Ceux qui se veulent enrichir , tombent
dans la tentation , dans le piége,
& dans un grand nombre de desirs
insensez & pernicieux , qui plongent
les hommes dans la ruïne &
dans la perdition: car l'amour des
Richesses est la racine de toute sorte
de maux ; & quelques-uns en étant
possedez , se sont écartez de la foi ,
& se sont jettez dans bien des embarras
& des chagrins .
L'APÔTRE SAINT PAUL dit
que
* l'homme animal ne comprend *
I. Cor.
II. 14.
point les choses qui sont de l'Esprit
[ prit ]
de Dieu : elles lui paroissent une
folie . De là naissent les railleries
des Libertins sur la conduite des
gens de bien , & sur leurs espérances ,
& le mépris que le monde a
pour la pieté. Si les hommes du
monde se donnent la liberté de juger
ainsi de la manière d'agir des
Fidéles, & des vuës qu'ils ont pour
une autre vie, les hommes de Dieu,
d'un autre côté , jugent que la conduite
des hommes du monde est
aussi une folie , & que rien n'est plus
chimérique que leurs espérances &
leurs desseins. Ils se regardent
réciproquement comme des fous &
des insensez. Cette dispute durera
autant que le monde , & ne sera
décidée qu'à la venuë du juste Juge
de cet Univers , qui aprouvera
la conduite des uns , condamnera
celle des autres , & convaincra toutes
les Créatures de la justice de sa
décision.
Pour nous, MES FRERES, qui
faisons profession d'être les Disciples
[de]
de ce Docteur celeste , nous pouvons
prendre parti dès à present ,
puis qu'il nous a déclaré par ses Serviteurs ,
ses sentimens , & les principes ,
sur lesquels il fondera son Jugement ,
au dernier jour : Et , aujourd'hui
son Apôtre nous instruit sur
une des matières les plus contestées,
savoir , sur le desir des Richesses ,
qui est regardé par les hommes de
ce Siecle, comme une souveraine prudence ,
qui les conduit à une véritable
felicité; & par le Saint Esprit,
comme une pure folie , qui plonge
dans la ruïne & dans la perdition .
St. Paul ne peut pas parler d'une
maniére plus décisive qu'il le fait
dans nôtre Texte. Ceux qui se veulent
enrichir tombent dans la tentation,
dans le piége, & dans un grand
nombre de desirs insensez & pernicieux,
qui plongent les hommes dans
la ruïne & dans la perdition ; car
l'amour des Richesses est la racine de
toute sorte de maux , & quelques-
uns en étant poßédez se sont écartez
[ de ]
de la foi , & se sont jettez dans bien
des embarras & des chagrins .
Il adressoit cette exhortation à
un jeune Ministre de l'Evangile , savoir ,
à Timothée , qu'il munissoit
contre les tentations & les piéges
du Diable , & qu'il vouloit former
sur le modelle de JESUS-CHRIST.
Le desir des Richesses est sur tout indigne
d'un Ministre de JESUS-
CHRIST, qui connoit les espérances
glorieuses que son Maitre lui
fait annoncer aux hommes : Mais ,
il est aussi indigne de tous les Chrêtiens,
qui adorent leur Sauveur dans
le Ciel , & qui savent qu'il leur est
allé préparer lieu dans ce séjour de
la felicité. La leçon de l'Apôtre
est donc propre pour tous , & pour
les Ministres du Seigneur & pour les
simples Chrêtiens , & pour les Pasteurs
& pour les Brebis ; mais d'autant
plus propre , qu'il semble que
nous devons tous passer condamnation,
& que si nous examinons bien
nos pensées & nos inclinations secretes,
[tes,]
& que nous en fassions comparaison
avec les Maximes de l'Evangile ,
nous trouverons que nous
sommes encore en partie animaux
à cet égard ; que nous avons tous
quelque reste de cette folie , dont
l'Apôtre nous parle ; les uns plus,
les autres moins. C'est donc pour
nous détromper les uns & les autres
sur cette matiére, que j'ai choisi
le Texte que je vous ai lu. Les
uns y aprendront qu'ils sont entiérement
fous ; les autres qu'ils ne
sont pas entiérement sages. Et si
nous voulons tous agir avec prudence,
nous abandonnerons absolument
ce desir ridicule des Richesses.
L'Apôtre avoit déja jetté les fondemens
des maximes , qu'il établit
dans nôtre Texte , en montrant le
peu de nécessité & le peu d'utilité
des Richesses. Nous n'avons rien
aporté dans ce monde , & il est évident
que nous n'en pourrons rien emporter ;
& pourvû que nous ayons dequoi
nous nourrir & dequoi nous vêtir ,
[ tir , ]
cela nous suffit . Les Richesses,
dit - il , ne servent de rien pour une
autre vie ; & pour celle - ci , nous
pouvons nous en passer aisément.
Toutes nos nécessitez se raportent
à nôtre nourriture & à nos vêtemens;
& nous pouvons avoir l'un
& l'autre sans être riches. Pourquoi
donc nous tourmenter à aquerir les
Richesses ?
Après avoir montré leur inutilité ,
il montre combien le desir de
les posseder est préjudiciable : C'est
pour cela qu'il ajoûte : Mais ceux
qui se veulent enrichir tombent dans
la tentation , dans le piége , & dans
un grand nombre de desirs insensez
& pernicieux , qui plongent les hommes
dans la ruïne & dans la perdition :
car l'amour des Richeßes est la
racine de toute sorte de maux ; &
quelques-uns en étant possedez se sont
écartez de la foi , & se sont jettez
dans bien des embarras & des chagrins .
L'Apôtre nous parle 1°. de ceux
[ qui ]
qui veulent s'enrichir . 2°. Il nous
en dit deux choses en general. La
premiére, qu' ils tombent dans des desirs
fous . La seconde qu' ils tombent
dans la tentation , dans le piége , &
se livrent à des désirs nuisibles, dont
il fait une espèce de détail. Considérons
aussi ces matiéres sous cet
ordre là.
Par
ceux qui se veulent enrichir ,
on ne peut douter que l'Apôtre
n'entende , 1°. ceux qui désirent
avec plus d'ardeur les Richesses
que le Régne de Dieu ; c'est-à-
dire , que la pieté , par laquelle
Dieu régne en nous : car JESUS-
CHRIST nous dit
* Cherchez premiérement *
Matth.
VI. 33.
le Royaume de Dieu & sa
Justice, & toutes ces choses vous seront
données par deßus . La conduite de ces
gens-là est donc blâmable, puis qu'elle
est contraire au Commandement du
Seigneur, & cependant ils sont déja
en grand nombre, quoi que personne
ne s'imagine d'être de ce nombre
là. Une seule choses les convaincra
[cra]
qu'ils se trompent. Il n'y a qu'à
les obliger d'interroger leur Conscience,
& à se demander ce qui
leur donne plus de plaisir, ou quand
ils ont fait une bonne action , ou
quand ils ont fait quelque profit dans
leurs affaires ? Dequoi ils sont plus
fâchez , ou d'avoir commis un péché ,
ou d'avoir fait quelque perte?
Si , par exemple , ils aiment mieux
laisser échaper un profit considerable
que de dire un mensonge ? Car toute
personne , qui se réjouït plus de
l'aquisition des Richesses que de
l'augmentation de sa vertu , qui s'aflige
plus de la perte de ses biens que
de la perte de sa pieté, & qui est prête
à commettre un péché, comme le
mensonge , pour faire un profit considérable,
elle aime plus les Richesses
que le Royaume de Dieu: car où
le péché régne, Dieu ne régne plus.
En second lieu , par ceux qui se
veulent enrichir , & qui le veulent
d'une maniére condamnable, on doit
entendre ceux qui , sans mettre leur
[con-]
confiance en la bonté de Dieu, desirent
les biens du monde avec inquietude,
avec des soucis rongeans,
avec crainte pour l'avenir : Car ,
bien loin qu'il soit permis de rechercher
la superfluité des Richesses avec
ces soucis de défiance: il n'est pas même
permis de rechercher de cette
maniére les choses absolument nécessaires
pour nôtre conservation. C'est
pour cela que JESUS-CHRIST nous
dit,
* Ne vous inquietez donc point, *
Matth.
VI. 31.
32.
& ne dites point , où trouverons-nous
dequoi manger & boire , & dequoi
nous habiller? car se sont les Payens,
qui recherchent toutes ces choses , &
vôtre Pere celeste, qui vous a donné
la vie & le corps, sait que vous
en avez besoin .
Enfin , ceux qui se veulent enrichir
sont des personnes, qui estiment
malheureux ceux qui ne jouïssent
que du nécessaire : qui en conséquence
ne veulent pas s'en contenter,
mais cherchent ce qui peut les
mettre dans l'aise & dans l'abondance ;
[dan-]
qui travaillent & qui s'empressent
pour faire réüssir le dessein
qu'ils ont formé. Ainsi, St. Paul ,
dans nôtre Texte , ne parle pas de
ceux qui estiment simplement les Richesses ,
qui souhaiteroient d'en
avoir , & qui en demeurent là, sans
que ce ce desir ait de l'influence sur
leurs desseins & sur le Plan general
de leur vie. Ce n'est pas que le
simple desir des Richesses, soit un desir
sage , car elles ont si peu de rapport
avec nôtre vocation , & elles
sont si propres à nous faire perdre le
Salut , qu'il n'y a pas de prudence
à les desirer. Aussi l'Esprit de Dieu
nous a conservé comme une Priere
*
Prov.
XXX. 8
sage celle d'Agur, qui disoit,
* Ne
me donne ni Pauvreté, ni Richesses,
mais nourri-moi du pain de mon ordinaire ,
de peur qu'étant rassasié, je
ne te renie , & que je ne dise , Qui est
l'Eternel! De peur aussi qu'étant apauvri
je ne dérobe , & que je ne prenne
en vain le nom de mon Dieu .Mais,
quoi que le simple desir des Richesses
[ses]
ne soit pas sage , ce n'est pas celui
que St. Paul condamne dans nôtre
Texte ; il n'y condamne que celui
qui tient le cœur attaché au dessein
de s'enrichir , & qui engage à
travailler pour l'éxécuter.
On dira, sans doute, que le dessein
de s'enrichir , & les soins que l'on
se donne pour cela , ne sauroient
être blâmables , puis que Dieu ne
veut pas que nous vivions dans l'oisivité ,
& que l'Apôtre lui-même
nous dit , que
* les peres doivent *
II. Cor.
XII. 14.
amaßer du bien pour leurs enfans .
Mes Freres, autre chose est de
travailler pour avoir dequoi vivre,
& dequoi laisser à ses enfans, afin
qu'ils ne soient point exposez aux
incommoditez & aux tentations de
la pauvreté; & autre chose n'être
point content d'un bien médiocre ,
& se regarder comme malheureux,
jusques à ce que l'on soit riche. L'Apôtre
commande la premiere de ces
choses , mais il blâme la derniere.
D'ailleurs, si quelcun en s'occupant
[à]
à un travail legitime, aquiert des Richesses
considerables, il ne fait point
de mal en cela, il ne doit pas même
se défaire de ses Richesses , comme
en ont usé d'anciens Philosophes;
seulement il doit se souvenir qu'il
est exposé à une plus grande tentation,
qu'il n'étoit auparavant: il doit
se tenir extrêmement sur ses gardes ,
veiller & prier, & prendre la
résolution de faire de grandes aumônes,
qui doivent être le but du
travail que nous entreprenons pour
aquerir du bien , comme St. Paul
*
Ephes.
IV. 28.
le dit expressément
*,
Que chacun
s'occupe, en travaillant de ses mains
à quelque chose de bon, pour avoir dequoi
donner à celui qui est dans le
besoin .
Ce que nous venons de dire explique,
ce me semble , suffisamment
qui sont ceux qui se veulent enrichir .
Voions maintenant ce que l'Apôtre en
dit. Il dit qu'ils tombent dans la tentation,
dans le piége & dans plusieurs
desirs insensez & pernicieux, qui
[ plon- ]
plongent les hommes dans la ruïne &
dans la perdition . Commençons par
ce qu'il dit de la folie.
Ils tombent dans plusieurs desirs
insensez ; c'est à dire , que les desirs,
qu'ils ont à cet egard, sont insensez ,
& les engagent à une conduite
fole.
1°. On doit croire qu'une conduite
est fole, quand elle est contraire
aux maximes des personnes, qui sont
reconnuës incontestablement pour sages.
Or prenez tous les Sages , reconnus
pour tels, par l'Esprit de Dieu
dans sa Parole , nous n'en trouverez
pas un entêté du desir de s'enrichir.
Ils se regardent au contraire tous
comme
* des étrangers & des voiageurs *
Hebr.
XI. 13.
sur la terre . Ils sont tous occupez
† du desir d'une autre Patrie ,
†
Hebr.
XI. 16.
&
‡ de l'espérance de la Cité , qui a ‡
Hebr.
XI. 10.
un fondement solide, dont Dieu est
l'Architecte & le Fondateur . Nous
avons vû qu'Agur , bien loin de s'empresser
pour posseder des Richesses,
demande positivement à Dieu qu'il
[ne]
ne lui donne point , qu'il ne
lui donne que le pain de son ordinaire,
Et quand Dieu permit à
Salomon de lui demander tout ce
qu'il voudroit , ce sage Prince se
garda bien de lui demander des Richesses.
2°. Une conduite est fole, quand
elle est contraire aux conseils des
gens sages. Or, non seulement les
Sages parmi les Païens , non seulement
les Prophêtes & les Apôtres
nous donnent beaucoup de mépris
pour les Richesses ; mais JESUS-
CHRIST lui même , la Sagesse de
Dieu, la Sagesse éternelle, nous défend
très souvent de desirer les Richesses,
& d'y mettre nôtre cœur.
Il décrit, en divers endroits , les
mauvais effets qu'elles produisent.
Il nous ordonne de demander à Dieu
nôtre pain quotidien ; c'est à dire ,
tout ce qui nous est nécessaire pour
passer nôtre vie avec douceur , &
rien plus. Et il nous défend positivement
†
Matth.
VI. 19.
de nous
† amasser des Trésors
sur la terre .
[3°. C'est] 3°. C'est une conduite fole, que
d'avoir beaucoup d'empressement
pour une chose de petite consequence,
quand on en peut avoir d'incomparablement
plus considerables.
C'est ainsi qu'on estimeroit fou un
homme, dans un âge avancé, qui
s'empresseroit pour avoir les Joüets
d'un enfant. Et c'est là précisément
ce que font les Chrêtiens , qui veulent
s'enrichir sur la terre. Ils ont
la Parole de Dieu , qui est infiniment
plus précieuse que tout l'or
du monde ; les promesses de sa
Grace ; celles de la Vie éternelle ;
Ils peuvent être riches en foi & en
bonnes œuvres ; Avec cela ils peuvent
être contens & dans la vie, &
dans la mort; ce qui a obligé l'Apôtre
à opposer ci-dessus le gain de
la pieté à tous les gains du monde.
** I. Tim.
VI. 6.
La pieté, avec un esprit content de
ce qu'on a , est un grand gain .Ils
peuvent gagner JESUS-CHRIST ,
qui leur
† est gain, soit dans la vie, †
Philip.
I. 21.
soit dans la mort . Ils peuvent gagner
[gner] la Perle de grand prix, les Richesses
incomparables du Royaume
des Cieux , les Couronnes & les
Trônes de la nouvelle Jérusalem. Ils
peuvent, par maniére de dire, déja
étendre la main sur ces choses. Il
n'y a que la très - courte durée de
cette vie, qui les en tienne éloignez.
Châque jour qu'ils vivent les en aproche:
Ils en peuvent même dès ici-
bas avoir les arrhes , les prémices ,
les avant-gouts. Et avec tous ces
avantages , ils tournent encore les
yeux sur la terre ; ils y mettent encore
leur cœur ; ils y cherchent encore
leur félicité. N'est-ce pas entiérement
oublier leur vocation, &
prendre de vaines aparences pour
des biens solides? JESUS-CHRIST,
en parlant des choses nécessaires à
*
Matt.
VI. 31.
32.
la vie , disoit à ses Disciples;
* Ne
vous inquietez point , & ne dites
point, ou trouverons-nous dequoi manger
& boire, & dequoi nous habiller?
Car ce sont les Payens , qui recherchent
toutes ces choses , pour montrer
[trer]
que pendant qu'un Chrêtien estime
les choses du monde, comme
les autres hommes les estiment , il
abandonne ses principes ; il oublie
sa grandeur & agit comme une personne
fole.
4°. Qui pourroit, après cela, representer
la bisarrerie de cette passion ?
Elle remplit l'Avare de mille
desseins ridicules , de mille imaginations
grotesques. Un jour elle
lui fait entreprendre le dessein de
s'enrichir, & le lendemain elle l'oblige
à l'abandonner. Il fait un pas,
& puis il recule en arriere. Il veut,
& il ne veut pas en même tems,
selon qu'il a des craintes ou des
espérances. Et il est quelque fois
si aveuglé, qu'il s'attache à des choses
impossibles, telle qu'est la transmutation
des Metaux , à laquelle
des gens consument & leurs biens
& leur vie; semblables à ce chien
de la Fable, qui quitta le morceau
qu'il portoit , pour courir après
l'ombre qu'il voioit dans la riviere.
[Il]
Il a un pied dans la fosse & il amasse
des biens, comme s'il avoit à vivre
plusieurs Siecles. Ce ne sont
pas ses enfans qu'il a en vûë; C'est
lui-même, car ceux qui n'ont point
d'enfans, sont autant ou plus avides
à aquerir du bien, sur la fin de leur
vie, que les autres. Il passe quelquefois
au - delà de cette vie, & se
represente l'honneur qu'il aura à la
lecture de son Testament, d'avoir sû
bien épargner & aquerir. Il s'aplaudit
aussi quand il considere l'éclat, avec
lequel sa famille vivra après sa
mort, comme s'il devoit avoir quelque
part à ces choses, & comme
si la poussiere de son Tombeau devoit
se ranimer pour voir ce qui se
passe dans ce monde , ou comme
s'il étoit sur qu'il transmettra ses
biens à ses enfans , & qu'ils ne les
dissiperont pas en peu de tems.
5°. Mais le plus dangereux accez
de sa folie, est la persuasion où
il est qu'il trouvera la félicité dans
la possession de ses Richesses. C'est
[cette]
cette félicité qui l'attache. C'est cette
félicité qui l'entraîne. C'est cette
félicité qui nous éblouït presque tous.
C'est donc ce qui a le plus besoin
d'examen : Car après tout, si les Richesses
nous rendent heureux , on
n'en peut pas condamner le desir ;
mais si elles ne donnent point ce
qu'elles promettent, on est pris pour
dupe , quand on les recherche avec
ardeur, & on ne peut plus être mis
au nombre des Sages.
Pour être heureux , 1°. Il ne
faut rien desirer: car rien ne marque
plus un état d'indigence & de
misere que de desirer. C'est une
preuve que l'on ne se trouve pas
bien dans l'état où l'on est. 2°. Il faut
être delivré des maux réels. 3°. Il
faut en general avoir du plaisir. 4°.
Il faut que ce plaisir ait une durée
certaine, autrement la crainte de le
perdre le corromproit entierement.
Enfin il faut avoir du mérite , autrement
on a du chagrin toutes les
fois qu'on tourne les yeux sur soi-
même.
[Exa-] Examinons sur ce pied la félicité
que les Richesses procurent. 1°. Pour
ce qui est des desirs des Avares,
quand les voit - on cesser? L'expérience
de tous les Siecles fait voir
que l'envie d'avoir de l'argent, croit
à mesure qu'on en aquiert: C'est ce
que nous veut enseigner le Sage:
†
Prov.
XXVII.
20.
† Le sepulcre & le goufre ne
sont jamais rassasiez ; aussi les yeux
des hommes ne sont jamais rassasiez .
Plus on jette de bois dans le feu ,
plus il s'augmente ; Plus un Avare
amasse des Richesses, plus son desir
s'enflamme. C'est un hydropique, qui
ne sauroit étancher sa soif. Venons
au fait. Je l'ai vû travailler vingt &
trente ans ; mais il travaille encore
avec la même aplication; D'où vient
cette aplication, si ses desirs sont éteints?
Il travaille, direz-vous, pour
son plaisir , c'est pour se desennuier.
C'est une erreur que cela. Où est
le plaisir d'attendre des acheteurs,
devant une boutique , pendant les
rigueurs du froid? Où est le plaisir
[d'être]
d'être dans un Comptoir, à faire des
supputations embarassées, & à écrire
des lettres de tous côtez ? Où
est le plaisir de débrouiller des papiers
noircis par le cours de plusieurs
génerations ? Où est le plaisir
de s'exposer aux risques & aux fatigues
des voiages , & de ne mettre
souvent entre sa vie & sa mort
que l'épaisseur d'une planche ? On
fait tout cela pour son plaisir ; Cela
est-il vraisemblable ? Il en est comme
des Joüeurs ; ils joüent, disent-
ils, pour se divertir ; cela n'est pas
vrai non plus ; ils joüent pour gagner :
car vous ne les feriez pas
joüer une heure, s'ils ne joüoient
rien. Il en est de même du travail
de ceux qui aiment les Richesses ,
ils s'en passeroient très volontiers,
s'ils n'y gagnoient rien ; & après
tout, je ne sai s'il y auroit de plus
grande folie que de croire qu'un
semblable travail nous rende heureux.
Mais, direz-vous, ils ne font
pas mal de travailler jusques à la
[fin]
fin de leur vie. Je ne dis pas qu'ils
fassent mal, mais je dis qu'ils desirent
encore, & que par consequent
l'aquisition de leurs Richesses,
ne les a pas encore rendu heureux.
2°. Si nous regardons les maux
réels, il y a en a du corps & de l'esprit.
Ceux qui affectent le corps,
sont les douleurs & la mort; Mais
les Richesses ne délivrent d'aucun de
ces maux-là , ni ne les adoucissent.
Croyez - vous qu'un homme riche
sente moins vivement les douleurs
de la goute & de la pierre, que
celui qui est dans une fortune médiocre ?
Et jusqu'ici a-t-on vû que
les Richesses ayent été capables de
suspendre pour un seul moment
l'heure de la mort de quelque Riche
†
Psau.
XLIX. 7.
8. 9. 10.
que ce fut.
† Il y en a, dit
le Prophête,qui se fient en leurs
biens, & qui se glorifient en l'abondance
de leurs Richesses ; personne
n'en pourra aucunement racheter son
frere , ni donner à Dieu sa rançon:
car le rachat de leur ame est trop
[ cher ]
cher , & il ne se fera jamais , pour
faire qu'il vive encore à jamais , &
qu'il ne voye point la fosse .
Mais au moins, dira - t - on, ils
jouïssent de grands plaisirs. 1°. C'est
un grand plaisir d'être delivré des
incommoditez de la pauvreté. 2°.
C'est un grand plaisir de n'avoir
pas d'inquietude pour l'avenir, &
d'avoir devant soi un fond abondant
pour soi & pour sa postérité.
3°. C'est un plaisir de manger délicieusement.
4°. C'est un plaisir d'être
bien logé & d'être bien vêtu d'habits
magnifiques. 5°. C'est un plaisir de
se trouver dans un état, qui mette
de la distinction entre vous & les autres
hommes. 6°. C'est un plaisir
d'être estimé & caressé de tout le
monde. 7°. C'est un plaisir d'avoir
un chemin aisé & comme sur de
s'élever aux Honneurs. 8°. C'est un
plaisir de goûter plusieurs voluptez,
qu'on ne sauroit goûter sans Richesses.
9°. Enfin, c'est un plaisir de
pouvoir faire du bien à tout le
[mon-]
monde. Après cela est-on fou de
desirer les Richesses?
Je l'ai dit, que cet amas de plaisirs,
est ce qui apuioit le plus la folie
des Avares: Mais entrons un peu
au dedans de ce grand amas de
plaisirs. 1°. Je ne fai point difficulté
d'avoüer qu'il y a en general plus
de plaisir à être riche qu'à être pauvre ;
†
Actes
XX. 35.
† JESUS-CHRIST l'a dit :
Il y a plus de bonheur à donner qu'à
recevoir : Mais cela ne prouve en
aucune maniere la félicité que procurent
des Richesses, sur tout par
opposition à une personne qui, étant
dans une fortune médiocre , est délivrée
des incommoditez de la pauvreté.
Le Riche à cet égard n'a
rien de singulier.
2°. Les Richesses délivrent, dit-on,
de beaucoup d'inquiétudes pour l'avenir,
soit par raport à soi-même, soit
par raport à ses enfans. Mais, si les Riches
paroissent persuadez que rien ne
peut les priver de leurs Richesses , ils
sentent cependant bien le contraire ,
[&]
& ils le sentent mieux que personne.
C'est pour cela qu'ils se munissent de
Coffres forts, de bonnes Portes, d'excellentes
Serrures, pour se garantir de
l'adresse des Larrons. La seule pensée
qu'ils peuvent être volez , les trouble ;
elle les réveille ; & le moindre
bruit, pendant les ténebres,
leur glace le cœur. Et l'on sait que
leurs inquiétudes sont telles qu'elles
donnent souvent une matiere abondante
aux Comedies du Siecle.
Mais, pour en parler plus sérieusement,
disons que les Richesses coûtent
infiniment à conserver, comme
le savent très bien dire ceux
qui les aiment, & que ce sont, à
cet égard, des épines très dures &
très piquantes. Que s'il arrive à
l'Avare de les perdre, on ne sauroit
representer la grandeur de son désespoir ;
C'est pour cela que Saint
Jaques
dix aux Riches,
† Pleurez, †
Jaques
V. 1. 2.
3.
& vous lamentez, à cause des malheurs
qui sont prêts à tomber sur
vous , la pourriture a consumé vos
[ Ri- ]
Richesses ; les vers ont mangé vos
habits ; vôtre or & vôtre argent se
sont rouillez, & leur rouille s'élevera
en témoignage contre vous , & dévorera
votre chair comme un feu ;
c'est là un Trésor que vous vous êtes
amassé pour les derniers jours. Quelle
†
Ecclesiastiq.
XLI.
1.
agitation à la pensée de la mort! † O! mort, que ton souvenir est triste
à celui qui vit tranquillement au
milieu de ses biens .
Opposez à cela l'état d'un homme
de bien, qui travaille avec confiance
& avec résignation à la volonté
de Dieu, qui a beaucoup d'indifference
pour les biens qu'il possede,
qui est tout pénétré de l'espérance
de la félicité céleste, qui ne
craint point la mort , qui la voit
venir avec joye. Lequel est le plus
heureux ou lui, ou l'Avare?
3°. Compterons-nous pour un
plaisir raisonnable celui de manger
délicieusement ? Les Païens , ces
Païens , pour qui JESUS-CHRIST
nous a fait sentir que nous devions
[avoir]
avoir tant de mépris , ne l'ont-ils
pas blâmé très souvent, & décrié
comme indigne de l'atachement d'un
honnête homme ? Mais, si on le
trouve si grand ; remarquons que
ce qui le donne, n'est pas le choix
des viandes , mais l'apetit ; apetit
qui se trouve plus souvent dans un
pauvre ou dans un homme médiocrement
pourvû des biens de la fortune,
que dans un Riche , ou dégouté
par une bonne chere continuelle ,
ou tellement occupé de ses affaires,
qu'il ne pense pas à ce qu'il mange;
ou si fort attaché à son argent, qu'il a
de la peine à se voir manger, qui ne
peut soufrir la moindre diminution
à son bien. D'ailleurs combien de
maladies ne traine pas après soi une
vie délicieuse?
4°. Le plaisir d'être logé magnifiquement
& de porter de riches
habits , est quelque chose par raport
à l'imagination ; Mais, par raport
au plaisir réel qu'il fait sur les
sens, il est nul au prix de celui que
l'on peut trouver à voir le magnifique
Bâtiment de ce Monde, & les
differentes beautez que la Nature
nous présente , dès que nous jettons
les yeux sur elles. Et se peut-
il qu'on ait l'esprit assez bas pour se
trouver heureux d'avoir de certains
habits? Qui est-ce qui auroit le front
de dire , je suis fort heureux , parce
que je suis bien habillé. Le bonheur
du Paon, la gloire d'une fleur,
n'est-elle pas à cet égard infiniment
au dessus de toutes ces parures, que
l'art a inventées , & de la gloire
qu'on en retire ?
5°. Ce qui nous flate le plus,
dans toutes ces choses, est la distinction
où nos Richesses nous mettent,
& il est vrai qu'elles nous attirent
quelque consideration ; Mais , ne
nous flatons pas , si nous n'avons
que des Richesses & point de mérite ,
ce qu'il y a de plus honnêtes
gens se moquent de nous, & en
font des railleries piquantes. On
a beau emploier son bien pour les
régaler & pour les divertir , on
[n'é-]
n'échape point à leur mépris & aux
traits de leur langue : Ainsi le peu
de fumée, que les autres nous vendent ,
vaut-il la peine que nous y
fassions la moindre attention ?
6°. On me caresse pourtant , direz-
vous: On vous caresse , mais
ce n'est pas vous qu'on caresse ,
c'est vôtre or & vôtre argent , &
si vous le gardez , comme l'amour
que vous avez pour lui , vous porte
à le garder , on vous tourne le
dos, & on vous abondonne.
7°. On voit pourtant , direz-
vous encore , les Honneurs & les
Emplois se joindre aux Richesses. Je
l'avouë , parce qu'on trouve des
gens lâches & injustes, qui vendent
leurs suffrages. D'ailleurs, que font
les honneurs du monde, qu'un peu
de vent ? qu'un éclat , qui s'évanouït,
ou plutôt très souvent qu'un
Theatre élevé , où vous ne faites
qu'étaler vos imperfections & vôtre
peu de mérite.
8°. A l'égard des voluptez , il
[n'y]
n'y en a point de raisonnable qu'on
ne goûte dans une fortune mediocre.
Et pour ce qui est des criminelles,
je tombe d'accord qu'il faut
souvent des Richesses pour en jouir:
Mais, est-ce être heureux que de se
souiller par des crimes , & que
*
Rom.
II. 5.
d'assembler pour sa Conscience
* un Trésor de remords très cuisans,
& de colere pour le jour de la colere .
9°. Mais , qui niera au moins ,
que le plaisir de faire du bien, ne
soit un grand plaisir? Sur tout quand
on pense que par là on se rend agreable
à la Divinité. Et c'est là
un plaisir qui dépend des Richesses.
Je l'avouë; mais il faut remarquer
1°. Que pour se rendre agreable à
Dieu, en donnant, on en peut venir
beaucoup plus aisément à bout
dans une fortune mediocre, que
quand on est riche. Il faut donner
selon la proportion que JESUS-
CHRIST indique, quand il dit,
†
Luc
XXI. 3.
que
† la Veuve , qui donne deux
petites pieces de monnoie , donne plus
[ que ]
que les Riches qui aportent, des sommes
considerables . Or il est incomparablement
plus aisé à une personne,
qui possede un bien mediocre ,
de donner peu, qu'à un Riche
de donner beaucoup. L'expérience
de tous les jours le prouve. Mais
je donnerai, selon l'intention du Seigneur,
dans toute l'abondance qu'il
demande. Si cela est , vous avez
trouvé du bonheur dans les Richesses.
Mais vous n'êtes plus du nombre
de ceux , dont parle nôtre Apôtre,
du nombre de ceux qui aiment les
Richesses pour elles mêmes qui ne
les aquierent pas pour les autres.
Mes Freres, à mesure que nous manions
cette éclatante félicité des Richesses,
elle nous paroit toujours plus
mince, & nous découvre que ceux
qui s'y attachent sont possedez d'une
véritable folie. Ils prennent une aparence
pour une réalité, & de méchans
bijoux pour des pierres précieuses.
Mais leur folie paroitra dans tout son
jour, si nous considerons l'incertitude
[ & ]
& l'inconstance de cette félicité : car
ceux qui veulent s'enrichir croient
qu'ils seront heureux quand ils seront
riches ; Mais quelle preuve ont - ils
qu'ils atteindront leur but ? Combien
de personnes , qui durant toute leur
vie se donnent à cet égard des peines
inutiles. 2°. Quand ils les ont acquises,
souvent ces Richesses prennent des
ailes & s'envolent. 3°. Et, après tout,
il les faut quitter à la mort, & souvent
lors qu'on y pense le moins. C'est
ce qui arriva à ce Riche, dont parle
JESUS-CHRIST. Il avoit amassé
beaucoup de biens , & il disoit à son
†
Luc
XII. 19.
20.
ame :
† Mon ame, tu as beaucoup de
biens en reserve, pour plusieurs années,
repose-toi, mange , boi , & te rejouï;
mais Dieu lui dit; Insensé, cette nuit
même ton ame te sera redemandée ,
& ce que tu as amassé , pour qui sera-
t-il? Il étoit fou d'avoir cherché
son bonheur dans une chose qui alloit
lui être enlevée. Enfin la quatrieme
condition de la felicité, c'est
d'avoir du mérite & de la vertu;
[Mais]
Mais quelle perfection nous donnent
les Richesses? En procurent - elles
quelqu'une à nôtre Corps , ou à
nôtre Ame ? Où est l'homme , qui
par ses Richesses se soit procuré de
la beauté , de la force , de l'agilité ,
de la santé, un genie heureux,
un esprit pénétrant, un cœur généreux ,
toutes ces heureuses qualitez
qui vous rendent agréables aux
hommes , & qui vous font ressembler
à Dieu ? Encore seroit - ce peu
de chose , si la vanité des Richesses
ne consistoit qu'à ne nous rien donner
d'excellent ; Mais , outre cela ,
elles sont ordinairement accompagnées
de plusieurs desavantages que
l'Apôtre indique , lors qu'il ajoûte ,
que ceux qui veulent s'enrichir tombent
dans un grand nombre de desirs
pernicieux .
Mais la plus grande folie est de
se perdre , & de se perdre pour
toûjours. Et c'est ce que font ceux
qui veulent s'enrichir ; Ils tombent
dans la tentation & dans le piége,
[ & ]
& se plongent dans la ruïne & dans
la perdition .
APPLICATION.On ne veut pas croire que le desir
ardent des Richesses soit condamnable,
& je suis persuadé , qu'après
tout ce que nous avons dit , plusieurs
de ceux qui nous écoutent
n'en croient rien : Cependant ils ne
sauroient rendre d'autre raison de
leur incredulité , si ce n'est qu'ils ne
veulent pas le croire : Car quelle explication
peuvent-ils donner à nôtre
Texte, si ce n'est celle que nous y
avons donnée ? Quand l'Apôtre dit
que
ceux qui veulent s'enrichir sont
insensez , cela signifie-t-il qu'ils sont
sages? Lors que JESUS-CHRIST
*
Matth.
VI. 19.
20.
nous dit,
* Ne vous amassez pas
des Trésors sur la terre; mais amaßez-
vous des Trésors dans le Ciel , prétend-
il nous enseigner le contraire ,
ou nous donner un Conseil peu
sage , peu conforme à la nature
des choses & à nôtre véritable felicité?
[si] Si nous voulions un peu méditer
la-dessus & examiner l'experience
de tous les jours , nous nous détromperions
aisément; Mais nous suivons
nos passions, comme des Animaux ,
sans aucune reflexion ; nous
n'écoutons point la voix de la sagesse
& de la prudence, qui exige que nous
examinions avec soin la nature des
choses qui se présentent à nous, avant
que de leur accorder nôtre estime &
nôtre amour: Car si les hommes avoient
compris quelle est la nature & la
vanité des Richesses , les verroit-on
courir apres elles avec fureur , comme
ils le font? Si les Chrêtiens, sur
tout croioient que JESUS-CHRIST
a parlé avec vérité , ou s'ils vouloient
faire attention à ce qu'il a enseigné ,
les veroit-on avoir pour les
Richesses le même amour qu'ont eu
les Payens. JESUS-CHRIST disoit
à l'égard des choses nécessaires
à la vie;
† Ne vous inquiétez point, †
Matt.
VI. 31.
& ne dites point , où trouverons nous
de quoi manger & boire, & de quoi
[ nous ]
nous habiller? Car ce sont les Païens,
qui recherchent toutes ces choses .
Que devons-nous donc penser par
raport aux biens superflus? N'est-ce
pas être Païen que de les estimer
beaucoup? N'est-ce pas oublier la
grandeur de nôtre vocation , qui
nous doit rappeller sans cesse, que
nous ne sommes pas faits pour la terre,
mais pour le Ciel ; que c'est au
Ciel que nous avons droit de bourgeoisie,
‡
Col.
III. 1.
‡qu'
étant ressuscitez avec
JESUS-CHRIST , nous ne devons
plus chercher les choses de la Terre,
mais celles qui sont en haut, où JESUS-
CHRIST est , & d'où il viendra
*
Phil.
III. 21.
pour
* transformer nôtre Corps
vil, & le rendre conforme à son Corps
glorieux .
Nous ne sommes pas, il est vrai,
d'une nature à nous pouvoir passer
des biens de la terre , pendant nôtre
voiage; Mais soyons contens,
pourvû que nous ayons nôtre pain
quotidien , & que nous ayons dequoi
être nourris, & dequoi être
[vê-]
vêtus. Cherchons après cela les
véritables Richesses, qui nous sont
présentées , la Verité , la Sainteté,
la joie de l'esprit , la consolation de
nos cœurs , l'espérance d'une meilleure
vie , l'heritage de Dieu, les
Richesses incomprehensibles qu'il distribuë
dans son Royaume
† où les †
Matt.
VI. 20.
vers, & la rouïlle ne gâtent rien ,
& où les larrons ne percent , ni ne
dérobent .
D'où vient donc que nous ne sentons
point la vanité des Richesses ,
& que nous les désirons avec tant
de passion ? C'est parce que nous
ne nous connoissons pas bien ; que
nous ne nous demandons jamais à
quoi nous sommes déstinez ; que
nous ne pensons point à l'éternité, &
que nous ne nous disons pas assez qu'il
n'y a de véritables biens que ceux
qui peuvent être utiles pour l'avenir.
D'ailleurs, nous craignons beaucoup
la misére , & sur tout le mépris
des hommes. On est au desespoir ,
quand on pense qu'on sera méprisé
[pri-]
& qu'on sera dans la dépendance
d'autrui ; Mais n'avons-nous
pas dequoi nous consoler ? Si nous
sommes pauvres des biens de ce monde,
†
Luc
XII. 21.
nous pouvons
† être Riches pour
Dieu , comme parle JESUS-CHRIST,
par la pieté , par la vertu , par l'humilité ,
& par tant d'autres Vertus,
qui nous rendent agréables à ses
yeux. Voilà les Richesses solides ,
les Richesses permanentes , les Richesses
qui ne nous peuvent étre
ravies.
Une autre cause , qui nous rend
Avares ; c'est que nous n'avons point
de confiance en Dieu ; car une personne ,
qui a de la confiance en
‡
Hebr.
XIII. 5.
Dieu, n'est point Avare.
‡ Que vos
mœurs soient sans avarice , dit l'Apôtre ,
& soyez contens de ce que
vous avez, parce que Dieu dit , je
ne te laisserai point, & je ne t'abandonnerai
point . Et nous n'avons pas
de confiance en Dieu , parce que
nous n'avons point de commerce
avec lui par la Pieté: Car comment
[nous]
nous confierions nous en celui que
nous n'aimons pas , & qui ne nous
peut pas aimer ? Cela prouve qu'un
homme de bien n'est jamais avare ,
& qu'un Avare n'est jamais homme
de bien.
Commençons donc par la crainte
de Dieu , qui nous rendra les Disciples
de la Sagesse éternelle.
Instruits dans cette Ecole celeste,
nous aprendrons sans cesse à penser
à la brieveté de cette vie ; nous découvrirons
que nous ne sommes
pas dans ce monde pour être heureux ,
& que, quand cela seroit ,
les Richesses ne sauroient nous donner
des plaisirs solides. Nous y
aprendrons à ne craindre que le mépris
des gens sages , vertueux , qui
jugent sainement des choses, & à ne
rechercher que l'aprobation de Dieu,
celle de JESUS-CHRIST & des
Saints. Nous y aprendrons à ne donner
du prix , qu'aux Richesses qui peuvent
perfectionner nôtre ame, la
consoler, la réjouïr , la rendre participante
[ti-]
de la Nature Divine. Nous
abandonnerons ces soucis rongeans,
ces soins accompagnez d'inquiétude,
que nous prenons, pour laisser à nos
enfans des Richesses qui leur sont
ordinairement inutiles , & que le
plus souvent ils dissipent & emploient
à des choses , qui les rendent vicieux ,
orgueilleux , & les plongent
dans une éternelle misère ; &
nous leur laisserons une bonne éducation ,
qui les conduira à des Richesses
éternelles.
Enfin, nous y aprendrons à mettre
toute nôtre confiance en Dieu , à
être content de l'état où la Providence
*
Phil.
IV. 11.
nous aura mis;
* Nous saurons
vivre dans la pauvreté & dans l'abondance .
Si nous sommes pauvres , nous
nous consolerons par la jouïssance
des Richesses que la pieté nous
distribuera. Si nous sommes Riches,
nous aprendrons à donner de la solidité
à la vanité de nos Richesses,
par l'usage que nous en ferons, conformément
[for-]
à l'exhortation de l'Apôtre
qui disoit à Timothée;
† Recommandez †
I. Tim.
VI. 17.
18 . 19.
aux Riches de ce monde , de n'être
point orgueilleux , & de ne
point mettre leur confiance en des Richesses
périssables , mais dans le Dieu
vivant , qui nous fournit abondamment
toutes choses, pour en jouir, recommandez-
leur encore de faire du
bien, d'être Riches en bonnes œuvres,
prompts à donner & liberaux, & de
s'amasser ainsi pour l'avenir un Trésor
placé sur un bon fond , afin d'obtenir
la Vie eternelle . Amen.