UNE SIMPLE PROFESSION
Extérieure de la véritable Religion,
ne suffit pas pour être sauvé.
I. SERMON
Sur ces Paroles de JEREMIE
Ch. VII. ꝟ. 4. 5.
Ne vous reposez point sur des paroles
trompeuses , en disant : C'est ici le
Temple de l'Eternel , le Temple de l'Eternel ,
le Temple de l'Eternel : Mais
* réformez vos mœurs & changez de * L'Original
porte: faites
bonnes vos
voyes, & vos
actions.
conduite.
LES Juifs , contemporains duEXORDE.
Illusion
des
Juifs.
Prophéte Jeremie,étoient tombez
dans une illusion fort
dangereuse. Ils s'imaginoient
qu'en conséquence de l'Alliance
que Dieu avoit traitée avec leurs Péres,
& du Culte qu'ils lui rendoient
publiquement dans son Temple , rien
ne pouvoit être capable d'engager le
Seigneur à les rejetter. Malgré tous les
désordres dans lesquels ils vivoient , ils
étoient fort tranquiles. Le Prophéte les
leur reproche ces desordres , quelques
Versets plus bas que mon Texte , en ces
ꝟ. 9.
termes :
Ne dérobez-vous pas ? Ne tuez-
vous pas ? Ne commettez-vous pas adultére ?
Ne jurez-vous pas faussement ? Ne
faites-vous pas des encensemens à Bahal?
N'allez-vous pas après les Dieux étrangers
que vous ne connoissez point ? Il les
menace ensuite de tout ce que les jugemens
de Dieu peuvent avoir de plus sévére.
Et afin de couper le mal par la
racine , il sape les fondemens de la funeste
sécurité dans laquelle ils étoient
tombez , en s'imaginant , que pourvû
qu'ils servissent Dieu dans son Temple,
ils n'avoient rien à craindre.
Ne vous
reposez point sur des paroles trompeuses ,
disant , C'est ici le Temple de l'Eternel,
etc.
Ce n'est point par raport aux Juifs
que j'ai dessein de considérer ces paroles.
Après vous avoir montré à quelle
[ocasion]
ocasion JEREMIE les prononça , je crois
qu'il nous importe de voir si on ne seroit
pas fondé à nous les apliquer. Il
seroit bien à souhaiter que les Chrétiens
raisonnassent mieux que la postéritéIllusion des
Chrétiens.
de Juda : Mais on n'en voit que trop
qui se font la même illusion. Ils s'imaginent,
que pourvû qu'ils fassent une
profession extérieure de la Religion
Chrétienne , qu'ils soient membres de
l'Eglise visible , ils auront infailliblement
part aux promesses de l'Evangile , de
quelque maniére qu'ils vivent d'ailleurs.
N'est pas là se reposer sur des paroles
trompeuses ? N'est-ce pas dire , le Temple
de l'Eternel , le Temple de l'Eternel ?
Si nous voulons nous rendre dignes des
biens qu'il nous fait espérer, nous devons
reformer nos mœurs , & nôtre conduite.
* Il y a un peu plus de sept ans
Ce qui a
donné lieu
au choix de
ce Texte.
* le 7e Janvier
1728. que nous célébrames un Jubilé à l'occasion
de la Réformation de la Capitale
de ce Canton , & nous vous parlames
alors de ce qui avoit donné lieu
à ce grand événement , & de ses heureux
effets. Dans peu , les GENEVOIS,
nos chers Voisins , Amis , & Alliez,
doivent en célébrer un semblable à l'ocasion
[casion] de la Réformation de leur Ville.
C'est ce qui m'a fait naitre la pensée de
vous expliquer le Texte que j'ai lû. Ce
n'est pas que je me propose de vous
parler des commencemens , des progrès,
ni de la consommation de cet important
Ouvrage dans une République qui,
pour être d'une petite étendüe , n'a pas
laissé de se faire un grand Nom dans
le Monde. Et puisse-t'elle le conserver
jusqu'à la fin des Siécles ! On l'a veuë
depuis long-temps , & on la voit encore,
l'objet particulier des soins de la Providence :
Que ce bonheur inestimable
se perpétue de génération en génération !
Et Dieu veuille éloigner tout ce
La Dévise
des Genevois
est : Post Tenebras
Lux
;
Après les ténébres
la lumiére.qui pourroit y donner atteinte ! Non ,
je ne me propose pas de vous dire de
quelle maniére LA LUMIERE Y A
SUCCEDE AUX TENEBRES.
C'est une tâche que les Excellens Pasteurs ,
qui font un des principaux ornemens
de cette Ville Célébre , rempliront
incomparablement mieux que je
ne saurois le faire. Voici donc quelles
sont mes vües. Comme nôtre devoir
2. Tim.
IV. 2.
nous engage
à prêcher la parole de
Dieu , à reprendre,à censurer , à exhorter
[ sans ]
sans nous lasser jamais d'instruire ; à insister
soit que l'ocasion se présente , soit
qu'elle ne se présente pas ,j'ai crû devoir
profiter de celle-ci pour combattre une
des plus fâcheuses illusions dans lesquelles
les Chrétiens puissent tomber.
Nous faisons sonner fort haut nôtre
nom de Réformez , & nous aurions
assurément raison de nous en glorifier
si nous vivions d'une maniére
qui répondit à ce beau Tître ; mais
il est bien à craindre qu'il ne serve qu'à
agraver la condamnation de plusieurs
de ceux qui le portent. Une foi pure
est infiniment estimable , & l'on ne sauroit
travailler , avec trop de soin , à l'aquerir :
Mais nous devrions savoir que
c'est principalement la pureté des mœurs
que Dieu demande. Ainsi j'ai dessein
de faire deux choses.
Je travaillerai d'abord à combattreDIVISION.
l'erreur de ceux qui peuvent penser ,
ou qui vivent comme s'ils pensoient ,
qu'une simple profession extérieure de
la véritable Religion suffit pour être
agréable à Dieu. Tel étoit le cas des
Juifs vicieux qui disoient , avec beaucoup
de confiance : Le Temple de l'Eternel ,
[ ternel , ]
le Temple de l'Eternel . Et tel est
le cas de tant de Chrétiens qui disent :
l'Eglise de Dieu , l'Eglise de Jesus-Christ,
la véritable Eglise , sans s'embarrasser
d'ailleurs d'avoir une conduite réguliére.
Après cela , je ne négligerai rien de
ce qui peut dépendre de moi , pour
vous convaincre bien de la nécessité
qu'il y a de s'atacher principalement à
la Sainteté , si l'on veut plaire au Seigneur.
C'est à quoi nous conduit l'exhortation
de Jeremie: Réformez vos
mœurs & changez de conduite . Voilà
l'essentiel de toute Religion raisonnable,
& sur tout du Christianisme. Quelques
erreurs de simple spéculation ne sont
pas , à beaucoup près , aussi dangereuses
que l'habitude de quelque péché
que ce soit. Il seroit bien à souhaiter
que tout le monde en fût persuadé , &
que l'on agit conséquemment. Ne nous
laissons donc plus abuser par des paroles
trompeuses , en disant : Le Temple de l'Eternel,
Le Temple de l'Eternel ; mais
reformons nos mœurs , & changeons de
conduite .
[PREMIERE]
PREMIERE PARTIE.
LES Chrétiens qui se reposent sur
des paroles trompeuses , c'est-à-dire,
qui tombent dans l'illusion des Juifs,
dont nous avons parlé , sont en très
grand nombre. Mais pour éviter la confusion,
il me semble que l'on peut commodément
les ranger sous quatre Classes
générales.
La prémiére renfermera tant de Réformez4. Classes
de Chrétiens
à qui l'on
peut apliquer
l'exhortation
de Jeremie.
qui ne sont tels que par le préjugé
de l'Education , & sans connoissance
de cause ; qui vivent , par raport à
la Religion , dans une très grande ignorance,
& dans une ignorance d'autant
plus funeste , qu'elle influë malheureusement
sur leur conduite.
Nous mettrons dans la seconde ceux
qui ont assez de lumiéres , mais qui ne
vivent pas conséquemment ; qui sont
Réformez pour la Théorie , mais qui
ne le sont pas dans la Pratique , du moins
autant qu'ils devroient l'étre ; qui connoissant
la Religion , ne laissent pas que
de vivre d'une manière opposée à ses
maximes.
[La] La troisiéme Classe sera composée de
ces demi-Chrétiens qui voudroient associer
les Loix de l'Evangile avec les
usages du Monde ; qui remplissent assez
exactement quelques uns de
leur devoirs ; mais qui , sans aucun scrupule ,
en négligent d'autres , qui peuvent
être plus essentiels que ceux qu'ils pratiquent.
L'Eglise est remplie de ces
gens qui font consister presque toute
la Religion à s'aquiter de ses devoirs
Matth.
XXIII. 27.
extérieurs , &
qui négligent ce qu'il y a
de plus important dans la loi , la justice,
la miséricorde , la fidélité .
Enfin , on peut faire une quatriéme
Classe de ces Réformez qui ont été persecutez
pour la Religion , qui ont peut-
être beaucoup souffert , plûtot que d'agir ,
à cet égard , contre les lumiéres
de leur conscience ; & qui s'imaginent
que c'est là un titre incontestable pour
prétendre au Salut , quoi que leur conduite
ne soit pas telle qu'elle devroit être.
Tous ces gens là se reposent sur des
paroles trompeuses . C'est ce qu'il s'agit
de montrer , en dévelopant un peu
mieux leur Caractére , & en combattant
les illusions qu'ils se font.
[Nous]
Nous avons mis dans la prémiére1. Classe.
Les Ignorans
volontaires.
Classe tous ces Chrétiens qui croupissent
dans une extréme ignorance , &
qui ne laissent pas de se faire un mérite
de vivre dans la Communion des
Réformez. Croit-on que tous ceux qui
portent ce glorieux titre soient instruits
comme ils devroient l'être ? On se tromperoit
fort. Il n'est que trop vrai ; une
infinité de personnes ne sont membres
de nôtre Eglise que parce qu'ils
sont nez de Parens qui y étoient avant
eux. Pour s'en convaincre , il ne faudroit
que les engager à rendre raison
de leur foi ; les interroger sur les principaux
articles , & sur les fondemens
de nôtre Créance ; On en trouveroit
un très grand nombre qui seroient fort
embarrassez à répondre aux questions
les plus simples ; ou qui n'y répondroient
que par mémoire , sans que le
jugement y eût aucune part. Combien
ne connoit-on pas de Chrétiens qui ignorent
jusqu'aux prémiers élemens du
Christianisme ? On est né au milieu
d'un peuple qui fait profession de croire
qu'il y a un Dieu ; on l'a souvent
ouï dire ; on le croit comme les autres ,
[tres ,]
mais sans savoir pourquoi. Les
personnes avec qui l'on vit, font de certaines
démarches qu'elles regardent
comme agréables à la Divinité : On
les imite sans s'embarrasser d'examiner
les principes de leur conduite. Que les
ideés que les autres se font de l'Etre Suprême
soient justes , ou qu'elles ne le
soient pas : Que le Culte qu'on lui
rend , soit conforme ou contraire à sa
volonté , c'est de quoi on ne se met
point en peine. C'est ainsi que croyent
les autres ; c'est ainsi qu'ils agissent ; On
croit comme eux ; On agit comme
eux , sans examen ; On suit aveuglément
le prémier chemin que l'on trouve battu
devant ses yeux ; On se plait , s'il
m'est permis de parler ainsi , à marcher
de compagnie , avec les prémiéres personnes
que l'on rencontre. Voilà , la
chose est certaine, tout le fondement de
la Religion de la plûpart des hommes.
C'est en suivant ce funeste préjugé que
le Payen , au milieu de ses ténébres ,
rend ses hommages à un grand nombre
de fausses Divinitez , & qu'il donne,
tête baissée , dans tout ce que le Culte,
par lequel , on les honore , peut avoir
[de]
de déraisonnable , de ridicule , & d'impie.
C'est en conséquence du même
préjugé, que le Mahometan suit les dogmes
& les maximes de son faux Prophéte.
C'est par là que le Juif ne sauroit
se resoudre à abandonner la Loi de
ses Péres , pour embrasser l'Evangile.
Enfin , c'est par le même endroit que
tant de Chrétiens vivent dans la Communion
qui les a vûs naître , sans se
mettre en peine d'examiner si la Religion
qu'ils professent , est la plus pure.
Est-il naturel de penser qu'un homme
qui n'est , que comme par hazard , dans
l'Eglise de Jesus-Christ , doive être, pour
cela seul , agréable à Dieu ? J'avouë que
je ne comprens par sur quel fondement
on pourroit le prétendre. Il me semble
au contraire que cette espéce d'indolence
ne peut que déplaire au Seigneur.
Car enfin, quel est le but qu'il
s'est proposé en nous revélant sa volonté
par son Fils ? Il est certain , & la chose
parle d'elle même , que Dieu ne s'est
manifesté si clairement aux hommes ,
par l'Evangile , qu'afin qu'ils sçussent
à quoi sen tenir , en matiére de Réligion ;
qu'afin qu'ils connussent exactement
[ment]
& les Véritez qu'ils doivent croire ,
& les Loix qu'ils sont obligez de
suivre , & le Culte qui peut seul lui
plaire. Par conséquent , quiconque néglige
de s'instruire de tout cela , aussi
bien qu'il le peut , à proportion de l'état
où il se trouve , & des secours qu'il
peut avoir , témoigne par là qu'il fait
peu de cas de la lumiére spirituelle que
Dieu a la bonté de faire briller à nos
yeux. Et ce mépris n'est-il pas souverainement
condamnable?
Ceci nous regarde de plus près que
nous ne pensons. Que des gens qui vivent
dans des païs où le Papisme est
dominant , croupissent dans d'épaisses
ténébres,c'est ce qui ne surprend point ,
quand on fait attention à la constitution
de cette Eglise , & à l'état dans lequel elle
se trouve. Il suffit de croire ce qu'elle
croit , sans savoir bien ni quoi , ni
pourquoi. Mais par quel endroit un
Réformé , qui peut
aprendre les Saintes
Lettres dès son enfance , à qui l'on permet ,
que dis-je ? que l'on exhorte sans
2. Tim.
III.
15. 16.
cesse à lire l'Ecriture ,
qui peut le rendre
Savant dans les choses du Salut , qui
est utile à enseigner , à convaincre , à
[ corriger , ]
corriger , & à instruire des devoirs de
la justice : Un Réformé, à qui l'on donne
des Maîtres sur la Religion dès qu'il
est en âge de connoissance , par quel
endroit un Réformé qui a tous ces secours ,
pourroit-il excuser l'ignorance
dans laquelle il vit ? Des gens qui sont
dans ce cas , se voyent non seulement
exposez à être
comme des enfans flottans
& emportez par le vent de toutes sortes
Eph. IV.
14.
de doctrines , & à succomber à la finesse
de ceux qui veulent les engager artificieusement
dans l'erreur ; Mais ce qu'il y
a de plus fâcheux , c'est que leur ignorance
influë ordinairement sur leurs
mœurs. Elle est une des principales sources
des desordres auxquels il s'abandonnent.
S. Paul dit expressément en
parlant des Gentils
qui ont leur esprit
plein de ténébres , qu'ils sont éloignez de
la vie de Dieu , à cause de l'ignorance où
Eph. IV.
18.
ils sont par l'endurcissement de leur Cœur .
En effet , comment voudroit-on que des
gens qui ne connoissent par leurs devoirs,
fussent disposez à les remplir? Cela n'est
pas possible. D'où vient que , sans s'en
faire aucune peine , on s'abandonne à
des actions expressément deffendues , si
[ce]
ce n'est parce qu'on ne les regarde pas
comme mauvaises ? Parmi un grand nombre
de Chrétiens , par exemple ,
regarde-t'-on comme un mal le faste , le
luxe , l'oisiveté , une vie molle , ou qui
se passe presque toute dans la dissipation?
Tout cela est pourtant condamnable.
Il faudroit n'avoir jamais lû l'Ecriture
pour en douter. Combien de
funestes habitudes encore ne contracte-
t'-on pas , sans en craindre les suites ?
Voit-on que des gens qui se laissent aller
à des emportemens excessifs & à tout
ce qui les accompagne, pour l'ordinaire;
que des gens qui ont contracté l'habitude
de jurer , de mentir , de tromper ,
de médire , soient en peine de leur Salut ?
Ils n'en sont pas plus en peine que
s'ils en étoient déja en possession. D'où
naît cette funeste sécurité ? De l'ignorance ,
du moins en grande partie. On
ne connoit point la Religion, comme on
devroit la connoître. On est content,
pourvû que l'on puisse dire : Le Temple
de l'Eternel , le Temple de l'Eternel , le
Temple de l'Eternel .
Tous les Chrétiens ne sont pas dans
le cas que nous venons d'examiner ; on
[doit]
en convenir. Il s'en trouve qui ont
aquis des lumiéres ; qui font profession
de la véritable Religion par connoissance
de cause , & qui ne seroient point
embarrassez à rendre raison de leur foi ,
mais dont la conduite n'est pas réguliére ,
comme elle devroit l'être : C'est la2. Classe. Les
Chrétiens
qui ne le sont
que pour la
théorie , &
qui ne le
sont pas dans
la pratique.
seconde Classe de personnes qui se glorifient
en vain de la pureté de leur
Christianisme. Il ne consiste qu'en simple
spéculation , qui n'influë point sur
la conduite. La Religion de telles gens
est vaine.
Si les lumiéres de l'Esprit produisoient
toûjours dans le cœur , les bons
sentimens qu'elles devroient y produire,
on ne trouveroit qui que ce soit du
caractére que je viens de représenter;
mais qui ne sait que ce ne sont pas toûjours
ceux qui ont le plus de lumiéres
qui vivent mieux que les autres ? Combien
n'en voit-on pas qui sont Docteurs
& Maîtres pour la théorie , & qui restent
fort en arriére dans la pratique?
Ils connoissent la Loi de Dieu ,
Ils y
prennent plaisir selon l'homme intérieur ,
Rom. VII.
22. 23.
mais ils voient une autre Loi dans leurs
membres , qui combat contre la Loi de
[ leur ]
leur Esprit , & qui les rend captifs de
la Loi du péché , laquelle est dans leurs
membres . Ne seroit-on pas fondé à le
leur dire , comme S. Paul le disoit aux
Rom. II. 1.
Juifs :
Vous qui condamnez les autres ,
vous êtes inexcusables ; car en les condamnant ,
vous vous condamnez vous-même ,
puisque vous faites les mêmes choses
que vous condamnez .
Vous qui vous reposez
* Sur la
Loi.
ꝟ. 18-23.
* sur l'Evangile , & qui faites
gloire d'être à Dieu , qui connoissez sa volonté ,
& qui savez discerner ce qui est
contraire , étant instruit par la Loi ;
Vous qui vous flattez d'être le conducteur
des aveugles , la lumiére de ceux qui
sont dans les ténébres , le Docteur des
ignorans , & le maître des simples...
Vous , dis-je , qui enseignez les autres ,
vous ne vous enseignez pas vous-même?
Vous qui prêchez qu'on ne doit pas dérober ,
vous dérobez ? Vous qui dites
qu'on ne doit pas commettre adultére ,
vous commettez adultére ? Ne voyez-
vous pas que vous deshonorez Dieu en
foulant aux pieds les Loix d'une Religion
que vous vous piquez de connoître
mieux que les autres ? Ce n'est point
une chose rare de voir des gens qui se
[vantent]
vantent d'avoir bien étudié la Religion ,
d'être en état de la deffendre contre tous
ceux qui en attaquent les Dogmes,de triompher
des plus grands efforts de leurs
adversaires , de les reduire au silence ,
& qui sont en même tems mondains ,
sensuels , vindicatifs , injustes , ou esclaves
de quelque autre péche.
Pour moi , je vous l'avouë , je n'ai
pas encore compris sur quel fondement
on pouvoit se flater d'être agréable à
Dieu , sans vivre comme il l'ordonne ,
quelque bien instruit que l'on puisse
être d'ailleurs de sa volonté ; quelque
attachement que l'on ait pour la Religion
que l'on croit la meilleure. N'a-
t'-on jamais réfléchi sur cette déclaration
de Jesus-Christ, qui me paroit si propre
à dissiper l'illusion que nous combatons :
Ceux qui me disent Seigneur , Seigneur ,
Matth. VII.
21
n'entreront pas tous dans le Royaume
du Ciel , mais ceux-là seulement qui
font la volonté de mon Pére qui est au
Ciel : Bien loin que la connoissance
sans la pratique , produise des effets salutaires ,
qu'elle ne sert qu'à rendre plus
condamnable.
Le Serviteur qui aura
Luc XII.
47. 48.
sçu la volonté de son Maitre , & qui ne
[ l'aura ]
l'aura pas exécutée , recevra un grand
nombre de coups... On exigera beaucoup
de celui à qui on a beaucoup donné ; &
plus on aura confié à quelqu'un , plus on
Rom. II. 13.
lui redemandera .
Ce ne sont pas ceux qui
écoutent la Loi, qui connoissent bien la
Religion , qui sont justes devant Dieu ;
mais ce sont ceux qui observent la Loi,
qui seront justifiez .
Il est surprenant qu'un homme à qui
Dieu veut se faire connoître dans sa
parole , ne daigne point écouter sa voix,
& qu'il préfére les ténébres à la lumiére ;
mais que des gens qui se glorifient
de connoître la Divinité ; qui savent
que l'Etre Souverain , que nous adorons ,
est très-saint & très-juste : Que
des gens qui veulent qu'on les croye
bien instruits des devoirs de la Religion,
s'arrêtent à ses Dogmes , sans s'embarrasser
beaucoup de sa Morale ; qu'ils
vivent dans le péché , qu'ils prennent
leurs passions pour guides , sans en craindre
les suites , c'est ce qui est plus surprenant
encore : C'est ce que l'on auroit
3e. Classe.
Les Chrétiens
qui se
partagent
entre Dieu
& le
Monde.de la peine à comprendre , si l'on
n'en voyoit pas tant d'exemples.
Nous avons fait une troisiéme Classe
de ceux à qui l'on peut apliquer l'exhortation
[tation]
de nôtre Prophéte , tous ces Chrétiens
qui remplissent assez exactement
les devoirs extérieurs de la Religion, &
qui font consister en cela toute leur justice,
sans se mettre en peine de vivre
dans toute la pureté qu'exige l'Evangile,
& de se conformer à ses maximes les
plus essentielles. Si l'on y prend garde ,
on verra que l'Eglise est pleine de
gens de ce Caractére. L'ignorance &
la corruption se donnent ici reciproquement
la main. On ne connoit pas assez
bien l'esprit de la Religion Chrétienne ;
& on n'a pas assez de goût
pour la vertu , pour la véritable piété.
Pourvû que l'on ne vive pas en Athée,
en libertin de profession ; pourvû que
l'on n'ait à se reprocher aucun vice d'éclat ;
pourvû que l'on fréquente les
Saintes Assemblées , qu'on recite dans
sa maison quelques priéres , qu'on lise
de tems en tems la parole de Dieu ,
ou d'autres bons livres , que l'on participe
au Sacrement de la Sainte Céne
avec quelque apparence de dévotion ,
on est très - content de soi-même. En
voilà pour le moins autant qu'il en faut.
Qu'on n'en demande pas d'avantage.
[Si]
Si vous prêchez à ces demi-Chrétiens
le renoncement au monde & à ses convoitises ,
une humilité , une modestie
qui régne dans le cœur , & qui se répande
sur toute la conduite : Si vous
les exhortez à un parfait désinteressement ,
à se remplir des sentimens d'une
charité vive , sincére , & agissante :
Si vous voulez les porter à aimer Dieu
de cet amour qui consiste à chercher
son souverain bien en lui seul , à observer
ses commandemens , & tous ses commandemens ;
On vous accusera d'outrer
les choses. Vôtre morale sera trop
rigide. On ne sauroit la goûter.
A quoi bon se faire illusion ? C'est
pourtant là la Morale de l'Evangile. En
Matth.
XXII. 37.
40.
voici l'Abregé :
Vous aimerez le Seigneur
vôtre Dieu , de tout vôtre cœur , de toute
vôtre ame , & de tout vôtre esprit. C'est-là
le prémier & le plus grand commandement.
Le second qui lui est semblable est : Vous
aimerez vôtre prochain comme vous-même.
Toute la Loi & les Prophétes se réduisent
à ces deux commandemens . Ignore-t'on
que Dieu ne veut point de partage? Non;
Nul ne peut servir deux Maîtres ; car, ou
Matth. VI.
24.
il aimera l'un & haïra l'autre : ou , s'il
[ s'at- ]
s'attache à l'un , il méprisera l'autre .
Ne
Jaq. IV. 4.
savez-vous pas qu'être ami du monde ,
c'est être ennemi de Dieu ? Qui veut donc
être ami du monde,se rend ennemi de Dieu .
Il faut opter. Ou remplissez les devoirs
du Christianisme dans toute leur étenduë:
Ou cessez de compter sur les avantages
que la Religion procure,tant que vous ne
voudrez vous attacher qu'à son écorce.
Enfin ,il ne nous reste plus à parler4e. Classe.
Ceux qui
on
souffert la
persécution.
que de l'illusion que peuvent se faire
ceux d'entre les Chrétiens Réformez, qui
ont été persécutez pour leur Religion ,
sans vouloir l'abandonner , & qui fondent
sur ces persécutions leur droit à
la vie éternelle ; bien que d'ailleurs
leur conduite ne réponde pas à leur
espérance. C'est assurément se reposer
sur des paroles trompeuses .
Je n'ignore pas les promesses que l'Evangile
fait
à ceux qui confessent de bouche
Rom. X. 9.
le Seigneur Jesus .
Heureux , dit-il ,
lui-même , heureux ceux qui sont persécutez
Matth. V.
10.
pour la justice : car le Royaume
du Ciel leur apartient .
Je vous dis en
vérité , que personne n'aura quitté pour
le Royaume de Dieu , ou sa Maison , ou son
Pére & sa Mére , ou ses fréres , ou sa
Luc. XVIII.
29. 30.
[ femme, ]
femme , ou ses enfans , qui ne reçoive
beaucoup plus dans ce Siécle-ci , & dans
le Siécle à venir la vie éternelle . Nous
sommes précisément dans le cas , diront
sans doute plusieurs de ceux qui portent ,
parmi nous , & ailleurs , le glorieux
titre de Réfugiez. On nous a persécutez
pour la Religion dans nôtre Patrie.
On nous a enfin forcez à l'abandonner
au milieu de mille dangers.
Nous avons quitté nos biens , nos Emplois ,
nos amis, nos Parens. Nous nous
sommes vûs reduits à la nécessité de
chercher une retraite dans les Païs étrangers ,
& de souffrir bien des incommoditez ,
bien des traverses , beaucoup
d'épreuves. C'est donc à nous que les
promesses sont faites. .Pourquoi nous
refuseroit-on la consolation de nous les
apliquer ?
Nous aurions plusieurs réflexions à
faire là-dessus , si le tems nous le permettoit.
Contentons-nous, pour le coup,
de ces deux. Prémiérement il ne faut
pas croire que tous ceux qui ont souffert
à l'ocasion de la Religion , ayent
souffert par un principe d'amour pour
Dieu , & pour la Religion. Leur conduite
[duite]
dans les païs étrangers est une
preuve du contraire. Dira-t-on que l'on
aime Dieu dans le tems qu'on ne se fait
aucune peine de l'offenser ? Se vantera-
t-on d'avoir un sincére attachement
pour la Religion , pendant que l'on en
foule aux pieds les maximes les plus
essentielles ; pendant que l'on est esclave
de ses passions , de l'avarice , par
exemple , de l'orgueil , de la sensualité ?
On a souffert pour la Religion ,
dit-on : Hélas ! Plusieurs de ceux qui
s'en vantent, ne la connoissoient pas & ne
la connoissent pas encore. Il faut bien que
cela soit , puis qu'ils la pratiquent si mal ;
ou bien qu'ils se reduisent à avouër qu'ils
agissent contre les lumiéres de leur conscience.
Encore une fois,dira-t-on que ceux
qui sont dans le cas ont souffert par amour
pour Dieu , & pour la Religion?
Non. Il est plus naturel de penser qu'ils
ont souffert par un principe tiré de
l'honneur du monde , par entêtement ,
par préjugé , par esprit de parti. Ceux
qui se sont apliquez à connoître le
cœur de l'homme , & les divers ressorts
qui le remuent , n'auront aucune peine
à entrer dans ma pensée. On pourroit
[aisé-]
aisément la mettre dans un plus grand
jour , si l'on vouloit s'attacher à la déveloper.
Mais sans nous arrêter à cela,
passons à nôtre seconde considération,
qui servira à apuyer la prémiére , & qui
n'en est que comme une confirmation.
On nous cite des passages de l'Ecriture
pour fonder le droit que l'on prétend
avoir à la vie éternelle ; Nous allons
montrer par d'autres passages,que
ce droit n'est incontestable qu'à l'égard
de ceux qui comptants sur les promesses
I. Jean
III. 3.
de Jesus-Christ ,
travaillent à se purifier,
comme lui aussi est pur . Il ne faut
point faire tomber ce divin Sauveur en
contradiction avec lui-même. Or il se
contrediroit s'il promettoit le Ciel à
ceux qui se moquent de sa Morale ,
sous prétexte seulement qu'ils auront
perséveré , au milieu des persécutions ,
dans la profession des véritez qu'il a
enseignées. Vous l'avez déja ouï dans
un passage que nous avons cité plus
Matth. VII.
21. &c
haut :
Ceux qui me disent Seigneur , Seigneur ,
n'entreront pas tous dans le Royaume
du Ciel . Qui sont donc ceux qui
jouïront de ce précieux avantage ?
Ceux-
là seulement qui font la volonté de mon
[ Pére ]
Pére qui est au Ciel. Plusieurs me diront
en ce jour-là : Seigneur , n'avons-
nous pas prophétisé en vôtre nom ? N'avons-
nous pas chassé les Démons en vôtre
nom ? Et n'avons-nous pas fait plusieurs
miracles en vôtre nom ? Alors je
leur dirai ouvertement : Je ne vous ai
jamais connus : Eloignez-vous de moi , vous
qui faites les œuvres d'iniquité . Dût-on
avoir souffert pour Jesus-Christ plus
que l'on ne se vante d'avoir souffert :
Dût-on lui avoir fait un sacrifice de
tous ses biens , & même de sa propre
vie , si seulement on n'a pas pour le
prochain l'amour sincére qui est la livrée
du Christianisme , si l'on est esclave
de la médisance , par exemple , si
l'on est injuste , si l'on fait tort aux autres
hommes , si on ne leur rend pas
les bons offices que l'on peut & que
l'on doit leur rendre ; si on ne les aime
pas , en un mot , les titres que l'on
fonde sur ces sacrifices , que l'on fait tant
valoir , seront déclarez nuls.
Quand je
I. Cor.
XIII. 3.
distribuerois tous mes biens pour la nourriture
des pauvres , & que je livrerois
mon corps pour être brûlé , si je n'ai point
la charité,cela ne me sert de rien . C'est St.
[Paul]
Paul qui le dit. Que l'on vienne , après
cela, se glorifier de ce que l'on a souffert
pour l'Evangile , pendant que l'on
viole ses loix sans scrupule.
J'ai donc prouvé, ce me semble , qu'il
est inutile aux personnes dont nous venons
d'examiner le caractére , d'être
membres de la véritable Eglise. Pour
être sauvé, il faut quelque chose de plus
que cela. Il faut se conformer aux
maximes de l'Evangile. Il ne suffit pas
de dire , le Temple de l'Eternel , le Temple
de l'Eternel ; On doit être Reformé
pour les mœurs , pour le moins autant
que pour la doctrine. Cette vérité est
trop importante pour être examinée superficiellement :
nous en ferons le sujet
d'un autre discours, s'il plait au Seigneur.
APPLICATION
MES FRERES , nous sommes tous
Chrétiens , par la grace de Dieu;
Et par raport aux Dogmes nous faisons
profession de nous en tenir à ce que
le Seigneur , qui est seul infaillible ,
nous a révélé dans sa Parole. Nous avons
[vons]
eu le bonheur de renoncer aux
erreurs , aux superstitions , à l'idolatrie
de l'Eglise Romaine. Nos Péres, après
avoir secoüé le joug tirannique qu'ils
ne pouvoient plus porter , ont transmis
à leur postérité la précieuse liberté qu'ils
aquirent pour eux-mêmes. Graces en
soient rendues à Dieu qui nous a fait
ainsi passer des ténebres à la lumiére !
Nous avons été introduits , par le bâtême,
dans la véritable Eglise de Jésus-
Christ. Nous venons entendre sa parole,
& nous pouvons la consulter librement
dans nos maisons. Nous participons ,
dans les tems marquez pour cela,
au Sacrement de son Corps & de
son Sang , de la maniére qu'il l'a lui
même institué , & conformément à l'usage ,
& à la pratique des prémiers Chrétiens.
On ne suit point , parmi nous ,
ces traditions par lesquelles on rend les
commandemens de Dieu inutiles . Nôtre
Religion est toute fondée sur sa parole,
ou du moins elle doit l'être , suivant
nos principes. Voilà bien de grands
avantages. Voilà d'excellentes prérogatives ,
on ne sauroit le nier : Mais
quel fruit en retirerons nous de ces avantages ?
[vantages?]
A quoi nous serviront ces
glorieuses prérogatives , si , dans la pratique ,
nous ne sommes pas meilleurs
Chrétiens que ceux à qui nous reprochons
des erreurs grossières , & capitales ?
Hélas ! En faisant bouclier de nôtre
Réformation , nous nous reposerons
sur des paroles trompeuses. Ceci vaudroit
bien la peine d'être examiné d'un peu
près. Ceux qui m'écoutent aujourd'hui,
ne sont-ils tombez dans aucune des illusions
que nous avons marquées ? Ne
s'est-on point reconnu aux portraits que
nous avons faits ? Que l'on s'y soit reconnu
ou non, il n'y a que trop de personnes
qui pourroient s'apliquer ce
que nous avons dit , si elles vouloient
réfléchir sérieusement sur leur état , &
se rendre ensuite justice à elles-mêmes.
Combien n'en connoit-on pas qui ne
sont point , par connoissance de cause,
de la Religion dont ils font profession ?
Combien ne pourroit-on pas en nommer
qui , au lieu que depuis si long-tems
Heb. V. 12.
ils devroient être en état d'enseigner les
autres , auroient encore besoin qu'on leur
enseignât les prémiers fondemens de la
parole de Dieu ? Je voudrois savoir
[quelles] quelles idées ces gens-là se font du
Seigneur , & du Culte qu'on doit lui
rendre ? Il faut qu'ils s'en fassent des
idées bien fausses , s'ils s'imaginent que
l'ignorance volontaire , dans laquelle ils
vivent , ne les expose à aucun danger ,
& que quelques actes de Religion,
dans lesquels le cœur & l'esprit n'ont
que très peu de part , suffisent pour donner
droit de prétendre à la possession
du Royaume des Cieux. N'a-t-on jamais
pensé , n'a-t-on jamais ouï dire que
Dieu est un Esprit , & qu'il faut que
Jean IV.
24.
ceux qui l'adorent , l'adorent en esprit ,
& en vérité ? En vain les Chrétiens, qui
ne sont Chrétiens que de nom , qui ne
connoissent pas la doctrine de leur Maître ,
du moins jusqu'à un point proportionné
à leur état , & aux secours
qu'ils peuvent avoir pour s'instruire ,
qui , bien que la lumiére soit venuë dans
Jean III. 19.
le monde, aiment mieux les ténébres que
la lumiére , ouï , c'est en vain que ces
gens là se glorifient de leur Christianisme
prétendu ; il ne leur donne aucun
droit à la vie éternelle.
Nous ne sommes pas de ce nombre,
diront peut-être quelques uns de ceux
[qui]
qui m'écoutent. Passablement instruits
dès nôtre bas âge , loin de nous relacher ,
nous avons au contraire travaillé,
& nous travaillons encore tous les jours
à conserver , & à perfectionner nos lumiéres.
C'est dans ce dessein que nous
lisons réguliérement l'Ecriture , & d'autres
bons livres. Nous ne négligeons
point les Saintes Assemblées , où nous
écoutons avec beaucoup d'attention la
parole de Dieu. Cela est fort bien.
Mais , qui que vous soyez qui vous rendez
ce témoignage à vous-mêmes, me
permettrez-vous de vous faire une question ?
Vôtre sainteté est-elle proportionnée
à vos connoissances ? Vivez-vous
mieux ? Etes-vous plus gens de bien que
ceux qui ne sont pas instruits comme
vous pouvez l'être ? Si cela est , je vous
en félicite. Continuez , continuez à faire
des progrès dans la science du salut,
& dans le piété. Aprochez-vous de
la perfection. Mais aussi , vous devez
le savoir , quand vous seriez encore
mieux instruits que vous ne l'êtes , si
vos connoissances n'influent pas sur vôtre
conduite , elle ne serviroient qu'à
vous rendre plus condamnables.
[Hélas!]
Hélas! Tel croit être suffisamment
instruit qui est encore bien éloigné de
connoître la nature & le génie de la
Religion Chrétienne. Oh! que si on la
connoissoit bien cette sainte Religion ;
on n'auroit garde de se permettre tant
de choses que l'on se permet , & dont
on ne fait pas le moindre scrupule !
On n'associerait plus , comme on prétend
les associer , les maximes du monde
avec les maximes de Jesus-Christ.
On ne clocheroit plus des deux côtez. On
se donneroit à Dieu sans partage. On
ne suivroit point d'autres Loix que les
siennes.
Enfin , nous dirons encore un mot,
avant que de finir , à ceux qui comptent
sur le salut , par ce qu'ils ont soûtenu ,
qu'ils ont deffendu les interêts de nôtre
sainte Religion au milieu de l'orage. Ouï,
MES FRERES , vous avez fortement
disputé contre ceux qui vouloient vous
engager dans l'erreur. En plus d'une
ocasion vous leur avez fermé la bouche ,
par des raisons très solides. Vous
avez plus fait que cela encore : Vous
avez fait à Jesus - Christ un sacrifice de
vos biens , de vôtre liberté, de vos
[Emplois,]
Emplois , de vos amis , de vos Parens.
Vous vous êtes exposez à toutes les incommoditez
de l'exil. Peut-être même
vous êtes-vous trouvez plus d'une fois en
danger de perdre la vie. Si vous avez agi
par un bon motif,cela est assurément fort
beau. On ne sauroit , sans injustice ,
vous priver de la loüange qui vous est
deuë. Mais est-ce bien pour vôtre Sauveur,
& par un principe de Religion
que vous avez fait tout cela ? La question
n'est pas difficile à décider. Vous
n'avez qu'à voir de quelle maniére vous
vous conduisez dans les païs étrangers.
Heureux ceux d'entre vous , & nous
avons la satisfaction d'en connoître plusieurs
de ce caractére , qui montrent
par une piété réelle , par une conduite
toute Chrétienne , que c'est véritablement
pour leur divin Maître qu'ils ont
souffert ! Mais par raport à ceux qui ne
soûtiennent point le glorieux titre de
Réfugié , qui le deshonorent par leurs
mauvaises actions , qui sont esclaves de
quelques passions vicieuses, comme, par
exemple , de l'orgueil , de l'avarice , de
la sensualité , ou qui foulent aux pieds
les loix de la charité , & de la justice;
[non,]
non, ces gens là ne seroient point fondez
à compter sur leur Réfuge. Ils se reposent
sur des paroles trompeuses . Ils seront
du nombre de ceux à qui le Grand
Juge dira : Je ne vous ai jamais connus .
Nous prenons le titre de Chrétiens
Réformez : vivons donc enfin comme
tels : sans cela , ce sera avec raison ;
du moins à de certains égards , que les
Catholiques Romains nous appelleront,
comme ils le font , les Prétendus Réformez.
Pour effacer ce que ce nom peut
avoir de flétrissant ; pour nous mettre
à couvert de leurs reproches ; pour
prouver que nôtre Réformation est
bien réelle , travaillons à nous instruire
de la Religion Chrétienne , de telle façon
que nous puissions en deffendre
les véritez , & combattre solidement
les erreurs opposées. Qu'il est beau,
qu'il est digne de l'homme d'avoir une
foi éclairée ; une foi pure , une foi dont
on puisse rendre raison ! Qu'il convient
à un Chrétien de savoir ce qu'il croit ,
& pourquoi il le croit !
Mais allons plus loin. Ne nous contentons
pas de nous distinguer par la
[pureté]
pureté de nôtre foi , distinguons nous
sur tout par la pratique de toutes sortes
de vertus.
Employons à cela tout
2. Pier. I.
5. &c.
nos soins , & joignons à nôtre foi la vertu ;
à la vertu , la science ; à la science,
la temperance ; à la temperance , la patience ;
à la patience , la pieté ; à la
pieté , l'amour de nos fréres ; & à l'amour
de nos fréres , la charité. Car si
ces vertus se trouvent en nous , & qu'elles
y soient dans un haut degré , elles ne
laisseront pas oisive & infructueuse la
connoissance que nous avons de nôtre Seigneur
Jesus-Christ : Mais celui en qui ces
vertus ne sont point , voit à peine ce qui
est près de lui ; c'est un aveugle ; il a
oublié la purification de ses péchez précedens .
Qu'il sera édifiant de nous voir
agir comme les enfans de Dieu , comme
les bourgeois du Ciel ! En apellant
Jesus - Christ
nôtre Seigneur , & nôtre
Maître , aimons le comme tel. Respectons
ses ordres ; Marchons sur ses pas.
Voilà , voilà une Réformation telle que
je la voudrois voir établie au milieu de
nous. Voilà l'endroit par lequel nous
fermerions la bouche à nos Adversaires.
Ils n'oseroient plus nous apeller
Prétendus [ Réformez. ] Réformez. Ou en tout-cas, nous saurions
à quoi nous en tenir. La pureté
de nôtre doctrine, & la sainteté de nos
mœurs , seroient un bouclier impénétrable ,
si propre à repousser tous leurs
traits. Si nous pouvons nous resoudre
à prendre un parti si sage , glorifions
nous , nous le pourrons , réjouïssons
nous de nôtre Réformation. Disons
hardiment , le Temple de l'Eternel ;
l'Eglise de Dieu , la véritable Religion.
Jesus-Christ nous reconnoîtra pour ses
disciples.
Nous serons ses amis , parce que
Jean XV.
14.
nous ferons tout ce qu'il nous commande .
Il nous placera à sa droite , quand il
Matth. XXV.
31.
viendra , dans sa gloire , accompagné de
tous les saints Anges , pour juger le monde ;
& il nous fera régner avec lui aux
Siécles des Siécles : AMEN.