le détruira .
L'on voit tous les jours tant de suites
funestes de ces péchés , qu'il est tems
[que]
que la conscience se réveille , qu'elle
crie , mais avec une vive douleur & un
dessein sincére de se corriger, nous avons
péché , nous avons commis iniquité .
confession
des
péchés
de chaque
ordre
particulier
de la
SociétéMais ne nous contentons pas d'avoir
parcouru ces chefs generaux de péchés
dans lesquels tous ceux qui composent
la societé peuvent tomber ; Comme
nôtre Prophête , entrons dans un plus
grand détail , & que chaque Ordre
confesse à Dieu ses fautes particuliéres.
Seigneur , à nous est confusion de face , à
nos Rois, aux Principaux d'entre nous , &
à nos Péres; parce que nous avons péché
contre toi , & nous n'avons point obeï aux
Prophêtes tes Serviteurs qui ont parlé en
ton nom à nos Rois , aux Principaux d'entre
nous , à nos Péres , & à tout le peuple
du païs .
A nos Rois . Quand on pense aux engagemens
de ceux qui sont apelés à la conduite
des Etats; au nombre & à la violence,
des tentations qui les environnent ,
on ne peut s'empêcher de comprendre
que les dignités sont des postes infiniment
dangereux pour le salut, & que c'est un
grand compte que celui qu'un Magistrat
a à rendre à Dieu. Etre chargé du soin
d'un Etat & du bonheur de tout un
[Peuple.]
Peuple , c'est une grande charge, pour
des hommes sujets à des passions , qui
se mêlent par tout , & qui savent merveilleusement
faire illusion aux plus habiles.
Vous donc les Principaux du Peuple ,
vous les Conducteurs de l'Etat , pleins
de ces pensées, entrez aujourd'hui dans
vos consciences, & faites à Dieu une
confession sincére de vos péchés. Etes
vous toûjours entrés dans vos dignitès
par de bonnes voies ? Y avez vous été
apellés de Dieu , ou poussés par vos
passions? Pour y parvenir , n'avez vous
jamais violé de sermens, n'en avez vous
fait violer à personne ? Ce seroit déja
beaucoup de n'avoir rien à se reprocher
sur cet article. Depuis que vous avez
été sur vos siéges , n'avez vous jamais
perdu de vuë le but & les engagemens
de vos Emplois. Dans les affaires publiques
la gloire de Dieu, & le bien de
la Patrie, vous ont - ils toûjours déterminé?
Vos intérets, ou ceux de vos
familles , ou l'amour du repos, ne vous
ont ils jamais endormi ; Avez vous toûjours
brulé de zéle pour la Religion , &
d'amour pour la Vertu ? le vice n'a-t-il
jamais trouvé d'apui chez vous? L'avez
[vous]
vous toûjours puni avec cette sévérité
qui sied si bien à des Juges Chrétiens !
Dans les affaires particuliéres, les passions
ne vous ont-elle jamais entrainé? Dans
celles qui étoient claires , n'avez-vous
jamais pris le mauvais parti ? Dans les
douteuses , avez - vous fait tout ce qui
se pouvoit pour vous éclairer? La Veuve,
l'Orphelin , le Pauvre , celui qui est
privé de parens , d'amis & de protecteur,
ont-ils eu le même crédit chez
vous , que ceux qui auroient eu ces
avantages extérieurs , & qui auroient
voulu s'en servir pour vous séduire ?
Quand Dieu pesera tous vos Jugemens
à la balance , n'aurez-vous rien à craindre?
C'est à vos consciences à refléchir
sur tout cela, & à faire des confessions
à Dieu. Plus on est élevé, plus les péchés
sont énormes : Il ne sert a rien de
s'abuser : les Princes ne sont devant
Dieu que des hommes, dont le compte
sera examiné , avec encore plus de rigueur
que celui des particuliers ; Prévenez
aujourd'hui ce Jugement , par
vôtre repentance & vôtre humiliation.
A nous est confusion de face , à nos Rois ,
aux Principaux d'entre nous , & à nos
Péres .
[Et]
Et les
Conducteurs de l'Eglise, ces Péres
des Chrétiens , n'ont-ils point de
confession à faire aujourd'hui à Dieu?
Leur Emploi , comme on sait, est plus
important qu'aucun autre : Ils sont
chargés du soin des ames , objét tout
autrement considérable que cette vie
& tous ses biens : Les tentations y sont
trés communes & trés violentes : Il faut
de la peine & du travail dans cet Emploi ;
il y a mille désagrémens à essuyer;
enfin on y est soutenu de peu de motifs
humains. Parmi tous ces précipices ,
combien de chûtes n'aurons nous point
fait Mes Chers Fréres ? Déchargeons ,
déchargeons aujourd'hui nos cœurs devant
Dieu. Est-ce sa Vocation , n'est-ce
point la vanité, ou quelqu'autre passion,
qui nous a porté dans le Ministére?
Depuis que nous y sommes parvenus ,
l'Orgueil ne nous a-t-il point fait oublier
ce que nous sommes, & celui que
nous devons imiter , qui nous crie
†,
†
Mat.
XI. ꝟ.
29.
Aprenez de moi que je suis humble ? La
paresse, n'a-t-elle point eu d'Empire sur
nous? L'amour de l'aise ne nous a-t-il
jamais fait négliger, ou les études auxquelles
nous sommes obligés , ou les
fonctions de nos charges ? Avons nous
[tou-]
toujoûrs pensé sur la Religion, & en
avons nous toûjours parlé, avec le respect
qui lui est deû ? Nous tenons-nous
en garde contre tout entêtement pour
nos propres pensées , contre toute envie
de nous distinguer , contre toutes
les tentations de la vaine gloire ? Nos
cœurs sont-ils pleins de zéle pour la
maison de Dieu , mais d'un zéle sage
qui tende uniquement à édifier ? N'avons-
nous jamais eu ou trop de vivacité
contre de certains pécheurs , ou
trop de lâcheté , & de ménagemens
pour d'autres ? En un mot avons-nous
fait nos éforts pour être les exemples
du troupeau? Jugeons, jugeons nous rigoureusement
sur tous ces articles. Il
n'est que trop vrai , grand Dieu ! nous
avons péché , nous avons oublié tes Commandemens ;
à nous est la confusion .
Ce que Daniel ajoute deux fois dans
nôtre Texte , à nous est la confusion , aux
Principaux d'entre nous & à nos Péres ,
doit nous faire souvenir aussi de parler
sérieusement dans cet endroit aux Péres
de famille , & de faire nos éforts pour
réveiller leur conscience. Nous sommes
fort trompés si la plûpart de ceux que
Dieu a apellés à cet état, n'ont de
[gran-]
grãndes confessions à faire aujourd'hui:
Veille-t-on , comme on y est obligé,
à l'éducation des enfans ? & s'y propose-t-on
les vües qu'on doit s'y proposer?
Pour l'ordinaire on veut en faire des
gens qui sachent vivre dans le monde,
c'est à dire, à le bien prendre , qui aiment
les richesses , & qui sachent avoir
de la vanité ; & l'on oublie que le
principal est de leur aprendre à être
bons Chrétiens, à voir de l'amour pour
la Religion , & de la pieté. En conséquence
de ce mauvais plan, on ne travaille ,
dés leur naissance, qu'a leur
inspirer un certain orgueil, une vanité,
plus désagréable peut être à Dieu qu'aucune
autre chose : Sur tout le reste on
pousse l'indulgence pour eux à un degré
énorme ; on est toûjours prêt à les excuser ,
on ne veut soufrir n'y qu'on les
châtie , ni qu'on les mortifie par aucun
endroit ; les meilleures propositions là
dessus , & seules capables de faire de
bons Citoyens , sont rejettées , comme
si elles alloient à bouleverser l'Etat ,
vous diriez que l'on craint que les passions
de la jeunesse ne soient gênées, &
quelles n'ayent pas assez de liberté pour
s'emparer absolument du cœur. O! que
[cela]
cela merite vos réflexions , Péres &
Méres de famille ! Que cela mérite que
vous vous en humiliiez aujourd'hui devant
Dieu ! Vous perdez vous mêmes
vos enfans , & leur sang sera sur vous:
Au lieu qu'avec une sage sévérité vous
pourriez en faire des enfans de Dieu,
par vôtre molle & lâche complaisance
vous en faites des enfans de la Gehenne:
Pour cette vie même , vous préparez à
vôtre vieillesse des sujets de pleurs &
de désespoir : Au nom de Dieu , rentrez
en vous mêmes ; soyez touchés de
l'énormité de ce péché , ayez en une
salutaire confusion ; & loin d'être si attentifs
désormais à l'aise , & aux moyens
de divertir vos enfans, pensez aux
moyens de les rendre sages, & de bannir
les passions de leur cœur.
Nous ne voulons pas pousser plus
loin , Mes Chers Fréres, ce détail des
désordres des diverses Conditions qui
partagent la societé : Chacun pourra,
sur les ouvertures que nous avons données,
étendre ses confessions particuliéres.
Ceux qui ont des domestiques
pourront examiner comment ils se conduisent
avec eux , & si la pieté & la
charité ne soufrent rien chez eux à cet
[égard]
égard ; s'ils prennent soin de leur salut
comme ils le doivent, & s'ils n'éxigent
pas trop d'eux. Les
Domestiques auront
à chercher s'ils remplissent fidélement
leur devoir, & s'ils agissent avec ceux
qu'ils servent , comme ils voudroient
qu'on agît avec eux , s'ils étoient dans
ce cas ;
s'ils ne servent point à l'œil comme
Eph.VI
ꝟ. 5.
voulans plaire aux hommes , mais en
simplicité de cœur , craignans Dieu .
L'homme de Lettres pourra examiner
si sa science ne l'enfle point, s'il tourne
ses études du bon côté, & s'il n'a jamais
abusé de ses lumiéres pour surprendre
personne. Le Marchand pourra voir , si
l'amour des richesses n'a point trop de
crédit sur lui , s'il déteste tout ce qui
s'apelle détour , ou obliquité , pour faire
son profit au préjudice d'autrui ; s'il a
en horreur le mensonge , les sermens
témeraires ou faux, s'il fait des aumônes
à proportion de ses profits, & si la
portion du Seigneur est toûjours levée
la premiére ; s'il n'expose point trop
légérement le bien d'autrui , & si ses
mains sont parfaitement vuides d'interdit.
Qu'il confesse à Dieu ses défauts
à tous ces égards. De même il sera aisé
à l'Artisan , & à tous ceux qui travaillent
[lent]
pour autrui, de faire le compte de
leurs voies , & d'avoüer devant Dieu,
avec un cœur contrit , tous les péchés
qu'ils peuvent avoir commis contre la
droiture & la fidélité que l'on atend
d'eux. Enfin ceux qui sont nés dans cet
heureux Païs pourront voir comment
ils ont usé du calme, de la paix, & de
la prosperité que Dieu leur a acordé
depuis si long-tems. Ceux que la Providence
à chassé de leur Patrie pourront
examiner s'ils ont fait les réfléxions
qu'ils devoient, sur les péchés qui peuvent
avoir irrité la Divinité contre les Eglises
dont ils étoient autrefois
membres ; s'ils ont profité des coups,
dont Dieu les a frapés, & s'ils soutiennent,
dans toute leur conduite, le caractére
de gens qui soufrent pour l'Evangile.
Ainsi tous tant que nous sommes ,
joignans nos cœurs & nos voix, nous
prierons l'Eternel , & nous lui ferons
confession , disans , Nous avons péché,
nous avons commis iniquité , nous avons
fait de méchantes actions , nous avons été
rebelles, & nous nous sommes détournés de
tes Commandemens & de tes Jugemens:
Et nous n'avons point obéï aux Prophêtes
[ tes ]
tes Serviteurs qui ont parlé en ton Nom,
à nos Rois , & aux Principaux d'entre nous
à nos Péres, & à tout le peuple du païs .
O Seigneur ! à toi est la justice, & à nous
confusion de face , comme il paroit aujourd'hui
aux hommes de Juda, & aux habitans
de Jérusalem, & à tous ceux d'Israël,
qui sont prés & qui sont loin, dans tous
les païs auxquels tu les as chaßés, à cause
de leurs forfaits qu'ils ont commis contre toi .
Seigneur , à nous est confusion de face,
à nos Rois, aux Principaux d'entre nous,
& à nos Péres, parce que nous avons péché
contre toi .
TROISIEME PARTIE
NON, Mes Fréres , quelques vivesRéflexions
sur
diverses
choses
qui doivent
animer
nôtre
repentance
& nos
priéres.
que soyent ces expressions, elles ne le
sont pas trop pour réprésenter l'énormité
de nos péchés, le crime de nôtre
ingratitude , & de nôtre mondanité ;
Ce sont des iniquités , des méchantes
actions , en grand nombre. Vous l'avez
vû par le détail que nous venons d'en
faire , qu'il ne s'agit pas d'un péchè ou
de deux, mais d'un trés grand nombre :
Ce n'est pas pour quelque momens
qu'on y est tombé , mais depuis assez
[long-]
long-tems ; l'habitude est prête à se
former , & on est déjà si acoutumé au
vice & à l'amour du monde , qu'à peine
en aperçoit-on le désordre.
Ce n'est pas par ignorance que nous
avons péché ; mais contre des lumiéres
fort claires : Comme les Pharisiens nous
Jean IX
ꝟ. 41.
avons dit ,
nous voyons ; nôtre péché
en est bien plus grand : Il faut avoüer
du moins que s'il y a encore quelque
ignorance parmi nous, si l'on se trompe
encore sur quelques articles particuliers ,
c'est que l'on veut se tromper ,
& que , loin de chercher à s'éclairer,
on ne cherche qu'à colorer les vices ,
& à s'aveugler. Ce n'est pas non plus
faute d'exhortations & de sollicitations,
que nous nous sommes rebellés contre
Dieu : Au contraire il a étendu tous les
jours ses mains vers nous, & tous les
jours il nous a fait entendre sa voix.
Nous n'avons point obéï aux Prophêtes tes
Serviteurs, qui ont parlé en ton Nom .
Vous le sçavez, Mes Fréres; si vos
Pasteurs ont jamais manqué de vous réprésenter
vôtre devoir, & de vous solliciter
† Jer.
VII.
ꝟ. 25.
26. &
ch. IX.
ꝟ. 7. 8.
à le remplir
†.
Je me suis levé le
matin , dit l'Eternel, & je les ai sommés,
disant, Ecoutez ma voix; mais ils ne l'ont
[ point ]
point écoutée , & ne lui ont point prêté
l'oreille ; mais ils ont marché suivant la
dureté de leur cœur. Je vous ai envoyé
tous mes Serviteurs les Prophêtes, me
levant matin, & les envoyant chaque jour,
mais ils ne m'ont point écouté, & n'ont
point prêté l'oreille ; au contraire ils ont
roidi leur col , & ont fait pis que leurs
Péres . Voilà comment on répond à toutes
les exhortations que nous faisons
de la part de Dieu. Les uns les regardent
avec une indiférence assez méprisante ,
comme des discours de gens qui
sont apellés á les faire , & que leur profession
y engage; Les autres y répondent
par quelques marques d'aprobation ,
& par des loüanges ; comme si
c'étoit bien lá la recompense que nous
cherchons : Au reste
chacun marche suivant
Jerem.
XIII.
ꝟ. 10.
la dureté de son cœur ; L'orgueilleux
est toûjours orgueilleux , l'avare est
toûjours avare , l'impur est toûjours
impur ;
ils ont roidi leur col & ont fait
pis que leurs péres . En un mot , de tous
les moyens , que Dieu emploie pour
convertir les hommes , il n'en est aucun
qu'il n'ait employé pour nous gagner ,
bienfaits , châtimens , tout a été mis en
usage; suport de plus d'un siécle, comme
[nous] nous vous l'avons d'abord dit, craintes,
á la vérité de peu de momens , mais
assez souvent excitées, coups frapés sur
nos voisins, coups frapés sur nous - mêmes,
quoi que toûjours plus légérement,
& toûjours avec des voix qui nous faisoient
connoître le but pour lequel Dieu
nous frapoit. Tous ces moyens ont été
employés pour nous rapeller á nôtre
devoir.
Qu'y avoit - il plus à faire à ma
* Es.V.
ꝟ. 4.
vigne que je ne lui aie fait .
(†) Tu les as
† Jer. V.
ꝟ. 3. 4.
frapé , mais ils n'en ont point senti de
douleur : Tu les as consumé , & ils ont
refusé de recevoir instruction , ils ont endurci
leur face comme un rocher .
Il y a donc dans nos péchés un mépris
visible de Dieu, & de nôtre conscience ;
il y a une rebellion sensible contre
les ordres que ses Serviteurs nous ont
porté de sa part; il y a une noire ingratitude ;
il y a un endurcissement étrange.
Qui ne seroit touché de tout cela?
Qui n'en seroit éfraié? qui ne craindroit
pour l'avenir ? O Seigneur , à toi est la
justice , & à nous confusion de face , comme
il paroit aujourd'hui , aux hommes de Juda,
& aux habitans de Jérusalem , & à
tous ceux d'Israël qui sont prés , & qui sont
[ loin ]
loin, dans tous les pais où tu les as chaßés,
à cause de leurs forfaits , qu'ils ont commis
contre toi (†) Tu paroitras juste, si tu parles † Ps.LI
ꝟ. 7.
contre nous , & pur si tu nous condannes .
(*) Nous nous sommes rebellés contre le Seigneur * Dan.
IX. ꝟ.
10. 11.
nôtre Dieu , nous n'avons point
écouté sa voix, pour marcher dans ses Loix,
qu'il a mises devant nous par le moyen de
ses Serviteurs les Prophêtes ; & tous ceux
d'Israël ont transgreßé ta Loi, & se sont
détournés afin de ne point ouïr ta voix .
Helas ! Seigneur , le Dieu Fort , le Grand,
le Terrible , Que ne présage point cette
vuë de nos
péché!
L'éxécration du serment
que tu as ajouté à ta voix n'est-elle
point prête à fondre sur ce peuple ?
Leurs forfaits sont multipliés , & leurs rebellions
se sont renforcées. (†) Comment te † Jer.
V. ꝟ. 6.
7. 9.
pardonnerois je ceci , Jérusalem ? Tes fils
m'ont abandonné , & ils jurent par ce qui
n'est point Dieu; je les ai foulés , & ils ont
commis adultére ; ils sont allés en foule
dans les maisons des débauchés. Ne punirois-je
point ces choses lá en eux? dit l'Eternel ,
& et mon ame ne se vengeroit-elle
point d'une nation qui est telle ? Il me
semble que je l'entens, ce Dieu Fort,
tenir sur nôtre sujet l'éfraiant langage,
que tenoit de sa part son Prophéte sur
[le] le sujet de Jérusalem, chargée de péchés.
† Jer.
IX. ꝟ. 2
& suiv.
(†) Plût à Dieu que j'eusse au désert une
simple cabane ! J'abandonnerois mon Peuple,
& me retirerois d'avec eux; car ce
sont tous des impies , c'est une troupe de
perfides ; ils ont tendu leur langue comme
un arc , pour décocher le mensonge , & se
sont renforcés dans la terre contre la fidélité ;
ils sont allès de malice en malice , &
ne m'ont point connu , dit l'Eternel. Ta demeure
est au milieu de la tromperie ; ils
refusent á cause de la tromperie de me reconnoitre ,
dit l'Eternel : Leur langue est un
trait dècochè , elle profere des fraudes; chacun
à la paix dans sa bouche avec son intime
ami , mais dans son intèrieur il lui
dresse des embûches : Le frere même suplante
son frère , & tout intime ami va
medisant ; Ne punirois-je point ces choses
lâ, dit l'Eternel, & mon ame ne se vengeroit-
elle point d'une nation qui est telle ?
Mes Fréres, nous sommes plus durs
que le marbre, si ces menaces ne nous
touchent point , ni nos cœurs ne sont
pas aujourd'hui brisés devant Dieu , &
ne font des éforts extraordinaires pour
toucher ses compassions. C'est là le but
de toutes les refléxions que nous avons
faites jusqu'ici , de vous porter par la
[con-]
confusion , & par la douleur à retourner
à Dieu, & à prendre des mesures
pour vivre désormais d'une maniére plus
conforme à sa volonté.
CONCLUSION
Oui, quelque grands que puissentCõseils
sur les
moiens
d'obtenir
le
pardon
de nos
péchez.
être les sujets que nous avons de craindre ,
puis que Dieu nous parle encore,
nous pouvons encore nous adresser à
lui, & implorer sa Grace.
Il y a encore du
Baume en Galaad ,
Jerem.
VIII.
ꝟ. 22.
pourquoi la playe de la fille de mon
Peuple ne pourroit-elle pas être guerie?
Que nôtre confusion anime seulement
nos
priéres, & l'ardeur de nôtre zéle,
& ajoutons avec Daniel ,
nous avons
péché , nous avons été rebelles .
Mais, Seigneur ,
Dan. IX.
ꝟ.16.
19.
je te prie que , selon toutes tes justices,
ta colére & ton indignation soit détournée
de ta Ville de Jérusalem , qui est la
montagne de ta Sainteté. Ecoute donc maintenant ,
nôtre Dieu, la requête de ton Serviteur
& tes suplications , & pour l'amour
du Seigneur , fait reluire ta face sur ton
sanctuaire , qui est désolé. Mon Dieu,
prête l'oreille & écoute , ouvre tes yeux, &
regarde nos désolations , & la Ville sur laquelle
[ quelle ]
ton Nom a été invoqué; car nous ne
présentons point nos suplications devant ta
face fondez sur nos justices , mais sur tes
grandes compaßions. Seigneur exauce , Seigneur
pardonne , Seigneur sois atentif &
opére , ne tarde point , à cause de toi-même,
mon Dieu , car ton Nom a été invoqué sur
ta Ville , & sur ton peuple .
Mais en vain présenterions nous à
Dieu ces priéres , si nous ne pensions
sérieusement à nous convertir. Vous
sentez bien le ridicule qu'il y auroit dans
une telle conduite : Ce seroit se moquer
cruellement de la Divinité, que de lui
dire. Helas ! Seigneur, nous avons péché,
fais miséricorde & pardonne , si, en même
tems que nous parlerions ainsi, nous
n'étions pas resolus à cesser de l'ofenser.
Que ce jour donc soit, non seulement
un jour de Priéres , mais un jour de
Repentance & de conversion. Que le méchant
abandonne aujourd'hui son train,
& qu'il se retourne à l'Eternel. Que chacun
se mette devant Dieu , & qu'il
cherche avec sincérité ce qu'il a à faire
pour lui plaire , de quel vice ai - je à me
corriger , quelle passion ai - je à combattre?
Qu'il cherche les mesures qu'il
a à prendre, pour éviter les péchés dans
[lesquels]
lesquels il tomboit ci-devant , & pour
acquérir les vertus qui lui manquent.
Le grand secret, pour sortir de l'esclavage
du péché , c'est d'interroger sa
conscience , & d'écouter en silence ce
quelle nous dira. Dés qu'elle nous aura
parlé , mettons incessamment la main
à l'œuvre ; dés aujourd'hui s'il est possible,
rompons si bien avec le péché que
nous n'ayons plus de commerce avec
lui ; Atachons nos esprits à toutes les
pensées qui peuvent le bannir de chez
nous , & à tout ce qui peut y établir
la vertu. Que celui qui , jusques à présent,
n'avoit pas bien senti le respect
que nous devons à Dieu & à son Evangile,
se pénétre bien de la Grandeur
de l'Etre suprême , de l'entiére dépendance
ou nous sommes de lui, & de la
délicatesse qu'un homme sage doit avoir
sur tout ce qui regarde son Créateur.
Qu'il pense à l'importance de la Religion ,
& aux dangers aux quels s'exposent
ceux qui n'ont pas pour elle une
entiére vénération. Craignons Dieu ,
Mes Chers Fréres, tremblons toutes les
fois que nous pensons à lui , & que nous
jurons par son Nom. Que la vüe de sa
Puissance & de sa Majesté l'emporte
[désor-]
désormais sur tous les conseils des Passions.
Pensons aussi à remplir les engagemens ,
dans lesquels la nature & la Religion
nous mettent avec les autres
hommes. Que chacun examine avec
soin le bien qu'il posséde , qu'il se vuide
incessamment les mains de tout ce qui
apartient à autrui ; & que la fausse
Eglise ne se vante plus que les Restitutions
soient plus communes chez elles
que parmi nous ; quoi qu'il doive nous
arriver , il faut toûjours ôter de chez
nous l'interdit. Si le point d'honneur
craint quelque chose , on peut trouver
des moyens trés seurs de le mettre parfaitement
á couvert : Les Pasteurs de
cette Eglise sont obligés , aussi fortement
qu'on peut l'être , á garder le secret ,
par le serment qu'ils prêtent lors
qu'ils sont apellés á leurs Charges.
Remplissons aussi désormais les devoirs
de la Charité ; Ce n'est pas pour nous
seuls que nous sommes sur la terre;
nous sommes tous les membres d'un
même corps , nous devons nous intéresser
les uns aux autres , nous aimer
les uns les autres , & travailler les
uns pour les autres. Que ceux qui auront
[ront]
auront senti jusqu'à present dans leur
cœur quelque marque de haine ou d'aigreur
pour quelqu'un de leurs fréres,
ou qui seroient en division avec quelqu'un ,
aillent se réünir avec lui , qu'ils
donnent à Dieu cette preuve de l'envie
qu'ils ont d'obtenir eux mémes le pardon
de leurs péchés , & à l'Eglise l'édification ,
& la satisfaction qu'elle reçoit
toûjours de ces bons exemples. Que
ceux , à qui Dieu donne quelque bien,
entrent avec une véritable sensibilité
dans les maux de leurs fréres ; La Providence
nous donne aujourd'hui une
ocasion de faire paroître ces sentimens,
par la resolution qu'ont pris Nos Seigneurs
de faire une Collecte chez les
personnes aisées, pour aider à soulager
cette Eglise voisine , que Dieu a afligéeNeufchâtel
qui
avoit
souffert
un grãd
incendie
peu
de jours
avant
celui
ou
ce
Sermon
fut prononcé.
d'un violent incendie. Que chacun
donc profite avec joie de cette ocasion
de faire du bien ; que les riches sur
tout se fassent un plaisir de témoigner
par là l'afection qu'ils ont pour leurs
fréres. Ce malheur a quelque chose de
si triste , il interesse tant de pauvres
gens , & d'ailleurs l'Eglise dont il s'agit,
a toûjours entretenu tant de liaison
avec nous, qu'il n'est rien que nous ne
[puis-]
puissions atendre de vôtre bénéficence
en leur faveur , si vos cœurs sont tels
qu'ils le doivent être. Vous n'ignorez
pas sans doute , avec quelle cordialité
ceux pour qui nous vous parlons entrérent
dans nôtre douleur , lors que Dieu
affligea cette Ville d'un semblable fleau
L'an
1670. il y a prés de 45. ans ; Ils furent des
prémiers à soulager nos maux , ils le
firent de la maniére la plus empressée,
& la plus obligeante ; & par raport à
l'état ou on étoit alors, on peut dire
qu'ils firent extraordinairement abonder
le fruit de leur justice. Témoignons
leur , aujourd'hui que la Providence
nous y apelle, les tendres retours, & la
juste reconnoissance que nous leur devons;
Rien n'est plus agréable pour des
ames bienfaites que de pouvoir faire
éclater ces sentimens.
Que ceux même dont la fortune est
mediocre se resserrent & diminuent
leurs dépenses, pour avoir de quoi donner.
Les tems, quoi qu'il en soit , sont
durs pour les pauvres: Nous allons entrer
dans une saison ou , vraisemblablement ,
ils auront beaucoup à soufrir,
si les aumônes n'augmentent considerablement.
Et pourrions nous penser à
[nous]
nous divertir , à faire des dépenses en
luxe, en festins , & autres choses semblables ,
pendant que les pauvres membres
de Jésus Christ soufriroient , ou
de faim ou de froid ? Ce seroit bien
peu connoître les engagemens du Christianisme ;
ce seroit avoir bien peu à
cœur nôtre salut.
Par raport à nous-mêmes , souvenons
nous toûjours que le commencement de
la sagesse & de la pieté, c'est de tenir en
bride ses passions, de conserver toûjours
beaucoup d'indiférence pour les biens &
les maux de cette vie, & de ne les estimer ,
que par le raport qu'ils peuvent
avoir à nôtre salut, c'est à dire suivant la
facilité ou la dificulté qu'ils peuvent aporter
à cet ouvrage. Loin d'ici cette envie
démésurée de gagner du bien ; loin de
nous ces plaintes améres , & ces chagrins
si cuisants lors qu'on vient à les
perdre. Loin de nous cette vanité, qui
feroit que nous nous regarderions comme
beaucoup plus considerables, quand
nous serions ou fort parés, ou meublés
superbement. Aprenons plûtôt à n'estimer
chez nous que la vertu & la piété.
Pour cet éfet pensons souvent à nôtre
fin , & à ce que nous voudrions avoir
[fait,]
fait, lors que nous aurons à paroître
devant le Tribunal de Dieu. Helas ! ce
moment est peut être si prés , qu'il y a
de la folie à l'éloigner de nos esprits.
Enfin que chacun , dans l'état ou
Dieu l'a mis, pense désormais à remplir
son devoir, & à avancer la Gloire de
Dieu. Que le Magistrat fasse tous ses
éforts pour cela ; qu'il pense sans cesse
à l'avancement de la Religion , & á faire
fleurir la pieté ; qu'il ait toûjours les
yeux ouverts sur le vice , & qu'il ne
l'épargne jamais ; que sa protection &
se faveurs soient toutes pour la vertu;
qu'il ait toûjours , dans l'éxercice de la
Justice , les yeux fermés, & qu'il soutienne
le bon droit par tout ou il se
trouve , sans acception de personne ;
qu'il punisse avec plus de sévérité les
blasphêmes , & qu'il tienne vigoureusement
la main á l'observation des Loix
Somptuaires , seul frain capable d'arrêter
nôtre mondanité.
Que les Pasteurs ne s'épargnent point
non plus , que revêtus d'un nouveau
zéle, ils travaillent désormais, avec plus
de vigueur que jamais, pour l'avancement
de la gloire de Dieu, & du salut
des ames qui leurs sont commises. Loin
[de]
de nous, Mes Chers Fréres , toute négligence
dans les fonctions de nos
Charges : Eh! qu'est-ce que cette vie
même, en comparaison des biens que
nous perdrions, si nous venions, par une
trop grande délicatesse, á nous relacher?
Toûjours fermes contre les pécheurs,
soutenons généreusement le parti de la
vertu. Principalement veillons sur nous
mêmes; tenons si bien nos passions en
bride , que les plus délicats n'aient rien
á nous reprocher , & que nous puissions
par nôtre exactitude, aussi bien que par
nos exhortations , arrêter le torrent
impétueux du monde, qui menace d'entrainer
tous nos Troupeaux. Laissons,
laissons les mondains se moquer de nos
scrupules & de nos maniéres : Nous
aurons un jour une ample réparation
de ces insultes , si nous faisons nôtre
devoir , & si nous pouvons mourir dans
la grace de Dieu.
Que tous les autres Ordres de la Societé
fassent aussi des éforts convenables
á l'état ou ils se seront trouvés par l'éxamen
de leur conscience, & que par
tout le vice reçoive aujourd'hui des
coups mortels , & la vertu reprenne
une nouvelle vigueur. Alors , alors ,
[Mes]
Mes Chers Fréres nous pourrons nous
assurer que Dieu sera touché de nos
confessions , & qu'il exaucera nos priéres.
Bien-tôt nous sentirons de nouvelles
assurances de sa faveur; Ces nuages,
qui sembloient se former autour de
nous,seront bien-tôt dissipés, & l'Eternel
Ps. IV.
ꝟ. 6.
fera
luire pour nous la clarté de sa face .
Ce
Mal. VI
ꝟ. 2.
Soleil de Justice, qui porte la santé dans
ses ailes , fera même voir à son Eglise de
Psau.
LXXXV.
ꝟ. 1.
plus beaux jours ;
Jacob verra ses captifs
mis en liberté ; Jérusalem fera la joie &
la gloire des Nations. Ainsi pleins de
reconnaissance pour les bienfaits passés,
de sensibilité pour les faveurs continuelles
de Dieu , & d'espérance d'une
vie encore plus heureuse aprés nôtre
mort, nous passerons le tems, que Dieu
nous tiendra encore sur la terre , dans
la joie , & au lieu des gémissemens &
des soupirs , on n'entendra plus parmi
nous que des cantiques;
Eternel, tu t'és
† Psau.
LXXXV.
ꝟ. 2. 3.
4.
9.
apaisé envers la terre;tu as ramené & mis
en repos Jacob; tu as pardonné l'iniquité
de ton Peuple , & tu as couvert tous leurs
péchés; tu as retiré toute ta grande colére,
& tu és revenu de l'ardeur de ton courroux.
J'écouterai ce que dira le Dieu Fort,
[ l'Eter-]
l'Eternel; car il parlera de paix à son peuple
& à ses bien aimes , & que jamais ils
ne retournent à leur folie .
AMEN.