LE TEMS FAVORABLE
DU SALUT:
OU SERMON
Pronon-
le II.
7bre.
1738 Jour de
Jeûne
Sur ces paroles du Prophète Isaïe,
au chap. LV. vers. 6. Cherchez
l'Eternel pendant qu'il se trouve .
A toute chose sa saison, & à
Eccl.III.
vers. 1.
2. &c.
toute afaire sous les Cieux
son tems , dit le Sage dans
l'Ecclésiaste.Il y a un tems
de naître , il y a un tems de mourir ;
Un tems de pleurer , & un tems de
rire; Un tems de se taire , & un tems de
parler; Un tems de guerre, & un tems de
paix . Nous pouvons dire de même :
Il y a un tems de salut , & un tems où
il n'y a point de salut. Et de là nous
[de-]
devons conclure qu'il est de la prudence
de savoir prendre son tems dans
l'afaire du salut , comme dans toutes
les afaires de la vie , & de chercher
l'Eternel pendant qu'il se trouve .
C'est le sage avertissement que le
Prophète donnoit aux Juifs dans mon
texte. Heureux ! si nous en savions
mieux profiter qu'eux, & y faire servir
le jeûne que nous célébrons aujourdui
par l'ordre de nos Souverains.
Tout nous y engage d'une façon indispensable.
Lors que nous réfléchissons
sur l'abus que nous faisons des
bienfaits de Dieu envers nous , & en
particulier de la longue patience avec
laquelle il nous suporte & nous atend
à la repentance ; Lors que nous considérons
les fleaux dont il a frapé divers
Peuples autour de nous , & ceux
qu'il nous a fait quelquefois sentir à
nous-mêmes ; L'irréligion & l'impiété
qui régne parmi nous , malgré tous
ces atraits de la grace & de la miséricorde
de Dieu : Tout cela ne nous
donne que trop lieu de craindre que
Dieu ne nous cache enfin sa face ,
& qu'il ne vienne un tems de ténébres
[bres]
& de calamité où nous voudrons
chercher Dieu , mais où Dieu ne se
trouvera plus. C'est pour prévenir ce
malheur , que je vai vous adresser
cette exhortation si nécessaire : Cherchez
l'Eternel pendant qu'il se trouve .
Pour lui donner toute la force dontDivision
je serai capable , je vous montrerai,
1. , que nous nous sommes éloignés
de Dieu par nos péchez & par nos
crimes. 2. Je vous ferai voir ensuite
qu'une telle conduite a obligé Dieu à
s'éloigner de nous à plusieurs égards,
& que nous devons craindre qu'il ne
s'en éloigne entiérement. De là je
vous ferai sentir , en 3e. lieu , la nécessité
qu'il y a de chercher l'Eternel .
Mais afin de ne laisser point de lieu
à la sécurité , je vous montrerai en
dernier lieu qu'il est un tems où Dieu
se trouve , & un tems où il ne se
trouve point ; Ce qui m'engagera à
vous exhorter à ne pas laisser écouler
le tems auquel Dieu peut se trouver ,
mais à chercher l'Eternel pendant
qu'il se trouve , & qu'il nous
ofre encore sa grace. Puisse nôtre
foible voix se faire entendre jusques
[dans]
dans le fond de vos cœurs! Et toi ,
Grand Dieu , sois propice à nos vœux !
Et fais que te cherchant par tous les
mouvemens de la plus vive repentance ,
nous te trouvions avec toutes
tes graces & tes bénédictions ! Amen.
PREMIERE PARTIE.
Voies
par lesquelles
nous
nous
sommes
éloignés
de
DieuD'abord, MES FRÉRES, considérons
nôtre état , & combien nous
nous sommes malheureusement éloignés
de Dieu. C'est une vérité dont
il est nécessaire de nous bien convaincre.
Suivez-nous dans les détails où
nous allons entrer sur ce sujet , & aportez-y
des cœurs vraiment humiliés
en la présence de Dieu , dans le
sentiment de vos péchez & de vos
crimes.
L'incrédulité.Nous nous éloignons de Dieu par
nôtre incrédulité. Saint Paul dit que
Hebr.XI.
vers. 6.
que pour s'aprocher de Dieu , il faut
croire que Dieu est , & qu'il est le
rémunerateur de ceux qui le cherchent .
Comme la foi , qui nous fait admettre
son existence & tout ce qu'il nous révèle,
nous aproche de lui & nous unit
[nit]
à lui , l'incrédulité qui nous fait
rejetter ou revoquer en doute ces
dogmes , nous éloigne de lui , &
fait que nous sommes , comme Saint
Paul le disoit des Païens qui ne connoissoient
pas Dieu , comme si nous
étions sans Dieu & sans espérance dans
le monde . Or qui ne sait combien
l'incrédulité est aujourdhui devenuë
commune ? Combien ne voit-on pas
de ces hommes vains , qui , soit par
un principe de singularité, soit par
un principe de libertinage , sapent les
vérités fondamentales de la Religion?
Rejettent la Révélation , qu'ils ne regardent
que comme un système de politique ,
fait à plaisir pour retenir les
Peuples dans le devoir , malgré les
preuves les plus évidentes qui en démontrent
la divinité ? Rien n'est plus
afligeant que de voir le mépris que
l'on fait de la Religion , & la liberté
que l'on se donne d'ataquer , tantôt
ce dogme , tantôt un autre ; Comme
le mystère de nôtre Rédemption par
Jésus-Christ , & tout ce qui n'est pas
au niveau des foibles lumiéres de nôtre
esprit. Cette malheureuse disposition
[tion]
est sur tout entre tenuë & fortifié
par la lecture de certains livres,
qu'on ne sauroit assez condamner , &
qui semblent avoir été composés exprès
pour répandre l'incrédulité dans
le monde. On lit ces livres avec avidité.
On retient ce qu'ils ont de plus
pernicieux , & de plus propre à nous
afermir dans nos doutes. On se fait
ensuite un plaisir de glisser dans ses
discours ce poison dangereux , & de
faire de la Religion le sujet de ses fades
railleries ; Ce qui produit souvent
un éfet funeste dans l'esprit de ceux
qui les écoutent.
La négligence
à
lire la
Parole
de Dieu.Nous nous éloignons de Dieu par
la négligence avec laquelle nous lisons
sa Parole. Dieu nous parle dans sa
Parole. C'est là qu'il nous fait entendre
ses Oracles. C'est là que nous
nous instruisons de sa volonté , de ce
que nous avons à espérer après cette
vie , & de ce que nous devons faire
pour y parvenir. C'est là que Dieu
se communique à nous , & c'est le
canal , s'il faut ainsi dire , par lequel
nous recevons communément toutes
ses graces. Quand donc nous lisons
la Parole de Dieu avec de bonnes &
de saintes dispositions , nous nous approchons
de lui : Quand nous la négligeons ,
nous nous en éloignons incontestablement.
Mais , helas ! qu'elle
n'est pas nôtre froideur & nôtre indiférence
à cet égard ! La Parole de
Dieu fut-elle jamais plus négligée qu'elle
l'est en nos jours ? Et n'est-ce pas
là la cause de l'impiété & de l'irréligion ,
qui sont répanduës si généralement
dans le monde ? Il en est qui,
au lieu de la lire chaque jour , cette
Parole de Dieu , ne la lise pas une
seule fois dans tout le cours de la
semaine , & à qui le Dimanche n'est
pas plus sacré pour ce sujet qu'aucun
autre jour ; C'est-à-dire qu'ils ne la lisent
presque jamais. Au lieu de prendre
plaisir à la lecture de la Parole
de Dieu , on s'empresse à lire des livres
prophanes , dont la plûpart ne
sont propres qu'à réveiller des passions
criminelles , ou tout au plus qu'à
amuser , & à faire perdre un tems
dont tous les momens sont si précieux.
Faut-il s'étonner après cela , si
l'on n'a point de goût pour la Religion
& pour la piété , & si au contraire
[traire]
l'irreligion & l'impiété sont sur le
thrône? Voici ce que dit sur ce sujet
un Savant Pére de l'Eglise:
† Tenez
pour certain, dit-il, que telle qu'est nôtre
chair , lors qu'elle ne prend qu'une fois
de la nourriture en plusieurs jours ,
telle est nôtre ame , quand elle ne se
nourrit pas très souvent de la Parole
de Dieu : Car comme le défaut de nourriture
rend nôtre corps sec & atenué,
ainsi l'ame , qui néglige de se fortifier
par le pain de la Parole de Dieu ,
devient foible & aride , & n'est propre
à aucune bonne œuvre .
Le relâchement
dans la
pratique
du service
divin.Nous nous éloignons de Dieu par
nôtre relâchement dans la pratique de
la piété & du service divin , soit public ,
soit particulier. Je viens déja
de parler de la négligence où l'on
tombe à l'égard de la lecture de la
Parole de Dieu , qui est une partie
essentielle du service particulier que
nous devons rendre à Dieu dans nos
maisons. A quoi je pourrois ajouter
le peu de soin que l'on a de le prier
[&]
& de l'invoquer , de la maniére que
l'on doit , pour atirer sur nous ses graces ,
& pour avoir avec lui ce doux
commerce qui fait toute la joie & la
consolation des Enfans de Dieu. Je
veux parler présentement du service
public que nous devons rendre à Dieu
dans le Temple , en nous unissant
pour lui rendre nos religieux
hommage par l'ouïe de sa Parole , par l'invocation
de son saint nom , & par le
chant de ses loüanges. C'est dans ces
saintes Assemblées que nous nous aprochons
de Dieu , & que Dieu se
communique à nous d'une façon particuliére ;
Car Jésus-Christ nous dit
que là
où deux ou trois seront assemblés
Matth.
XVIII.
vers. 20.
en son nom , il sera au milieu
d'eux . Négliger ce culte & ses Assemblées
solemnelles , c'est donc s'éloigner
de Dieu ; C'est se priver des graces
qu'il nous y communique. Mais peut-
on témoigner plus de mépris , que le
font la plûpart , pour ce service religieux
que Dieu nous recommande
avec tant de soin , & qui lui est si
agréable ? Parce que ce pain céleste
est devenu si commun , on s'en dégoute :
[goute :] On dit comme les Israëlites :
Toujours de la manne ! toujours de
la manne ! Il en est que l'on ne voit
presque jamais dans nos Temples. Si
le Dimanche , que Dieu s'est spécialement
reservé pour son service , étoit
au moins religieusement observé !
Mais à peine est-il distingué par quelques
uns des autres jours de la semaine ;
Et si l'on a assisté au service
du matin , ce seroit pousser trop loin
la dévotion que d'assister à celui du
soir. Que dirai-je d'ailleurs de la maniére
dont on s'aquite du Culte divin ?
C'est avec si peu d'atention ,
avec si peu de respect & de dévotion,
qu'on peut très justement apliquer aux
Chrétiens d'aujourdhui ce que Dieu disoit
aux Juifs par la bouche du Prophète
Is. XXIX.
1. 3.
Isaïe :
Ce Peuple s'aproche de
moi de sa bouche , & ils m'honorent
de leurs lévres , mais leur cœur est
bien éloigné de moi . En faut-il d'autres
preuves que cette irrévérence avec
laquelle certaines personnes viennent
se présenter devant lui , & étaler
à ses yeux tout le luxe & toutes
les vanités du monde ? Sur tout en
[faut-]
faut-il d'autres preuves que le peu de
fruit que produit aujourdhui la prédication
de la Parole de Dieu ? Comme
l'on ne vient point dans la maison
de Dieu dans le dessein de s'instruire
& d'avancer son salut , mais uniquement
pour satisfaire à la coutume,
& peut-être quelquefois dans des vuës
toutes mondaines ; Comme l'on n'y
aporte point l'atention & le respect
qui sont dûs à la Parole de Dieu ;
On ne l'écoute point , cette Parole
de Dieu , avec une docilité convenable ;
Et qu'après être sorti de ce
saint lieu , l'on ne réfléchit point sur
ce qu'on a ouï , & l'on n'y pense
plus , si ce n'est pour loüer le Prédicateur ,
ou pour le blâmer ; Aussi les
prédication deviennent entiérement inutiles ,
au moins à l'égard du plus
grand nombre ; Nous avons beau
prêcher , nous avons beau crier à
plein gosier , nous ne faisons que fraper
les oreilles du corps , & rien davantage.
Peut-on être dans un plus
grand assoupissement , & un plus grand
éloignement de Dieu?
[Nous] L'atachement
aux choses
de la
terre, &
la vie
mondaine.Nous nous éloignons de Dieu par
nôtre atachement excessif aux choses
de la terre , & par la vie mondaine
que nous menons. L'Apôtre Saint
Jean dit que
si quelcun aime le monde ,
l'amour du Pére n'est point en lui .
I. Jean
II. vers.
15.
Dieu & le Monde sont deux choses
trop oposées , pour que l'on puisse
s'atacher également à l'une & à l'autre:
Matth.
VI. vers.
24.
Nul , dit Jésus-Christ , ne peut
servir deux Maitres ; Car , ou il haïra
l'un & aimera l'autre, ou , s'il
s'atache à l'un il méprisera l'autre ;
Vous ne sauriez servir Dieu & Mammon .
Aimer le monde , c'est donc
avoir son cœur éloigné de Dieu. Eh !
que voions nous autre chose que des
gens de cet ordre ? Des gens qui ne
pensent , qui ne respirent , & qui
n'agissent que pour cette vie , sans se
mettre en peine de celle qui est à venir ?
Des gens qui vivent dans une
dissipation continuelle , & dont tous
les soins sont pour se procurer de
vains amusemens & des plaisirs frivoles ;
Qui languissent , s'ils ne sont en
compagnie , & s'ils ne se divertissent?
Toute leur vie se passe dans cette
[hon-]
honteuse oisiveté , & il ne leur reste
aucun tems pour s'atacher aux fonctions
de la vie spirituelle & chrétienne ,
dont ils n'ont pas même d'idée,
bien loin d'en avoir l'usage & la pratique.
Non , jamais la dissipation ,
l'oisiveté , l'amour des plaisirs , l'amour
du monde , n'ont été portés
au point où nous les voions aujourdhui.
C'est que le cœur étant vuide
de Dieu , il faut qu'il se remplisse
des vanités de la terre : N'étant point
ataché à Dieu , il faut qu'il prenne
des atachemens pour d'autres objets,
quelque incapables qu'ils soient de
le satisfaire.
Enfin , nous nous éloignons deLa corruption
des
mœurs.
Dieu par les passions & les vices qui
souillent nôtre ame, & interrompent
tout commerce entre Dieu & nous ,
& par le dénûment de ces vertus qui
nous rendent semblables à Dieu , &
nous font aprocher de la nature divine.
Et sur cet article , Grand Dieu!
que d'afligeantes idées se présentent à
mon esprit , lors que je réfléchis sur
nos déréglemens & sur la corruption de
nos mœurs ! En général, je vous le demande ,
[mande ,]
MES FRÉRES , peut-on
dire que l'on voie régner au milieu de
de nous le vrai Christianisme, & que
l'on porte les marques des vrais Enfans
de Dieu ? N'est-il pas vrai que
les passions ont pris sur nous un empire
presque absolu , & qu'il n'est rien
que l'on ne fasse pour les assouvir ?
Les maximes de l'Evangile sont-elles
aujourdhui la régle de nos sentimens
& de nôtre conduite ? Non : Ce sont
les maximes du monde , l'usage du
siécle , que nous suivons ; Ce sont
nos intérêts temporels que nous consultons ,
& que nous prenons pour
règle de nôtre conduite , préférablement
à la volonté de Dieu. Nous ne
voions point parmi nous cet amour
de Dieu , qui doit nous le faire préférer
à tout. Nous n'y voions point
cet amour du prochain , qui doit nous
rendre ses interêts communs avec les
nôtres. Nous n'y voions point , à
l'égard de soi-même , cette conduite
sage & bien réglée , qui fait la gloire
du Chrétien. Nous y voions au contraire
un manque d'amour & de respect
pour Dieu le plus manifeste.
[Nous]
Nous voions ses Sabats violés &
prophanés , par la négligence à se
rencontrer dans les Assemblées publiques
de l'Eglise , par des promenades ,
par des parties de plaisir ,
de jeu , de débauche. Nous voions
son saint nom outragé & blasphémé
par des juremens éxécrables , qui sortent
de la bouche de presque tout le
monde , sans distinction d'ordre , de
sexe , ni de condition ; Quoi que
Dieu ait déclaré formellement dans sa
Loi , qu' il ne tiendra point pour innocent
celui qui prendra son nom en vain .
Nous voions que l'on se conduit envers
le Prochain , non pas comme
envers des Fréres , qui ont la même
nature que nous , & qui sont descendus
d'un même Pére , mais comme
envers des Créatures qui seroient
d'une autre espèce que nous ; Comme
envers des Enemis , que l'on cherche
à humilier , à détruire , soit dans leurs
biens , soit dans leur réputation. Il
n'y a pas parmi nous cette amitié ,
cette union , cette concorde , qui devroient
se rencontrer entre les Membres
d'une même Communauté ; Et
[l'on]
l'on voit au contraire régner dans les
familles , & entre les proches mêmes ,
des haines , des jalousies , des
divisions honteuses. Au lieu d'agir
sincérement & de bonne foi , chacun
avec son prochain , on emploie l'hypocrisie ,
la ruse , l'artifice , les détours ,
la mauvaise foi , & souvent
les injustices les plus marquées. On
se déchire les uns les autres par des
médisances abominables , & quelquefois
par de noires & d'infames calomnies.
Et si l'on a reçu , on si l'on
croit d'avoir reçu quelque ofense d'une
personne , on cherche à s'en venger
& à lui nuire dans toute sorte de
rencontres , & l'on ne sait ce que
c'est que de pardonner. Quelle conduite
voions-nous encore que l'on tienne
à l'égard de soi-même ? A ce dernier
égard nous voions des gens d'une
avarice sordide , qui sont esclaves
du bien qu'ils possédent , & qui,
pour en aquerir davantage , sacrifient
leur santé , leur repos , quelques uns
leur conscience & leur propre ame.
Nous voions des gens qui ont une
passion si furieuse pour le jeu , que
[la]
la sainteté même du Dimanche n'est
pas capable de les retenir , & qu'ils
portent quelquefois la prophanation
jusqu'à y emploier les heures des exercices
publics. Nous voions des hommes
sensuels , qui donnent dans la
gourmandise , dans l'yvrognerie ; d'une
façon qui les deshonore , & qui
leur doit faire craindre les mêmes jugemens,
dont Dieu a souvent frapé
leurs semblables. Enfin, nous voions
des gens adonnés à l'impureté , qui
ne regardent ce péché que comme
une foiblesse pardonnable ; Quoi que
Dieu le défende si expressément & si
fréquemment , & que ce soit ce péché
qui a atiré , & sur des Nations
entiéres , & sur diverses personnes
particuliéres , les châtimens les plus
sévères. Ah! que n'avons-nous donc
pas à craindre pour nôtre Nation ,
où ce péché se manifeste par tout avec
tant de licence ? Ce seul péché
nous doit faire apréhender les fleaux
les plus terribles de la vengeance céleste.
Plusieurs d'entre nous se flaterontQue nous
nous sommes
tous éloignés
de Dieu.
peut être , & diront qu'ils ne se
[re-]
reconnoissent pas dans le dénombrement
que nous venons de faire de
tous ces vices grossiers qui caractérisent
diverses personnes , au nombre
desquelles il ne peuvent être mis avec
justice. Mais nous les prions de
suspendre leur jugement , & de ne
pas conclure de l'avantage qu'ils peuvent
avoir sur d'autres personnes à l'égard
des vices que nous avons nommés ,
que leur état en soit beaucoup
meilleur , & qu'ils ne se soient pas
aussi éloignés de Dieu d'une maniére
qui les rend , comme elles , les objets
de la colère divine. Avoüons-le,
avoüons-le, MES CHERS FRÉRES, nous
nous sommes tous éloignés de Dieu,
les uns d'une façon , & les autres d'une
autre. Ceux là mêmes qui sont les
plus réglés dans leur conduite ne sont-
ils pas sujets , l'un à ce défaut , l'autre
à un autre ? Et en persévérant ,
comme l'on fait , dans ces défauts ,
quelque petits qu'ils paroissent , ne
fait-on pas voir que l'on n'a point de
véritable piété , ni de véritable crainte
de Dieu ? D'ailleurs , quand on
s'abstiendroit de tout mal , qui sont
[ceux]
ceux qui s'apliquent à faire tout le
bien auquel ils sont apellez ? Et combien
n'y a-t-il pas de ces arbres stériles ,
qui ne portent point de fruits ,
& qui , s'ils ne font des œuvres convenables
à la repentance , seront coupés
& retranchés , aussi bien que ceux
qui n'en portent que de mauvais.
Après cette description que nous
Qu'on se
vante
faussement
d'être Chrétiens. venons de faire , MES FRÉRES,
de nos égaremens , & de toutes les
voies par lesquelles nous nous sommes
éloignés de Dieu , où je ne crois
pas d'avoir rien éxagéré , que pensez-
vous présentement de nôtre état ?
Reconnoissez-vous , dans cette conduite
que nous tenons les caractères des
vrais Enfans de Dieu ? Y voyez-vous
ce vrai Christianisme , qui
ne consiste,
Rom.
XIV.
vers. 17.
comme dit Saint Paul , ni dans le
manger , ni dans le boire , c'est-à-dire,
dans la pratique des devoirs extérieurs
de la Religion , mais dans la
justice , dans la paix , & dans la joie
que nous avons par le Saint Esprit ? Non , non , je ne crois pas que vous
puissiez vous faire illusion jusqu'à ce
point. Non , nous ne sommes pas
[Chré-] Chrétiens. Comparez la conduite que
l'on tient aujourdhui avec celle des
prémiers Disciples de Jésus-Christ ,
& vous verrez combien on s'en est
éloigné , & que ce n'est que par abus
que nous osons encore nous apeler
Rom.
VIII.
vers. 9.
Chrétiens. Saint Paul dit que
celui
qui n'a pas l'Esprit de Jésus-Christ
ne lui apartient pas , ou n'est pas son
disciple : Mais avons-nous l'Esprit de
Jésus-Christ , puis que c'est l'Esprit du
monde & nos passions qui nous gouvernent ,
au lieu de nous laisser conduire
par l'Esprit de Jésus-Christ ? Or
si nous ne sommes pas les Disciples
de Jésus-Christ , nous n'avons aucune
part avec lui ; Nous sommes hors de
sa Communion ; Nous sommes donc
des Enfans de colère , qui ne pouvons
atendre que les éfets de la colère
du Tout-puissant. Parce que nous
nous sommes éloignés de Dieu , Dieu
s'est éloigné de nous. O funeste éloignement !
Quelque terrible que soit
cette pensée , arrêtons-y cependant
nôtre atention. Plus touché de nos
maux que du sentiment de nos crimes ,
peut-être serai-je assez heureux
[pour]
pour vous inspirer une fraïeur salutaire ,
& vous porter à rechercher la
grace & la faveur de Dieu par vôtre
retour vers lui , je veux dire par vôtre
conversion & par vôtre repentance.
SECONDE PARTIE
Je ne doute pas , MES FRÉRES, Que
Dieu
s'est
éloigné
de
nous à
plusieurs
égards.
que vous ne regardiez d'abord comme
une proposition insoutenable ce
que j'avance , que Dieu s'est éloigné
de nous. Ne nous donne-t-il pas ,
direz-vous , des marques sensibles de
sa présence par les soins qu'il prend
de nous , soit par raport au temporel ,
soit par raport au spirituel ? Au
prémier égard Dieu nous fournit abondamment
tout ce qui nous est nécessaire
pour cette vie : Il nous envoie
les pluïes du Ciel , qui rendent nos
campagnes fertiles ; Et si quelquefois
nous ne faisons pas des recoltes abondantes
de certaines denrées , il ne
nous laisse cependant jamais manquer
du nécessaire , & sur tout de ce qui
est le plus nécessaire pour le soutien
de la vie. Il nous conserve la paix &
la tranquilité dans nôtre Païs , pendant
[dant]
que d'autres Peuples sont exposés
à des troubles & à des guerres
très cruëlles ; Et il nous garantit de
ces fleaux , qui ravagent bien souvent,
comme nous le voions encore aujourdhui ,
des Nations étrangéres. Mais ,
ce qui est plus considérable encore ,
il nous fait jouïr , par raport au spirituel,
d'une entiére liberté de conscience :
Il nous fait prêcher sa Parole ,
& administrer ses Sacremens : Et nous
pouvons lui rendre librement dans nos
Temples le service que nous lui devons,
pendant que bien d'autres sont privés
de ce précieux avantage.
Je conviens de tout cela , MES
FRÉRES, & nous ne saurions assez
bénir Dieu de ce qu'il nous distingue
d'une façon si particuliére de plusieurs
autres Peuples. Heureux, si nous en
profitons ! Mais le peu de cas & l'abus
que nous en faisons ne le portent-ils
point à retirer sa bénédiction de toutes
ces choses , dont il nous laisse
encore jouïr pour nous rendre plus
inexcusables ? Malgré la facilité que
chacun auroit de vivre commodément
& agréablement , s'il savoit bien user
[des]
des graces de Dieu , ce Païs n'est-il
pas reduit à une pauvreté manifeste ,
par l'yvrognerie , les procès , le luxe
& la vie déréglée de ses Habitans ,
ce qui cause la ruïne d'une infinité de
gens ? Et pour ce qui est de l'exercice
public de nôtre Religion par le
Ministère Evangelique , n'est-il pas
visible que Dieu , pour nous punir
de l'abus que nous en faisons , en a
retiré sa bénédiction , en sorte qu'il est
devenu comme entiérement inutile ?
On vient au Temple , on communie,
on jeûne , mais on ne voit aucun
fruit de ces exercices de Religion.
Quel sujet de gémissement, Bon Dieu!
Et qui ne regarderoit cela comme un
éfet du juste jugement de Dieu ? Comme
une marque qu'il s'est éloigné de
nous ?
Cette corruption même si générale
qui régne parmi nous , cette violence
avec laquelle chacun se livre à ses
passions , sans consulter d'autre régle
que ses propres intérêts & les mouvemens
de son cœur corrompu , n'est-
ce pas encore là une preuve que Dieu
s'est éloigné de nous ? Après l'avoir
[assez]
assez long tems méprisé ; & lui avoir
fermé la porte de nos cœurs , ce
bon Dieu , par l'éfet le plus terrible
de ses jugemens , semble enfin s'être
retiré de nous , il nous abandonne
à nôtre endurcissement & à la malice
de nôtre cœur , il nous laisse marcher
dans nos voies , jusqu'à ce que la
mesure de nos crimes étant comble
il fasse tomber sur nous les fleaux
redoutables que sa justice nous prépare.
N'avons nous point eû depuis un
certain nombre d'années , MES FRÉRES ,
d'avant-coureurs de ces terribles
fleaux qui nous accableront infailliblement ,
si nous ne les prévenons
par une prompte repentance , & par
où nous pouvons juger que Dieu s'éloigne
de nous ? N'avons-nous pas
souvent été menacés de guerres de la
part de nos voisins ? En n'en avons
nous pas même eû à soutenir une l'an
1712, dont le souvenir nous remplit
encore de fraïeur , par la vuë du danger
extrême que nous y courumes ,
malgré la victoire & les avantages
dont il plut à Dieu de bénir nos armes ?
[mes ?]
N'avons-nous pas vû des maladies
épidémiques parmi les hommes ,
la mortalité parmi les bestiaux,
faire au milieu de nous de grands
ravages , & nous jetter dans la consternation
& dans le trouble ? Quels
désordres les tempêtes ne causent-elles
pas si souvent dans nos Campagnes ,
comme nous l'avons encore éprouvé
cette année même ? Quels autres
maux le dérangement des saisons ne
nous cause-t-il pas souvent , soit dans
nos propres corps , soit dans les fruits
de la terre ? Que de fréquens incendies
reduisent quantité de familles à
une afreuse désolation ? Que nous dit
tout cela , si ce n'est que la main de
Dieu est levée contre nous , qu'elle
a déjà frapé plusieurs coups , & que,
comme Dieu va par degrez dans la
dispensation de ses châtimens , nous
ne devons pas douter qu'il ne frape
enfin sur nous les coups les plus terribles ,
si nous ne songeons à l'apaiser
par nôtre conversion & par nôtre
repentance ?
Quel jugement devons nous faire
d'ailleurs des fleaux que Dieu fait
[tomber]
tomber sur d'autres Peuples , tout autour
de nous ? Considérez les ravages
que la guerre a fait il n'y a que
peu d'années dans l'
Italie & dans la
Pologne , & qu'elle fait aujourdui dans
des Païs éloignez.
* Réfléchissez
sur la triste & afligeante mortalité ,
qui a emporté tant de nos Fréres en
divers Païs , & en particulier dans une
Ville du Roïaume voisin.
† Faites
une atention particuliére à celle qui
se fait aujourdhui sentir dans la
Hongrie,
la
Transylvanie , la
Moldavie,
la
Valachie &c. Et qui nous oblige
à prendre des précautions pour nous
en garantir ; Mais précautions inutiles ,
si le tems auquel le décret de
Dieu doit enfanter , pour parler avec
un Prophête , est venu. Rapellez encore
dans vôtre mémoire ces horribles
tremblemens de terre, qui ont
quelquefois enseveli des Villes entiéres ,
& entr'autres , il n'y a pas bien
des années , la Capitale du Roiaume
[de] de Sicile,
(a) du moins en grande
partie. Rapellez cet afreux incendie,
qui a consumé presque en son entier,
il n'y a que deux ans , une Ville
qui est sur les frontiéres de nôtre
Païs.
(b) Le funeste accident , causé
par le feu du Ciel , & l'incendie qui
le suivit de peu de jours , arrivé l'année
derniere dans la Capitale du Canton
le plus proche de nous.
(c) Rapellez cette inondation épouvantable ,
qui a ruiné , sur la fin de la
même année , une étendue de plus
de 60. lieües de païs ,
(d) d'une façon
la plus tragique & la plus extraordinaire.
Sur tout n'oubliez pas sitôt
les troubles arrivés tout recemment
chez nos voisins & nos Alliés,
(e) qui
ont mis leur République à deux doigts
de sa perte , & dont la ruïne auroit
sans doute entrainé la nôtre , si Dieu
n'avoit encore suspendu sur elle & sur
nous l'éxécution de ses jugemens.
Que nous crient tous ces fleaux , qui
[depuis]
depuis plusieurs années se proménent
sur toute l'Europe , & qui sont venus
si près de nous , si non que si
nous ne nous amandons , nous périrons ,
comme d'autres sont péri , puis que
nous n'avons point de privilège particulier
qui nous distingue des autres
Peuples ? Que Dieu s'est déjà éloigné
de nous , comme nous nous sommes
éloignés de lui ; Et que, si nous
ne le cherchons incessament , il nous
cachera entiérement la face : & nous
éprouverons combien est misérable le
Peuple , & combien sont misérables
tous ceux dont l'Eternel n'est plus
le Dieu. Le seul moien d'éviter ce
malheur , c'est donc de chercher l'Eternel.
C'est à quoi j'ai voulu vous
amener dans ce discours ; Et je vai
redoubler mes éforts , pour vous y
engager le plus fortement qu'il me
sera possible. Redoublez aussi de vôtre
côté votre atention : Et touchés de
vôtre état & de la situation présente
de l'Eglise , tant en général qu'en
particulier, excitez vos ames à chercher
l'Eternel. Cherchez l'Eternel pendant
qu'il se trouve .
[TROI-]
TROISIEME PARTIE.
Chercher l'Eternel , c'est rechercherComment
nous
devons
chercher
l'Eternel.
sa protection , sa grace , sa bienveillance
& sa faveur ; C'est chercher à
s'aprocher de lui & à s'unir à lui,
pour participer à tous les biens qui
découlent de sa bienheureuse communion.
Nous devons chercher Dieu par
les voies oposées à celles , par lesquelles
nous nous en sommes éloignés.
Nous nous sommes éloignés dePar la
Foi.
Dieu par nôtre incrédulité. Cherchons-
le par la foi , en recevant toutes les
vérités qu'il nous révéle , quelque
incompréhensibles même qu'elles soient:
Et sur tout ces vérités fondamentales
du Christianisme , dont la créance
nous unit à Dieu d'une façon plus
particuliére , je veux parler de celles
qui se raportent à Jésus-Christ. Reconnoissons
pour le Fils de Dieu , le
Messie promis par les Prophètes , le
Rédempteur des hommes , dont la
mort a été le prix de nôtre Rédemption.
[tion.]
Tenons-nous atachés à lui ,
comme à la source de toutes les graces.
Et sachant qu'étant éloignés de
Dieu , comme nous le sommes , depuis
la chute funeste de nos prémiers
Parens , nous ne pouvons pas nous
en raprocher par nous mêmes , ni nous
sauver par nos propres forces , recourons
à lui , comme à celui qui est le
vrai Médecin de nos ames , &
qui est
I.Cor. I.
vers. 30.
devenu par la volonté de Dieu nôtre
sagesse , nôtre justice , nôtre sanctification ,
& nôtre Rédemption .
Par la
lecture
de la Parole
de
Dieu.Nous nous sommes éloignés de Dieu
par nôtre négligence à lire sa Parole.
Cherchons-le dans cette sacrée Parole.
C'est là que nous le trouverons. C'est
là qu'il nous instruira ; C'est là qu'il
nous consolera ; C'est là qu'il nous
proposera des exemples de vertu , les
plus propres à nous y entrainer ;
C'est là qu'il nous soutiendra par des
promesses magnifiques ; C'est là qu'il
nous distribuera ce pain céleste , qui
nourrira nos ames pour la vie éternelle ;
C'est là enfin qu'il se communiquera
à nous avec toutes ses graces.
Je vous l'ai dit , MES FRÉRES ,
j'attribue principalement l'irréligion &
l'impiété qui régne dans ce tems au
défaut de la lecture de la Parole de
Dieu ; Enlevons la cause de cette
malheureuse impiété. Au lieu de lire
ces livres prophanes , qui nous éloignent
toujours plus de Dieu , & nous
font perdre le goût des choses divines ,
faisons nous une loi de lire chaque
jour l'Ecriture Sainte , & que ce
soit là le vœu solemnel que nous fassions
en ce jour d'humiliation & de
repentance. Ah ! quel plaisir ne goûterons
nous pas dans la lecture de ces
saints Livres , dès que nous en aurons
une fois connu la beauté & senti la
vertu ! Quelle force ne nous donneront-
ils pas , pour nous faire suporter
nos aflictions & nos misères ! Quelle
lumiére , pour dissiper nôtre ignorance
& nos illusions ! Quel secours , pour
nous faire marcher dans le vrai chemin
qui conduit à la félicité.
Nous nous sommes éloignés dePar l'aplication
au
service
divin.
Dieu par nôtre relâchement dans la
pratique du service divin. Cherchons
le désormais par nôtre atachement à
son culte , soit public , soit particulier.
C'est par ce culte que nous nous
[aprochons]
aprochons de Dieu , & que nous avons
un commerce particulier avec Dieu ;
C'est encore là que nous le trouvons ,
& que nous atirons sur nous ses bénédictions.
Qu'on nous voie donc
plus assidus dans les saintes Assemblées ,
plus empressés à la participation
des Sacremens , plus apliqués à la
priére. Faisons sur tout de ce dernier
moien un usage continuel. C'est sans
contredit le plus prompt & le plus
éficace que nous puissions emploier
pour trouver l'Eternel , & pour obtenir
sa grace & sa faveur. C'est ce saint
exercice de la priére , qui fortifie de
plus en plus dans les Enfans de Dieu
l'heureuse union qu'ils ont avec lui
C'est une source inépuisable de consolations ,
au milieu des diférentes misères
qui nous environnent. C'est un
azile assuré contre tous les maux & les
dangers qui nous menacent , ou auxquels
nous sommes exposés. Que ne
devons-nous pas sur tout atendre de
nos priéres , si , pénétrés de nos miséres
communes , nous joignons tous
nos cœurs pour faire requête à l'Eternel ,
& pour le suplier de revenir
[vers]
vers nous & de détourner de dessus
nous ses jugemens , avec promesses
de nous convertir à lui & de ne plus
l'outrager par nos crimes ? Adressons
lui donc la même priére que Daniel ,
jeûnant , fit à ce grand Dieu , pour
obtenir la délivrance du Peuple d'Israël
de la captivité de Babylone.
Disons lui comme ce Prophète , en
lui faisant une confession sincère de nos
péchez , & en aiant une vive componction
de cœur.
Hélas ! Seigneur,
Dan. IX.
vers.
40.
19.
le Dieu Fort , le Grand , le Terrible,
qui gardes l'Alliance & la gratuité à
ceux qui t'aiment & qui gardent tes
commandemens : Nous avons péché ,
nous avons commis l'iniquité , nous
avons fait de méchantes actions , nous
avons été rebelles , & nous nous sommes
détournés de tes commandemens.
Nous n'avons point obéi aux Prophètes
tes Serviteurs , qui ont parlé en
ton nom à nos Rois , aux Principaux
d'entre nous , à nos Péres , & à tout
le Peuple du Païs. O Seigneur ! à toi
est la justice , & à nous confusion de
face ; A nous , à nos Rois , aux
Principaux d'entre nous , & à nos Péres ,
[ res ,]
parce que nous avons tous péché
contre toi . Oui , Seigneur , nous nous
sommes tous rendus coupables en une
infinité de maniéres ! Mais les miséricordes
& les pardons sont du Seigneur
nôtre Dieu : C'est pourquoi
nous te prions que ta colère & ton indignation
soient détournées de dessus
nous. Ecoute la requête de tes Serviteurs ;
& fai reluire ta face sur ton
Sanctuaire qui est désolé. Nous ne te
présentons point nos suplications fondés
sur nos justices , mais sur tes grandes
compassions. Seigneur , exauce ; Seigneur ,
pardonne ; Seigneur , soit atentif ,
& opére : Ne tarde point , à
cause de toi-même , ô nôtre Dieu ;
Car ton nom a êté invoqué sur ta
Ville & sur ton Peuple .
Par le
détachement
du monde.Mais j'ai dit que nous devons
faire requête à l'Eternel , pour le
suplier de revenir vers nous & de détourner
de dessus nous ses jugemens ,
avec promesses de nous convertir à
lui & de ne plus l'outrager par nos
crimes. Il n'y a que nôtre conversion
qui puisse le rendre sensible à nos larmes
& à nos priéres , & nous faire
[éprouver]
éprouver le retour de sa bienveillance
& de sa faveur. Invoquer l'Eternel ,
lui confesser ses péchez , lui en demander
le pardon , & continuer à
l'ofenser , c'est l'insulter , & l'éloigner
toujours plus de nous. Je viens donc
à une 4e. voie de chercher l'Eternel.
Nous nous sommes éloignés de Dieu
par nôtre atachement excessif aux
choses de la terre , par nôtre vie
mondaine , par nos distractions &
nos dissipations continuelles. Cherchons
le en détachant nôtre cœur du
monde , & en le tournant vers lui ,
qui a des biens plus solides à nous
donner que tout ce que le monde
nous offre. Pourquoi courir toujours
après des biens qui n'ont que l'aparence ;
Des biens passagers ; Des biens
qui , après les avoir recherché & les
avoir même obtenu , échapent de nos
mains , nous laissent vuides de tout ,
& nous font perdre l'unique & le souverain
bien ? Cherchons le par nôtre
recueillement , & par une vie retirée,
qui nous laisse le loisir de penser à
Dieu , de réfléchir sur nous mêmes ,
de nous apliquer à nos devoirs , &
[de]
de nous avancer dans la sanctification.
N'est-il pas honteux de n'être jamais
à soi , s'il faut ainsi dire , & de ne
faire aucun usage du tems que Dieu
nous donne pour travailler à nôtre
salut ? Quel fruit retirez vous de cette
vie dissipée , dont vous vous êtes
fait une habitude ? Que trouvez vous
dans ces compagnies & dans ces Assembles
de gens du monde , que des
choses vaines , frivoles , qui séduisent
vôtre esprit & corrompent vôtre
cœur ? Quelle satisfaction éprouvez
vous , après vous être séparé de ces
assemblées mondaines ? Vôtre cœur
ne se trouve-t-il pas alors vuide ? N'éprouve-
t-il pas du dégout , & quelquefois
de l'ennui , de la tristesse ?
Et vôtre esprit encore tout rempli
des choses qui vous ont occupé pendant
la journée , êtes vous en état
de vous aquiter des actes de dévotion
à quoi la piété vous engage ? Ou
plutôt ne vivez vous pas dans un
oubli perpétuel de Dieu , & que faites
vous pour son service ? Sur tout,
quand vous vous verrez aux aproches
de la mort , ne vous trouverez
[vous]
vous pas alors sans force , sans secours ,
sans provision d'huile nécessaire ,
je veux dire , de bonnes œuvres ,
pour aller au devant de l'Epoux ,
& être admis dans la sale des
nôces , & la porte ne vous sera-t-elle
pas fermée , comme aux Vierges folles
de la parabole de l'Evangile ?
N'atendez pas ce moment fatal de la
venuë du Fils de Dieu , où il ne
sera plus tems d'aller chercher de
l'huile : Mais , renonçant dès à présent
à cette vie oisive & à ces vains
amusemens où le monde vous entraine ,
formez la résolution de vous apliquer
désormais à l'important ouvrage
que vous avez à faire ; C'est celui
de vôtre salut , qui demande tout
vôtre tems & vôtre vie toute entiére.
Enfin , venons à quelque chose dePar la
sainteté.
plus général , & indiquons la derniére
voie par laquelle nous devons tous
chercher l'Eternel , de quelque ordre
& de quelque condition que nous
soions. Nous nous sommes éloignés
de Dieu par nos passions & par nos
vices , aussi bien que par nôtre dénûment
[ment]
des vertus Chrétiennes , qui
nous font porter l'image de cet Etre
Suprême , & participer en quelque
façon à la nature divine. Cherchons
le par l'étude d'une véritable sainteté ,
qui détruise ces passions & ces
vices , & nous fasse aquerir toutes
les vertus chrétiennes : C'est par là
que nous trouverons Dieu , & que
nous aurons une communion intime
avec lui. C'est aussi le moïen que le
Prophète lui même nous indique ,
quand , après avoir dit dans mon
texte , cherchez l'Eternel pendant qu'il
se trouve , il ajoute : Que le méchant
quitte sa voie , & l'homme outrageux
ses pensées , & qu'il retourne à l'Eternel ,
& il aura pitié de lui . Que
chacun donc aujourdhui recherche ses
voies en la présence de l'Eternel , &
qu'il se fasse un nouveau plan de vie
pour l'avenir. Protestons tous ici devant
Dieu que nous voulons banir de
chez nous les passions & les vices qui
nous ont dominé jusques à présent ,
& que nous voulons aquerir les qualités
& les vertus qui nous manquent.
Que celui qui a manqué ci-devant au
[respect]
respect qu'il devoit à Dieu , se remplisse
vivement de l'idée de sa Grandeur
Suprême , & qu'il ne viole plus
ses Sabats , qu'il ne jure plus par son
nom , ni de quelque façon que ce
puisse être. Que celui qui a violé
les devoirs de la justice ou de la charité
envers les autres hommes , s'engage
à les observer à l'avenir avec
une éxactitude scrupuleuse , & à réparer
tous les torts qu'il peut leur avoir fait.
Que l'avare , que l'homme vain , que
cet homme , cette femme adonnée
au jeu , que l'yvrogne , que l'impur;
Que tous ces gens là soient fortement
résolus de réprimer des passions
qui les deshonorent , & de faire paroitre
à tous ces égards une modération
& un tempérance vraiment chrétienne.
Enfin , que chacun , dans son
état , prenne en ce jour le Ciel à
témoin de la sincérité de ses intentions ,
& des desseins qu'il forme de
remplir tous ses devoirs , & d'avancer
la gloire de Dieu dans tout ce qui
peut dépendre de lui. Que le Magistrat
y aporte tous ses soins. Que le Pasteur
s'y excite par un zèle toujours
[plus]
plus fervent. Et que les uns & les
autres soient les prémiers à donner
de bons & de pieux exemples : Car
il faut que la réforme commence par
les Chefs & par les Conducteurs , si
l'on veut qu'elle s'introduise parmi le
Peuple. Que le Marchand , le Négociant ,
l'Artisan , & tous les Ordres
d'hommes qui sont parmi nous entrent
dans les mêmes engagemens , & qu'ils
fassent vœu de suivre en toutes choses
les mouvemens les plus purs de
leur conscience , & de garder les statuts
de l'Eternel.
Ah ! MES FRÉRES, si la solemnité
de ce jour pouvoit produire au
milieu de nous un si heureux changement ,
que l'on verroit aussi changer
nôtre situation , & que nous en
éprouverions de favorables éfets !
Bientôt , bientôt Dieu , réconcilié
avec nous , n'auroit plus pour nous
qu'un visage de Pére , & rien ne
pourroit égaler nôtre bonheur. Je vous
vois à la vérité pénétrés de ces douces
& agréables idées , & je ne doute
pas que vous ne formiez des désirs
pour un état si glorieux & si avantageux.
[tageux.]
Il n'est question que de mettre
la main à l'œuvre , & de commencer
dès ce jour une réformation
si digne de nos souhaits. Ne renvoions
pas à un autre tems ce que
nous pouvons faire , & ce qu'il nous
importe de faire dès cette heure , puis
que ce sera peut être inutilement que
nous voudrons le faire dans une autre
occasion. C'est ce qu'il nous reste à
vous faire sentir , pour suivre les idées
qui sont renfermées dans mon
texte. Cherchez, dit le Prophète ,
cherchez l'Eternel pendant qu'il se
trouve .
QUATRIEME PARTIE.
Trouver l'Eternel , c'est éprouver
sa protection , sa grace & sa faveur ,
comme nous avons déja eû occasion
de l'insinuer ci devant.
Lors que le Prophète dit , cherchez
l'Eternel pendant qu'il se trouve , il
supose qu'il y a un tems où l'on peut
trouver l'Eternel , & un tems où l'on
ne le trouve plus ; D'où l'on doit
conclure , qu'il faut donc chercher
[l'Eternel]
l'Eternel pendant qu'il se trouve.
Pour prouver qu'il y a un tems
où l'on trouve l'Eternel , & un tems
où l'on ne le trouve plus , je considérerai
cette vérité à deux égards ;
Par raport aux Nations entiéres , &
par raport à chaque individu , où à
chaque homme en particulier.
Qu'il est
un tems
pour les
Nations
où elles
trouvent
l'Eternel
, &
un tems
où elles
ne le
trouvent
plus.A l'égard des Nations entiéres ,
il y a un tems où l'on peut trouver
l'Eternel : C'est celui pendant lequel
il maintient au milieu d'elle son Culte
& sa Religion , & leur donne diverses
marques de sa protection & de sa
bienveillance. C'est alors qu'on peut
le trouver , & se procurer les éfets
de sa grace , de ses bénédictions &
de ses faveurs , soit temporelles , soit
spirituelles ; En faisant un bon usage
de l'avantage que nous avons de pouvoir
lui rendre le culte que nous lui
devons , & de tous les autres biens
qu'il nous acorde ; En les faisant servir
à sa gloire , à l'avancement de
nôtre salut , & en lui témoignant
nôtre reconnoissance par nôtre obéïssance
& par la sainteté de nôtre vie.
Mais lors que nous abusons de ces
[moïens]
moïens que Dieu nous acorde pour
le glorifier & pour le servir ; Lors
que nous méprisons sa Parole , son
Culte , ses Sacremens , & que nous
ne sommes point touchés des bienfaits
qu'il nous acorde ; Lors qu'au
lieu de faire servir toutes ces choses
à nôtre conversion & à nôtre amandement ,
nous en prenons plutôt ocasion
de nous endurcir & de vivre
dans le crime ; Alors Dieu vient nous
ôter tous ces priviléges dont nous
jouïssons , & au lieu des témoignages
de bonté que nous recevions de lui
par les biens dont il nous favorisoit,
il fait éclater contre nous sa colère ,
& il déploie sur nous ses jugemens.
Alors l'Eternel ne se trouve plus. Alors
on a beau crier & se lamenter,
il est sourd à nos cris.
Le décret a
enfanté . Il faut subir l'arrêt qui est
prononcé. C'est ce que Dieu lui même
nous déclare positivement , quand il
dit dans le prémier chapitre des Proverbes :
Parce que j'ai crié , & que
Prov. I.
vers. 24.
28.
vous avez refusé d'ouïr , & que j'ai
étendu ma main , & qu'il n'y a eû
personne qui y prit garde ; Parce que
[ vous ]
vous avez rejetté tout mon conseil , &
que vous n'avez point agréé que je
vous repriße ; Je me rirai aussi de
vôtre calamité , & je me moquerai
quand vôtre éfroi surviendra , quand
la détresse & l'angoisse viendront sur
vous comme un tourbillon: Alors on
criera après moi , mais je ne répondrai
point ; On me cherchera de grand
matin, mais on ne me trouvera point .
Voulez vous un exemple , MES FRÉRES,
des malheurs qui afligent une
Nation qui a laissé écouler le
tems
Is. XLIX.
vers. 8.
favorable, le jour du salut ? Considérez
la Nation Juive , cette malheureuse
Nation qui n'a pas voulu profiter
de l'avertissement que le Prophète
lui donnoit dans mon texte , de
chercher l'Eternel pendant qu'il se
trouvoit au milieu d'elle par sa Loi ,
ses Prophètes , ses Oracles , & par
toutes les bénédictions dont il la
combloit. Voyez quelles ont êté ses
désolations , ses captivités , & comment
Dieu enfin l'a dispersée par toute
la Terre , pour être à tous les Peuples
un monument de sa justice , &
comme une voix qui leur crie ;
Cherchez
[ chez ]
chez l'Eternel pendant qu'il se trouve .
Mais si à l'égard des Nations entiéresQu'il est
aussi un
tems
pour
chaque
homme
en particulier
où il peut
trouver
l'Eternel
, &
un tems
où il ne le trouve
plus.
il y a un tems où elles peuvent
trouver l'Eternel, & un tems où
elles ne le trouvent plus , cela n'est
pas moins vrai à l'égard de chaque
homme en particulier. Le tems où
chaque homme peut trouver l'Eternel ,
c'est pour l'ordinaire tout le
tems de la vie. Pendant que Dieu
laisse vivre un homme sur la terre ,
quel que soit son état , il ne faut pas
desespérer de son salut : Peut-être Dieu
lui fera-t-il la grace de se convertir ,
non pas à la prémiére , ni à la seconde ,
mais à la derniére heure du jour.
Mais après que ce tems est passé , si
l'on n'a pas profité des moïens que
Dieu nous a mis en main pour travailler
à nôtre salut , si l'on a êté
sourd à sa voix & aux sommations
qu'ils nous a faites dans sa Parole ,
ou qu'il nous a fait adresser par ses
Serviteurs , si l'on n'a êté insensible
à ses bienfaits & à ses châtimens , à
ses promesses & à ses menaces ; Après
cela , dis-je , vient le tems qui suit
cette vie , une malheureuse éternité ,
[qui]
qui ne laisse plus de lieu à la repentance ,
& où Dieu ne se trouve plus:
Il n'est plus question alors que de se
livrer aux regrets & aux transports
du plus afreux desespoir , précipités
dans un abîme de tourmens , qui
sont sans remède , sans ressource.
Il n'est pas même seur que toute
la vie soit pour nous un tems où
nous puissions trouver l'Eternel. Vous
vous flatez , pécheurs , qu'en consacrant
tout le tems de vôtre jeunesse
& de vôtre santé au monde , & en
continuant à vivre , l'un dans ce vice,
& l'autre dans un autre , vous vous
repentirez à la mort , & que dans
ce tems là vous pourrez toujours
trouver l'Eternel , & que la porte de
la miséricorde vous sera ouverte. Mais
quelle assurance pouvez-vous en avoir?
Serez-vous bien en état de penser à
Dieu , & de faire tous les actes d'une
vraie repentance, lors qu'acablés de
maux & de foiblesse à peine pourrez-
vous réfléchir sur quoi que ce soit ,
bien loin d'avoir la force de vous élever
à Dieu , & d'entrer dans une
discution aussi exacte que celle qui
[seroit]
seroit nécessaire pour vous assurer du
pardon de vos péchez ? Que savez
vous d'ailleurs si vous ne perdrez pas
toute liberté d'esprit , & si vous ne
tomberez pas dans une létargie si ordinaire
aux mourans , qui , en assoupissant
vos sens , offusque aussi toutes
les lumiéres de vôtre entendement ?
Quand cela n'arriveroit pas , quel
fonds pourriez vous faire sur une repentance
aussi équivoque que celle que
vous pourriez témoigner dans ce tems
là , qui ne consisteroit qu'en quelques
soupirs , quelques larmes , quelques
regrets confus d'avoir péché , mais
qui ne seroit suivie d'aucune marque
certaine d'une vraie conversion , je
veux dire , du changement & de la
réformation des mœurs , à quoi seul
le pardon des péchez est promis ?
Quelle assurance enfin pouvez vous
avoir qu'une repentance ainsi diférée
jusqu'à la mort puisse vous être salutaire ,
& que Dieu l'accepte ; Qu'après
l'avoir méprisé pendant toute vôtre
vie , il se contentera que vous lui
disiez , lors que vous serez sur le
point de mourir , je me repens ,
[Seigneur]
Seigneur pardonne moi , fais moi grace
pour l'amour de Jésus Christ ?
Quelle idée vous faites vous de Dieu,
si vous croyez que cela sufise pour le
salut ? N'êtes vous pas mieux instruits
des conditions sous lesquelles nous
pouvons l'obtenir ? Reconnoissons le
donc , toute personne qui renvoie
sa conversion jusqu'à la mort , renvoie
à chercher Dieu jusqu'à un tems
où elle ne doit plus espérer de le trouver ,
& où la porte de la grace sera
fermée pour elle.
Je vai plus loin , & je dis qu'avant
le tems même de la mort il vient
souvent un tems pour les pécheurs
où ils ne trouvent plus l'Eternel. Vous
ne voulez pas , dites vous peut-être ,
renvoier à vous convertir jusqu'à la
mort : Vous vous proposez de le faire
plutôt , c'est-à-dire , lors que l'âge
destiné aux plaisirs sera passé , & que
vous serez plus avancé dans la vieillesse :
Vous vous trouvez présentement
dans des circonstances qui ne
vous permettent pas de rompre certaines
liaisons , de quiter certaines
habitudes ; Mais vous espérez qu'il
[viendra]
viendra un tems plus favorable , où
vous pourrez travailler à vôtre sanctification ,
& vous corriger de vos vices.
Mais quand viendra-t-il , ce tems
favorable ? Etes-vous assurez que la
mort ne vous surprendra pas ? Car
qui peut compter sur un seul jour de
vie ? D'ailleurs , quand vous pourriez
vous assurer de l'avenir , si vous
n'êtes pas disposés à vous convertir à
présent , le ferez vous mieux dans la
fuite ? Au contraire , plus vous renvoierez
vôtre conversion , plus elle
deviendra dificile , parce qu'alors vos
mauvaises habitudes seront toujours
plus invéterées , & que vous serez
engagés toujours plus avant dans le
crime , en sorte qu'à moins que Dieu
ne déploie sur vous une grace miraculeuse ,
vôtre conversion vous deviendra
entiérement impossible. Mais
quelle espérance pouvez vous avoir
que Dieu vous acordera dans ce tems
là la grace de la repentance ? Après
que vous l'aurez si longtems méprisé ,
que vous vous serez moqué de
ses exhortations les plus pressantes ,
que vous l'aurez honteusement abandonné ,
[donné ,]
pour suivre constamment
tous les désirs de vôtre cœur , vous
prétendez que Dieu sera toûjours prêt
à faire des miracles en vôtre faveur ,
pour vous porter à la conversion &
à la repentance ! Non , non , Chrétiens ,
c'est une illusion grossiére que
vous vous faites ; Et sachez que si
vous continuez à vous obstiner dans
vos vices , & dans le mépris que
vous faites de Dieu & de ses loix ,
il vous méprisera à son tour , & qu'après
avoir longtems frapé à la porte
de vôtre cœur , lassé de vos refus ,
il vous abandonnera enfin à vous
mêmes , & vous tomberez dans un
endurcissement & une impénitence finale :
Ce sera alors que Dieu ne se
trouvera plus , & que vôtre condition
sera desespérée.
Qu'il faut
donc
chercher
l'Eternel
pendant
qu'il se
trouve ,
soit pour
la surté
des Nations,
soit
pour le
salut de
chaque
homme.Quelle conséquence devons nous
tirer de tout cela , MES FRÉRES ,
si ce n'est qu'il faut donc chercher
l'Eternel pendant qu'il se trouve ?
Nous avons montré qu'il est un
tems pour les Nations où elles trouvent
l'Eternel , & un tems où elles
ne le trouvent plus. Si nous nous intéressons
[téressons]
pour nôtre Nation , profitons
du tems de la bienveillance auquel
Dieu ne s'est pas encore entiérement
retiré de nous. Qu'atendrons
nous pour nous convertir ? Atendrons
nous que Dieu frape les derniers
coups sur nous , & qu'il nous envoie
ces fleaux exterminateurs qui de
tems en tems ont ravagé , & qui
ravagent encore d'autres Païs ? Mais
alors il sera trop tard de vouloir
fléchir l'Eternel par nos larmes & par
nos priéres , C'est pendant que Dieu
fait entendre ses menaces , qu'il faut
désarmer sa colère. Ah ! que deviendrions
nous , si , au lieu de la paix
dont nous jouïssons à présent , des
Armées redoutables , des Soldats insolens ,
venoient se jetter dans nos
Contrées , désoler nos Campagnes ,
enlever nos biens , n'épargner ni femmes
ni enfans , & répandre par tout
la terreur & la désolation ? Que deviendrions
nous , si , au lieu de l'abondance
où nous sommes maintenant ,
Dieu venoit à nous rompre le
bâton du pain , & nous reduire aux
dures extrêmités où le défaut ou la
[cher-]
cherté des vivres jettent quelquefois ?
Quelle seroit nôtre consternation ,
si cette fatale perte , qui a afligé
ci devant une Ville qui n'est pas fort
éloignée du nous , & qui aflige aujourdhui
des Païs plus éloignés à la
vérité , mais dont l'éloignement ne
peut pas nous délivrer de toute
crainte sur ce sujet ; si cette peste ,
dis-je , venant à entrer dans nôtre
Païs , nous voïons en peu de tems
nos maisons & nos ruës remplies de
cadavres ; Si nous nous voïons abandonnés
par nos proches mêmes , sans
pouvoir nous secourir , par la crainte
de l'infection , n'entendant de toutes
parts que des pleurs & des gémissemens
lamentables ? Sur tout , quel
malheur ne seroit pas le nôtre , si ,
Dieu venant à nous ôter le Chandelier
de sa Parole & la pure lumiére
de la Réformation , nous voïons introduire
chez nous la superstition &
l'idolatrie ? Que seroit-ce , si nous
nous voïons exposés à la fureur &
la persecution d'une Eglise Antichrétienne ,
& obligés , comme l'ont
êté un si grand nombre de nos Fréres
[res]
qui sont encore aujourdhui parmi
nous , à chercher nôtre salut dans
la fuite , à perdre nos biens , à quiter
nos parens , & à passer le reste
de nos jours dans la pauvreté & dans
la misère ? Aucun de ces maux ,
par une faveur de Dieu toute particuliére
n'est encore venu sur nous :
Jusques ici Dieu a arrêté son bras ;
Il a suspendu ses coups ; Il s'est contenté
de nous menacer , & de nous
montrer que ce que nous avons à craindre
par les légers châtimens qu'il nous
a déjà envoiés , & par les fleaux
dont il a frapé d'autres Peuples. Prévenons ,
prévenons l'éxécution de ses
jugemens , que nous ne pouvons pas
éviter , si nous persévérons dans nôtre
endurcissement ? Cherchons l'Eternel
pendant qu'il se trouve .
Si nous ne voulons pas le faire ,
MES FRÉRES , pour l'intérêt que
nous devons tous prendre à la conservation
de nôtre Païs , & pour la
crainte des jugemens temporels , faisons
le au moins pour l'interêt que
chacun de nous doit prendre à son
propre salut , & pour la crainte des
[juge-]
jugemens éternels , qui sont infaillibles
pour les méchans après cette
vie. Dieu nous a donné le tems de
cette vie , pour travailler à nôtre
salut : C'est le tems de la grace &
de la miséricorde , où l'on peut trouver
l'Eternel ; Après quoi , si l'on
n'en profite pas , c'est le tems de la
justice & des sévéres vengeances , où
Dieu ne se trouve plus. Mais cette
vie est courte : Profitons du tems ,
pendant qu'elle dure. Nous ne sommes
pas même assurés de remplir le
cours ordinaire de la vie des hommes ;
Une mort subite , une maladie
imprévüe , nous le voions tous les
jours , vient souvent couper le fil
de nos jours , lors que nous nous
y atendons le moins : Nous ne pouvons
compter que sur chaque moment
où nous vivons ; Ne les perdons pas
inutilement , mais remplissons nous de
fraïeur chaque jour. Sans parler même
de l'incertitude de cette vie , plusieurs
qui pourront arriver à la derniére
vieillesse n'ont-ils pas déja fourni
la moitié , les trois quarts de
leur carrière , & n'en est-il pas qui
[touchent]
touchent au terme fatal où ils verront
expirer le tems où l'on peut
trouver l'Eternel ? Avec quelle ardeur
ne s'apliqueront-ils pas à racheter
le tems , & à mettre à profit tous
les momens qui leur restent ? Ne
comptez pas , qui que vous soiez ,
sur ce que vous pourrez faire dans
vôtre lit de mort : A la mort nous
ne sommes plus en état de rien faire
pour nôtre salut , & il seroit trop
tard , & peut-être inutile , d'y travailler
dans ce tems là. Je dis plus,
avant la mort même , si nous n'écoutons
pas la voix de Dieu , pendant
qu'il nous solicite à la repentance ,
il se retirera de nous , & de
degré en dégré nous parviendrons ,
par un éfet de son juste jugement ,
au dernier période de l'endurcissement ,
où Dieu ne se trouvera plus,
& nôtre salut sera entiérement desespéré.
Sentez vous toutes ces vérités
, MES FRÉRES ? Et si vous
les sentez , seriez vous si insensés
que de ne pourvoir pas à vôtre salut ,
pendant que vous le pouvez ?
Aujourdhui , aujourdhui que nous entendons
Hébr. IV.
vers. 7.
la voix de Dieu , n'endurcissons
point nos cœurs .
Que ne puis-je pousser plus loin
ces réflexions , MES FRÉRES !
Que mon discours n'a-t-il une force
toute divine , pour briser la dureté
de vos cœurs , & les soumettre à
l'obéïssance de Jésus Christ ! Que ne
2. Cor. V.
vers. 11.
puis-je, que ne puis-je ,
sachant ce
que c'est que la fraieur du Seigneur ,
vous porter tous à la foi , & à une
sincére conversion ! Alors , alors ,
nous pourrions nous assurer que Dieu
auroit pour agréable nôtre jeûne ,
qu'il jetteroit loin de lui tous nos
péchez , & qu'il ne nous donneroit
plus à l'avenir que des marques éclatantes
de sa bienveillance & de
sa faveur.
Alors, pour nous apliquer
les magnifiques promesses que
nôtre Prophète faisoit aux Juifs ,
s'ils jeûnoient de la manière qu'il leur
Is. LVIII.
vers. 8.
avoit marquée, Alors nôtre lumiére
brilleroit comme l'aurore , nôtre
justice marcheroit devant nous , &
la gloire du Seigneur seroit nôtre arriére-
garde . Grand Dieu , éxauce
[nos]
nos vœux ! Nous t'en prions pour
l'amour de Jésus Christ , à qui ,
comme à toi , Pére , & au Saint
Esprit , soit honneur & gloire , dans
tous les siécles ! Amen !